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PASTEUR ET PUBLIÉES PAR Ne °R2-D EC EUX MEMBRE DE L'INSTITUT PROFESSEUR A LA SORBONNE DIRECTEUR DE L'INSTITUT PASTEUR Assisté d'un Comité de rédaction composé de MM. CHAMBERLAND, chef de service à l'Institut Pasteur; D' GRANCHER, professeur à la Faculté de médecine; METCHNIKOFF, chef de service à l’Institut Pasteur; NOCARD, professeur à l'École vétérinaire d’Alfort; Dr ROUX, chef de service à l'Institut Pasteur: Dr STRAUS, professeur à la Faculté de médecine. TOME DIXIÈME 1896 AVEC SEPT PLANCHES PARTS MASSON ET C®, EDITEURS LIBRAIRES DE L’'ACADÉMIE DE MÉDECINE 120, BOULEVARD SAINT-GERMAIN D SRE ANAL QU ER A 4 , Te: de ÿ Gate CRETE Cr n . 6 FA Nr on 10me ANNÉE JANVIER 1896 No 4: | ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ÉTUDES SUR L'IMMUNITÉ VACCINALE ET LE POUVOIR EMMUNISANT DU SÉRUM DE GENISSE VACCINÉE Par MM. A. BÉCLÈRE, CHAMBON er MÉNARD, Médecin de l’Hospice Directeurs de l’Institut de vaccine animale Debrousse. de Paris. Les découvertes récentes sur les sérums préventifs et théra- peutiques ont rappelé l'attention sur les recherches faites en 4877, par Maurice Raynaud, sur l'infection et l’immunité vacci- nales. Déjà, à ce moment, les travaux de M. Chauveau‘ nous avaient appris que la lymphe vaccinale, injectée dans le tissu cellu- " laire sous-cutané chez le cheval, le bœuf et l'enfant. les rend réfractaires à toute inoculation ultérieure du vaccin, c’est-à-dire leur donne l’immunité d’une façon certaine, alors même qu'au- cune éruption ne s’est manifestée. C’est ce que M. Chauveau appelait la vaccine sans exanthème. Ce savant avait également constaté que, chez le cheval, l'injection intra-veineuse de lymphe vaccinale crée l’immunité aussi sûrement que l'injection sous- cutanée. Dans l'espèce bovine, croyait-il, il n’en était plus ainsi. Mais depuis lors on à vu * que, chez le veau, l'injection intra-vei- neuse de quantités même très faibles de vaccin entraîne cons- + tamment, comme chez le cheval, l'immunité complète sans autres manifestations générales ni locales. 1. Bulletins de l’Académie de médecine, 1866.— Vaccine originelle, in Revue de médecine et de chirurgie, 1S8TT. 2. Recherches expérimentales sur la vaccine chez le veau, par MM. Srraus, CHamBon et MÉNar». — Société de Biologie, séance du 20 décembre 1890: 1 JC, D'OR “ 19 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Pour bien juger des travaux de Maurice Raynaud :, il importe de ne pas séparer sa première note de 1877, à l’Académie des Sciences, de son mémoire lu l’année suivante à l’Académie de médecine, qui complète et, on peut dire, corrige cette note. Dans une première série d'expériences, il inocula, sous l’épi- derme d’enfants non vaccinés, du sang pris à des vaccinifères dont la date de vaccination variait de un jour à six semaines, et n'obtint ni vaccination sur place, ni immunité ultérieure. Il eut alors l’idée de recourir à la tranSfusion du sang pour agir sur de plus grandes quantités. Il saigna en pleine éruption vaccinale, avec l’aide de l’un de nous, une génisse inoculée depuis 6 jours, et transfusa 250 grammes du sang ainsi recueilli dans. la veine jugulaire d’une autre génisse non vaccinée. Cette dernière, 14 jours après, possédait l’immunité : 60 inoculations lui furent faites avec du vaccin éprouvé; toutes demeurèrent stériles. Alors, attribuant à la transfusion antérieure l’immunité cons tatée chez cet animal, Maurice Raynaud coneluait que le sang peut, «dans certaines conditions données, être considéré comme un très puissant véhicule du virus vaccinal ou tout au moins d’un principe capable de transmettre l'immunité ». Mais, comme il le reconnut un an après, il ne s'était pas mis assez en garde contre les inoculations accidertelles de vaccin. Quand, avec plus de précautions, il multiplia et varia de diverses facons les expériences de cette. seconde série, 1l ne réussit plus à produire à nouveau l’immunité, si bien qu’en 1878, revenant un peu sur ses premières affirmations, il se contentait de dire « que des quantités très notables de sang (250 à 500 grammes) peuvent être transfusées d'un animal vaccinifère à un animal non vacciné sans qu'il se produise ni éruption spécifique ni immunité; mais qu'il n’est pas impossible qu'exceptionnellement, soit dans des conditions de virulence extrême, soit avec une très grande quan- tité de sang, la transfusion produise d'emblée l’immunité chez l'animal récepteur. » $ Expériences de M. Chauveau. — En avril 1877, peu de jours 1. Maurice Rawnaup, Étude expérimentale sur le rôle du sang dans la trans- mission de l’immunité vaccinale. (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1877, tome LXXXIV, p. 453., 5 mars 1877 ) — De l'infection et de l’immunité vac- cinales. (Bulletin de l'Académie de médecine, 1878, p. 878.) Li IMMUNITÉ PAR LE SÉRUM DE GÉNISSE VACCINÉE 3 après la première note de Maurice Raynaud, M. Chauveau publiait des expériences qui en contredisaient les conclusions, et coneluait comme Maurice Raynaud devait le faire un an plus tard. + Deux transfusions de sang furent faites, d’un cheval porteur d'une éruption naturelle de horse-pox à sa période d'état à un cheval jeune et bien portant ; elles portèrent sur 1,000 grammes dans un cas, sur environ 500 grammes dans l'autre. Les résul- tats furent absolument négatifs. « Cela ne prouve pas, dit M. Chauveau, que le virus n'existe pas dans le sang. La seule signification incontestable de ce résultat, c'est que le sang de chevaux en pleine éruption vaccinale naturelle est si pauvre en matière virulente, qu’on peut prendre 500 à 1,000 grammes de ce sang sans être sûr d'y trouver une quantité de matière virulente capable d'infecter un sujet sain par transfusion. » Expériences de MM. Straus, Chambon et Ménard. — M. Straus et deux d'entre nous *, en 1889, reprirent ces expériences et montrèrent que l’immunité peut être conférée au veau par la transfusion du sang provenant d'un veau en pleine éruption vac- cinale au septième jour. Mais, pour obtenir cet effet avec une certitude presque absolue, il faut transfuser des quantités considé- rables de sang, 4. 5, 6 kilogrammes. La transfusion de 350 à 400 grammes dans une de ces expériences, comme celle de 500 à 1,000 grammes dans les deux expériences de M. Chauveau, ne donna aucun résultat. ” De ces faits, M. Straus et ses deux collaborateurs tirèrent cette conclusion « que le microbe (encore inconnu) de la vaccine existe dans le sang, pendant la période d’éruption, mais en très petite quantité... On pourrait aussi admettre que le sang de l’ani- mal en puissance de l'affection vaccinale ne contient pas le microbe même de la vaccine. mais des matières solubles sécré- tées par ce microbe dans les pustules, matières résorbées parle sang, et douées du pouvoir vaccinal. Mais la première hypothèse nous semble plus plausible ; le microbe de la vaccine passe cer- 1. Caauveau, Contribution à l'étude de la vaceine originelle. (Revue de méde- cine et de chirurgie, avril 4877.) 2. Srrausy CHauBoN et Méxarp, Recherches expérimentales sur la vaccine chez le veau. (Société de biologie, 20 décembre 1890.) À ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tainement dans le sang, chez le cheval, à la suite de l’inocula- tion cutanée, puisque cette inocuiation détermine parfois chez lui l'apparition d’une éruption de vaccine généralisée. ». Ces conclusions, on le voit, ne contredisaient en rien celles auxquelles avaient aboati, 13 ansplus tôt, M. Chauveau le pre- mier, et Maurice Raynaud après lui. Elles montraient que le sang d'animaux àu 6° ou 7° jour de l'éruption vaccinale, c’est-à-dire en pleine période virulente, se comporte comme le ferait un virus extèmement dilué, puisqu'il n’en faut pas transfuser moins de 4 à 6 kilogrammes, pour pro- duire sûrement l’immunité. Il semblait qu'il en füt de même pour le sang d’un animal vacciné, en dehors de la période +virulente, longtemps après la terminaison de la maladie et la dessiccation des pustules. MM: Straus, Chambon et Ménard avaient pu transfuser dans la veine d'un veau non vacciné, 5,500, c’est-à-dire la presque totalité du sang d’un autre veau vacciné sept semaines auparavant, sans réussir à conférer au premier de ces animaux l’immunité dont le second était possesseur. Tel était l’état de la question, quand, à la fin de l’année 1892, à la suite des expériences de MM. Richet et Héricourt et des travaux de MM. Behring et Kitasato, après la découverte des propriétés préventives et thérapeutiques du sérum des animaux immunisés contre diverses maladies contagieuses, nous eûmes l’idée de rechercherle pouvoir immunisant du sérum des génisses inoculées du cowpox, et de faire de nouvelles expériences que nous allons maintenant exposer. Nous voulons démontrer que le sérum des génisses vaccinées possède des propriétés pré- ventives et thérapeutiques contre la vaccine. Ce n'est pas seu- lement par curiosité scientifique que nous avons entrepris ces recherches, mais surtout avec l’arrière-pensée de les faire servir au traitement de la variole, s'il nous était prouvé que le sérum des animaux vaccinés possède vis-à-vis de la variole le même pouvoir préventif et curateur. Depuis lors; l’un de nous a, dans cette voie, tenté sur 17 varioleux des essais thérapeutiques dont les résultats seront prochainement publiés et montreront dans quelle mesure nos espérances étaient justifiées. + IMMUNITÉ PAR LE SÉRUM DE GÉNISSE VACCINÉE 8 Il POUVOIR IMMUNISANT DU SÉRUM DE GENISSE VACCINÉE Dans toutes nos expériences nous nous sommes conformés aux conditions suivantes : 1° Recueillir le sang des animaux vaccinés seulement un cer- tain nombre de jours après la fin de la période virulente, c’est- à-dire après que les pustules ont cessé de contenir une lymphe inoculable ; : 2° N’employer que le sérum du sang ainsi recueilli: 3° Injecter ce sérum sous la peau des animaux en expérience au lieu de le transfuser dans les vaisseaux : 4° L'injecter à faibles doses plusieurs fois répétées, à des intervalles variables. Voici comment, pour la première fois, nous réalisons ces conditions : LR ExPÉRIENCE I. — Le 7 janvier 1893, une génisse est inoculée aux deux flancs ! avec du vaccin éprouvé, comme il est de règle à l'établissement vaccinal de la rue Ballu, c'est-à-dire par des incisions linéaires de 2 centi- mètres, disposées en quinconces et écartées de 3 à 4 centimètres les unes des autres, au nombre de 80 à 120 environ sur chaque flanc. Ces ‘inocula- tions donnent naissance à autant de pustules, dont le contenu sert à de nombreuses vaccinations. "15 jours après, le 22 janvier, cette génisse est conduite à l'abattoir de la Villette où, suivant le procédé indiqué par M. Nocard, son sang est recueilli aseptiquement. Après la formation du caiMot, le sérum provenant de ce sang est injecté sous la peau d'une seconde génisse. Mais, pour éviter toute inocu- lation accidentelle de vaccin, cette génisse ne quitte pas l'étable de la rue Caulaincourt où séjournent, avant d'être amenés rue Ballu pour y être ino- culés, les animaux destinés au service de la vaccine. C’est donc rue Caulain- court, à l’abri de toute contamination involontaire, que la génisse en expé- rience reçoit sous la peau les quantité suivantes de sérum : LA SENTE PRESSE SCRE Er 100 c. c. ILE 1 ER PEER MER ER INTERESSE 150 — ” ETAT MD CR ARTE 10 — POUSSIN ONLE DTA RCER EEE LS 420 + JE PERRET IEEE AVS COURT 160 — JE SOIR La ie PE Are 7 T0 — NOEL REA RER RCE Re T0 — L LOMME E EMPIRE EL. PR CNE NE LATE 380 — 1. Le mot Janc, que nous employons par abréviation, désignera toujours, en réalité, toute la région thoraco-abdominale de chaque côté. K (0 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Le 2 février, la génisse emtexpérience est amenée rue Ballu; aprés ets ainsi reçu sous la peau 1,120 c. c. de sérum injectés en 8 fois, dans l'espace de 9 jours. À midi, elle est inoculée aux flancs,-par 180 incisions environ, avec du vaccin éprouvé qui, le méme jour, sert à inoculer une génisse témoin, et elle reçoit, à 5 heures du soir, une dernière injection sous-cutanée de 40 grammes de sérum. Chez la génisse témoin, l’éruption habituelle apparaît et évolue dans les délais normaux. Au contraire, chez la génisse en expérience, les incisions se ferment sans devenir le point de départ du plus minime travail de pustu- lation : cet animal possédait certainement l'immunité. Cette première expérience, comme la première de Maurice Raynaud, paraissait avoir donné un résultat d'une importance considérable. Jamais plus cependant, dans les recherches qui ont suivi, nous n'avons retrouvé de résultat en tout semblable. Nous sommes donc portés à nous demander si, à notre insu, quelque erreur ne s'élait pas glissée dans cette expérience, si l’animal ne devait pas l’immunisation si complète dont il était revêtu plutôt à une inoculation accidentelle de vaccin qu aux injections de sérum. Nous n'avions pas, à ce premier essai, dans les diverses manipulations du sérum, pris, pour éviter les contaminations involontaires, toutes les précautions dont nous nous sommes entourés dans les expériences suivantes. EXPÉRIENCE IT. — Une génisse, inoculée aux flancs le 9 février 1895, et qui a présenté une très belle éruption vaccinale, est saignée aseptiquement à l’abattoir de la Villette, le 26 mars, c'est-à-dire exactement 46 jours après la vaccination. Le séruru recueilli après la formation du caillot est injecté sous la peau de l’une des génisseS qui n’ont pas encore quitté l'étable de la rue Caulaincourt. Cette génisse, du poids de 146 küogs., reçoit succes- sivement : . le 28 mars, dans l'après-midi, { iniection sous-cutanée de 200 c. c. de sérum. le29 — -— — — de 200 — le 30 — — _ PE de 200 — le 31 — — ee — de 200 — le 4er avril, dans l'après-midi, en 2 inj. sous-cutanées, 400 — le 2 — dans la matinée, en 2 inj. — 400. — le 3 — à 8 1/2 du matin, en 2 in). Le 400 —" Le jour même de la dernière injection de sérum, à 11 heures du matin, elle est inoculée aux flancs, par 180 incisions environ, avec du vaccin éprouvé. Une éruption vaccinale apparaît à la suite de cette inoculation, amais il s’agit d'une éruption manifestement modifiée et arrêtée dans son dévelop- pement. e 4 IMMUNITÉ,PAR LE 5 RUM DE GÉNISSE VACCINÉE T Le 9 avril, c'est-à-dire 6 jours pleins après l'inoculation, voici quel est l'Aspect des deux champs vaccinaux : au niveau de la plupart des incisions cutanées, il existe un certain degré d’épaississement du derme, appréciable à la vue et au palper, mais pas de soulèvement de l’épiderme, pas de pus- tule, rien qu'une efoûtelle sèche de 2 millimètres de largeur environ. Quelques incisions seulement portent sur un ou plusieurs points de leur longueur, jamais dans toute leur étendue, une véritable pustule d'ailleurs plus ou moins mal développée. Le nombre des incisions qui présentent cet aspect est bien restreint, puisque cinq seulement sur le flanc droit peuvent, suivant le procédé habituellement employé pour la récolte du vaccin, être pincées à leur base et grattées de manière à fournir quelques gouttes de pulpe qu'on broie aussitôt au mortier avec un peu de glycérine. Le liquide provenant de cette pulpe broyée est immédiatement inoculé par 12 incisions transversales, dans la région mammaire, à une autre génisse qu'on vient de vacciner suivant le procédé habituel avec du vaccin normal. 6 jours après, le 15 avril, l'aspect de ces 12 incisions transversales offre un contraste frappant avec celui des 180 incisions verticales qui ont reçu du vaccin normal. Ces dernières, en effet, présentent toutes et dans toute leur étendue de magnifiques pustules. Des 12 incisions transversales au contraire, il n’en est pas plus de 2 qui, en un ou deux points de leur éten- due, présentent un léger soulèvement de l’épiderme sous forme de pustule petite et avortée; le$#10 autres ne portent pas trace de pustulation, mais seulemenfune croûtelle sèche de 2 à 3 millimètres de largeur, enchässée dans un derme épaissi et saillant. En résumé, le sérum d’uae génisse vaccinée depuis 46 jours est injecté en sept reprises séparées par des intervalles de 24 heures, à la dose totale de 2 litres, sous la peau d’une génisse non vaccinée. Cette dernière, inoculée aux flancs presque aus- sitôt après, avec du vaccin normal et éprouvé, présente une éruption remarquablement modifiée et comme avortée. De même qu'on appelle varioloïde l'éruption varislique modiliée par une première atteinte de la maladie ou par une vaccination anté- rieure, de même par analogie cette éruption vaccinale modifiée mérite le nom de, saccinoïde. Des éléments éruptifs beaucoup ont avorté, la plupart sont croûteux et secs, quelques-uns seu- lement etpar places pustuleux contiennent une lymphe elle-même modifiée et dont la virulence est très amoindrie, puisque, inoculée à un animal qui vient de recevoir en d’autres points du vaccin vormal, elle reproduit l’éruption de vaccinoide dont elle provient : c’est ainsi que sur la même génisse on voit coexister d'une part une éruption de vaccine légitime, et d'autre part une érup- + 8 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tion de vaccine arrêtée dans son développement et come avortée. EXPÉRIENCE III. — Dans l’expérience précédente, tout le sérum provenant de la génisse vaccinée depuis 46 jours n'a pas été employé. Il en reste 650 c. c. qu'on utilise de la façon suivante : Le 9 avril 1893, une génisse est inoculée au flanc droit avec du vaccin éprouvé et reçoit immédiatement, en 2 injections sous-cutanées, 350 c. c. de sérum. Puis elle est inoculée au flanc gauche. et, au cours même de cette vaccination, reçoit une seconde injection sous-cutanée de 300 c. c. de sérum. Le 15 avril, six jours plus tard, on constate que l'évolution des pustules s'est faite régulièrement, normalement, nullement modifiée dans son aspect extérieur par les injections de sérum. Il n'y a pas lieu de s'étonner que cette expérience n'ait pas donné le même résultat que l’autre : il importe, en effet, de tenir grand compte de la quantité de sérum injecté. Le premier ani- mal, celui dont l'éruption vaccinale a été modifiée au double point de vue de l’aspect extérieur et de la virulence, n’a pas reçu sous la peau moins de 2 litres de sérum. Le second n’en a reçu que 650 c. c. seulement, soit une dose trois fois moindre. Les deux bêtes avaient à peu près le mème poids. Dès maintenant, ilnous est permis d'affirmer que sile sérum de génisse vaccinée possède des propriétés immunisantes, il ne les révèle qu'à la condition d’être employé à des doses relativement forles. C'est ce que confirmeront toutes nos recherches. ; Notre première expérience nous avait montré une génisse recevant sous la peau du sérum d'animal vacciné et inoculée “ensuite sans aucun résultat, possédant par conséquent l’immu- nité complète. Comme nousl’avons dit plus haut, nous nesommes pas certains que cetle immunité fût la conséquence des injections de sérum. Quoi qu'il en soit, le 42 février 1893, c’est-à-dire dix jours après l’inoculation infructueuse qui lui a été faite, l'animal en question est saigné aseptiquement à l’abattoir de la Vil- lette. Le sérum recueilli après la formation du caiïllot sert aux deux expériences suivantes : . # “ ExPÉRIENCE IV. — Une génisse non vaccinée et qui ne quitte pas l'étable + de ü e 4 IMMUNITÉ PAR LE SÉRUM DE GÉNISSE VACCINÉE y de la rue Caulaincourt reçoit, comme il suit, en injections sous-cutanées, le sérum susdit : É leSsfévrier 1893/2011: :.. à. 200 centimètres cubes." le 46 TS ai PR PEL PE TE LEE 160 — le 17 A NOÏCRS. RARE Ent 410 — le 18 — ROSE PE SR PE 170 —— le 19 ee LEUR RER OEPRREE EATRT Es 170 —— le 20 Ar D NS RENE VE 200 —— le 21 A RES An pe 400 — Le 22 février, la génisse, amenee rue Ballu, est inoculée aux flancs, suivant le procédé habituel, avec du vaccin éprouvé. 3 heures après cette inoculation, elle reçoit une 8° et dernière injection de 400 ce. c. de sérum. Le 27 février, 5 jours après l’inoculation, le champ vaccinal droit parañt complètement stérile. La génisse, un instant détachée, en lèche la partie postérieure. Le champ vaccinal gauche offre un commencement d'éruption dont les éléments sont {rès disparates : tandis qu’un quart environ des incisions est demeuré tout à fait stérile, les autres ne présentent des traces de pustulation qu'en un ou plusieurs points de leur étendue. ? Le 28 février, 6 jours après l'inoculation, à droite les incisions sont pour la plupart le siège d’un travail de pustulation très lent, très restreint, sans les caractères typiques, sans ombilication, avec tendance à la dessiccation; à gauche, c'est le même aspect général avec pustulation un peu plus marquée et un peu plus intense. L'animal n’a pas été pesé. En résumé, une génisse qui a reçu un peu plus de 1,500 c. c: de sérum d'animal immunisé, en huit injections sous-cutanées, à des intervalles de 24 heures, et qui est ensuite inoculée aux flancs avec du vaccin éprouvé, présente une éruption vaccinale manifestement modifiée et qui mérite l’appellation de vaccinoïde, ExPÉRIENCE V. — Il reste du sérum susdit 800 c. c. qui, le 19 fé- vrier 1893, sont injectés,en 4 piqûres sous la peau d’üne génisse, immé- iatement après qu'on l’a inoculée aux flancs par le procédé habituel, avec du vaccin éprouvé. L’éruption vaccinale apparaît tardive et modifiée. Chez un animal témoin, inoculé au même moment, chaque incision a donné naissance, après 5 jours écoulés, à une belle pustule avec ses caractères habituels. Chez la génisse en expérience, au contraire, à la même date, la moitié environ des incisions demeure stérile, l’autre moitié seulement porte des pustules incomplètes qui ne s'étendent pas à toute la longueur de l'incision linéaire et souvent n’en occupent qu'une portion très minime. Après 6 jours pleins, l’éruption, loin de progresser, tend plutôt à se dessécher et à s’éteindre. Une trentaine de pustules seulement sont assez développées pour permettre la récolte de la lymphe vaccinale, et cette récolte est à peine le quart ou le cinquième de ce qu'elle est d'ordinaire. Une portion de la lymphe ainsi recueillie est immédiatement inoculée \ 10 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. à la région mammaire d'une autre génisse : dans les délais habitueïs, on voit apparaître une éruption qui ne semble pas modifiée comme celle dont elle provient. L'animal qui a reçu les injections de sérum n'a pas élé pesé. En résumé, une génisse.qui reçoit en même temps de nom- breuses inoculations sous-épidermiques de lymphe vaccinale et une injection sous-cutanée de 800 c. c. de sérum d'animal immunisé, présente ensuile une éruption vaccinale très modifiée et méritant le nom de vaccinoide, tandis que, chez une génisse témoin inoculée simultanément avec du vaccin de même prove- nance, apparaît une éruption de vaccine normale. De cette première série d'expériences se dégage, il nous semble, une notion uouvelle, c'est que le sérum des génisses vac- cinées, recueilli hors de la période virulente, plusieurs jours et même plusieurs semaines après la dessiccation des pustules, possède des pro- priétés immunisantes : le pouvoir immunisant du sérum de génisse vaccinée se manifeste par un arrét de développement des éléments éruptifs et par une atténuation de la virulence de leur contenu chez les animaux qui, avant d'être inoculés où &u moment d'être inoculés avec du vaccin éprouvé, ont reçu, en injection sous la peau, ce sérum à dose suffisante. Il L’IMMUNITÉ CONSÉCUTIVE A L'INOCULATION SOUS-CUTANÉE DU VACCIN Après avoir «constaté les propriétés immunisantes du sérum de génisse vaccinée, une question se pose, celle de savoir s’il doitces propriétés à des substances chimiques en dissolution ou à la présence d'éléments microbiens virulents, épars à l’état d'unités dans sa masse. Cette persistance des microbes de la vaccine dans le sérum ne nous semble pas probable : rappelons que, dans une de nos expériences, le sérum immunisant prove- nait d’un animal qui n'avait pas été vacciné depuis moins de 46 jours. Mais les présomptions ne suffisent pas, la preuve expé- rimentale est nécessaire. Pour résoudre la question, on pour- rait filtrer le sérum de façon à le dépouiller de tout germe vivant, puis vériber s'il conserve ses propriélés immunisantes ; mais il faudrait être sûr que cette filtration ne modifie en rien IMMUNITÉ PAR LE SÉRUM DE GÉNISSE VACCINÉE. 11 sa constitution chimique. Il est possible de donner au problème une solution détournée et cependant tout aussi probante,’en étudiant comparativement l’immunité conférée par les injections de sérum et l’immunité consécutive à l’inoculation sous-cuta- née de la lymphe vaccinale ou, en d’autres termes, à l'introduc- tion des microbes de la vaccine dans le tissu cellulaire. C'estune loi générale que l’immunité conférée par l’atteinte d'une maladie infectieuse ou par l’inoculation des cultures du microbe de cette maladie est une immunité toujours lente à s’éta- blir et qui ne se développe que par degrés. À celte loi, la vaccine ne fait pas exception, on le sait, au moins en ce qui concerne l'inoculation sous-épidermique de la lymphe vaccinale. Dans l’espèce humaine, l’immunité d'ordinaire n'est com- plète que le 10° jour de la vaccination. De nombreuses expé- riences de revaccinations faites pendant l'évolution vaccinale ont montré que les inoculations supplémentaires réussissent jusqu'au 5° ou 6° jour, que les insuccès augmentent à partir du 1° jour et sont la règle à partir du 9° jour. Cependant l’un de nous, chargé temporairement d’un service à l'hôpital de la Porte d'Aubervilliers en 1893, a eu occasion d’y observer une femme qui, portant au bras gauche deux pustules vaccinales en voie de dessiccation, a pu, tout près de 9 jours pleins après cette vaccina- tion, être une seconde fois inoculée par trois piqüres au bras droit et présenter trois nouvelles pustules de vaccine légitime. Dans l’espèce bovine, l’immunité semble un peu moins tar- dive. Les expériences de M. Layet' ont montré que sur la génisse on peut faire des inoculations encore efficaces, soit avec une lymphe étrangère, soit avec la lymphe de ses propres pustules jusqu'au 5° jour après l’inoculation vaccinale; l’immunité n'est acquise que dans le courant du 6° jour. Mais aucune recherche n’a été faite, à notre connaissance, sur la façon plus ou moins rapide dont s’établit l’immunité con- sécutive aux inoculations de lymphe vaccinale dans le tissu cellulaire sous-cutané. Nous sommes donc amenés à injecter une quantité déterminée de vaccin sous la peau d’une série de génisses, puis à les inoculer successivement par le procédé habi- tuel des incisions multiples aux deux flancs, en mettant entre les 1. Layer, Zrailé pratique de vaccination animale 1889. 12 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. | deux opérations un intervalle d'unjour pour la première génisse, de deux jours pour la seconde, de trois jours pour la troisième et ainsi de suite ; nous noterons alors soigneusement l'aspect de l’éruption chez chaque animal. Il convient ici de dire un mot du vaccin qui nous sert à ces injections sous-cutanées aussi bien d’ailleurs qu'à toutes nos ino- culations sous-épidermiques : c'est exclusivement de la pulpe vaccinale glycérinéeliquide, préparée depuis cinquante à soixante jours au moins et conservée dans des tubes de verre fermés au chalumeau, c'est-à-dire qu'il s’agit de vaccin complètement ou presque complètement exempt de parasites étrangers !. Les recherches bactériologiques de M. Straus sur la pulpe vaccinale glycérinée ont en effet montré que l’ensemencement de la pulpe fraîche sur gélatine et sur gélose donne des colonies très nom- breuses de microbes variés, principalement de staphylocoques, tandis que la pulpe glycérinée âgée de 50 à 60 jours reste d’or- dinaire stérile, et que les échantillons intermédiaires présentent d'autant moins de microbes qu'ils sont plus vieux. C’est sans doute grâce à l'emploi exclusif d'un vaccin exempt de parasites étrangers, d'un vaccin tout à fait pur au point de vue bactériologique, qu'il nous a été donné, dans toutes les expé- riences qui vont suivre, de constater un fait inattendu et sans précédent, celui de l’absence de toute nodosité appréciable du tissu cellulaire sous-cutané au niveau des injections. M. Chau- veau, au cours de ses recherches sur l’inoculation sous-cutanée du vaccin chezle cheval, lebœufetl’enfant, avait signalé, danstousles cas sans exception, la formation de tumeurs sous-cutanées, lantôt petites, tantôt volumineuses, disparaissant ensuite plus ou moins vite par résolution. Comme nous n'avons observé de pareilles tumeurs qu’une fois, c’est à la pureté bactériologique de notre vaccin que nous attribuons ce fait nouveau. Voici nos expériences : EXPÉRIENCE VI. — Le 5 mars 1893, deux génisses sont inoculées aux flancs par le procédé habituel des incisions multiples avec de la pulpe vacci- nale glycérinée, récoltée et préparée le 4 janvier, datant par conséquent de deux mois. L'une de ces deux génisses reçoit simultanément, sous la peau du flanc droit, à l’aide de la seringue de Straus, tout le contenu d'un gros : 4. Sar-Yves, Ménaro et CHAuBoN, Épuration de la pulpe glycérinée. (Académie de médecine, 6 décembre 1892.) LA IMMUNITÉ PAR LE SÉRUM DE GÉNISSE VACCINÉE. 43 tube à vaccin rempli de la même pulpe glycérinée datant de deux mois (soit environ à centigrammes d'eau bouillie, 5 centigrammes de glycérine et 10 centigrammes du produit de grattage des pustules). L'évolution des pustules chez cette génisse a lieu sans aucun trouble. L’éruption est même si belie qu'on en fait le moulage pour l'envoyer, comme type d'éruption normale, à l'Exposition de Chicago; elle est manifestement plus belle que celle de la génisse témoin. Au niveau de l'injection sous-cutanée, une exploration quotidienne et soigneuse ne décèle à aucun moment la moindre trace de nodosité dans le tissu cellulaire. Répétée une seconde fois, l'expérience donne les mêmes résultats. ExPÉRMENCE VII, — Le 12 mars 1893, deux génisses sont inoculées aux flancs par le procédéshabituel, avec la même pulpe vaccinale glycérinée datant de deux mois, qui a servi dans l'expérience précédente. L'une de ces génisses reçoit immédiatement sous la peau tout le contenu d'un gros tube à vaccin rempli de la même pulpe. L'éruption vaccinale apparaît dans les délais normaux chez les deux génisses avec ses caractères’ habituels, un peu moins belle toutefois chez la génisse en expérience que chez la génisse témoin, précisément à l'inverse de ce qu'on avait constaté précédemment. On en peut conclure que l’injec- tion sous-cutanée de vaccin n’est pour rien dans ces différences, inhérentes sans doute aux animaux inoculés. Le fait à retenir, c’est qu'au niveau de l'injection sous-cutanée, à aucun moment on ne constate la moindre induration. , * ExPÉRIENCE VIH. — Le 18 mars 1893, une génisse reçoit en injection sous- “cutanée tout le contenu d’un gros tube à vaccin rempli de pulpe vacci- nale gly cérinée recueillie et préparée le 7 janvier, c’est-à-dire plus de deux mois avant. Le lendemain, exactement 24 heures après l'injection sous-cutanée, cette génisse est inoculée aux flancs ainsi qu'une génisse témoin avec la même pulpe vaccinale. L'éruption vaccinale apparait chez les deux animaux avec ses caractères habituels dans les délais normaux. On ne constate à aucun moment la moindre induration sous-cutanée au niveau de l'injection de vaccin chez la génisse en expérience. La ExPÉRIENCE IX. — Le 24 mars 1893, une génisse reçoit en injection sous- cutanée tout le contenu d’un gros tube à yaccin rempli de pulpe vaccinale slycérinée récoltée et préparée le 10 janviêr. Le surlendemain, exactement deux jours pleins après l'injection sous- cutanée, cette génisse est inoculée aux flancs ainsi qu'une génisse témoin avec la même pulpeëglycérinée. | * 14 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. L'évolution des pustules vaccinales se fait très normalement chez les deux animaux; elle est plus belle chez la génisse en expérience. Chez cette dernière, on ne constate, au niveau de l'injection du vaccin, aucune trace d'induration sous-cutanée. = 7 7 € . EE c à È LA ExPÉRIENCE X. — Le 13 avril 1893, une génisse reçoit en injection sous- cutanée tout le-contenu d'un gros tube à vaccin rempli de pulpe vaccinale glycérinée récoltée et préparée le 10 février. Le 16 avril, exactement {rois jours après l'injection sous-cutanée, cet'e génisse est inoculée aux flancs, ainsi qu'une génisse témoin, avec la même pulpe vaccinale. Les pustules apparaissent avec leurs caractères habituels chez les deux animaux, mais n'ont pas tout à fait la même évolution. Chez la génisse en expérience, l'éruption vaccinale, très belle, présente deux particularités notables : Elle est au cinquième jour beaucoup plus avancée dans son évolution que celle du témoin, et la différence est assez grande pour qu'on soit obligé, après cinq jours seulement, le 21 avril, de recueillir la lymphe des pustules chez la génisse en expérience, tandis que chez le témoin cette récolte n'a lieu, comme il est de règle à l'établissement vaccinal de la rue Bällu, qu'après six jours pleins. En outre, chez la génisse en expérience, la zone blanche des pustules est remarquablement plus saillante et plus tendue que de coutume. Chez la génisse de l'expérience précédente, on avait déjà remarqué que l'éruption était plus belle que chez le témoin. Dernière particularité : à l'inverse de ce qui a été constaté précédemment, on trouve au niveau de l'injection sous-cutanée une nodosité dure, aplatie, dont les dimensions, le 22 avril, n'excèdent pas celles d'une pièce de deux francs. Mais il faut noter que l'aiguille de la seringue de Straus n'a pas, comme précédemment, été enfoncée jusqu'à la garde et surtout qu’à la suite de la pulpe vaccinale on n'a pas, comme dans les expériences antérieures, injecté une certaine quantité de glycérine stérilisée destinée à chasser les particules du vaccin demeurées dans l'aiguille si bien que l'inoculation s’est faite plutôt dans le derme, à sa face profonde, que dans le tissu cellu- laire sous-cutané. ExPÉRiENCE XI. — Le 19 avril 1893, une génisse reçoit en injection sous la peau tout le contenu d’un gros tube de pulpe vaccinale.glycérinée récoltée et préparée le 20 janvier. Le 25 avril, exactement quatre jours après l'injection sous-cutanée, cette génisse est inoculée aux flancs avec la même pulpe vaccinale qui, déjà la veille, a servi à inoculer deux autres animaux. Le 27 avril, l'éruption vaccinale, chez la génisse en expérience, paraît devoir être en avance sur celle des animaux vaccinés 24 heures avant elle. Mais, le 28 avril, les éléments éruptifs ne prennent pas le développement, qui s’'annonçait: ils sont irréguliers ; sur chaque flanc une quinzaine d'inci- sions est demeurée complètement stérile et une cinquantaine a donné naissance à des pustules incomplètes, n’occupant qu’un ou plusieurs points * + ù IMMUNITÉ PAR LE SÉRUM DE GÉNISSE VACCINÉE. 15 de la ligne d'incision ; les autres pustules sont médiocrement développées. Le 29 avril, c'est le même aspect général de l’éruption qui n'a pas sensi- blemuent progressé. Ses éléments se dessèchent les jours suivants. On ne constate au niveau de injection sous-cutanée aucune trace d'induration. ExPERIENCE XII. — Le 25 avril 1893. une génisse recoit en injection sous la peau tout le contenu d'un gros tube de pulpe vaccinale glycérinée, récoltée et préparée le 21 janvier. Le 30 avril, cinq jours pleins après Vinjection sous-cutanée, cette génisse est inoculée aux flancs aïnsi qu'un témoin avec la même pulpe vaccinale. Elle présente les jours suivants une éruption encore plus modifiée"et moins développée que dans l'expérience précédente, malheureusement ôn égare la nole qui en relate les détails. Il n'existe aucune nodosité sous-culanée au niveau de l'injection. Expérience XIII. — Le 17 juillet 1893, une génisse reçoit en injection sous la peau tout le contenu d'un gros tube de pulpe vaccinale glycérinée, recueillie et préparée le 9 mai, dont une portion a été inoculée depuis avec succès à dix animaux. Le 23 juillet, sx jours pleins après l'injection sous-cutanée, cette génisse est inoculée aux flancs avec du vaccin éprouvé. Le 27 juiliet, un travail d'éruplion se manifeste en quelques points seu- lement et aboutit le 28 à des pustules rudimentaires, irrégulières et déjà sèches. Le 29, sur le flanc gauthe, la plupart des incisions sont demeurées sté- riles, huit à dix seulement présentent des croûtes brunàtres et sèches; sur le flanc droit, un tiers environ des incisions est stérile, les deux autres tiers présentent pour la plupart des croùûtelles sèches et quelques-unes seulement des pustules rudimentaires qui tendent à se dessécher rapidement. Il n'existe au niveau de l'injection sous-cutanée aucune induration. » ExpéRiexcE XIV. — Le 39 juillet 1893, une génisse reçoit en injection sous la peau tout le contenu d'un gros tube de pulpe vaccinale glycérinée, récoltée et préparée le 18 mars, dont une portion à été depuis gnoculée avec succès. Le 5 août, sept jours pleins après l'injection sous-cutanée, celte génisse est inocuiée aux flancs ainsi qu'une génisse témoin avec la même pulpe vaccinale. Le 19 août, l’éruption qui apparaît chez les deux animaux est manifeste- meñt plus avancée sur la génisse en expérience que sur le témoin. Mais, le 11 août, elle s'arrête dans son évolution chez la première et ne progresse plus, tandis que celle du témoin suit son cours normal. Il n'existe, au niveau de l'injection, aucune trace de nodosité. ExPérieNces XV, XVI Er XVII — Le 8 décembre 1894, trois génisses non vaccinées et isolées rue Caulaincourt, dans une étable à part, reçoivent 16 | ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. chacune sous la peau du flanc droit tout le contenu d'un gros tube de pulpe vaccinale glycérinée recueillie et préparée le 17 octobre. Les trois génisses sont ensuite inoculées aux flancs avec la même pulpe vaccinale, l'une le 16 décembre, la seconde le 17 décembre, la troisième le 18 décembre, c'est-à-dire respectivement huit jours, neuf jours et dir jours après Tinjection sous-cutanée. Un animal témoin vacciné avec la même pulpe glycérinée présente une très belle éruption. Au contraire, chez aucune des trois génisses n'apparaît le moindre élément éruptif aux points d’inoculation. Deux de ces animaux ne présentent, au niveau de l'injection sous- cutanée, aucune trace d'induration. Chez le troisième, un abcès du volume d'un poing d’adulte se développe à ce niveau; l'examen bactériologique n'a pu en être fait. F N En résumé, nos expériences montrent, ce qu'on pouvait faci- lement prévoir, qu'il en est de l’immunité consécutive à l'inocu- lation sous-cutanée du vaccin comme de celle qui succède à l’inoculation sous-épidermique : cette immunité ne s’établit que lentement. D'une part, on peutinjecter du vaccin sous la peau d’un animal et, trois jours pleins après cette injection, lui faire de multiples inoculations sous-épidermiques, sans que les pustules qui en résultent présentent le moindre arrêt de développement, la moindre tendance à avorter. D'autre part, sept jours pleins écoulés entre l'injection sous-cutanée et les inoculations consé- cutives de vaccin ne suffisent pas à empêcher tout travail dé pustulation. Il résultait des recherches de M. Layet sur la vaccination sous-épidermique que, chez les génisses, l’immunité est acquise dans le courant du sirième jour qui suit l’inoculation. De nos expériences nous concluons qu'après la vaccination sous-cutanée, les génisses possèdent seulement dans le courant du huitième jour une immunité suffisante pour rendre stériles foutes les inoculations qui leur sont faites. Mais, pour s'assurer qu ‘elle oc ecten bien ce degré élevé d’immunité, il est nécessaire de procéder comme nous l’avons fait, et de pratiquer sous l’épiderme des inoculaliôns aussi nom- breuses que possible. En voici la raison : inappréciable encore au bout de trois jours, l’immunité n’est acquise qu'après huit jours pleins, nos expériences le montrent, mais elles donnent encore le moyen de mesurer jour par jour les lents progrès de cette immunité et de savoir quel degré elle a atteint. Le moyen 0 IMMUNITÉ PAR LE SÉRUM DE GÉNISSE VACCINÉE. 17 consisteà compter exactementles inoculations qui sontdemeurées tout à fait stériles, et à établir leur proportion vis-à-vis de celles qui ont donné naissance à des pustules plus ou moins mal développées : le nombre des premières est d'autant plus grand qu'il s’est écoulé plus de temps entre l'injection sous-cutanée et les inoculations sous-épidermiques de vaccin, d'autant plus grand par conséquent que l’immunité atteint un degré plus élevé. On comprend dès lors qu'il soit nécessaire de faire de très nombreuses inoculations ; plus 1l y en a, plus on a chance, si l’immunité n’est pas complète, de trouver encore quelques pustules avogtées éparses au milieu de nombreuses incisions stériles. Nous avons récemment refait ces expériences sur l’immu- nité consécutive à l’inoculation sous-cutanée du vaccin, et nous avons obtenu les mêmes résultats: mais nous avons, cette fois, étudié le degré de virulence du contenu des pustules plus ou moins mal développées, en l’inoculant à des sujets non vaccinés. enfants ou génisses. Nous avons constaté qu'à l'arrêt de déve- loppement des éléments éruptifs correspondait une diminution plus ou moins complète de la virulence du contenu de ces éléments. III L'IMMUNITÉ CONFÉRÉE PAR LE SÉRUM DE GÉNISSE VACCINÉE. — PRO- » PRIÉTÉS PRÉVENTIVES ET THÉRAPEUTIQUES DE CE SÉRUM Nous savons désormais que le délai après lequel commence seulement à se manifester l’immunité conférée par l’inoculation sous-cutanée du vaccin dépasse trois jours pleins. Nous pouvons donc résoudre facilement la question de savoir si le pouvoir immunisant du sérum de génissewaccinée est dû à des substances en dissolution ou à des germes vivants. Mais il nous faut reprendre les recherches qui, au commencement de 1893, nous ont servi à démontrer ce pouvoir immunisant, en nous plaçant cette fois dans des conditions telles qu’il soit impossible de l’expli- quer paï la persistance dans le sérum des microbes de la vaccine. Pour trois de nos expérie::ces, c’est dans un délai de sept à neuf jours avant les inoculations que les animaux ont reçu, à 9 pa 18 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR: doses fractionnées, le sérum immunisant. Ces expériences ne peuvent donc être invoquées ; une seule est probante, la dernière, c2lle où les inoculations sous-épidermiques de vaccin ont immé- diatement suivi l'injection sous-cutanée de sérum chez une génisse dont l’éruption a été ensuite profondément modifiée. Il” importe de renouveler celte expérience et d'en varier les con- ditions de façon à constater si à ses propriétés préventives le sérum de génisse vaccinée ne joint pas des propriétés thérapeu- tiques. Nous commençons par injecter notre sérum dans un délai de trois jours avant les inoculations, c’est-à-dire dans un délai tel que, même s’il contenait les microbes inconnus de la vaccine, ces microbes demeureraient sans action sur l’éruption vaccinale conséculive. ” ExeÉRIENcE XVIII — Une génisse, inoculée aux flancs par le procédé habituel le 27 octobre 1894, et qui a présenté une très belle éruption vaccinale, est saignée aseptiquement le 11 novembre, c’est-à-dire 15 jours après la vaccination. Le sérum recueilli après la formation du caillot est injecté, dans une dépendance de l'hôpital temporaire du bastion 29, sous la peau d'une génisse non vaccinée qui a été directement amenée à cet endroit de l’étable de la rue Caulaincourt, et n'a par conséquent jamais été exposée à aucune ino- culation accidentelle. La génisse en expérience, qui pèse 147 kilos, reçoit successivement Le 14 novembre, à 10 heures du matin, 3 heures et 9 heures du soir, trois injections.sous-cutanées de 125 c. c. de sérum chacune; Le 15 novembre, à 9 heures du matin, 3 heures et 9 heures du soir, trois injeclions sous-cutanées de 125 c. c. de sérum chacune; Le 16 novembre, aux mêmes heures que la veille, trois injections sous- cutanées de 125 c. c. de sérum chacune; Le 17 novembre, à 9h. 1/4 du matin, une dixième et dernière injection sous-cutanée de 175 c. c. de sérum. La génisse qui a reçu ainsi, en 3 jours, environ 1,300 c. c. de sérum, est aussi- tôt amenée rue Ballu pour y être immédiatement vaccinée et, 3 jours pleins après la première injection sous-cutanée de sérum, elle est inoculée aux deux flancs, suivant le procédé habituel, ainsi que deux autres génissés témoins, avec du vaccin éprouvé, le Même pour les trois animaux. Les résultats de ces trois vaccinations sont notés jour par jour. Le 20 novembre, après 3 jours écoulés, chez l'animal en expérience les incisions se dessèchent et prennent une teinte grise; chez les témoins, toutes les inoculations HR A à dans les champs vaccinaux comme des lignes rouges d’une-teinte vive Le 21 novembre, après #4 jours écoulés, les lignes d'incision tendent à s’effacer chez l'animal en expérience, trois seulement du côté droit présentent des points blancs. Chez les témoins, c’est l'état normal : une légère tuméfac- = LE] . - IMMUNITÉ PAR LE SÉRUM DE GÉNISSE VACCINÉE. 19 : ” . Fig. 1. Sur ce dessin schématique, comme sur les dessins analogues qui suivent, les inoculations demeurées tout à fait stériles (avec mince croûtelle sanguine, type 4, fig.3) et les inoculations accompagnées de réaction inflammatoire(avec croûte jaune . de pus desséché, type 4) n’ont pas été distinguées les unes des autres: Le dessi- nateur s’est appliqué à représenter exactement les inoculations suivies d’un pro- | cessus de pustulation plus ou moins partiel et rudimentaire, mais, involontaire- | ment, il a beaucoup exagéré le relief et les dimensions de ces pustules avortées. Dans la réalité, les incisions étaient autrement groupées que sur les dessins :: elles étaient réparties à égale distance les unes des autres dans toute l'étendue des champs vaccinaux. È « : 20 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR tion se montre aux points d'inoculation, et quelques pustules nettement dessinées apparaissent au voisinage de la région axillaire. Le 22 novembre, après 5 jours écoulés, l'aspect général est*celui d'inocu- lations stériles. Un grand nombre d'incisions se cicatrisent sans aucune modification, mais les trois points visibles la veille se sont développés et plusieurs autres ont apparu tant à droite qu'à gauche avec l'aspect de pus tules avortées, tendant à la dessiccation. Chez les témoins,d’éruption est normale : chaque incision a donné naissance à une pustule régulière. Le 25 novembre, après 6 jours écoulés, même aspect général. La plupart des incisions sont stériles et cicatrisées, plusieurs même à peine visibles. Toutefois un examen minutieux de l’éruption aussi bien que du croquis qui en reproduit fidèlement tous les détails (voir la fig. n°1) montre qu'il existe sur 155 incisions : 98 inoculations tout à fait stériles, 55 incisions ayant donné naissance en un ou deux points seulement de leur étendue à une pus- tule rudimentaire, une incision recouverte presque en entier, sauf à ses deux extrémités d'une pustule, enfin _une seule incision devenue pustuleuse dans toute sa longueur. . Si l’on compare entre eux les deux champs vaccinaux, on voit que le flanc droit, qui porte %2incisions, en a62stérileset30 avec des pustulesrudimentaires, tandis que le flanc gauche sur 63 incisions en a 36 stériles, 25 avec des pustules rudimentaires, une presque entièrement etune tout à fait pustuleuse. Toutes ces pustules venues tardivement, de formes irrégulières et peu déve- loppées, sont déjà en voie de dessiccation. Elles contrastent ävec les pustules régulières, larges et épaisses que présentent les témoins. En résumé, une génisse reçoit en dix injections sous-cutanées, dans un délai de trois jours avant que d’être inoculée aux flancs, 1,300 c. c. du sérum d’un animal vacciné; elle ne possède pas de ce fait l'immunité complète, mais présente une éruption remar- quablement modifiée, arrêtée dans son développement et avortée, qui témoigne d’une réceptivité fort amoindrie. La modification de l'éruption dépend bien des injections de sérum, puisque les deux animaux témoins inoculés avec le même vaccin présentent une éruption normale. D'autre part la modification de l’éruption est bien MH blo à certaines substances chimiques en dissolution dans le sérum injecté, et non à la présence supposée dans ce liquide des agênts inconnus de la vaccine, puisque l'injection de sérum a été faite dans les délais où l’inoculation sous-cutanée dela lymphe vacci- nale ne modifie en rien l'éruption qui résulte de l’inoculation* consécutive de I4 même lymphe sous l'épiderme. Mais il ne suffit pas de constater que l'injection préalable de sérum a grandement modifié l'éruption vaccinale, il importe d’étu- 8 : + ” « t . | r ‘ 2 » * 4 » IMMOCNITE PAR £E SERUM DE GENISSE VACCINEE. 21 dieretdemesurer, autant que faire se peut, l’activité virulente dela #? sa (ge | . | | Le + | d g- ï | Li l a + Li il j | à Fig. 2. — A$pect et dimensions des pustules normales six jours après l’inoculation. | à LA € Le : ui d [4 L: a pe: ° % E' LL. à ee: Er 4 4 . PE Re Ra ee PI RUUSSEE . LES OAI ÉEE DE CA NO EEE ser ER hate badanes ot R ÿ a b c Fig. 3. — Divers degrés d’arrèt de développement des éléments éruptifs vaccinaux sous l'influence du Ne sérum (dessin*pris six jours après l’inoculation). — &. Inoculation tout à fait stérile : entre les ë - lèvres de l’incision, très mince croûtelle de sang desséché. — D. Inoculation presque stérile, mais Le avec réaction inflammatoire : entre les lèvres de l’incision, croûte jaune plus large de pus dessé- | ché. — c. Inoculation suivie de pustulation partielle et rudimentaire. + | __* lymphe provenant de celte éruption. Les quelques pustules rudi- mentaires et savortées dont elle se compose fournissent un 4 L 1 , 3 | : . ” 22 ANNALES®DE L'INSTITUT PASTEUR. liquide peu abondant qui est inoculé successivement à une génisse et à deux enfants. Une partie de cette lymphe vaccinale, recueillie le 23 novembre 1894, est immédiatement insérée, par 8 incisions au périnée, sous l’épiderme” d’une seconde génisse qui vient, 5 heures auparavant, d’être inoculée aux flancs avec du vaccin normal. Toutes les inoculations des flancs fournissent de fort belles pustules. Des 8 incisions du périnée, au contraire, 7 demeurent stériles; une seule présente, à l’une de ses extrémités, le 30 no- vembre, une pustule arrondie dont le contenu est immédiatement inoculé par 8 incisions dans la région mammaire d'une troisième génisse que, pendant le même temps, on vaccine aux flancs avec du vaccin normal. Par contre, chez cette troisième génisse, toutes les inoculations, aussi bien celles delarégion mammaire que celles des flancs, donnent naissance à de magnifiques pustules. Il estpermis de se demander si la pustule unique que présentait à la région périnéale la seconde génisse ne provenait pas d’une inoculation accidentelle de vaccin normal transporté soit par la litière, soit par la maïn de l’un des hommes chargés du service de l’étable, soit plus vraisemblablement par la queue de l'animal, de ses flancs à son périnée. Quoi qu’il en soit, une autre portion de la lymphe recueillie le 23 no- vembre sur la génisse dont l’éruption a été si modifiée par l'injection préalable de sérum, est aussitôt mélangée à de la glycérine, broyée et mise en des tubes de verre que l’on scelle au chalumeau, comme de coutume. Le 24 novembre 1894, l’un de nous, chargé d’unservice de médecine à l'hôpital temporaire du Bastion 29, inocule le contenu d'un de ces tubes en trois points distincts, par le procédé des scarifications, au bras gauche d'un enfant né à l'hôpital le 19 octobre, et non encore vacciné, le jeune Jules Colomb. Le même enfant reçoit ausitôt après au bras droit, par trois inocu- lations semblables, du vaccin normal qu’on a recueilli et mélangé la veille à de. la glycérine. Le 26 novembre, le bras droit présente une légère rougeur aux points d’inoculation, le bras gauche n’a rien. Le 27 novembre, le bras droit porte trois vésicules très nettes, le bras gauche n’a rien. Le 28 novembre, les vésicules du bras droit se sont agrandies, le bras gauche n'a toujours rien. Il n'est pas trop tard pour qu'une nouvelle inocu- lation réussisse, si toutefois elle est faite avec du vaccin actif. Au même bras gauche, en trois nouveaux points, par des scarifications multiples, l’un de nous insère sous l’épiderme tout le contenu d'un des tubes remplis de la pulpe vaccinale à l'essai. Le 4 décembre, alors que les trois magnifiques pustules que porte le bras droit commencent à se dessécher, aucune des six inoculations faites au bras gauche n’a rien donné. Un second enfant du sexe masculin, Emile Van der Stech, né le 2 novembre 1894 et non encore vacciné, est entré à l'hôpital temporaire du Bastion 29 avec sa mère malade. Il est semblablement inoculé le5 décembre 1894, par IMMUNITÉ PAR LE SÉRUM DE GÉNISSE VACCINÉE. 23 des scarifications en trois points au bras gauche, avec la même pulpe vacci- nale à l'essai. . - Le 10 décembre, rien ne s’est montré au bras gauche ; il est alors inoculé au bras droit avec du vaccin normal qui lui donne, dans les délaishabituels, trois belles pustules, tandis que rien n'apparait davantage au bras gauche. En résumé, comme notre première série de recherches l'a déjà montré, l'injection de sérum qui précède la vaccination sous- épidermique ne se borne pas à modifier beaucoup les caractères extérieurs de l’éruption vaccinale, le nombre et l'aspect de ses éléments, elle altère encore grandement la virulence du contenu des pustules. L'expérience précédente fait voir de plus que l’injec- tion de sérum agit avec bien plus d'intensité sur cette virulence que sur la morphologie de l'éruption, puisqu'elle nous révèle que des pustules, réduites il est vrai de nombre, mais en appa- rence normales, contiennent une lymphe toutà fait inactive qu’on peut, sans la moindre réaction locale, inoculer à des enfants non vaccinés. Expérience XIX. — Une génisse, inoculée aux deux flancs par le procédé habituel le 3 novembre 1894, et qui a présenté une très belle éruption vacci- nale, est saignée aseptiquement le 19 novembre, c'est-à-dire seize jours après la vaccination. Nous désignerons le sérum provenant de cette saignée sous le nom de sérum n° 2, réservant l’appellation de sérum n° { à celui qui provient de la génisse saignée dans l'expérience précédente. Une génisse non vaccinée, et pesant 112k5,500, est amenée à l’établisse ment vaccinal de la rue Ballu dans l’après-midi du 24 novembre 1894. Le lendemain matin, à 8 h. 1/4, elle est Anoculée au flanc droit par 90 imei- sions avec du vaccin éprouvé qui doit servir ensuite à vacciner deux autres génisses témoins. Aussitôt après, à 8 h. 1/2, elle reçoit sous la peau du flanc droit une injection de 150 c. c. de sérum n° 1. Puis elle est inoculée au flanc gauche par 55 incisions avec le même vaccin qui a servi pour le flanc droit, et transportée dans un local dépendant du bastion 29. a êllé reçoit successivement à {1 h. 1/2 du matin, puis à 2 h. 1/2, à 1/2, à 8 h. 1/2 et à 11 h. 1/2 du soir, cinq nouvelles injections sous- “PE de sérum n° 1, chacune de 150 c. ec. Le lendemain, 26 novembre, de 8 heures du matin à 11 heures du soir, à des intervalles #éguliers de trois heures, on lui fait six nouvelles injec- tions sous-cutanées de sérum n° 2, chacune de 100 c. c. A la fin de la seconde journée après la vaccination, elle a ainsi reçu 4,500 c. c. de sérum: Pendant les trois jours qui suivent, le 27, le 28 et le 29 novembre, de nouvelles injections de sérum n° 2 sont répétées aux mêmes heures et aux mêmes doses. La génisse a reçu à la fin de la troisième Journée après la [as] 4 ANNALES DE INSTITUT PASTEUR. vaccination 2,109 c. c., à la fin de la quätrième journée 2,700 c. c., à la fin de la cinquième journée 5,300 c. c. de sérum; une dernière injection sous-cutanée de 50 c. c. lui est faite le 30 novembre à 8 heures du matin, püis elle est ramenée rue Ballu. L'éruption vaccinale est très modifiée: tandis que les animaux témoins ont des pustules normales, elle présente exactement le 1er décembre, six jours après la vaccination, l’aspect reproduit par le croquis ci-joint (voir la figure n° 4) qui en apprend plus que toutes les descriptions. On peut cependant résumer comme il suit l’aspect de l'éruption : Le flanc droit, sur 90 incisions, en porte 34 tout à fait stériles, 52 qui présentent, en un ou deux points seulement de leur étendue, des pustules arrondies, petites et rudimentaires, parfois punctiformes, 4 au plus occupées dans toute leur longueur par des Pustules irrégulières, inégalement arrêtées daus leur développement, mais toutes sensiblement différentes des pustules normales. Au flanc gauche, les modifications sont bien plus accentuées : sur 55 inci- sions, 40 sont tout à fait stériles, 14 portent une ou deux petites pustules arrondies, une seule est occupée dans toute sa longueur par une pustule fort mal développée. On recueille puis on mélange à de la glycérine la lymphe que one nent.les pustules. Le 2 décembre; cette pulpe glycérinée est inoculée par 15 incisions au périnée d'une génisse qui vient d’être vaccinée aux deux flancs avec du vaccin éprouvé. Six jours après, tandis que les flancs de la génisse sont couverts de pustules normales , il n’existe au niveau des inoculations du périnée que des croûtes sèches avec léger liséré rose au pourtour, sans aucune infiltration appréciable du derme, ni aucun soulèvement visible de l’épiderme, en un mot sans aucun travail de pustulation : les inoculations sont manifestement demeurées stériles. * Le 5 décembre, la même pulpe glycérinée est inoculée en trois endroits par le procédé des scarifications multiples, au bras droit d’un enfant d'un mois, non vacciné, le jeune Émile Van der Stech, celui-là même dont il est question dans l'expérience précédente. Cet enfant est ‘done inoculé le 35 décembre, à chacun des bras, avec un vaccin différent. Nous avons déjà parlé des inoculations du bras gauche et dit qu'elles étaient demeurées stériles. Il en est absolument de même de celles du bras droit. Le 10 décembre, la même pulpe glycérinée est pour la seconde fois inoculée au même enfant, mais cette fois au bras gauche par 5 Diqüres, tandis qu’au bras droit il reçoit fa nent par 3 piqûres du vaccin normal. Sur le bras qui a reçu du vaccin normal 3 belles ane apparaissent les jours suivants, tandis#que les 6 inoculations faites fvec le vaccin à l'essai demeurent stériles. En résumé, une génisse qui vient d’être inoculée aux flancs par de nombreuses incisions avec du vaccin éprouvé reçoit 4 L res ds te M PA 7 | i ei, PENSE | : IMMUNITÉ PAR LE. SÉRUM DE GÉNISSE VACCINÉE. 25 immédiatement une injeêlion sous-cutanée de 150 c. c. de * sérum d'animal vacciné, puis, au cQurs des 5 jours suivants, o 7 Fig. 4. trente nouvelles injections sous-cutanées du même sérum qui portentà3,350 c. c. la quantité totale qu'elle en absorbe. L'érup- D “ # + 26 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tion vaccinale qu’elle présente se réduit à un fort petit nombre de pustules rudimentaireset avortées, dont le contenu est inoculé sans succès aucun à une génisse et à un enfant non vaccinés. Cette expérience confirme donc le fait nouveau mis en lumière par la précédente, à savoir que l’action modificatrice du sérum s'exerce d’une facon plus manifeste encore et plus complète sur la virulence que sur la morphologie des éléments éruptifs vaccinaux. De plus, elle fait voir avec quelle rapidité s'établit l'immu- nité conférée par le sérum de génisse vaccinée, et combien, à ce point de vue, cette immunité diffère de celle qui, si lentement, suit l’inoculation du vaccin. On sait d’ailleurs que la rapidité de l’action préventive des sérums d'animaux immunisés contre les diverses maladies contagieuses présente le caractère d’une règle générale : à cette règle le sérum de génisse vaccinée ne fait pas exception. Une telle rapidité d'action permet de supposer que le sérum de génisse vaccinée possède vis-à-vis de la vaccine, non seule- ment des propriétés préventives, mais encore des propriétés thérapeutiques. qu'il est capable de modifier l'aspect extérieur et la virulence de l’éruption vaccinale lorsqu'il est introduit dans l'organisme, non plus avant la vaccination ou simultanément, mais plus ou moins longtemps après l’inoculation de la pré- cieuse maladie. C’estce que démontrent les deuxexpériences suivantes où l’ino- culation vaccinale a précédé de 24 heures dans l’une, de 48 heures dans l’autre, la première injection de-sérum immunisant. EXPÉRIENCE XX. — Une génisse, vaccinée aux deux flancs par de mul- tiples inoculations le 10 novembre 1894, et qui a présenté une très belle éruption, est saignée aseptiquement le 26 novembre, c’est-à-dire 16" jours après la vaccination. Une seconde génisse vaccinée aux deux flancs par de multiples inocula- tions le 18 novembre 1894, et qui a également présenté une très belle éruption, est saignée aseptiquement le 3 décembre, c’est-à-dire 15 jours après la vaccination. Le sérum provenant de la saignée de ces deux animaux est employé de la façon suivante : Le 6 décembre 1894, de 11 heures du matin à 3 heures 1/2 du soir, ce sérum est introduit, en 18 injections. à la dose totale de 2,000 c. c., sous la peau d’une génisse qui, la veille, exactement 24 heures avant la première IMMUNITÉ PAR LE SÉRUM DE GÉNISSE VACCINÉE, 27 injection de sérum, a été vaccinée en même temps qüe deux animaux témoins par de multiples inoculations aux deux flancs avec du vaccin normal. Le 10 décembre, l’éruption de la génisse qui a reçu du sérum, comparée à celle des témoins, ne paraît que fort peu modifiée dans ses caractères extérieurs. Un croquis de cette éruption, pris le 11 décembre, en reproduit très fidèlement tous les détails. (Voir fig. n° à) - 28 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Mais il importé surtout d'étudier le degré de virulence de cette éruption en apparence peu modifiée. : On récolle donc le contenu des pustules dans la soirée du 1k décembre et on le mélange, suivant le procédé habituel, avec de la glycérine. “ Cette pulpe glycérinée est inoculée le soir du 12 décembre par 12 inci- sions au périnée d'une génisse vaccinée aux flanes dans la matinée du même jour. Sept jours plus tard, le 19 décembre, tandis que les flancs de l’animal sont couverts de belles pustules, il n'existe au niveau des inoculations du périnée que des croûtes jaunâtres et sèches sans aucune apparence de pustulation. Cette même pulpe vaceinale glycérinée provenant de la génisse qui, 24 heures après la vaccination, a reçu 2,000 €. c. de sérum, est encore inoculée à 6 enfants non vaccinés. Voici les résultats de ces inoculations pratiquées an dispensaire X. Ruel par l’un de nous, médecin dé cet établis- sement de bienfaisance. Chaque enfant est inoculé au bras gauche en trois endroits, par le procédé des scarifications, avec la pulpe vaccinale à l'essai, et aussitôt après il est inoculé au bras droit de la même façon avec du vaccin normal : , 10 Louis Charbonnier, âgé de 2 mois, est inoculé le 21 janvier 1895, à chaque bras, de la façon qui vient d’être indiquée. 4 Revu à diverses reprises, il présente le 24 janvier, 3 jours après les inoculations, 2 vésicules naissantes au"bras droit et rien au bras gauche; le 28 janvier, 7 jours après les inoculations, 3 pustules fort belles à droite et rien à gauche ; le 4 février, 14 jours après les inoculations, tou- jours rien au bras gauche. Le vaccin à l'essai s’est montré chez Louis Char- bonnier tout à fait inactif. 20 Félicie Humbert, âgée de 3 ans, est de même inoculée le 21 janvier 1895. 3 jours après, le bras droit présente des vésicules commençantes, rien n'apparaît au bras gauche; 7 jours après les inoculations, le bras droit porte . trois belles pustules, le bras gauche 2 pustules plus. pelites qui, à ce qu'affirme la mère, n’ont commencé à apparaître que l’avant-veille. En résumé et contrairement au résultat de l’expérience précédente, le. vaccin à l'essai s'est montré encore actif chez Félicie Humbert, mais la virulence était atténuée et l’évolution des pustules a été retardée. 30 André Brugnaud, âgé de 5 mois, est inoculé, comme il a été dit, à chacun des bras le 28 janvier 1895. 3 jours après, il présente au bras droit des vésicules très évidentes, tandis qu’au bras gauche existent seulement de légères rougeurs. 7 jours après les inoculations, le bras droit porte trois magnifiques et larges pustules en voie de dessiccation; le bras gauche montre d’une part une pustule manifestement moins développée et moins large que celles de droite, d'autre part deux petites taches rouges avec légère saillie papuleuse, sans trace de soulèvement épidermique. En résumé le vaccin à l'essai s’est montré chez André Brugnaud très faiblement actif. 40 Marie Tourrier, âgée de 9 mois, est de même inoculée à chacun des bras le 31 janvier 1895, mais par 2 piqüres Seulement au bras droit. Revue 7 jours après les inoculations, elle porte au bras droit 2 pustules IMMUNITÉ PAR LE SÉRUM DE GÉNISSE VACCINÉE. 29 normales et très belles, au bras gauche rien autre que de très légères papules sans aucun soulèvement épidermique. En résumé, chez Marie Tourrier, le vaccin à l'essaï s'est montré presque complètement inactif. , d0 André Saule, àgé de 5 mois, est de même inoculé à chacun des bras le 31 janvier 1895, 4 jours après, il porte au bras droit 2 belles vésicules, tandis que rien n'apparaît au bras gauche. 7 jours après les inoculations, le bras droit présente 2 pustules en voie de dessiccation et Je bras gauche montre seulement 2 petites vésicules naissantes et une tache rouge sans aucun soulèvement de l’épiderme. 14 jours après les inoculations, les 2 croûtes que porte le bras droit mesurent 10 à 42 milli mètres de diamètre, tandis que le diamètre des deux croûtes du bras gauche ne dépasse pas 4 à 5 millimètres. En résumé, chez André Saule le vaccin s’est montré encore actif, mais sa virulence était très atténuée et l’évolution des pustules a été fort retardée. 60 Louise Joisel, àgée de 15 mois est de même inoculkée à chacun des bras le 31 janvier 1895, mais ne se représente pas à notre examen. Li . Les recherches contenues dans l'expérience qui précède démontrent en résumé que, chez une génisse vaccinée depuis 24 heures et traitée à ce moment par les injections sous-cutanées de sérum immunisant, les résultats du traitement ont été d’une part une modification relativement peu marquée de l’éruption vaecinale, mais d'autre part une atténuation très notable de la virulence du vaccin qu’elle a fourni. À ne juger même que par les premières inoculations de ce vaccin d’abord à une génisse, puis à un jeune enfant, on aurait pu le croire complètement inactif. De nouvelles inoculations faites à quatre autres enfants ont montré qu'il ne l'était pas tout à fait, ce qui apprend comme il convient de multiplier les essais. Les enfants inoculés avec ce vaccin l'ont été d’ailleurs dans les conditions les plus propres à la fois à rendre apparente leur récepuivité vis-à-vis de la vaccine et à déceler dans le vaccin à l'essai, s’il n’était pas trop atténué, la moindre trace de virulence. En effet, ces enfants inoculés au bras gauche avec le vaccin à l’essai ont reçu en même temps au bras droit du vaccin normal. Or, c'est un fait connu que des inoculations de vaccin de bonne qualité, en même temps qu’elles déterminent aux points inoculés l'apparition dans les délais normaux de pustules régulières, peuvent avoir pour effet de faire naître des pustules vaccinales supplémentaires en d’autres points préalablement inoculés avec du vaccin de moindre 30 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. virulence et qui jusque-là, malgré le temps écoulé, n'avaient été le siège d’aucun travail de pustulation; elles réveillent l’activité latente du virus antérieurement déposé sous l'épiderme et qui depuis des jours y demeure inerte. ” Vraisemblablement, si les enfants n’avaient recu au bras droit du vaccin normal, rien au bras gauche ne serait venu révéler le peu d'activité virulente qui subsistait dans le vaccin à l'essai. Quoi qu’il en soit, la virulence de ce vaccin était presque nulle et, bien qu’il semble un peu étrange de parler du traite- ment d'une maladie aussi bienfaisante que la vacciné, rien ne démontre mieux les propriétés curatives du sérum de génisse vaccinée. Dans l'expérience qui suit, un plus long temps s'écoule entre ‘le début de la maladie inoculée et l'intervention thérapeu- tique : c'est seulement 48 heures après la vaccination qu'est pratiquée la première injection de sérum immunisant. | ExPÉRIENCE XXI. — Le sérum d'un animal vacciné le 27 novembre 1894 et saigné aseptiquement 14 jours après, est recueilli pour être employé de la facon suivante. Le 143 décembre 1894, une génisse est vaccinée par des inoculations multiples aux deux flancs avec du vaccin éprouvé. Commencée à 8 h. 1/2 demie du matin, l'opération est terminée à 9 heures et 10 minutes. Le 15 décembre, à 8 h. 45 du matin, c’est-à-dire exactement deux jours pleins après la vaccination, cette génisse reçoit sous la peau une première injection de sérum de 150 c. c.; puis, d'abord d'heure en heure jusqu'à 11 h. 45 du matin, ensuite toutes les deux heures jusqu'à 9 h. 45 du soir, elle reçoit une nouvelle injection de 150 c. c., si bien qu'à la fin de la journée elle n’a pas reçu moins de 1,350 c. c. de sérum. . Le lendemain 16 décembre, de 1 heure du matin à 7 heures du soir, elle reçoit neuf nouyelles injections de 150 c. c.#« la somme totale du sérum injecté en deux jours s'élève à 2,700 c. c. Le 19 décembre, l’éruption vaccinale est modifiée : sur chaque flane il existe un certain nombre d'incisions tout à fait stériles, beaucoup sont recouvertes entièrement de croûtelles linéaires sèches ou ne présentent de pustules rudimentaires qu'en un ou plusieurs points de leur étendue; le plus grand nombre, cependant, au moins sur le flanc droit, porte des pustules qui en occupenttoute la longueur ; à gauche, l'éruption, manifestement plus modifiée, semble témoigner d’un arrêt de développement plus marqué, mais il parait que la génisse, un instant détachée, a léché une partie du champ vaccinal, ce qui trouble, au point de vue de l'aspect extérieur, les résultats de l'expérience. Un croquis des deux flancs en reproduit aussi fidèlement que possible tous les détails. (Voir la fig. n° 6.) IMMUNITÉ PAR LE SÉRUM DE GÉNISSE VACCINÉE. 31 Il importe surtout de connaitre la virulence du contenu des pustules. Celles qui ont la plus belle apparence fournissent une lymphe dont on inocule aussitôt une partie, par quinze incisions au périnée, à une génisse vaccinée aux flancs le matin même; ce qui reste de cette lymphe est mélangé à de la «+ glycérine et mis en tubes. À . L 32 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. FA Le 25 décembre, après six jours écoulés, les inoculations faites au périnée de la génisse ont donné naissance à des pustules assez bien développées. La lymphe vaccinale à l'essai était donc active. Mais, pour mesurer son degré d'activité, les enfants constituent un réactif encore plus sensible que les génissès. La pulpe glycérinée préparée avec le vaccin à l'essai et mise en tubes est inoculée au dispensaire X. Ruel, à huit enfants qui jamais n'ont été vaccinés” 1° Augustin Visconte, âgé de 7 mois et demi, est inoculé le Sonic 1895 par des scarifications en trois endroits à chaque bras : au bras droil avec du vaccin normal, au bras gauche avec le vaccin à l'essai. Quatre jours après, le 28 janvier, il présente au bras droit trois vési- cules naissantes, et rien au bras gauche. Sept jours après les inôculations, le 31 janvier, il porte au bras droit trois pustules très belles, très larges, en voie de dessiccation, et au bras gauche deux pustules petites avortées, déjasdesséchées. En résumé, le vaccin à l'essai s'est montré actif, mais atténué. 20 Susanne Pillier, âgée de 11 mois, est inoculée le 11%février 1895 par des scarifications en trois endroits au bras gauche seul et uniquement avec le vaccin à l'essai. Revue trois jours après, le 44 février, elle présente une seule vésicule naissante toute petite. Elle est inoculée au bras droit, en trois points, avec du vaccin normal. Le 18 février, quatre jours après la seconde inoculation, sept jours après la première, elle porte au bras droit trois belles vésicules, au bras gauche une vésicule de moyenne grandeur, un peu plus avancée dans son évolu- tion que celles de droite. Le 25 février, elle présente à droite trois belles croûtes vaccinales, une seule croûte moins large, à gauche. En résumé, le vaccin à l'essai s'est montré actif mais atténué. 3° Léon Borokowil:, âgé de 4 mois, est inoculé le 11 février 1895 par des scarifications en trois endroits au bras gauche avec le vaccin à l'essai. Trois jours après, le 14 février, rien n'apparaît aux points inoculés. Il reçoit au bras droit, par des scarifigations en trois points, du vaccin normal. Le 18 février, le bras droit porte trois vésicules naissantes, le bras gauche en porte deux qui ne sont pas plus avancées dans leur évolution que celles de droite. « Le 95 février, le bras Wroit porte trois croûtes d’un diamètre deux fois plus grand que le diamètre des deux croûtes du bras gauche. En résumé, le vaccin à l'essai s’est montré actif mais atténué, et plus lent à agir. , 40 Renée Bettendroffer, àgée de 4 mois, est inoculée au bras gauche par des scarifications en trois endroits avec le vaccin à l'essai le 14 février 1895. Revue 4 jours après, le 48 février, elle présente 2 vésicules naïissantes. 7 jours après linoculation, le 21 février, elle porte 2 pustules assez belles, plutôt un peu petites. En résumé le vaccin à l'essai s’est montré actif. d « % IMMUNITÉ PAR LE SÉRUM DE GÉNISSE VACCINÉE. 33 30 Henri Gehan, âgé de à mois, est inoculé au bras gauche, le 14 février 1895, par dés scarifications en 3 endroits avecrle vaccin à l'essai. 4 jours après, le 18 février, il présente au bras gauche en 2 endroits seulement une légère papulation, sans soulèvement épidermique, qui ne date que de la veille, au dire de la mère. Ce même jour, 18 février, il est inoculé au bras droit, en 3 points, avec du vaccin normal. Revu le 21 février, c’est-à-dire 3 jours après la seconde inoculation, 7 jours après la première, il porte au bras droit 3 vésicules naïssantes, au bras gauche 2 vésicules à peine plus avancées que celles de droite. En résumé, le vaccin à l’essai s’est montré actif mais atténué. Go Lisa Schlossberg, âgée de 10 semaines, est inoculée au bras gauche, le 44 février 4895 par des scarifications en 3 endroits avec le vaccin à l'essai. 4 jours après, le 18 février, elle ne présente qu'une papule minuscule en ün seul point. Elle est inoculée au bras droit en 3 points, avec du vaccin normal. Le 21 février, 3 jours après la seconde inoculation, 7 jours après la première, elle porte au bras droit 3 papulo-vésicules et au bras gauche une seule papulo-vésicule peu développée. En résumé, le vaccin à l'essai s’est montré actif mais atténué. L'expérience qui précède démontre que chez une génisse vaccinée depuis 48 heures et traitée à ce moment par les injec- tions sous-cutanées de sérum immunisant, ce sérum manifeste encore ses propriétés curatives par une modification de l'aspect extériéur del’éruption entravée dans son développement, etparune atténuation dela virulence du contenu despustules. Maisilconvient d'ajouter aussitôt que, malgré la dose relativement considérable du sérum injecté, l'aspect des éléments éruptifs n'est que faible- ment modifié, .et surtout que la virulence de leur contenu n'est qu'incomplètement atténuée, puisque, inoculé à huit enfants non vaccinés, le vaccin recueilli ne se montre tout à fait inactif que chez deux enfants seulement, eu donnant d’ailleurs chez les six autres des résultats très imparfaits. En résumé, dans ces essais de sérumthérapie de la vaccine, comme dans tous les essais du même genre tentés antérieure- ment contre d’autres maladies infectieuses, en dépit de la rapi- dité avec laquélle s'établit l’immunité conférée par le sérum, sa puissance curative s’affaiblit et diminue très vite à mesure qu'il intervient plus tard après le début de l’évolution morbide. Si l’immunité qui résulte de l’atteinte d’une maladie infec- tieuse ou de l'inoculation d’une culture du microbe de cette ” n) 34 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. maladie est, dans la règle, lente à s'établir, on'sait qu’elle est par contre lente à disparaître et que souvent ellé dure fort longtemps. Pour la vaccine en particulier, et, dans l’espèce humaine au moins, après avoir mis une dizaine de jours à se développer, c’est à peu près autant d'années le plus souvent que persiste l’immunité consécutive à l’inoculation de cette maladie. A l'inverse, c'est également une règle, que, promple à se manifester, l’immunité conférée par le sérum des ‘animaux immunisés soit prompte aussi à disparaître. A cette règle obéit très vraisemblablement l’immunité que donne le sérum de génisse vaccinée, mais nous n’en avons pas encore la certi- tüde. Désireux, pour résoudre la question, d'employer des ami- maux moins volumineux et moins coûteux que des génisses, nous avons échoué dans nos tentatives d’inoculation de la vaccine à des lapins, et les jeunes chevreaux sur lesquels ont ensuite porté nos recherches ne nous ont pas fourni d’éruptions assez constantes et assez typiques pour servir notre dessein. IV L TENTATIVES DE RENFORCEMENT DE L'ACTION IMMUNISANTE DU SÉRUM Le DE GÉNISSE VACCINÉE 4. Comme le montrent toutes les recherches précédentes, le sérum de génisse vaccinée ne révèle ses propriétés préventives et thérapeutiques qu'à la condition d’être employé à fortes doses. La quantité qui en doit être injectée aux animarux en expérience varie d’abord avec leur poids; elle varie d’autre part avec le moment où est faite l'injection, plus grande si celle-ci est pos- térieure de quelque temps à la vaccination que si elle la précède immédiatement, d'autant plus grande que l'injection est prati- quée plus tard après l’inoculation du vaccin. Dans les meilleures conditions Ce la quantité de sérum à injecter demeure assez considérable. C’est ainsi qu immédiatement avant d’être vaccinée, une génisse doit regevoir une dose de sérum équiva- lente à la centième partie de son poids pour acquérir non pas l'immunité parfaite, mais seulement un degré très élevé d’immu- “ . 4 IMMUNITÉ PAR LE SÉRUM DE GÉNISSE VACCINÉE. 25 nité, celui où les très rares et très rudimentaires püustules de l’éruption avortée contiennent une lymphe qui n’est plus inocu- lable. Nous avons donc tenté de renforcer l’action immunisante du sérum de génisse vaccinée, sans nous dissimuler combien, dans notre ignorance du microbe de la vaccine, cette entreprise était re Voici les expériences que nous avons faites dans ce but : Expérience XXII. — Le 24 février 1895, une génisse est inoculée avec du vacein éprouvé par le procédé habituel des incisions multiples aux deux flancs. Dès le lendemain et pendant 20 jours consécutifs, du 95 février au 16 mars, elle reçoit quotidiennement, en injection sous-cutanée, toutle contenu * d'un gros tube de pulpe vaccinalé giycérinée préparée le 15 décembre 1894. L’éruption est normale. Le 20 mars, soit 24 jours après les premières inoculations, la génisse est saignée aseptiquement. Le sérum provenant de cette saignée est injecté * comme il suit sous la peau d’une génisse non vaccinée pesant"165 kilo- grammes, et directement amenée de l’étable de la rue Caalaincourt au bastion 29 où ont lieu les injections. Le 31 mars 1895, l'animal reçoit à 9 h. 20 du matin une première injec- “tion de 150 e. c. de sérum ; successivement à { { heures, à 1 h. 1/2, à 3 heures, à 4 h. 1/2, puis à 6 heures, il reçoit cinq nouvelles injections de 150 €. €.; à 7h.1/2 et à 9 heures du soir, il reçoit deux nouvelles injections de 175 c. € soit en tout dans. cette première journée 1,250 c. c. d Le lendemain 4% avril, à 7 h. 45 du matin, il reçoit une dernière injection * de 250 e. c., ce qui porte la quantité totale du sérum injecté à 1,500 €. e quantité équivalente à très peu près au centième du poids de l'animal. Puis il est immédiatement ramené rue Ballu où, par le procédé habituel, il est aussitôt vacciné le {er avril, entre 9 heures et 9 h. 1/2 du matin, à l’aide de 150 incisions, avec du vaccin éprouvé qu'on inocule simultanément à une génisse témoin. Le 7 avril, tandis que la génisse témoin présente une éruption normale, l'animal en expérience est porteur d’une éruption remarquablement modifiée dont il est pris un croquis fidèle. (Voir la fig. n° 7.) Sur les 99 inoculations dusflanc droit, 65 sont stériles et 34 ont donné naissance en un ou plusieurs points seulement de leur étendue, à de toutes petites pustules. Sur les 31 inoculations, du flanc gauche, 22 sont stériles et 29 ont donné naissance en un ou plusieurs points seulement de leur étendue, comme au flanc droit, à des pustules si rudimentaires qu'à grand'peine, en les expri- mant toutes, on fait une très maigre récolte de lymphe vaccinale. La pulpe glycérinée préparée avec cette lymphe est inoculée sans aucun succès à une génisse. Notre ami le docteur Gaachas énocule, au Dispensaire Ruel, le 22 avril # . 4 36 : ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ; 1895, la même pulpe vaccinale au bras gauche de trois enfants non vaccinés qui simultanément sont inoculés au bras droit à l’aide de vaccin normal: " pastule normale du emoin.……...…… nn. e 2 = 4 Fig. revus le 29 avril, les trois enfants portent au bras droit de belles pustules et rien absolument au bras gauche : le vaccin, provenant de la génisse qui areçu desinjections de sérum immunisant, s’est montré dépourvu de toute virulence. + + " - IMMUNITÉ PAR LE SÉRUM DE GÉNISSE VACCINÉE. 37 En résumé, une génisse d’abord inoculée aux flancs avec du vaccin éprouvé reçoit quotidiennement, à partir du lendemain, pendant vingt jours consécutifs, unê injection sous-cutanée de vaccin, puis est saignée vingt-quatre jours après la première inoculation. Son sérum injecté, à la dose du centième du poids de l'animal, sous la peau d’une autre génisse qu’on inocule aussitôl après, lui confère une immunité suffisante pour rendre stériles la majeure partie des inoculations, donner aux éléments éruptifs, en petit nombre, un aspect avorté, et enfin modifier la virulence du vaccin recueilli au point qu'il n’est plus inoculable à des sujets non vaccinés, enfants et génisse. Cependant le degré de l’immunité ainsi obtenu ne paraît pas dépasser celui qu'a donné antérieurement l'emploi à la même dose du sérum ordinaire, nous voulons dire d’un sérum dont on n’a pas tenté de renforcer l’action immunisante. Pour plus de certitude, une nouvelle expérience est faite où sont réalisées toutes les conditions de la précédente, à l'exception seulement des injections sous-cutanées de vaccin succédant à la vaccination sous-épidermique. ExPÉRIENCE XXIII. — Une génisse, vaccinée aux flanes par le procédé habituel le 3 mars 1895, et qui a présenté une belle éruption, est saignée seu- EDEN le 27 mars, c’est-à-dire exactement 24 jours après l’inoculation. " Le sérum provenant de cette saignée est injecté, comme il suit, sous la peau d'une génisse non vaccinée, pesant 135 kilogrammes et directement amenée de l'étable de la rue Caulaincourt au bastion 29, où ont lieu les injections. Le 7 avril 1895, l'animal reçoit à 9 h. 1/2 du matin une première injec- tion de 125 c. c. de sérum; successivement à {1 heures, à 4 h. 1/2, à 3 heures, à 4 h. 1/2, à 6 heures et à 7 h. 1/2, il reçoit six nouvelles injec- lions de 125 c. c.; à 9 heures, il reçoit une nouvelle near de 15060740, soit, en tout dans cette première journée 1,025 c. ce. Le lendemain 8 avril, à 7 h. 45 du matin, il reçoit une dernière injec- tion de A €. ©., ce qui porte la quantité totale du sérum injecté à 1,230 c. €. : c'est, à très peu près, le centième du poids de l'animal; c’est : MINES la quantité équivalente à celle qu'a reçue, dansl’expérience précé- dente, une génisse pesant 30 kilogrammes de plus. Püis il est immédiatement ramené rue Ballu et aussitôt inoculé le 8 avril, à 9 heures du. matin, à l’aide de 160 incisions, avec le même vaccin qui a ‘servi, huit jours avant, à inoculer la génisse de l'expérience PE dente. (Ce même vaccin sert à vacciner simultanément une autre génisse témoin. Le 14 avril, tandis que la génisse témoin présente une éruption normale, à + 38 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. l'animal en expérience est porteur d’une éruption remarquablement modifiée et avortée dont il est pris un croquis fidèle, (Voir la figure. n°8.) pustul ror/nale de Leroin.…....# . < A; Fig. 8. . 8 Sur les 96 inoculations du flanc droit, 51 sont stériles et 45 ont donné naissance en un ou plusieurs points seulement dela longueur des incisions à des pustules très rudimentaires. * — IMMUNITÉ PAR LE SÉRUM DE GÉNISSE VACCINÉE. 39 Sur les 64 inoculations du flanc gauche, 44 sont stériles et 20 seulement ont donné naissance en un ou plusieurs points de la longueur des incisions à des pustules aussi rudimentaires que celles dû flanc droit. Une très maigre récolte de lymphe fvaccinale est faite à grand'peine. Une portion de cette lymphe HQE aussitôt à une génisse se montre tout à fait inactive. Une autre portion sert à préparer de*la pulpe glycérinée que notre ami le docteur Gauchas inocule le 30 mai 1895, au*dispensaire Ruel, au bras gauche de deux enfants non vaccinés, en même temps qu au bras droit de ces enfants il inocule du vaccin normal; revus le 6 juin, ‘ces deux enfants portent au bras droit de belles pustules et rien absolument au bras gauche: le vaccin provenant de la génisse qui avait reçu des injections de sérum immunisant avait perdu toute virulence, ils’est montré complètement inactif. Cette expérience est concluante : il n'y a pas de différence appréciable, au point de vue de l'intensité de l'action immuni- sante, entre le sérum de deux génisses vaccinées dont l’une a été seulement inoculée sous l’épiderme tandis que l’autre, au lendemain d’une semblable inoculation, a reçu quotidiennement, pendant vingt jours consécutifs, une injection sous-cutanée de vaccin. . Nous tentons cependant une seconde fois de renforcer le pouvoir immunisant du sérum de génisse vaccinée, sans modifier les conditions de la première expérience autrement qu’en prolongeant pendant quarante- -deux jours consécutifs les injec- tions sous-cutanées du vaccin qui succèdent à l’inoculation sous- épidermique. Expérience XXIV. — Le 2% mars 1895, une génisse est inoculée avec du vaccin éprouvé par le procédé habituel des incisions multiples aux deux flanes. . Dès le lendemain, et chaque jour jusqu'au 12 avril inclusivement, elle reçoit en injection, sous la peau, tout le contenu d’un gros tube de pulpe vaccinale glycérinée recueillie le 30 LEE 1895 et dont la virulence a été éprouvée. » Du 13 avril au à mai, elle reçoit de même chaque jour en injection, sous la peau, tout le contenu d'un gros tube de ‘pulpe vaccinale glycérinée recueillie le es 1896 et dont la virulence a été éprouvée. Pendant 42 jours consécutifs, après l'inoculation sous-épidermique, cette génisse n'a donc pas cessé de recevoir une injection quotidienne de vaccin sous la peau. s Après à jours de repos, elle est saignée aseptiquement le 10 mai 1895, soit 4T jours après la première inoculation. Le sérum provenant de cette saignée est injecté comine il suit sous la peau d'une génisse non vaccinée pesant {11 kilos : à * Le Ê k 4 ® : F 40 ANNALES! DE L’INSTITUT PASTEUR. Le 2 juin 18%5,i5de 9 h. 1/2 à 11,h.1/2 du matin, lanimal reçoit en plu- sieurs injections, sous la peau du flanc droit, la quantité totale de 1,140 €. e. de sérum, quantité équivalente au centième de son poids. Le même jour, à midi 45, il est inoculé aux deux flancs, à l’aide de : ü + . Y . | E > IMMUNITÉ PAR LE E SÉRUM DE GÉNISSE VACCINÉE. 44 139 incisions, avec du vaccin éprouvé qu'on inocule simultanément à une génisse témoin. Le 8 juin, tandis que la géhisse témoin présénte une éruption normale, l'animal en expérience est porteur d'une éruption remarquablement modi- fiée et avortée dont il est pris un croquis fidèle (Voir la fig. n° 9.) Au flanc gauche, sur 44 inoculations, 28 sont demeurées stériles, 16 seule- ment ont donné naissance en un, deux ou trois points au plus de la longueur des incisions à des pustules minuscules. : Au flane droit, sur 95 inoculations, 76 sont demeurées stériles, 19 seu- lement ont donné naissance en unou deux points au plus de la longueur des incisions à des pustules tout aussi rudimentaires. On peut à grand'peine retirer de ces pustules avortées une très minime quantité de Iymphe vaccinale absolument inactive, comme le démon- tre l'inoculation qui en est faite au périnée d’une génisse simullanément vaccinée aux flancs avec succès à l’aide de vaccin normal. En résumé, le sérum d’une génisse vaccinée qui, pendant quarante-deux jours consécutifs après la vaccination sous- épidermique, a reçu une injection sous-cutanée de virus vaccinal, est injecté, à la dose du centième du poids de’ l'animal, à une autre génisse qu'on inocule aussitôt après et lui confère une immunité presque complète, mais qui ne suffit pas cependant à n@us faire croire au succès de nos tentatives pour renforcer le pouvoir immunisant duesérum de génisse vaccinée. Aprexnice. — L'idée d'attribuer des propriétés immunisantes au sérum de génisse vaccinée venait si naturellement à l'esprit, après la découverte de la sérumthérapie, que plusieurs savants ont cherché à la vérifier expérimentalement. Ces divers travaux n'ont eu aucune influence sur nos recherches, nous les avons connus seulement alors que nos expériences étaient réalisées ou déjà en voie d'exécution. Leurs auteurs ont d’ailleurs abouti à des résultats tout différents de ceux auxquels nous sommes parvenus. Il n’en convient pas moins de rapporter ces tentatives plus ou moins infructueuses en cherchant la raison de leur insuccès. Kramer et Robert Boyce, en août 1893, font au congrès annuel de la British Medical Association, tenu à Neweastle, une communication sur la nature de l’immunité vaccinale. Ces expé- rimentateurs ont injecté du sérum de veau vacciné, recueilli 10 où 14 jours après la vacecination, sous la peau d’ani- maux de même espèce. Les animaux en expérience, au nombre «*, » + L $ # 4 ANNALES DE L'INSTHUT PASTEUR. Lo de cinq, ont reçu, par kilogramme deleur poids, une proportion de sérum respectivement équivalente à 35,04, à 8,27, à 10 grammes, à 115,8 et à 18%,94, la quantité totale du sérum injecté variant d'uu demi-litre à deux litres et demi. Les injec- tions ont été faites tantôt quotidiennement, tantôt à des inter- valles de deux ou trois jours, à la dose de 100 à 300 c. €. chaque fois. On a vacciné ces animaux aussitôt que possible après la fin des injections de sérum, habituellement dans la même journée ou dans la journée suivante, et la vaccination a toujours réussi sauf chez un seul, celui qui avait reçu par kilogramme de son poids 10 grammes de sérum. Les expérj- mentateurs ne disent rien du nombre des inoculations sur chaque animal; nous supposons cependant qu'ils en auraient fait mention si celles-ci avaient été fort nombreuses. L'absence présumée de cette condition si importante, ia quantité relative- ment peu considérable du séram injecté, le long intervalle écoulé entre la première injection de sérum et la vaccination, telles sont, il nous semble, les raisons qui ont empêché ares et Robert Boyce d'obtenir l'immunité complète, seul objet de leur recherche, et de découvrir les signes révélateurs d’un degré moindre d'immunité. Landmann!', le 8 janvier 1894, communique au Congrès des médecins de Francfort les expériences qu'il a faites pour résou- dre, entre autres questions, la suivante : « Lesérum du sang des sujets vaccinés contient-il des substances immunisantes contre la vaccine? » Ces expériences ont porté sur dix jeunes enfants. Huit d’entre eux ont reçu sous, la peau du sérum de veau vacciné, recueilli de 28 à 80 jours après la vaccination et injecté en une fois à la dose maxima de 1/800° du poids de cha- que enfant; les deux autres ont reçu sous la peau, également à la dose de 1/800 de leur poids, du sérum de sang humain pro- venant d’une saignée faite à un médecin qui, quatre mois aupa- ravant, avait été revacciné avec succès. Tous ces enfants ont été inoculés 24 heures après l injection du sérum et lous ont pré- senté, aux points d’inoculation, dans les délais habituels, de belles pustules de vaccine normale. A la question qu'il s’est posée, Landmann répond donc négativement, mais la comparai- 1 LaANDmaxN, Substances immunisantes du sérum sanguin des varioleux et des vaccinés. (Zeistchr. f. Hygiene, XNIII, 1895.) N # 3 IMMUNITÉ PAR LE SÉRUM DE GÉNISSE VACCINÉE. 13 son de ses recherches aux nôtres moptre qu'il n'a pas employé, le sérum de veau vacciné aux doses où se révèle son action immu- nisante. La même objection peut être faite aux expériences plus récentes de Beumer et Peiper ‘ qui ont injecté, sous la peau de cinq veaux, du sérum d'animaux de même espèce vaccinés avec succès et saignés de 8 à 12 jours après la vaccination; la dose du sérum injecté a été de 30 c. c. dans le premier cas, de 60 c. c. dans le second et de 100 c. c. dans les trois autres. Inoculés le lendemain de l’injection"de sérum, les cinq veaux ont présenté des pustules normales : Beumer et Peiper concluent à l'absence de substances immunisantes dans le sérum des animaux vaccinés. De mème Hannover”, injectant sous la peau d’un veau 100 c. ec. de sérum de veau vacciné, recueilli le 31° jour après la vaccination, et inoculant cet animal 26 heures plus tard, a vu apparaître aux points d'inoculation des pustules normales. Rembold * a eu l'idée. avant de recueillir le sérum des ani- maux vaccinés, de les soumettre à trois ou quatre inoculations successives, à des intervalles d’une ou plusieurs semaines, la première de ces inoculations étant d’ailleurs seule positive; il leur à fait aussi une ou deux injections sous-cutanées de vaccin; ces animaux étaient des chèvres. Le sérum ainsi obtenu, injecté vingt-quatre heures avant la vaccination, sous la peau de trois veaux et d'une chèvre, à des doses variant de 1/4500 au 1/1200 de leur poids, n’a pas produit d'effets immunisants certains, sans doute en raison de l'insuffisance de la dose. Enfin les dernières recherches parvenues à notre connaissance, d’une façon d'ailleurs très incomplète, sont celles de Hlava ‘, de Pragüe, qui a fait également des injections sous-cutanées de sérum de veau vacciné d’une part à des veaux, à l'exemple des expérimentateurs précédents, mais aux faibles doses de 15 à 30 c. c., d'autre part à des enfants, à l'exemple de Landmann, mais à des doses encore moindres, 3 à 9 c. c. au plus. Comme * 1. BeumERr und Prier, Zür vaccine Immunitiüt. Compte rendu in Centralbl. à a: Bact. u. Parasit, XNIII,'n° 44-45, p. 469. 2. Cité par Rembold. 3. Rempocn, Centralblatt f. Bacteriologie u. Parasitenkunde, XNI, n° 4-5, 119. 4. HLava Jaroscav, Serum vaccinicum und seine Wirkung. Compte rendu in. Centralbl. f. Bact. u. Parasitenk. XNIII, Bd. n° 44-45, p- 470. . 1. æ ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Rembold d’ailleurs, Hlava avait pris soin, avant de saigner les animaux pour le récolte du sérum, de leur faire subir trois ino- culations successives et, bien entendu, la première de ces inocu- lations avait seule été suivie d’une éruption de pustules vacci- nales. Le sérum ainsi obtenu et employé aux doses susdites aurait, dans quelques cas, manifesté par l’insuccès des inocula- tions ou l'aspect avorté des pustules un certain pouvoir immu- nisant. Bien que de tels résultats nous paraissent douteux, nous attendrons pour en juger de les mienx connaître. Quant aux autres recherches de Hlava sur le sérûm provenant du sang recueilli le quatrième jour après l'inoculation, elles n'ont avec les nôtres.aucune analogie et il est inutile d’en rien dire ici. ,» CONCLUSIONS I. — Le sérum de génisse vaccinée, recueilli hors de la période virulente, de dix à cinquante jours après la vaccination, possède vis-à-vis de la vaccine inoculée des propriétés immunisantes. Il. — L'action immunisante du sérum de génisse vaccinée est très rapide. Une injection sous-cutanée, à dose suffisante, de ce sérum, faite immédiatement avant la vaccination par de nombreuses inoculations sous-épidermiques, modifie le dévelop- pement de l’éruption vaccinale consécutive au point de la faire presque complètement avorter. IL. — Tout au contraire, l’immunité consécutive à l’intro- duetion du vaccin sous la peau ne se révèle que tardivement. Une injection sous-cutanée de lymphe vaccinale faite immédia- tement avant de nombreuses inoculations sous-épidermiques de la même lymphe ne modifie en rien le développement de l’éruption consécutive. Bien plus, une injection sous-cutanée de vaccin peut précéder d’un jour, de deux jours et même de trois jours les inoculations sous-épidermiques sans manifester encore son pouvoir préventif par un changement dans l’aspect extérieur de l’éruption vaccinale. IV. — La rapidité de l’action immunisante du sérum de * génisse vaccinée, mise en regard de la tardive immunité qui suit l’inoculation sous-cutanée du vaccin, suffit à démontrer que ce sérum doit ses propriétés immunisantes à des substances solubles IMMUNITÉ PAR LE SÉRUM DE GÉNISSE VACCINÉE. #45 et non à la présence dans sa masse des microbes (encore inconuus) de la vaccine. V. — L'immunité consécutive à l’inoculation sous-cutanée du vaccin, lente à.apparaître, puisqu'après trois jours elle ne se révèle pas encore, m'atteint que par degrés son parfait dévelop- pement, etne semble complète que dansle cours du huitième jour; ce moment, au moins, elle est devenue suffisante pour rendre stériles toutes les nouvelles inoculations faites sous l’épiderme. VI. — L'immunité consécutive à la vaccination sous-cutanée, dans la période de développement graduel du quatrième au hui- tième jour, se manifeste chez les animaux incculés sous l’épi- dermé dans cet intervalle de temps, à l’aide d’incisions nom- breuses, par {rois signes : ' 1° Une par tie ds inoculations demeure tout à fait stérile ; . 2° Une partie donne naissance à des pustules plus ou moins petites, rudimentaires, sèches et avortées. La proportion des inoculations stériles ou presque stériles grandit avec le progrès journalier de l’immunité et permet d'en mesurer, à vue d'œil, le degré croissant; 30 La virulence de la lymphe des éléments éruptifs pustuleux estplus ou moins atténuée, comme le démontrentles inoculations de celiquide à des sujets non vaccinés, enfants ou génisses : elle peut avoir perdu de sa virulence au pointde n'être plus inoculable. VII. — Semblablement, l’action immunisante du sérum de génisse vaccinée, injecté sous la peau d'animaux de même “espèce inoculés à l’aide d’incisions nombreuses, se révèle par trois signes : 1° L’insuccès complet de nombre d’inoculations ; 20 L'aspect rudimentaire et avorté des éléments éruptifs ; 3° L’atténuation de la virulence du contenu de ces éléments. VIII. — Le sérum de génisse vaccinée, injecté sous la peau d'un animal de même espèce qu'on inocule aussitôt après, manifeste son pouv oir préventif par des signes d’autant plus accentués qu . est injecté, en proportion du poids de l'animal, à dose plus élevée. La dose minima, nécessaire à la manifestation des propriétés immunisautes de ce sérum, est relativement con- sidérable. IX. — Le sérum de génisse vaccinée, injecté sous la peau d’un animal de même espèce, qu’on inocule aussitôt après, à la 46) ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. dose d’un centième du poids de cet animal, lui confère une immunité incomplète, 1l est vrai, mais suffisante cependant pour rendre stériles le plus grand nombre des inoculations, pour donner aux rares éléments éruptifs qui apparaissent un aspect rudimentaire et avorté, et surtout pour faire perdre toute virulence appréciable au contenu de ces éléments, puisqu'il n’est plus inoculable à des sujets non vaccinés. X.— L'action immunisante du sérum de génisse vaccinée se révèle encore par ses trois signes caractéristiques alors que l’in- jection sous-cutanée de ce sérum ne précède plus la vaccination, mais la suit à un intervalle de 24 et même de 48 heures. Le sérum de génisse vaccinée possède donc vis-à-vis de la vaêcine non seulement un pouvoir préventif, mais encore un pouvoir curateur, d'autant plus faible, il est vrai, que l’interven- tion thérapeutique survient plus tard après l’inoculation” XI. — Le pouvoir immunisant du sérum de génisse vaccinée ne paraît pas renforcé d’une façon appréciable, alors que l’ani-. mal qui a fourni ce sérum a reçu préalablement sous la peau, pendant quarante-deux jours consécutifs, une injection quoti- dienne de virus vaccinal. [ci s’arrêtent les conclusions directement tirées de nos recherches expérimentales. Mais il nous a semblé que le résultat de ces recherches permettait d'aborder, en s'appuyant sur un terrain solide, le problème de la sérumthérapie de la variole, et qu'on pouvait regarder comme rationnel l'emploi contre cette maladie du sérum de génisse vaccinée, après la découverte de ses propriétés curatives vis-à-vis de la vaccine. C’est pourquoi l’un de nous s’est cru autorisé à faire à dix-sept varioleux de tout âge des injections sous-cutanées de sérum de génisse vaccinée. Dernièrement (10 janvier 1896) il a présenté à la Société médicale des hôpitaux une convalescente de variole qui, au 3° jour de l’éruption, avait reçu en injections sous-cutanées, dans l’espace d’une heure, plus d'un litre et demi de sérum, et, sans én éprouver aucun accident local ni général, avait rapide- ment guéri. Un prochain mémoire fera connaître ces essais thérapeutiques. # TRAÏTEMENT DE LA SCARLATINE PAR LE SÉRUM RUPIRENUEUANRE ? Pare D' ALEXANDRE MARMOREK 3 ré ge LI On ne connait pas encore le micrabe qui cause la scarlatine. Mais il n’y a plus de doute sur le rôle important que joue dans cette maladie, comme dans tant d’autres, l’association du strepto- coque. On le trouve toujours dans la gorge du scarlatineux, et sa présence constante dans les complications fréquentes et redou- tables de la scarlatine, telles que bubons, néphrite, endocardite, pleurésie, otite, ete, montre tout le danger de ce microbe greffé sur la maladie primitive. : Ces faits cliniques etdèslongtemps connus conduisaient à injec- ter du sérum antistreptoecique’ aux scarlatineux pour empêcher les complications el laisser simplement se développer les effets du virus scarlatineux. Celui-ci, une fois débarrassé de l’influence fatale du streptocoque, nous paraît peu &Gangereux, et le traite- ment de la scarlatine par un sérum qui ne combat que les effets du microbe associé, prend presque la portée d’une médication spécifique. * On a pu maintes fois observer que la gravité des épidémies est très variable, et aussi que dans les mêmes épidémies des cas bénins se rencontrent à côté des formes dangereuses, hyper- thermiques qui, avec des symptômes d'intoxication rapide, amènent une issue fatale. Mais dans les cas de scarlatine, même dans les plus anodins, les complications streptocciques se mani- festent toujours, ne fût-ce que par une angine, ou par des bubons, ou par des traces d’albumine dans l'urine. C’est à l'hôpital Trousseau, dans le service de M. le D" Josias, que j'ai fait cet essai thérapeutique. J’adresse à M. le D' Josias 1. Voir Annales de l'Institut Pasteur, juillet 1895. d s dl 48 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR l’expression de ma profonde reconnaissance pour l'aimable obli- seance avec laquelle il a mis son service à ma disposition. Le traitement dura du 16 octobre au 31 décembre 1895. La scarlatine était au commencement assez bénigne, mais prit vers- la fin du mois de novembre une gravité croissante, de sorte qu’au mois de décembre les cas graves étaient en majorité. * Pendant ce temps,. 103 enfants atteints de scarlatine sont entrés dans le service ; sept n’ont pas été traités par le sérum parce que leur maladie était trop éloignée du début et qu'ils n'offraient que de la desquamation. ° Un de ces enfants est spécialement intéressant. Il'entra avec une néphrite datant de trois semaines {(0,6 0/0 d’albumine) et il ne fut pas soumis au traitement par le sérum. Après deux mois de séjour dans le service, il le quitta sans être guéri. Ses deux sœurs, qui tombèrent malades un peu plus tard, furent injectées avec du sérum. Elles ne présentèrent aucune complication. Il reste. 96 enfants traités par le sérum d’un pouvoir pré- ventif de 30,000. L'examen bactériologique démontra chez tous la présence du streptocoque seul ou associé à d’autres microbes. Chez dix-sept enfants on trouva le bacille de Loeffler. Quatre de ces derniers, entrés avec des signes d'intoxication diphtérique, moururent malgré le traitement par les deux sérums. Ces enfants étaient tous restés plusieurs jours chez eux sans traite- ment. Le premier vint dans le service de la scarlatine au qua- trième jour de sa maladie ; il reçut pendant deux jours du sérum antistreptococcique; puis, comme on s’aperçut qu'il avait la diphtérie, on lui injecta, le sixième jour seulement, du sérum antidiphtérique. Il succomba à la double intoxication le neu- vième jour après son entrée. | Le second entre d’abord au pavillon de la diphtérie; après quatre jours il passe dans le service de la scarlatine, et il présente, à ce moment, une angine gangréneuse étendue aux sencives et aux lèvres, des bubons doubles du cou et un état général très mauvais. On lui donne en même temps les deux sérums; les bubons disparaissent sans suppuration, les fausses membranes se détachent en partie, l’état général s'améliore, mais l'enfant meurt le huitième jour par insuffisance cardiaque. Les deux autres périrent presque subitement, l’un, le troi- À » TRAITEMENT DE LA SCARLATINE 49 + sième jour, l'autre, le quinzième jour après leur entrée, dans une attaque d'urémie précoce. Leur urine ne contenait que très peu d’albumine. Nous avons encore perdu un enfant de deux ans dont la scarlatine évoluait d’une façon bénigne, sans que, pendant quinze jours, il ait présenté de fièvre, lorsque brusquement se déclara une pneumonie franche et double à laquelle l'enfant ‘succomba. Tous les enfantsreçurent, dès leur entrée, une dose de 10 c. c. de sérum antistreptococcique qui était doublée si l’état géné- ral était grave. Le traitement fut restreint aux injections du sérum et aux lavages antiseptiques de la gorge. On répéta les injections journellement jusqu’à la chute de la température. Ordinairement, une à deux injections suffisent. Aussitôt qu'un bubon ou des traces d’albumine dans l’urine se montraient (bubons 19 fois, albuminurie 33 fois), les injections étaient de nouveau reprises et continuées jusqu'à ce que l’état devint normal. Les effets du sérum étant passagers, il convient donc de rester sur ses gardes, surtout dans cette maladie où les compli- ‘cations peuvent être tardives, et de reprendre les injections aussitôt qu'’apparaît une manifestation streptococcique. La quantité totale injectée à un enfant était de 10 c. c. à 30 c. €. pour les cas ordinaires; elle fut portée dans les cas graves jusqu'à 40, 60, 70, 80 c. c. Cette dernière dose fut donnée à un enfant atteint de rhumatisme scarlaltineux. Chez un enfant de quatre ans, atteint de bronchô-pneumonie, on injecta 90 ce. c. pour obtenir la guérison complète. L'effet le plus net du sérum antistreptoeoccique se manifesta sur les bubons: Dix-neuf enfants montrèrent, ou à leur entrée au service, ou plus tard, des bubons du cou. Les ganglions dégon- flèrentitous sans exception, de sorte qu'il n’y eut pas un seul cas de suppuration. , | Une fois, malgré le sérum, dans un cas très grave, nous avons constaté une otite avec écoulement de pus qui cessa bientôt. Chez quatre enfants entrés avec une otite double, l'injection du sérum tarit promptement la suppuration. Si l'affection des reins se manifeste par l'apparition de traces d'albumine dans l’urine, une à deux injections suffisent pour rétablir l’état normal. bn 50 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. - Le sérum antistreptococcique n’a pas seulement empèché de graves complications, mais encore il produisit laschute rapide des fausses membranes de la gorge et la disparition du délire. Sous son influence, l’état général était sensiblement amélioré, le _« pouls devenait plus lent et plus fort. Lorsque l'élévation de la température est due aux complications streptococciques, elle baisse après l'injection du sérum, tandis que la fièvre due au virus scarlatineux continue son évolution et que l’éruption scar” latineuse suit la marche ordinaire. : Ces derniers faits nous semblent venir à l’appui de l’opinion que la scarlatine n’est pas causée par le streptocoque que nous connaissons. GRR Le sérum antistreptococcique n’a pas eu (comme nous l’avons d’ailleurs constaté ‘en l’employant dans d’autres’ maladies) d'inconvénient sérieux. Des érythèmes passagers furent rare- ment remarqués. Mais il faut insister sur la nécessité d’une asepsie absolue dans la technique de l’inoculation. Nous savons bien que le chiffre des enfants scarlatineux traités par le sérum est encore trop restreint pour tirer de cet essai thérapeutique une conclusion définitive. Néanmoins, nous signalons son action favorable sur les bubons et sur l’albuminurie, et,son influence pour prévenir les graves complications de la scarlatine. ; Aussi croyons-nous que le sérum antistreptococcique peut rendre de réels services dans le traitement de cette maladie. + L ? # CONTRIBUTION À D'ÉTUDE DES LEVURES DE VIN “ Par E. KAYSER. & ns Lorsqu'on essaie d'appliquer à la fabrication du vin les procédés d’ensemencements de levures qui ont donné de si bons résultats en brasserie, on rencontre des difficultés nombreuses, qui liennent en partie à ce que le vigneron n’est pas maître de son moût comme d'est le brasseur. D'une année à l’autre la composition du mème cépage varie, et comme on ne peut faire qu’un essai par an, l'expérience est longue à venir. Dans, une même année, daûs un même vignoble, les divers cépages donnent des moûts de composition différente, et il n'est pas assuré que la même levure ensemencée convienne, à tous. On a jusqu'ici implicitement admis, en voyant la fermenta- tion se déclarer spontanément dans un moût de raisin, que la levure y trouvait un milieu très favorable. Il y a du vrai et du faux dans celte opinion. Il est certain, d'un côté, que le moût est en général trop acide comme milieu de fermentation. C’est unenotion sug laquelle Pasteur et Duclaux ont insisté. Il n'est pas douteux, d’un autre côté, que ‘dans la masse énorme de germes apportés par les grains de raisin, ikne s’en trouve tou- jours de très bien adaptés aux conditions présentes, et qui se développent de préférence. Quel rôle jouent dans cette adapta- * tion les divers matériaux du moût, la température, etc.? C’est ce qu'on ne sait pas, et ce que je me suis proposé de rechercher. . Nous ne sommes pas encore très bien renseignés sur les éléments du moût : ce que nous y connaissons le mieux ce sont “les acides fixes. On les savait formés de preportions variables d'acide tartrique et d'acide malique. M. Duclaux y a en outre signalé récemment les acides glucique, caprique etpectique. Bor- nons“nous pour le moment aux deux premiers, les plus ancien- nement connus, et demandons-nous d’abord si l’influence de l'acidité est la même aux diverses températures, c'est-à-dire si . une même levure se comporte de même dans le même milieu plus ou moins acide à diverses températures. . . % EN D2 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. : J'ai pris pour cela de l’eau de touraillons contenant 86:",21 de sucre par litre. On en a fait 2 parties, dont l’une a été addi- tionnée en outre de 25,22 d'acide tartrique par litre. Chacun de ces lots a servi à faire deux fermentations, l’une à 25°, l’autre à 55°. Voici les résultats de l'analyse du liquide fermenté. On n'en a relaté que les éléments essentiels : l'acidité volatile est exprimée en acide acétique; le pouvoir! ferment de la levure est . la quantité de sucre transformée par un gramme de levure. Deux levures, une levure de champagne (2) et une levure de vin du Midi (32) ont été essayées dans du moût acide et du moütneutre. Les nombres sont des grammes par litre LEVURE 2 42250 a 990 nn — a alé a — a if M. acide. M. neutre. ” M. acide. M. neutre airaite ere 9.05 7.06 9.33 7.14 Sucre restant..... () 0 4255 (l Acide volatil...... 0.42 0.31 0.98 , 0.91 GiWCérINe ere 1,7 1.44 2,19 2.86 Acide succinique 0.62 0.23 0.97 0.44 L'avureir ose 4.39 1.43 1.09 4.01 Pouvoir ferment. 62 60 71 85 On voit que cette levure, cultivée à températureélevée, donne moins d'acide volatil, plus de glycérine et d'acide succinique; elle a en outre un pouvoir ferment plus grand, ce qui veut dire qu'il s’en forme moins pour transformer la même quantité de sucre. On voit aussi qu'il y a un peu moins d'acide volatil pro- duit daus le moût neutre que dans le moût acide, mais que c’est l'inverse pour la glycérine à 35°. Les quantités de levure sont à peu près les mêmes, car, à raison de la variation de poids de la levure du commencement à la fin d'une fermentation, il n’y a pas lieu d’attacher une grande importance aux différences signalées dans le tableau. Voyons maintenant ce que donne l’autre levure dans les mêmes conditions. 4 LEVURE 32 à 250 à 390 TT — CT — a il M. acide. M . neutre. M. acide. M. neutre. RTE. 6.10 6.75 e 13.65 7.90 Sucre restant... ... (0 0 6.10 0 Acide volatil ..... 0.15 0.16 073! 0.31 Glycérine ........ soul 3.08 4.17 3.41 Acide succinique.. 0.89 0.64 0.80 0.89 IAA Aer EE 4.87 2.19 0.6% 0.72 Pouvoir ferment. 46 39 195 119 CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES LEVURES DE VIN D3 Ici la levure donne, à température élevée, plus d'acide volatil, et des quantités variables de glycérine et d’acide succinique; comme, la précédente, elle se multiplie moins à haute lempéra- ture, et elle y a un pouvoir ferment beaucoup plus grand, ce qui ne veut pourtant pas dire que la fermentation soit plus rapide. La glycérine et l’acide succinique sont encore ici en plus grande quantité dans le moût acide que dans le moût neutre, la levure en plus faible quantité. Quant à l'acide volaül, ‘sa variation est minime à 25° d'un moût à l’autre, et faible à 35°. En somme, ces deux levures ne se comportent pas du tout de même vis-à-vis de la température et de l'acidité. Ce qu’elles con- servent de commun, ce sont les propriétés d'espèce, l’augmen- tation du pouvoir ferment avec latempérature, mais les pro- priétés de race sont variables de l’une à l’autre. IL Le + Ces premières différences étant relevées, il devenait inté- ressant de voir si des acides différents se comportent de même lorsqu'on les emploie aux mêmes doses ou à peu près. Pour cette expérience, 37 des levures de vin existant au laboratoire ont été ensemencées dans de l’eau de touraillons additionnée de 196£", 22 de saccharose par litre. Le lot [était laissé neutre ; le lot IF était additionné de 5,71 d’acide tartrique par litre; le lot IF, de 538 d'acide malique, soit 6,02 d'acide tartrique par litre. * La température était de 25° : quand la fermentation princi- pale a été terminée, les liquides 1 à 19 ont été étudiés de suite. Les autres, abandonnés au laboratoire pendant six semaines, ont subi un commencement de fermentation nouvelle pendant les chaleurs de l'été. On a dosé et inscrit : * En a le poids de levure produite ; » En b la quantité de sucre restant après la fermentation; En c le pouvoir ferment tel que nous lavons défini plus haut. C1 # + 544 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ] Il Il LEVURES —— a À a b ‘ @l b C a b "ec 9 > 56 91.3 GS (AL 1 66.6 S4 2 16 46.9 69 F on |.09 p |t'5s | 3102 | 6026 | 410 MSr0 ao 3 D 'ar 6 — = — 1.96 ATEN 91 1HSOMINPRT 90 7 ».00 9,5 62 PRET ET IE 90 3.00 "929,0 58 {1 ».02 ti 61 2.54 | 55.7 G0 96 | 31.6 S% 19 62 (1) 54 9,74 58.7 43 2.84 | 49.0 6 14 1e 10.9 30 5.04 S6.7 3 AL) 32 1 65 I >. DA 15:92 51 ADO INTER 5 DS 32 | ME l: 1e PS LOC LRO LS LO (RU (== ETS bO © do Go Dans ce tableau on trouve d'abord la confirmation de faits connus. On voit en particulier, par la comparaison des poids de levure (a) et des pouvoirs ferments dans tous les lots de la pre- mière série où la fermentation principaie élait seule achevée, et dans les lots de la seconde série où le sucre avait à peu près ou même tout à fait disparu, qûe dans cette fermentation secondaire il y a diminution du poids de la levure, bien que le sucre continue à fermenter sous l'influence des globules dont la vie continue. Le pouvoir ferment augmente donc: c'est ce qu'avait montré M. Duclaux. fl est vrai qu'ici les levures sur lesquelles porte cetle comparaison sont différentes, mais les différences entre le premier et le second lot sont si constantes et si régu- lières qu’on ne saurait avoir le moindre doute sur la justesse de la conclusion. On voit aussi que la fermentation est plus rapide dans les moûts neutres que* dans les moûts acides, c'est ce qu'avait vw Pasteur dans les premiers travaux sur la fermentation alcoolique. . Au point de vue de l’action exercée par les deux, acides tar- trique et malique, employés à des doses sensiblement équiva- lentes, les levures se divisent en 2 groupes. Les unes, comme 2, 5, 7, 11, 12, 14, 16, 149, ont une activité” plus grande en présence de l’acide malique que de l’acide tar-* trique. Il semble en être de même (mais avec des différences plus: faibles, la fermentation étant plus près de sa fin) pour les .+* L CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES LEVURES DE VIN Dh) levures 31 et 36. Ce sont les plus nombreuses. De là cette conclu- sion que l'acidité due à l'acide malique est en général plus favo rable aux levures que l'acidité produite par l’acide tartrique. D’autres levures, la levure 6, par exemple, et la levure 33 semblent au contraire préférer l'acide tartrique. Il est évident qu'entre ces deux termes extrèmes on pourraittrouver des levures s’accommodant également bien des deux acides : le tableau en renferme peut-être. Mais il n’est pas nécessaire d’en chercher. Enfin, la seconde partie du tableau, relative à des fermenta- lions terminées, montre que le pouvoir ferment est toujours plus élevé, pour une même levure, avec l’acide tartrique qu'avec l'acide malique. Il montre aussi, et cela confirme ce que nous avions vu plus haut, qu'il est plus élevé pour des liquides acides que pour les mêmes milieux neutres. Donc il y a moins de levure formée, dans les milieux acides ; elle y est proportionnellement plus active, c’est-à-dire qu'elle peut faire fermenterun poids plus grand de sucre ; elle a un pouvoir ferment plus grand en pré- sence de l'acide tartrique. IT Après être arrivé à ces conclusions, il fallait se demander si elles ne dépendaient pas des doses d'acide mises en action. Dans les expériences ci-dessus, les acides tartrique et malique étaient à peu près en même proportion pondérale ; mais il pouvait se faire que les levures qui préfèrent l’acide malique et l’acide tartrique, pour un certain degré de concentration, se compor- tent tout autrement pour une concentration différente. J’ai donc fait des expériences comparatives avec les trois acides les plus répandus dans les jus naturels, les acides tartrique, malique : et citrique, en les prenant chacun aux trois degrés de dilution indiqués dans le tableau suivant, qui correspondent à un équi- valent, un demi-équivalent et un quart d’équivalent d’acide par litre. La correspondance n’est qu'approximative, à cause de la formation de précipités en présence de la chaux de l’eau de touraillons ; mais elle suffit pour l’objet que nous avons en vue. J'ai opéré avec 3 levures, La levure 7 du tableau précédent est une levure basse, de Saint-Emilion. La levure 12 est une 56 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. levure d'Espagne. La levure T est une levure haute de Portugal, supportant bien comme la précédente, l’action des hautes tem- pératures ; elle se dépose en grumeaux au fond du matras. L'eau de touraillons contenait à l’origine 162 gr., 3 de saccha- rose par litre. Voici un tableau résumant les résultats de la fer- mentation, l'acidité totale évaluée en acide tartrique, l'acidité volatile en acide acétique, et le sucre restant aux deux tempé- ratures de fermentation 25° et 550. LEVURE 7 MILIEUX ) à DE CULTURE CE DRE hi D D > Acide lartrique.| Ac. totale. Ac. volat. | S. restant. Ac. totale. Ac. volat. S. restant, 1#50 S.14 js 39.0 9:49 1.45 86.8 93-45 5.39 0.62 3.6 4.99 0.56 »2.0 1.87 93.99 0,45 SE) Yale 0.#% El Acide malique. 6.70 7.50 0,46 DT S.63 0.43 46.0 2180 1.49 0,31 BP) k.S 0.39 31747 1.67 9.20 02? SO) 9.0 0.30, 40.9 Acide citrique. 7.00 S.94 (ra Dit) S.42 0.70 60.5 3.50 5.07 0.38 k À 4,85 0.42 29.7 TS 3,44 0.30 2.6 3.10 0.32 39 . Æ . LEVURE 12. Acide tartrique. \ 7.50 9.68 1835 40,8 8.85 { lens S183 9.15 »,83 0.94 1e SAS 0.88 19.0 1.87 3:49 0.5 20 LE 0.59 34.9 Acide malique. 6.70 S:99 0.63 LT A8 ).6% BOL 3190 1.91 0,45 228 4 .6S 0.52 ARE) 1.67 9.05 0.55 PARU 320 Z 0.51 32.0 Acide citrique. 7.09 7,02 0.8: k.% S.46 0.78 39.2 3.20 L 17 0.49 DENT 4% TA | 0,5% 20.5 1.75 93.20 0.39 traces 3. UT 0.59 SD) LEVURE 71. : Acide tartrique. ; 7.50 9,07 0.96 Teil 9.0# — 68.06 Je (ls) >.99 DA 2.3 Le, 90 0.5 DO 1.87 D à 0.39 Jen) 3.20 0.39 28.3 Acide malique. 6.70 S.16 ae DES 0 229 S.08 0.50 20 .# 3.35 4.71 0.32 AREA | K.71 0,36 21.,9 1.67 D 329 0.26 2.4 >. 40 0.29 10.4 Acide citrique. 7.00 S.S0 0.65 LA | 9.93 0.74 1,6 3.)0 %.86 0,50 2.4 ] ».01 (0 10.5 11 | DO 1 0223 9. X | ot 0.97 OM L'étude comparative des nombres de ce tableau conduit aux conclusions suivantes 2 EC CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES LEVURES DE VIN by En premier lieu, l’acidité volatile décroit pour les 3 levures et pour les 3 acides avec le degré d’acidité, en même temps que les conditions de fermentation deviennent plus favorables. Ceci confirme cette notion, apportée par M. Duclaux, que les acidités volatiles sont des produits de souffrance de la levure. -De plus, pour une même quantité de sucre fermenté, il y a plus d'acides volatils à 35° qu'à 25°. Ces acides volalils sont en outre plus abondants avec l'acide tartrique qu'avec l’acide citrique, avec l'acide citrique qu’avec l'acide malique, ces acides étant pris au même degré de concen- tration : cette différence est surtout sensible pour les liquides les plus acides. Cette même différence se relrouve encore presque aussi nette quand on compare les quantités de sucre restant, surtout à 35° où ces quantités sont assez grandes. C’est donc encore, sous ce point de vue, l'acide malique qui est le plus favorable à la fer- mentation. Sa réaction physiologique ne marche donc pas de pair avec la réaction acide. Si nous comparons maintenant les diverses levures entre elles, nous voyons que c’est la levure 7 qui supporte le moins bien la présence des acides, et la levure 71 qui les supporte le mieux, lorsqu'ils sont abondants. Pour des doses plus faibles, les levures s’équilibrent mieux. Je ne relève pas, pour abréger, d’autres différences d'ordre secondaire, inscrites dans le tableau qui précède. On pourrait faire voir que ces levures, qui se différencient vis-à-vis de l’action des acides, ne se différencient pas moins quand on compare pour elles le rapport de l'acidité volatile produite par la fermentation, à l'acidité totale résultant de cette fermentation, c’est-à-dire à l'acidité inscrite dans la seconde colonne, de laquelle on re- tranche l'acidité originelle inscrite dans la première. Je me contenterai d'ajouter un dernier trait. J'ai profité de ce que la levure 71 donne de gros grumeaux et est par là très facile à filtrer, pour la peser. Le tableau suivant donne, pour chacun des 3 acides, le poids de levure formée et le pouvoir ferment de la levure, c’est-à-dire la quantité de sucre transformée par 1 gramme de levure. On y a joint, dans la dernière colonne, la quantité d'acide volatil produite par ! gramme de levure pour les diverses concentrations. s 56 ANNALES DE L'INSTIFUT PASTEUR. MILIEUX POIDS DE LEVURE POUVOIR FERMENT ACIDE VOLATIL de à à à culture. 950 350 950 350 950 350 Acide {artrique. 7.50 0.865 0.640 158 149 1.10 — . 9.15 0.990 0.975 164 132 (137 0.56 1.87 1.290 1.075 132 197 0.28 0.36 Acide malique. 6.70 1.250 1.955 129 11% 0.30 0.39 DL00 À .490 1.150 115 12% 0:22 0.3 1.67 1.435 1.410 113 109 DAT 0,20 \cide citrique. 7.00 1.025 0.705 158 147 0-63 1.04 3.50 16295 1:995 132 119 0.24 0.28 (TS 4.495 1.385 114 112 0.16 0.19 On retrouve pour l'acide volaül produit par un grammefde levure des différences de même nature que celles quenous avons relevées plus haut. Il diminue encore avec la richesse en acide, et décroît pour une même concentration, dans le même ordre que plus haut, acide tartrique, acide citrique et acide malique. + Le pouvoir ferment augmente aussi avec la concentration, mais moins. Pour une même concentration, il est encore plus élevé avec l’acide tartrique qu'avec l'acide malique. Quant aux poids de levure formée, ils augmentent en sens inverse, à mesure que la diminulion d’acidité favorise davan- tage la multiplication des levures et provoque moins leur épui- sement. Cette augmentation est surtout marquée pour l’acide tartrique. Au point de vue de la multiplication de la levure, les quantités d’acide équivalentes par litre sont les suivantes : acide tartrique, Aer,87; acide citrique, 3", 50; acide malique, 65,70. Ce sont à peu près les proportions 1, 2, 4; et les acides sont bien dans r’ordre que nousleur avons constamment trouvé. En résumé, plus on étudie les levures, plus on voit qu'il y a des races nombreuses, ayant des pronriétés différentes, et pou- vant se prêter à des conditions très variées d’existence. Choisir celle de ces races qui convient le mieux pour tel ou tel cru, pour telle ou telle année, n’est pas une chose facile; mais, en dirigeant convenablement ses tâtonnements, on peut trouver des solutions approximatives et pratiquement suffisantes. Telle doit être la principale préoccupation des stations d'œno- logie que le ministère de l'Agriculture cherche à multiplier, dans l'intérêt de tous. __ REVUES ET ANALYSES 4 * SUR LES ODEURS DE PUTRÉFACTION REVUE CRITIQUE " L'idée de mauvaise odeur et l’idée de putréfaction sont tellement connexes que, d'ordinaire, on ne les sépare pas, et même qu’il y a des mémoires scientifiques dans lesquels, sans examen microscopique, on a conclu de l'absence d’odeur à l'absence de microbes. Ces deux phé- nomènes sont pourtant nettement dissociés depuis que Pasteur a montré qu'il pouvait y avoir décomposition à l’abri de l'air, c’est-à-dire putré- faction du lactate de chaux, sans que leJliquide cesse d’être à peu près inodore. L’hydrogène qui se dégage dans ces conditions, ne lrouvant dans le liquide que des substances sur lesquelles il est sans action, reste pur. Quand les gaz deviennent odorants, c'est que la matière qui se décompose est plus complexe, et l'odeur qu'elle répand en se pu- tréfiant dépend de la nature des corps qu'elle contient. Quels sont les éléments odorants des gaz putrides ? Ils sont encore mal connus. L'hydrogène sulfuré y tient une bonne place, tantôt à l’état de gaz, tantôt à l’état de vapeurs de sulphydrate d’ammoniaque. Il y a aussi des vapeurs de mercaptans éthylique et méthylique, dont l’odeur est forte,et caractéristique. Ce sont là surtout Les formes d’éli- mination des composés sulfurés. Les formes d’élimination du phos- Phore sont moins connues, et c’est surtout du soufre et de ses com- posés que nous aurons à nous occuper dans cette étude. Pour la conduire avec quelque méthode, demandons-nous d'abord à quel état et sous quelle forme le soufre existe dans les tissus vivants, animaux ou végétaux. Tout d’abord, nous le trouvons sous forme de sulfates neutres de chaux, de potasse, de soude ou de magnésie. Bien que ces composés soient stables, ils peuvent dans certaines conditions être décomposés et réduits par certains microbes, et c’est pour cela que nous les faisons intervenir dans cette énumération. Vient ensuite le*soufre combiné à la matière organique. On sait qu'il yen a dans toutes les matières albuminoïdes, et même qu'il semble y exister à deux états. Une partie semble faiblement combinée, et est facilement transformée en sulfure par l'ébullition avec une lessive légère de potasse ou de soude. Une autre portion résiste obstinément à 60 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ce traitement, et ne se laisse atteindre que lorsqu'on attaque la matière albuminoïde par fusion avec le nitrate de potasse et un alcali. On la trouve alors à l’état de sulfate. Ces deux fractions du soufre de la matière albuminoïde ne seront pas évidemment aussi attaquables. VP’une que l’autre par les phénomènes de putréfaction. Dans les tissus qui peuvent subir la putréfaction, il n’y a pas que de lPalbumine ou de la fibrine, il y a aussi les produits de la vie cellu- laire, les réserves organiques de la cellule et ses sécrétions. Si an veut avoir une idée de ces dernières substances, il faut avoir recours à l’examen de l’urine, qui est leur voie d'élimination. Or, dans l’urine on trouve aussi deux grandes catégories de com- posés sulfurés. D’abord ce qu’on appelle les acides sulfo-conjugués, découverts et étudiés surtout par Baumann. Ce sont surtout les acides phénol - et p - crésol-sulfuriques, les acides scatoxyl et indoxylsul- furiques. Les corps auxquels ils donnent naissance en se décomposant, phénol, crésol, indol, scatol sont très désagréablement odorants, et aurais pu les compter parmi les agents de la putridité si je n'avais voulu borner cette étude aux gaz contenant du soufre ou du phosphore. A côté des acides que je viens d’énumérer, il faut placer les acides sulfo-conjugués de l'acide pyrocatéchique. Au soufre de ces diverses provenances nous appliquerons le nom générique de soufre acide. Par contre, nous appellerons, avec Salkowski, du nom de soufre neutre celui qui provient des composés de l'urine appartenant au groupe de la cystine, de l’acide rhodanique et des autres combinaisons mal connues. Cette portion n’est pas négligeable, car elle constitue, d’après Sal- kowski, 18 0/0, et d’après Lépine, 20 0/0 du soufre total de l'urine. A ce soufre combiné, il faudrait peut-être joindre du soufre en nature et très finement divisé, dont quelques faits m'ont paru indiquer la présence, et qui se comporte comme le soufre faiblement combiné, que nous avons signalé plus haut dans la matière albuminoïde. Ce qui caractérise ce soufre libre et le soufre faiblement combiné, c’est la facilité avec laquelle ils se transforment en hydrogène sulfuré sous l'influence de l'hydrogène naissant. De sorte que si on introduit par exemple de la fleur de soufre dans un milieu où une bactérie, du reste quelconque, amène un dégagement d'hydrogène, cet hydrogène devient de suite odorant. C’est ce que Miquel‘ a montré le premier, d’une façon nette, à l’aide d’un bacille découvert dans une eau d’égout. Mis en contact avec un liquide un peu nutritif, exempt de soufre et de toute substance sulfurée, il dégage de l'acide carbonique et de l’hydro- gène. Vient-on à introduire dans ce milieu des fragments de soufre, du soufre en fleur, même un morceau de caoutchoue sulfuré, on obtient 4. Fermentation sulfhydrique. Bull. de la Soc. chimique, t. XXII, p. 127, 1879. REVUES*ET ANALYSES. 61 une production continue d'hydrogène sulfuré qui provient, non du phénomène de nutrition, mais du dégagement d'hydrogène dont s’aceompagne ce phénomène. Si le liquide où se fait cette hydrogénation du soufre est alcalin ou le devient par suite d’une action microbienne concomitante, on a du sulfhydrate d'ammoniaque au lieu d'hydrogène sulfuré. Bref, ici le phénomène est très net et son interprétation très facil2: c’est par suite d’une réaction d'ordre purement chimique que le gaz sulfhydrique est produit. _JME. Il y a d’autres cas de production d'hydrogène sulfuré dont l’inter- prétation est moins facile. Dumas‘ a, par exemple, remarqué qu’en mettant de la fleur de soufre dans une fermentation alcoolique en train, on voyait apparaître « avec l'acide carbonique quelques centièmes d'hydrogène sulfuré exhalant l'odeur d’oignon ». Il ne se dégage pourtant pas d'hydrogène dans la fermentation alcoolique ordinaire. Des analyses nombreuses et précises l’ont prouvé. L'origine de cet hydrogène sulfuré est donc restée douteuse jusqu’au jour où M. Rey- Pailhade ? a montré qu'il y avait dans la levure une substance soluble dans l’alcoo!l et capable de réduire à froid le carmin d'indigo et de donner de l'hydrogène sulfuré avec la fleur de soufre. Nommer, comme il Va fait, philothion une substance qu'on n’a pas isolée, et qu’on ne connaît que par une ou deux de ses propriétés, est peut-être un peu risqué, au point de vue chimique. Mais ce qui est intéressant dans ce “travail, au point de vue où nous nous sommes placés, c’est qu'il nous donñe uneexplication de l'expérience de M. Dumas, et une explication dans laquelle il ne s’agit plus d’une action latérale comme tout à l'heure, mais d'une action due à une substance existant dans le proto- plasma de la cellule, c’est-à-dire d’une action protoplasmique. Ici nous entrons sur un terrain beaucoup plus difficile, mais que nous devons pourtant aborder, ne füt-ce que pour montrer que les discussions qui ont eu lieu récemment en Allemagne, au sujet dela for- mation d'hydrogène sulfuré par les bactéries, et auxquelles ont pris part Petri et Maassen*, Rubner‘, Stagnitta-Balestreri et d’autres savants, sont vaines, lorsqu'on n’établit pas une distinction entre les actions protoplasmiques et les actions chimiques. Les savants que Je viens de nommer ne semblent pas avoir connu les expériences de Miquel, ni celles de Virchow et de Raulin sur 1. Recherches sur la fermentation alcoolique. Ann. de ch. et de phys. 5 S$., t. VIIL, p. 57, 1874. . Comptes rendus,t. CNIL et CVIIT, — C. rendus de la Soc. de biol., 1893, p. 46. . Arb: a. d. Kais. Gesundheïtsamt, t. VIII, 1893. . Archiv. f. Hygiene, t. XVI, 1893. . Archive f. Hygiene, t. XVI, 1895. O7 = O2 19 62 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. les actions réductrices de certains microbes anaérobies, ni la partie des expériences de Rey-Païlhade publiée dans les Comptes rendus. Ils diseutent par suite la question de savoir si la formation d'hydrogène sulfuré est toujours accompagnée de la présence d'hydrogène naissant, et jusqu’à quel point elle est entravée par la présence de loxygène, c’est-à-dire parle caractère aérobie ou anaérobie du microbe mis en action. d : Je crois qu'aucune discussion établie sur une pareille base ne peut aboutir. Le caractère aérobie'ou anaérobie d’une espèce vivante n’est pas un caractère absolu : c’est une résultante, comme je le faisais déjà remarquer en 1883 dans mon traité de Chimie biologique. Chaque cellule vivante est le siège àela fois de phénomènes d’oxydation et de - réduction, d'actions aérobies et d’actions anaérobies. Dans les oxyda- tions les plus franches accomplies par les microbes, par exemple dans la transformation de l'alcool en acide acétique par le mycoderma aceti, il y a croissance de la plante, formation de tissus vivants, c’est-à-dire toute une série de phénomènes essentiellement réducteurs. D'autre part, dans les phénomènes vitaux des anaérobies, par exemple dans la levure de bière vivant aux dépens du sucre, il y a à la fois oxyda- tion pour la formation d’acide carbonique et réduction.pour la forma- tion d’alcool. Ces deux phénomènes opposés ne s’accomplissent même nécessairement pas sur le même point du protoplasma, et rien ne nous dit que dans une cellule de levure de bière, l'alcool ne soit foarni à un pôle et l'acide carbonique à lPautre, de même que l'hydrogène et l’oxy-* gène se dégagent d'une façon régulière et en proportions constantes aux deux extrémités d’une colonne d'eau traversée par un courant. Si on recule devant une image aussi précise, on est pourtant obligé de reconnaître que certaines régionsdu protoplasma peuvent devenir le siège de phénomènes de réduction, tandis que d’autres le sont de phénomènes d’oxydation. Et c’est peut-être pour cela que, dans un grand nombre de cellules animales ou végétales, on trouve ‘ simulta- nément le philothion de M. Rey-Pailhade, et la {accase de M. Bertrand, deux noms aussi impropres l’un que l’autre en ce sens qu’on ne sait pas à quoi ils se rapportent, mais que l'on peut prendre comme représentant: le philothion, une substance hydrogénante et douée de propriétés réductrices, la laecase une substance douée de propriétés oxydantes. ” * Le caractère aérobie ou anaérobie d’une espèce vivante résulte de la combinaison de ces deux actions inverses, mais il n'implique pas du tout, comme semblent l’admettre MM. Petri, Maassen, Rubner, dans leurs raisonnements, l’absence totale de l’un d’eux. Un courant 1. Rev-Parzmane, Comptes rendus de Bac. des Se., décembre 1895. L2 REVUES ET ANALYSES. 63 d'oxygène ou d'air qu’on envoie dans la culture d’un microbe anaéro- bie n’empêche pas plus les aclions anaérobies de se poursuivre à l’intérieur du protoplasma qu'un courant d'air envoyé dans une cave où il y a du raisin en fermentation n’empêche cette fermentation anaëé- robie’ de se poursuivre dans les foudres. Dès lors, il est inutile de suivre les détails de l'argumentation relative à l’origine aérobie de l’hydro- gène sulfuré. Il nous suffit de savoir que la formation de ce corps peut résulter parfois d'une action latérale à la nutrition, résultant du dégagement d'hydrogène naissant ; et tantôt n’exige pas du tout la présence d'hydrogène naissant et provient d’une action protoplas- mique, agissant parfois avec l'intermédiaire d’une substance soluble dans l’alcool, un philothion quelconque. Cette action protoplasmique, qui peut s'exercer à l'extérieur sur le soufre en fleur introduit dans le liquide, par l'intermédiaire du philo- thion soluble, peut naturellement s’exercer aussi, avec ou sans cet intermédiaire, sur le soufre contenu dans la cellule, le soufre libre, le soufre acide, le soufre neutreet le soufre de la matière albuminoïde. Elle est indispensable, d’un autre côté, pour réduire le soufre des sulfates, auquel j'arrive maintenant. C’est M. Plauchud ' qui, à ma connaissance. a le premier montré par l'expérience la réduction bactérienne des sulfates introduits ou exis- tant naturellement dans l'eau et pénétrant dans le protoplasma micro- bien. Il ne peut pas, en effet, être question ici d’une réduction extra- cellulaire, car l'hydrogène naissant est sans action sur le sulfate de châux, et tel paraît être aussi le cas du philothion de M. Rey-Pailhade. En somme, c’est toujours l'action protoplasmique qui intervient par des voies diverses dans ces procès d’hydrogénation variés, tantôt - en donnant de l'hydrogène naissant ou du philothion qui peuvent agir en dehors de la cellule, tantôt en maintenant l’action localisée en cer- tains points de la cellule elle-même. De cela, nous concluons tout de suite que la propriété de produire ou de ne pas produire de l'hydrogène sulfuré ne peut pas être une propriété absolue. Elle dépend de la nature de l'aliment offert. Nous nous expliquons que telle bactérie qui ne donne pas d’acide sulphydrique dansle bouillon ordinaire en donne dans le bouillon peptonisé. La même bactérie pourra, avec certains aliments qui lui permettront de dégager de l'hydrogène naissant, aller hydrogéner la fleur de soufre autour d’elle, et ne pas y toucher dans d’autres cas. | À ces causes de variation dans le résultat définitif, c'est-à-dire dans odeur plus ou moins putride des gaz de la putréfaction, il faut en ajouter d’autres. L’hydrogène sulfuré produit peut, à son tour, * 1. Comptes rendus, 29 janvier 1877 et 26 décembre 1882, + 64 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. être détruit soit par oxydation spontanée et purement chimique, soit par une autre voie qui était ignorée il y a quelques années, par voie microbienne. MM. Gayon et Doumer ont montré les premiers, en 1882, que des eaux de Luchon, conservées au contact de l'air pur, après stérilisation,” ont gardé sans diminution sensible leur agent minéralisateur (sulfure et hydrogène sulfuré) tandis qu'il a disparu rapidement dans les mêmes eaux non stérilisées, ou stérilisées et ensemencées avec une goutte d’eau naturelle. Si on ajoute à cela les découvertes bien connues de M. Winogradsky, sur la transformation en acide sulfurique de l'hydro- gène sulfuré et du soufre déposé dans les cellules des sulfuraires, on voit qu'il y a, pour la transformation totale de l'hydrogène sulfuré en acide sulfurique. une formule biologique assez large pour permettre d'expliquer toutes les variations possibles dans le caractère plus ou moins odorant des gaz d'une putréfaction, et pour faire comprendre combien étaient dans l’erreur ceux qui ne voyaient de putréfaction que là où il y avait des gaz putrides. , On comprend, avec ce qui précéde, la variété infinie d’effets résul- tants auxquels peuvent conduire des actions protoplasmiques en somme identiques. A ces effets pourront venir s'ajouter des actions latérales Si par exemple l’hydrogène sulfuré se forme peu à peu au milieu d’une fermentation alcoolique, il pourra se faire du mercaptan éthylique, apportant dans le gaz qui se dégage son odeur d'ail particulièrement désagréabie. C’est à lui sans doute qu'était due cette odeur d’oignon visée par M. Dumas dans l'expérience dont nous avons parlé plus haut. Rubner signale le méthylmereaptan comme un produit assez fréquent de l’action bactérienne. Si on ajoute à ces vapeurs les vapeurs de sulphydrate d'ammoniaque, qui doivent surtout être fréquentes dans la putréfaction des substances animales azotées, on voit que nous connaissons assez bien l’origine et le mode de formation des principaux corps odorants sulfurés de la putréfaction. Il resterait à faire pour le phosphore ce que nous venons de faire pour le soufre. Mais ici la question est moins avancée, et il faut attendre qu'elle soit éclairé par des documents nouveaux. E. Ducraux. 1. Mémoires de la Société des sciences physiques et naturelles de Bordeaux. 2°S., t. V, 7 décembre 1882. Sceaux. — Imprimerie Charaire et Ce. {Ome ANNÉE FÉVRIER 1896 No 2. __— ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR SUR L'HÉRÉDITÉ DE L'IMMUNITÉ ACQUISE (Contribution expérimentale.) Par L. VAILLARD Médecin principal de l'Armée, Professeur au Val-de-Grâce. De nombreux exemples recueillis chez l’homme et l’animal démontrent que les descendants d’une mère immunisée contre une maladie infectieuse peuvent naître réfractaires à la même infection. Le fait s’observe dans les deux circonstances suivantes : 19 Au cours de la gestation, la mère contracte une maladie qui confère l'immunité, ou bien elle est soumise à unevaccination préventive : le descendant partage alors l’immunité acquise par le généra- teur. Ainsi on aconstaté que l'enfant né d’une varioleuse, même lorsqu'il vient au monde sans trace visible d’éruption, se mon- tre réfracliaire au virus de la variole ou de la vaccine. De même une femme vaccinée avec succès au cours de la grossesse donne fré- quemment naissance à un enfant réfractaire à la vaccine (Burckard, Chambrelent, Wolff). L’immunité des agneaux nés de brebis vaccinées contre le charbon pendant la gestation a été signalée par Chauveau. Des faits semblables ont été rapportés par Rickert, Ackerman, Rohloff à propos de la clavelée; par Arloing, Cornevin et Thomas, Kitasato pour le charbon sympto- matique ; 20 L'immunisation de la mère remonte à une époque plus ou moins éloignée de la conception, et résulie d'une vaccination maicrobienne ou chimique pratiquée dans un but prophylactique ou expérimental: les “ ] 66 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. dernières injections vaccinantes sont notoirement antérieures à la fécondation. Comme précédemment les rejetons peuvent naître réfractaires à la maladie contre laquelle la mère est préservée, ainsi que l’établissent les observations fournies par les animaux. de laboratoire. Ces deux ordres de faits doivent être distingués. Lorsque l’immunisation de la mère s'effectue pendant la grossesse, qu'il s'agisse d’une infection naturelle ou d’une vacci- nation microbienne, le fœtus participe réellement à la maladie du générateur. Cette participation est complète si les microbes ont traversé le placenta; elle est partielle, et néanmoins efficace, si le fœlus a reçu, non le virus, mais les produits solubles éla- borés dans les tissus maternels. On conçoit que, dans le cas d’une vaccination chimique, les substances solubles injectées à la mère dialysent à travers le placenta et arrivent jusqu’à son produit. De telles circonstances n’ont rien de commun avec ce que l’on doitentendre sous lenom de transmission héréditaire del’immu- nité; elles traduisent simplement la vaccination simultanée de la mère et du fœtus. Les cas du second groupe se présentent au contraire avec toutes les apparences d’un phénomène d’hérédité : la mère com- munique au rejeton une propriété qu’elle a acquise avant la conception. C’est uniquement à leur propos que doit se poser la question d'une transmission héréditaire ; ce sont aussi les seuls qui seront envisagés dans ce travail. Sr S'agit-il en l’espèce d’une hérédité véritable ? Comment et dans quelles conditions s'opère ce transfert de l’immunité acquise ? Des opinions divergentes ayant été émises, il convient d'en rappeler brièvement la succession. On a pensé de prime abord que la transmission au fœtus de l'état réfractaire acquis par la mère rentrait dans les lois de l'hérédité physiologique et devait s’interpréter comme cette dernière. « Non seulement la mère, écrit Duclaux', mais le père peut transmettre à ses enfants ses facultés intellectuelles, ses qualités morales, ses ressemblances physiques, même ses difformités acquises, comme dans les curieux cobayes de Brown- Sequard qui se lèguent de génération en génération la traduction des lésions anatomiques ou des opérations chirurgicales subies. 1. Ducraux, Le Microbe et la Maladie, p. 192. Le - HÉRÉDITÉ DE L'IMMUNITÉ ACQUISE. 57 La transmission de l'immunité n’a pas besoin d’un autre mécanisme. » —.Arloing ‘ exprime la même opinion d’une manière plus explicite. « Pour assurer la pérennité de l’im- munité acquise, il s’élablit sous l'influence des sécrétions microbiennes une modification des éléments anatomiques capable de les faire triompher des agents virulents. L’ovule en tant que cellule intégrante de l'organisme ne fait pas exception. Chez lui, comme chez tout autre élément, une propriété nou- velle s’est fixée dans le protoplasma ; cette propriété devenue plastique en quelque sorte se retrouve dans toutes les-cellules qui naîtront de l’ovule. L’embryon, le fœtus, le jeune sujet enfin seront donc formés de cellules résistantes, accoutumées aux microbes et aux modificateurs chimiques qu'ils Sécrètent. » Arloing accorde volontiers à l’ovule mâle le même privilège qu'à l’ovule femelle et suppose qu’il apporte à la cellule engen- drée une substance vaccinée qui se répartira dans toules les cellules du nouvel être; « ce baptême séminal donnera à l’ensemble une immunité indéniable, quoique plus faible et plus irrégulière qu'à la suite de lhérédité maternelle ». La transmission de l’immunité accuserait donc un fait d’hérédité cellulaire. Bien différente est l'opinion d’Ehrlich?, le premier qui ait demandé à l’expérimentation ja solution de ce problème biolo- gique. Ehrlith étudie la transmission de l’immunité chez les animaux vaccinés contre certains poisons végétaux (abrine, ricine, robine) ou microbiens (tétanos), et à la suite de recherches, aussi remarquables par leur précision que par leur ingéniosité, il arrive aux conclusions suivantes : Le père ne communique jamais l’immunité à ses descen- dants ; la mère seule possède cette propriété. L'immunité des nouveau-nés n’a qu’une durée très passagère (3 à # semaines), et ne se transmet pas de génération en géné- ration. Elle résulte uniquement de l’apport passif de la substance antitoxique contenue dans l’organisme maternel: de là sa dispa- rition après l'élimination de cette substance. Ehrlich en a déduit que l’ovule et le spermatozoïde sont 1. AcoNG, Les Virus, p. 284. 2. Esrcien, De l'immunité par D rédité et par Pallaitement, Zeitsch, {. Hyg., 1892. B. XII. 68 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. incapables de transmettre l’immunité. Il ne saurait donc être question d’une immunité héréditaire au sens véritable du mot; comme les autres propriétés acquises, l’immunité ne se transmet pas. C’est sur le terrain de l’expérimentation que Charrin et Gley se sont placés pour infirmer les principales conclusions d'Ebrlich et étayer la théorie cellulaire de l’immunité hérédi- taire. « Quand, disent-ils, on accouple des lapins, le mâle seul étant vacciné contre le bacille pyocyanique, on peut voir dans des cas assez rares l’immunité transmise aux descendants. Si cette transmission est inconstante, cette immunité des descen- dants est le plus souvent incomplète, peu profonde; néanmoins il y a là un attribut héréditaire du fait de cet élément mâle. » Et même des femelles normales fécondées par un mâle immunisé recueilleraient de ce fait un indéniable degré de résistance à l'infection, résistance dont la cellule paternelle serait le primum movens. L'immunité serait donc réellement héréditaire, et cette hérédité trouverait sa raison dans la transmission aux cellules sexuelles d’un attribut acquic par les cellules somatiques. Tizzoni et Centanni? ont également conclu de leurs recher- ches sur la rage et le tétanos que le mâle peut transmettre l’immunité; celle-ci serait même, du moins pour le tétanos, plus durable que l’immunité dérivant de la mère. Dans un mémoire en collaboration avec Hubener, Éhrlich * a récemment fail une critique rigoureuse des travaux de Charrin et Gley, Tizzoni et Centanni, et, par de nouvelles preuves empruntées à l’expérimentation sur le tétanos, il a confirmé ses précédentes conclusions, surtout en ce qui concerne l'incapacité du père à transmettre l’immunité. En résumé, si l'aptitude de la mère à transmettre l’immunité ne souffre aucune contestalion, le rôle du père est l’objet d'un 41. CuarniN et GLex, Comptes rendus. Septembre 1893. 2. Tizzonr et CENraNi, Centralblatt. f. Bakter. T. XIIT, n° 3. Deutsche med. Woch. 1892. 3. EarLicu et Husener, Sur l'hérédité de l’immunité contre le tétanos, Zeitsch. [. Hyg. 1894. 4. Ce mémoire était déjà écrit lorsque nous avons eu connaissance d'un travail de E. Wernicke sur « l’hérédité de l'immunité expérimentalement conférée contre la dipthérie chez les cobayes ». Znst. d'hyg. de l’Université de Berlin, 1895. Les conclusions de l’auteur sont lexacte confirmation de celles qui ont été formulées par Ehrlich. HÉRÉDITÉ DE L'IMMUNITÉ ACQUISE. 69 profond désaccord : Ehrlich le dénie pour ne l'avoir jamais constaté; Duclaux, Arloing, l’admettent théoriquement; Charrin et Gley, Tizzoni et Centanni le considèrent comme expérimenta- lement démontré. De là, des opinions inconciliables sur la nature même du fait biologique. Pour les uns, l’immunité est réelle- ment héréditaire, et sa transmission résulte de la fixation dans les cellules sexuelles d’une propriété acquise par l’ascendant. Pour Ehrlich, il n'existe pas d’immunité héréditaire; celle que l’on constate chez les nouveau-nés relève d’un simple incident humoral, l'emprunt aux liquides maternels d’une substance dont l'élimination, prompte à se faire, explique la très courte durée de cette immunité. En raison de ces divergences, il était opportun de faire con- naître les recherches expérimentales que, depuis plusieurs années, nous avons poursuivies sur le sujet en litige; ces docu- ments auront peut-être un intérêt à l'heure où l’étude de l'héré- dité semble devenir une question d'actualité. IL Nos recherches ont porté sur les animaux immunisés contre le tétanos, le choléra, le charbon et la maladie produite par le vibrion avicide. Deux espèces animales ont été mises en expé- rience : le cobaye et le lapin pour le tétanos; le lapin pour le charbon ; le cobaye pour le choléra et le vibrion avicide. Les procédés d'immunisation employés sont ceux qui ser- vent journellement dans les laboratoires pour la vaccination de ces rongeurs contre les maladies indiquées. a). — Tétanos : injections progressivement croissantes de toxine modifiée par l'iode, puis de toxine active. b). — Charbon : procédé décrit par Chamberland et Roux. c). — Choléra : injections progressivement croissantes de cultures chauffées à 100°. d). — Vibrion avicide : moculation sous-cutanée de doses gra- duées de cultures virulentes. Dans un groupe de faits (tétanos, choléra) la vaccination a donc été obtenue par les produits solubles des microbes, et dans l’autre (charbon, vibrion avicide) par l’action des microbes vivants. 70 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Les animaux n’ont été accouplés qu'après avoir acquis un très haut degré d’immunisation. Du rôle du père dans la transmission de limmunité. — À chaque type d'infection était attribué un lot de mâles dont l’immunité fortement accusée était entretenue avec soin. Ces mâles ont été accouplés aussi fréquemment que possible, et toujours avec des femelles normales, ce qui a permis d'obtenir de nombreuses lignées. Les animaux issus de ces accouplements ont été éprou- vés à des époques variables après leur naissance, 5, 15, 20 jours, L ou 2 mois, avec la dose de toxine (tétanos) ou de virus stric- tement suffisante pour déterminer la mort des témoins. Les résultats de ces essais multipliés se résument très sim- plement. Quelle que soit l’immunisation envisagée, jamais les animaux issus d'un père hypervacciné et d'une mère normale n'ont présenté un degré quelconque de résistance, si faible soit-il. Plusieurs fois les mères ont été soumises à l'épreuve en même temps que leurs produits; elles se sont comportées comme ces derniers. : La concordance de ces résultats avec ceux d'Ehrlich parait bien indiquer que l’inaptitude du père à transmettre l’immunité représente une vérité commune, sinon générale. Il importe de signaler que les mâles en expérience étaient tous hyper-immuni- sés par une vaccination lente et prolongée; l’invariabilité des constatations négatives n’en contraste que davantage avec l’ob- servation de Charrin et Gley sur l’immunité contre le bacille pyocyanique. Les 8 mâles dont parlent ces auteurs sont faible- mentimmunisés (leur vaccination a consisté dans l’inoculation, en cinq jours, de 1 c. c. de culture, puis de deux doses successives de 5 c. ce. de toxine); ces animaux sont éprouvés dans le cours du sixième mois, deux succombent. Maloré ces conditions moins favorables que les précédentes, Charrin et Gley obtiennent un résultat positif. Faut-il donc croire que l’immunisation contre le bacille pyocyanique se singularise par une particularité étran- gère aux autres immunisations étudiées jusqu'ici? À vrai dire, au témoignage même des auteurs, celte transmission d’origine pater- nelle est un fait rare, « inconstant, presque inouï »; en outre, l'immunité des descendants est incomplète, peu marquée : sur 1 lapins de la même portée, 5 succombent à l’épreuve, 2 survi- v HÉRÉDITÉ DE L'IMMUNITÉ ACQUISE. 71 vent. Aussi est-on conduit à se demander si la survie des deux animaux jugés réfractaires ne s’expliquerait point par cétte inégalité naturelle de résistance que l’on rencontre chez des animaux de même apparence à l'égard des doses faibles d’un virus où d’un poison. Il semblera tout au moins qu'une expé- rience unique se présentant dans ces conditions ne suffit pas à imposer la réalité d’un fait que d’autres faits nombreux contre- disent. Du rôle de la mère. — Caractères généraux de l’immunité qu'elle transmet. — De nombreuses femelles hypervaccinées contre Île Létanos (cobayes et lapins), le charbon (lapins), le choléra et le vibrion avicide (cobayes) ont été accouplées avec des mâles normaux; {oules ont invariablement communiqué à leur descendance l'immunité dont elles étaient pourvues. Gette transmission ne se limite pas à la portée qui suit la vaccination; elle s’observe sur les portées subséquentes, longtemps même après la cessation des injections vaccinantes, c’est-à-dire Lant que persiste l’immu- mité de la mère ‘. L’expérimentation sur le tétanos démontre combien peut être élevé le degré de l’immunité que reçoivent les rejetons : des cobayes âgés de 3 à 15 jours ont supporté des doses de toxine 200 à 4°0 fois supérieures à la dose mortelle. Mais si accusée qu’elle soit, celte immunité paraît manifestement inférieure à celle du générateur. L’immunité n’est pas loujours égale chez les animaux d’une même portée; elle peut même faire défaut chez un ou plusieurs d'entre eux. Charrin et Gley ont signalé le fait; nous l'avons 4. Un cobaye femelle est très fortement immunisé contre le tétanos en janvier et février 4891 ; à partir de cette date il n’est plus fait d’injections vaccinantes. De mai 1891 à mai 1892, cette femelle a fourni quatre portées. TMS TEE ee el Æspelitsre is rer tous ont une forte inmunité. ROUE AO Percer AP DEULS saura tous ont une forte immunité. 8° Décembre 1891,.... 4 petits...... ... tous ont une forte immunité. Mai A89 x 9: petits: 4 .. tous ont l’immunité, mais moins prononcée que les précédents; l’inoculation de la dose de toxine 3 fois supérieure à la dose mor- telle, a déterminéunléger tétanos. Une observation semblable à été faite à propos du charbon, Une lapine immunisée a eu deux portées au cours de l’année; les petits de l’une et de l’autre étaient réfractaires à l'infection. : 72 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. plusieurs fois constaté chez les descendants de mères immunisées contre le tétanos et le charbon. a). Charbon. — Une lapine fortement immunisée met bas 7 petits le 15 avril 1894. Le 22 mai, tous les jeunes sont éprouvés par l’inoculation sous-cutanée de 1/5 €. c. d'une culture en bouillon, en même temps que deux témoins. Les deux témoins meurent le 24 au matin. Un des jeunes lapins issus de mère réfractaire meurt charbonneux le 95; les autres restent en bonne santé. b). Tétanos. — Une lapine hypervaccinée met bas 6 petits le 7 mai 1891. Deux d’entre eux sont éprouvés à l’âge de 1 mois et résistent. Les quatre autres sont éprouvés à l’âge de 2 mois avec une dose égale de toxine : deux résistent et deux meurent tétaniques. De même lorsqu'on éprouve le même jour el avec la même dose de toxine toute une portée de cobayes comprenant 3 ou 4 pelits, on en trouve parfois qui résistent incomplètement ou même succombent, alors que les autres ne présentent aucun symptôme tétanique. Cette différence, el surtout cette absence d’immunisation chez quelques animaux de la même portée représentent un fait assez singulier. Tous les fœtus ne reçoivent-ils pas in utero ce quel- que chose qui confère l’immunité, ou bien l’ayant reçu, l’ont-ils rapidement perdu après la naissance? La première hypothèse n'est pas sans obscurité; la seconde cadre mieux avec nos con- naissances sur les influences capables de diminuer ou de sup- primer l’immunité chez celui qui en est pourvu. Ehrlich a fait ressortir le caractère fugace de l’immunité que transmettent les souris vaccinées contre les toxines végétales ; sa durée n'excède pas le troisième mois. La même observation s'applique à diverses autres immunisations. L’immunité n’est jamais durable chez les descendants de mères vaccinées contre le tétanos. Très prononcée au cours des deux premiers mois qui suivent la naissance, elle décline ensuite pour disparaitre du troisième au quatrième mois, rarement demeure-t-elle encore appréciable après ce délai. Et tandis que les jeunes ont déjà perdu leur résistance, la mère supporte sans dommage des doses élevées de toxine. Il en est de même pour le charbon. Une lapine immunisée contre le charbon met bas 6 petits le 15 avril 1894. Ces animaux sont éprouvés à l’âge de 2 mois : 5 résistent, 1 succombe. Ceux qui survivent sont inoculés de nouveau deux mois après : tous meurent charbonneux avec un léger retard sur le témoin. HÉRÉDITÉ DE L'IMMUNITÉ ACQUISE. 73 La même femelle met bas le 22 juillet 5 petits dont 2 seulement survivent. Ceux-ci sont éprouvés à l’âge de 20 jours et résistent. Ultéritu- rement ils sont soumis à une nouvelle épreuve, l'un à l’âge de 2 mois el demi, l’autre à l'âge de 5 mois, et tous deux meurent charbonneux. L'exemple est d'autant plus significalif que, du fait de la pre- mière épreuve, l’immunité de ces animaux avait pu se trouver renforcée; elle n’en avait pas moins disparu du quatrième au cinquième mois. Des faits identiques s’observent à propos de limmunité contre le vibrion avicide. Aïnsi s'explique, comme le signale Ehrlich, que l’immunité dite héréditaire ne se transmette pas d'une génération à l’autre. Cependant, dans un cas unique il est vrai, nous avons constaté un degré marqué de résistance chez un cobaye de deuxième génération. Un cobaye femelle, né en août 1891 d'une mère immunisée contre le tétanos, met bas le 30 novembre 1891 deux petits dont un seul survit. Ce jeune cobaye est éprouvé à l’âge de un mois par une dose de toxine six fois supérieure à celle qui tue le témoin ; il présente un tétanos léger. On devait se demander si la vaccination de la mère au cours de la gestation, c’est-à-dire celle du fœtus pendant son déve- loppement, re rendrait pas plus persistante l’immunité du reje- ton. Ebrlich vise cette question et cite une expérience où, après avoir continué à nourrir une souris avec de la ricine pendant la gestation, il vit les descendants conserver encore après quatre mois un haut degré de résistance à l’intoxication ; mais l’auteur s'abstient de conclure de cette unique observation. Les expé- riences propres à élucider le fait sont difficiles à réaliser, parce que les femelles dont l’immunisation est commencée ou pour- suivie d'une manière un peu active, pendant la gestation, avortent très ordinairement. Cependant, sur deux lapines vaccinées dans ces conditions contre le tétanos, il nous a été permis de constater que l'immunité des jeunes n’était guère plus durable que précé- demment ; elle prenait fin du troisième au cinquième mois. a. — La vaccination d'un lapin femelle est commencée avant la fécon- dation et continuée pendant la gestation. Une partie de sa portée est éprouvée 1 et 2 mois après la naissance; à ce moment l’immunité des jeunes est complète. L'autre partie est éprouvée du 5e au 62 mois avec la dose minima de Loxine; les animaux succombent alors que la mère résiste. 74 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. b. — La vaccination de la mère est commencée avant la fécondation et poursuivie pendant la gestation. L'immunité des petits est déjà considé- rablement affaiblie 1: 67e jour après la naissance. La courte durée semble donc &tre l'attribut ordinaire de l’'imnrunité acquise in utero. Quelle différence avec celle que les animaux contracteni après la naissance, même au début de la vie! Dans les expériences de Rickert sur la clavelée, les agneaux nés de mères vaccinées pendant la gestation se montrèrent réfractaires à l’âge de 30 ou 40 jours; éprouvés trois ans plus tard, tous con- tractèrent le claveau, tandis que des agneaux de même âge, issus de mères normales, mais vaccinés après la naissance, conser- vaient encore leur résistance au bout du même laps de temps. Pour expliquer cette fragilité de l’immunité acquise in utero, Ebrlich suppose que les tissus de l'embryon sont beaucoup moins sensibles que ceux de la mère aux produits microbiens. « Les expériences de Schreiber sur l’absence de toute réaction des nouveau-nés à la tuberculine, même à doses phénomc- nales, montrent, dit-il, que l’irritabilité de l’embryon vis-à-vis des produits microbiens peut être toute différente et beaucoup moindre que celle des organismes développés. Or, l'immunité résulte de la réaction du corps contre ces produits; du moment que l’irritabilité spécifique fait défaut, son effet, c’est-à-dire l’immunisation, manquera également chez l'embryon, bien que le même agent qui immunise la mère circule dans ses tissus. » Cette hypothèse rend assez bien compte du fait constaté. IT GENÈSE ET NATURE DE L'IMMUNITÉ DITE HÉRÉDITAIRE EXAMEN DES THÉORIES ÉMISES A CE SUJET A. — Théorie d'Ehrlich. Ehrlich distingue deux sortes d’immunité. L'une, active, stable et persistante, traduit l’état d’un organisme qui est devenu apte à produire une substance antitoxique ou bactéricide; c'est celle que la vaccination provoque chez la mère. L'autre, passive, passagère, résulte de l'introduction dans l'organisme d'une substance antitoxique ou bactéricide; le type en est fourni par la résistance transitoire que communique aux animaux l'injection HÉRÉDITE DE L'IMMUNITÉ ACQUISE. 7 d’un sérum antitoxique. Celte deuxième forme d’immunité est, d’après Ehrlich, la seule qui appartienne aux descendants d'une mère vaccinée. Son mécanisme se résume dès lors entièrement dans l'apport passif au rejeton des substances défensives préparées par la mère, apport passif qui commence in utero et se poursuit après la naissance par l'absorption de l’antitoxine contenue dans le lait maternel. Cette dernière notion est d’un vif intérêt; il ne sera-pas inutile de rappeler comment et sur quels faits Ehrlich a été conduit à l’établir. Partant de l'hypothèse que les descendants d’un animal vac- ciné contre la ricine doivent l’état réfractaire à l’antidote mater- nel, cet auteur fut frappé de l'écart qui existe entre la durée habituelle de leur immunité (5 à 8 semaines) et la durée toujours moindre de l’immunité produite par l'injection du sérum antitoxi- que (34 à 39 jours). Aussi pensa-t-il que la provision d’antiricine reçue {x utero ne suffisait pas à prolonger jusqu’à son terme ordi- naire l’immunité du nouveau-né etque cet apportinitial devait être renouvelé après la naissance. Le lait lui parut être le seul véhicule admissible de cette nouvelle dose d’antidote; de là ses expériences si ingénieuses sur les échanges de nourrices. Ehrlich féconde simultanément des souris normales et des souris immunisées contre l’abrine ou la ricine, puis, après la parturition, substitue une portée à l’autre; la portée normale est ainsi nourrie par une souris vaccinée, et inversement. Il constate alors que les petits issus de la mère normale acquièrent, du fait de l’allaitement par la souris vaccinée, une immunité très pro- noncée, leur permettant de supporter une dose de poison 11 à 40 fois supérieure à la quantité mortelle, tandis que les rejetons de la mère immunisée, nourris par une mère normale, perdent un degré notable de leur résistance. Le lait de la mère vaccinée apporte donc de l’antidote au nourrisson, et c’est l'influence de l'allaitement qui prolonge la durée de l’état réfractaire. A ces expériences s’en ajoutent d’autres sur le tétanos et le rouget. Une souris normale, qui a mis bas depuis 10 jours, reçoit du sérum provenant d’un lapin immunisé contre le tétanos; 10 jours après, les petits résistent à des doses élevées de toxine aussi bien qu'à l’inoculation du virus. Une souris nourrice est immunisée contre le rouget par l’inoculation de cultures faibles ; 21 jours plus tard la mère et les petits sont .éprouvés: tous 76 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. résistent, tandis que les témoins meurent le troisième jour. Ehrlich en a déduit que des deux facteurs en jeu dans la genèse de l'immunité héréditaire, saturation fœtale et immuni- sation par l'allaitement, le second joue un rôle beaucoup plus grand que le premier. Sa part est si marquée et son efficacité si ; prompte que, pour immuniser des souris contre le tétanos, il suffit de les faire allaiter pendant 72 ou 48 heures par une mère à laquelle on a injecté du sérum anti-tétanique. Cette théorie de l’immunilé héréditaire est-elle aussi générale que l’admet son auteur? Pour en juger utilement, il convient d'établir des catégories dans les faits, car tous ne sont pas iden- tiques. Envisageons d'abord le groupe des cas plus particulièrement étudiés par Ehrlich, dans lesquels l’immunisation contre la ma- ladie détermine la formation d’une substance antitoxique. Le tétanos en est le type; il peut aussi servir de critérium. Le sang des animaux issus d'une mère immunisée contre le tétanos est-il_antitoxique? — KEhrlich l’admet implicitement, sans en fournir la preuve. Nous avons plusieurs fois examiné à ce point de vue le sang de jeunes lapins nés de mères vaccinées et nourris, soit par ces dernières, soit par des femelles normales. Cette recherche a été faite vers l’âge de 2 mois, avant l'épreuve de l’immunité, en prenant comme mesure de la propriété anti- toxique la proportion de sérum nécessaire pour rendre inoffen- sive une quantité déterminée de toxine tétanique. Le plus souvent le sang de ces jeunes lapins a présenté un pouvoir antitoxique évident, parfois même très marqué, mais toujours de beaucoup inférieur à celui du sang maternel. Quelquefois cette propriété était nulle, ou si faible qu’on devait douter de son existence; mais alors il suffisait de procéder à l'épreuve des animaux (injection de 1 c. c. de toxine), pour lui donner aussitôt une haute accentuation ‘. Dans un cas, unique il est vrai, le sang présentait encore 4, Ce fait est analogue à celui que l’on observe chez les lapins immunisés par des inoculations, sous la peau de la queue, de faibles quantités de spores tétani- ques additionnées d’acide lactique. Après 4 ou à injections de ce genre, les ani- maux résistent aux doses de toxine qui tuent les témoins. Avant l'épreuve, leur sang ne présente presque jamais de propriété antitoxique appréciable; après l'épreuve, cette propriété devient très accusée: il a suffi d’une injection modérée de toxine pour la faire apparaîilre. HÉRÉDITÉ DE L'IMMUNITÉ ACQUISE. UT six mois après la naissance un pouvoir antitoxique évident, mais très modéré ; l'animal qui le fournissait succomba néanmoins à l'inoculation d'une dose moyenne de toxine. L'antitoxicilé du sang est donc fréquente chez les lapins issus de mères vaccinées, mais elle n’est pas constante. D'autre part des lapins dont le sérum ne semble pas antitoxique résistent au poison tétanique: d’autres dont le sérum est légèrement anti- toxique succombent sous l’action de faibles doses. [len découle apparemment que le pouvoir antitoxique des humeurs ne représente pas la condition essentielle de l’immunité des rejetons, puisqu'il peut faire défaut chez des sujets reconnus réfractaires ou exister chez d'autres quine le sont pas. Quelle est la part de l'allaitement dans l'immunisation des nouveau-nés? — Son rôle serait prépondérant d’après Ehrlich. Les expériences sur lesquelles est basée cette opinion sembleront décisives ; mais elles ont porté uniquement sur la souris et l’on devait se demander si les résultats ainsi acquis s'appliquent sans distinction à toutes les espèces animales. Nos recherches de contrôle ont visé exclusivement le tétanos. Le passage de l’antitoxine tétanique dans le lait des femelles immuniséesest unfait vrai, constant et facile à vérifier sur toutes les espèces animales, souris, cobaye, lapin, etc. Il suffit, en outre, comme l’a dit Ehrlich, d’injecter du sérum antitoxique à une souris normale pour conférer l’immunité aux petits qu’elle allaite. L’expérience est saisissante. a). — Une souris met bas à petits le 11 avril 1892. Le 6e jour après la parturition, on commence à lui injecter du sérum de lapin immunisé contre le tétanos; ces injections sont faites pendant 8 jours consécutifs, à raison de À c. €. par jour. Les jeunes souris sont éprouvées à des âges différents avec des doses de toxine très supérieures à la dose mortelle. At SOUEIS ST... âge : 30 jours ..... pas de symptômes tétaniques. D ic te RE = _— DORA NA — 44 — ..... — _ AN, NO — Lo. tétanos chronique; guérison. D dates à NO ES 2.2 mort. b). — Une souris mel bas 3 petits. Les injections de sérum sont commencées le 10e jour après la parturition et continuées pendant 6 jours à raison de 1 €, c. par jour. Deux des jeunes souris sont éprouvées à l'âge de { mois; aucune d'elles ne prend le tétanos bien que la dose de toxine inoculée ait été très supérieure à la dose mortelle. La troisième est éprouvée à l’âge de #4 mois et ne présente qu'un tétanos léger. 78 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. L’allaitement communique donc aux jeunes souris une immu- nité réelle, et même assez prolongée. Maïs ce qui est vrai chez la souris cesse de l'être lorsqu'on s'adresse à d’autres espèces animales. Cobayes. — 4 femelles normales sont soumises, aussitôt après la partu- rition, à des injections journalières d’un sérum antitoxique dont l’activité est considérable’; elles en reçoivent, durant l'allaitement, de 43 à 59 ce. e. Dès la première injection le lait se montre très antitoxique; il le devient encore plus par la suite, et cependant l'allaitement ne communique aucune apparence d'immunilé ou de résistance aux jeunes cobayes. Ceux-ci sont éprouyés à des périodes différentes, 9, 10, 19, 20, 23, 24 jours après la nais- sance, avec des doses faibles de toxine; tous prennent le tétanos exactement comme les témoins et succombent dans les mêmes délais. Renouvelons l'expérience d'Ehrlich qui consiste à faire allai- ter par une mère vaccinée les petits nés d’une femelle normale et vice versa; les résultats ne variant pas, ilsuffira de citer une des expériences failes à ce sujet. Un cobaye femelle, très fortement vacciné contre le Létanos, met bas 4 petits le 21 juillet 1892, en même temps qu'une femelle normale. Deux petits sont enlevés à cette dernière et confiés à la femelle immunisée qui les nourrit. En échange, un des rejetons de la femelle inmunisée est donné à la femelle normale. Ainsi la femelle immunisée allaite 3 cobayes issus d'elle et 2 petits de la mère normale; celle-ci nourrit un des rejetons de la mère vaccinée. Tous ces jeunes cobayes sont éprouvés simultanément à l’âge de 24 jours (moment où l'allaitement prend fin), avec des doses différentes de la même toxine. Les résultats de l'épreuve ont été les suivants : a). — Témoin..... 1/1000 c. c. de toxine..... mort le 3° jour. b). — Cobayes nés de mère normale et allaites par la femelle immunisée. Gabayeï rer Er 17800 'c::cfioximers, 7er mort le 3e jour. Cobayb 2. Lt. TROIE. CA AOx IAE RU mort le 2e jour. c). — Cobaye né de mère immunisée et allaité par la femelle normale. AH CRC AO MINE ES PAU EAN RE ONE pas de tétanos. d). -— Cobayes nés de mère immunisée et allaites par elle. Coaye trs s dc LAoSMeEMMAM EE. | GCobaye 2, er ADI IC SEE , pas de tétanos. Go bare SERRE AVES CCS et Er mc e e La conclusion est facile. Les cobayes nés d’une mère normale n’acquièrent aucune résistance appréciable du fait de l'allaitement par une femelle hypervaccinée. Un cobaye né d’une mère vaccinée 4. Un dix-trillionième de e. c. de sérum (0 c. c. 000,000,000,000,0001) immunise 1 gramme de souris contre la dose mortelle de toxine. , HÉRÉDITÉ DE L'IMMUNITÉ ACQUISE. 79 ne semble rien perdre de son immunité originelle lorsqu'il est nourri par une femelle normale; sa résistance est égale à celle des animaux de la même portée allaités par leur mère. Lapin. — Des constatations semblables sont fournies par l'expérimentalion sur le lapin. Une femelle normale met bas 7 petits. Aussitôt après la parturition on luiinjeete 10 c. c. d’un sérum dont { trillionième de c. c. (0,00 ,000,000,000,001) immunise { gramme de souris contre la dose mortelle de toxine; dès le lendemain son lait est devenu très antitoxique. Ultérieurement, la même dose de sérum (10 c. c.) est injectée chaque jour, pendant 14 jours consé- cutifs, soit, au total, 140 c. c. Les jeunes lapins sont éprouvés à des périodes différentes, 14, 17, 29, 27 jours après la naissance, avec la dose minima de toxine qui provoque le tétanos chez les lapins de même âge. Tous présentent à l'égard du poison tétanique, la même sensibilité que les témoins : des 7 jeunes lapins nourris avec un lait très antitoxique, 5 meurent tétaniques, 2 contractent un tétanos grave, à marche chronique, mais qui se termine par guérison. L'expérience qui consiste dans l’échange des nourrices con- duit aux mêmes résultats. Une femelle vaccinée contre le tétanos depuis janvier 1894, et dont l'im- munisation est très prononcée, met bas le 2% juin, en même temps qu'une femelle normale. Chacune des portées se compose de 6 petits. 3 petits de la femelle immunisée sont échangés avec 3 autres de la portée normale, et pour éviter toute confusion ultérieure, ces animaux sont distingués par une marque indélébile. Ainsi la femelle vaccinée nourrit 3 lapins issus d'elle et 3 lapins de mère normale; la femelle normale nourrit 3 lapins issus d’elle et 3 lapins nés de la mère immunisée. Les jeunes lapins sont éprouvés à des âges différents : 37, 43, 48 jours après la naissance. Chaque série d’épreuve porte simultanément : Sur un lapin né de mère normale et nourri par elle (témoin); — un — — — par femelle immunisée; — un lapin né de mère immunisée et nourri par elle; — un — — — par femelle normale. L'expérience comporte ainsi des termes de comparaison absolument exacts. L'épreuve a été faite avec la dose de toxine strictement suffisante pour déterminer des symptômes tétaniques; les résultats en sont résumés dans le tableau ci-dessous. 80 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Épreuve le 37e jour. Épreuve le 43e jour. Épreuve le 48e jour. 1° Lapin né de mére nor-| Télanos chroni-| Tétanos chroni-| Tétanos.— Hort. male et nourri par elle. que. — Guéri- que. — Guéri- — Témoin. son. son. e 9 Lapin né de mère nor-| Tétanos chroni-| Tétanos.— Mort.| Tétanos. — Mort. male et nourri par fe- que. — Guéri- melle immunisée. son. 3° Lapin né de mère im-| Pas de symp-| Pas de symp-| Tétanos trés lé- munisée et nourri par tomes tétani- tômes tétani- ger. — Guéri- elle. ques. ques. son. 4 Lapin né de mère im-| Pas de symp-| Pas de symp-| Tétanos très lé- munisée et nourri par tômes tétani- tomes tétani- ger. — Guéri- femelle normale. ques. ques. son. Chez le lapin, comme chez le cobaye, l'allaitement par une femelle immunisée contre le tétanos ne confère aucune résistance appréciable aux pelits issus d’une mère normale. D'autre part, l'allaitement ne paraît rien ajouter à l’immunité que les rejetons d’une mère vaccinée apportent en naissant; qu'ils soient nourris par leur propre mère ou par une mère normale, leur degré de résistance n’en est pas sensiblement modifié. Les observations faites par Ehrlich sur les souris vaccinées contre l’abrine, la ricine et le tétanos ne sauraient donc avoir une portée générale. La théorie d'Ehrlich ne se limite pas aux cas où la vaccination provoque Ja formation d'une substance antitoxique. Elle vise l’ensemble de tous les faits : suivant les besoins de la cause, le descendant reçoit de la mère soit l’antidote du poison, soit la substance bactéricide qui préserve contre l'infection, comme si ces deux termes résumaient tout le mécanisme de l’immunité. Mais il est des immunités à propos desquelles on ne saurait faire intervenir une propriété antiloxique ou bactéricide des humeurs. Nous avions pensé trouver dans le charbon un exemple du genre. Metchnikoff a établi, en effet, que la propriété bactéricide des humeurs ne joue aucun rôle dans l’immunité contre cette maladie; d'autre part, au moment où nos recherches se poursui- vaient, il n’était pas encore question, à son sujet, d’une action préventive du sérum. Depuis lors Marchoux ! a fait connaître les vertus prophylactiques et même curatives du sang des animaux 1. Marcoux, ces Annales, 1895. hs see Li HÉRÉDITÉ DE L'IMMUNITÉ ACQUISE. 81 hypervaccinés. L'exemple n’était donc pas démonstratif. Cepen- dant les faits observés conservent leur valeur. Des lapines vac- cinées contre le charbon ont communiqué à leurs petits une immunité certaine. Cette immunité des jeunes n’était assurément pas due à l'existence d’une substance préventive dans leur sang, car les générateurs ne présentaient pas le degré d’immunisation nécessaire à l'apparition de cette propriété, et leur sérum em- ployé à hautes doses n’a manifesté aucun pouvoir préservateur. La mère ne pouvant transmettre aux rejetons ce qu’elle ne pos- sède pas, l'immunilé de ceux-ci tenait done nécessairement à une autre condition que le pouvoir bactéricide ou préventif du sang; cette condition, négligée par Ehrlich, doit être l'aptitude des cellules phagocytaires à englober et à immobiliser le virus. Plus typique est l'exemple de l’immunité transmise contre le vibrion avicide. La propriété bactéricide des humeurs n’y prend aucune part (Metchnikof). On sait en outre que les cobayes ré- fractaires au vibrion conservent toute leur sensibilité à sa toxine; la vaccination pratiquée suivant les procédés en usage dans les laboratoires ne détermine pas la formation d’une substance anti- toxique. Si donc les cobayes issus de femelles vaccinées contre Je vibrion possèdent l’immunité, ce n’est point que leur sang contienne une substance bactéricide ou préventive, puisque celle- ci n'existe pas dans le sang maternel; leur résistance dérive essentiellement de l'aptitude des cellules à détruire le virus. Les détails qui précèdent comportent leur conclusion. Deux parties sont à considérer dans la théorie d'Ehrlich sur l’immunité héréditaire. L'une établit que les cellules sexuelles ne prennent aucune part à sa transmission; loin d’ycontredire, nos observations en fournissent une nouvelle preuve. L'autre vise le mécanisme suivant lequel la mère communique à ses descendants l’état réfractaire, et le fait exclusivement dépendre de la persistance chez le nouveau-né des matières antitoxiques ou bactéricides maternelles. Inspirée par une conception trop humorale de l’immunité, cette partie de la doctrine se présente avec des lacunes et des imperfections qui ne permettent pas de la considérer comme l'entière expression de la vérité; basée sur une donnée exacte, mais exacte seulement pour un cas particulier, elle accorde à l'allaitement un rôle général qui est loin de lui appartenir; 6 82 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. dans son ensemble elle n’offre pas à la totalité des faits ur cadre suffisant pour les contenir. B. — Théorie de l'hérédité cellulaire. Re D’après Duclaux, Arloing, Charrin et Gley, l'immunité héré- ditaire traduit essentiellement la transmission d’un attribut cellulaire. Si les rejetons se défendent comme l’ascendant, la raison en est, disent Charrin et Gley, que leurs cellules ont reçu l'aptitude phagocytaire par l'intermédiaire des cellules généra- trices des leucocytes, ou bien que la propriété de produire dés substances antiloxiques ou bactéricides leur a été infusée, comme d’autres virlualités fonctionnelles, par l’ovule et le spermalozoïde. Cette opinion invoque à son actif les travaux des bistologisies établissant que dans l'acte intime de la fécon- dation, la fusion de l'ovule et du spermatozoïde apporte à la constitution de la cellule engendrée une part égale de l'élément mâle et de l’élément femelle. Dès lors, estime Charrin, « pour- quoi l’atome albuminuoïde, qui dans l’organite des générateurs sécrétail des matières microbicides, digérait les germes inclus, ie persistera-t-1il pas à remplir ces mêmes rôles au sein de l’élé- ment fœtal qu’il a contribué à former en se détachant des tissus de l’ascendant » ? Au point de vue spéculatif, cette théorie peut sembler vrai- semblable, mais pour devenir vraie elle a besoin d’un autre appui que des probabilités. Or elle se heurte à un argument de fait contre lequel toutes les inductions ne sauraient prévaloir. Si le mobile de l’immunité héréditaire se résume dans le trans- fert d'une propriété inhérente à la cellule génératrice, la cellule mâle doit nécessairement intervenir comme la cellule femelle, puisque, d’après les cytologistes, l’une et l’autre entrent pour üne part égale dans la constitution de la cellule engendrée. L’expérimentation démontre qu’il n’en est pas ainsi. Dans les recherches d’Ehrlich et celles que nous avons poursuivies, le mâle n’a jamais transmis l'immunité à ses descendants. Au dire de Charrin, il est rare, ilest inouï que cette transmission s’ef- fectue quand le père seul a été rendu réfractaire : encore reste- t-il à démontrer que le cas unique considéré comme positif par 4. Wernicke est arrivé aux mêmes résultats en ce qui concerne l’immunité acquise contre la diphtérie. HÉRÉDITÉ DE L'IMMUNITÉ ACQUISE. 53 Charrin et Gley constitue une preuve à l’appui de cette trans- mission, Quant aux faits produits par Tizzoni etCentanni, on ne peut en tenir compte, tant ils s’éloignent des règles élémen- mentaires d’une judicieuse expérimentation. IV L'incapacité du mâle à communiquer l’état réfractaire fournit la preuve que la source de l’immunité transmise ne doit pas être cherchée dans un legs des cellules sexuelles. Dès lors, il n’y a pas lieu de remonter à l’origine première de l'être, à l’acte même de la fécondation pour saisir le moment où la mère trans- met l’immunité. C’est ultérieurement, à partir de l'instant où l’ovule fécondé commence son évolution dans l'utérus, et du fait même de l'évolution intra-utérine, que le descendant reçoit du générateur ce qui le rendra plus résistant à l’intoxication - ou à l'infection. | Dépuis le début de son développement jusqu’à sa naissance, le nouvel être se nourrit et s’accroit aux dépens des matériaux solubles du plasma maternel; il en est sans cesse imprégné. Peut- être les échanges ne sont-ils pas limités à la dialyse des produits solubles; les membranes placentaires se laissent si fréquemment traverser par les virus que, sans doute, elles doivent aussi livrer passage aux cellules mobiles du sang maternel (divers faits démontrent la réalité de cette émigration leucocytaire). On ne peut chercher ailleurs que dans l’une ou l’autre de ces deux conditions, action du plasma ou des cellules de la mère, l’expli- cation du phénomène. Pour les immunisations donnant lieu à la formation d’une antitoxine, on doit reconnaître que celle-ci passe du plasma maternel dans le plasma fœtal. Mais ce n’est point parce que cette substance circule dans les humeurs des rejetons que ceux-ci naissent réfractaires ; certains d’entre eux possèdent l'immunité sans avoir un saug antitoxique, tandis que d’autres, dont le sang manifeste cette propriété, succombent à l'épreuve. L'immunité résulte plus réellement des elfets subits par certains éléments cellulaires. L’antitoxine maternelle doit agir sur le fœtus comme le sérum injecté à un animal adulte : elle irmpressionneles cellules actionnées par le poison contre lequel l’ascendant est vacciné 84 ANNALES DE L’INSTITUT*PASTEUR. (abrine, ricine, tétanos, diphtérie) et les rend insensibles à l’in- toxication; elle communique aussi aux cellules phagocytaires l'aptitude qui leur permet d’englober et de détruire les agents de l'infection. . L'action de l’antitoxine maternelle s'exerce pendant toute la durée, à tous les instants de la vie intra-utérine ; aussi conçoit- ou que l’immunité ainsi produite se montre plus prolongée que celle d’un animal auquel on a injecté en une seule fois une dose déterminée de sérum. Il y a même lieu de se demander si, par celte excitation incessante de l’antitoxine sur l'organisme fœtal, celui-ci ne devient pas capable de la sécréter à son tour. Ainsi s’expliquerait pourquoi le sang des animaux issus d’une mère immunisée contre le tétanos peut encore contenir de l’antitoxine deux mois et plus après la naissance, bien que, en règle, cette substance s'élimine assez promptement, et que, d'autre part, chez le cobaye comme chez le lapin, l'allaitement n’ajoute rien à la provision reçue in utero. Il est difficile de comprendre autrement le fait où nous avons vu le rejeton d’une mère hypervaccinée contre le tétanos transmettre à son descendant une résistance évidente contre le poison tétanique. Les immunités qui ne paraissent pas admettre l'existence de substances antitoxiques doivent vraisemblablement se trans- mettre suivant un mode analogue. Après avoir tenté de les expliquer par une propriété bactéricide des humeurs, on a dû reconnaître qu’elles avaient pour véritable mobile la destruction intra-cellulaire des virus. Dans ces cas, la mère communique au descendaut non pas telle qualité des humeurs qui les rend impropres au développement des microbes, mais une propriété cellulaire caractérisée par l’aptitude à englober et à détruire les microbes. Il n’est pas aisé de préciser comment les cellules fætales acquièrent cette propriété, mais elle leur survient assurément du fait de leur contact prolongé avec les matériaux du plasma maternel. Peut-être le leucocyte de la mère sécrète-t-il une substance dont l'effet sur les cellules mobiles du fœtus imprime à ces dernières une propriété semblable à celle qu’il possède lui- même. Dans un cas comme dans l’autre, l’immunilé des rejetons s'explique par l’action du plasma maternel sur les Uissus fœtaux ; elle doit à cette circonstance son éphémère durée, caractère HÉRÉDITÉ DE L'IMMUNITÉ ACQUISE. 83 constant des vaccinations obtenues avec le sérum des animaux rendus réfractaires. . M Trois faits principaux se dégagent des observations précé- dentes. La mère seule est apte à communiquer l’immunité à ses descendants. Le père ne la transmet jamais. L’immunité reçue du générateur esttoujours de brève durée ; elle s'efface dès les premiers mois de la vie. Ces données sont en opposition formelle avec le rôle attribué à l'immunité dite héréditaire dans l’histoire générale des maladies infectieuses de l'homme. C’est par la sommation des iminunités ou des résistances héréditairement transmises que l’on a voulu expliquer la malignité décroissante de certaines maladies au cours des siècles, leur inégale gravité actuelle chez les divers sujets d’une collectivité comme aussi la marche et la léthalité diffé- rentes des épidémies suivant les milieux où elles se développent. Le champ d’action de l’immunité héréditaire est déjà restreint par ce fait que, des deux générateurs, un seul est apte à la donner. Mais ce qui en diminue encore plus la portée, c’est sa précoce disparition; son influence préservatrice ne s'étend pas au delà des premiers mois dela vie. Encore faut-il ajouter que cette trans- mission del’immunité maternelle ne se produit peut-être pas aussi communément dans l’espèce humaine qu’on est tenté de le croire. Pour l’observer expérimentalement, on est obligé derecourir à des animaux Aypervaccinés, dont l'immunisation est portée à un degré qu’une simple atteinte de la maladie infectieuse ne con- fère jamais; puisque l’immunité transmise par ces animaux se montre si fugace, qu’en sera-t-il des autres? LR CHOLÉRA À CONSTANTINOPLE DEPUIS 1893 Par M. NICOLLE Directeur de l'Institut Impérial Bactériologique. + x Depuis novembre 1893, époque de notre arrivée à Constan- tinople, nous avons été chargé par le gouvernement impérial ottoman de l'examen bactériologique de nombreux cas de cho- léra. Les selles des malades suspects nous ont été envoyées le plus souvent; au cours des poussées épidémiques, beaucoup de déjections ont été également soumises à notre examen. Enfin nous avons eu à étudier un grand nombre d'échantillons d'eaux provenant des endroits contaminés. Notre rôle s’étant borné là, nous ne prétendons pas tracer un tableau exact du choléra à Constantinople dans ces deux der- nières années. Toutefois, nous pensons qu'il y a intérêt à résumer brièvement le résultat de nos recherches. # Évolution du choléra. — La première poussée épidémique s’est étendue du 24 août 1893 au milieu d'avril 1894. L'histoire en a été rapportée par les D" Chantemesse (Semaine médicale) ; Karlinski, Mordtmann (Hygienische Rundschau) et Matthiolus (Archiv fur Hygiene). Le 25 avril 1894, est apparu un cas isolé. En août 1894, quelques cas à Stamboul et à la caserne Sélimié (côte d'Asie). En octobre et novembre quelques cas encore à Stamboul. La seconde poussée épidémique a régné de décembre 1894 à mars 1895. Depuis mai 1895 jusqu'au milieu de septembre, un petit nombre de cas seulement à Stamboul. Enfin, en janvier 1896, deux cas isolés. Origine. Mode de contamination. — L'origine de la première épidémie est assez obscure. Comme tous les autres cas isolés ou initiaux, elle a dû être importée d’Anatolie. LE CHOLÉRA À CONSTANTINOPLE. 87 Le cas du 25 avril 1894 se rapporte à un voyageur venu.de Sivas, où régnait alors le choléra. Les cas d'août, octobre et novembre 1894 sont de provenance Anatolique. La seconde épidémie semble due à l'arrivée des recrues venant de divers points de l’Asie Mineure. Enfin les cas observés depuis ont eu vraisemblablement la mème origine. Il ne paraît pas, en effet, que le choléra ait de la tendance à s’acclimater ici, et qu’il se soit produit des récidives autochtones par infection durable du milieu extérieur. Cependant, au cours des deux poussées épidémiques, il y a eu certainement conta- mination des eaux et transmission de l'affection par leur inter- médiaire. À ce point de vue nos observations corroborent pleine- ment l'opinion de notre ami, le D' Chantemesse, La propagation s’est faite suivant deux types : tantôt d’une façon diffuse, tantôt en suivant le cours de canalisations déter- minées. La propagation diffuse correspond à l'infection par les malades, les personnes qui les entourent, ou leurs effets. M. Mon- dragon, qui dirige le service de désinfection à la préfecture, nous a cité des faits qui montrent bien l'impossibililé de suivre la trace de certaines contaminations. Plusieurs fois, voulant prendre les effets des cholériques pour les transporter à l'étuve, il apprit que ces effets avaient été vendus à des brocanteurs ambulants, lesquels les avaient certainement dispersés à droite et à gauche. Comme type de propagation suivant les canalisations, nous citerons avant tout les cas qui ont éclaté exclusivement dans les quartiers tributaires de l’eau du Taxim au début de l’année 1894. Caractères des selles re Isolement des vibrions. — Nous n'avons examiné qu'une seule fois des pièces provenant d'autop- sie. Le reste de nos recherches a trait aux déjections de malades suspects ou atteints de choléra type. Les selles nous ont été envoyées par S. E. Eumer Pacha, inspecteur sanitaire de la préfecture; par le D' Stékoulis, méde- cin de la Quarantaine, et par le ministère de la Guerre. Suivant nos indivalions, ces selles ont été le plus souvent recueillies dans des vases stérilisés. 88 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. L'aspect macroscopique étaittrès variable. Tantôt riziforme, ou analogue à de la soupe à la farine; tantôt jaune, rappelant un œuf brouillé ; tantôt, et fort souvent, simplement diarrhéique, rarement biliaire ou sanguinolent. A l'examen microscopique (coloration par le violet de gen- tiane phéniqué), nous avons toujours trouvé facilement les vibrions. Quelquefois on eüt diteune culture, tant ils élaient abondants ; chose singulière, cet aspects’est montré plus fréquent dans les selles d'apparence simplement diarrhéique que dans les selles riziformes. À côté des vibrions, on distinguait le plus habituellement le coli-bacille et toujours ces fins spirilles signalés par nombre d'auteurs et réfractaires à toute culture. L’isolement des vibrions ne nous a jamais présenté la moindre difficulté. Nous réussissons presque toujours en faisant une dilution des selles dans l’eau stérilisée, et en ensemençant avec cette dilution deux ou trois tubes de gélose sans recharger le fil de platine. Rarement, une culture préalable dans un tube d’eau peptonisée à 1 0/0 a été nécessaire. Sur la gélose, ainsi ensemencée, apparaissent rapidement, à côté des colonies de bacterium coli, des colonies vibrioniennes plus petites, plus régulièrement arrondies, plus transparentes, sans épaississement de leur partie centrale. Il n'est pas rare de rencontrer aussi des streptocoques. D’autres organismes, dans ce mode d'isolement, sont exceptionnels. Le bacterium coli, ainsi isolé, a une virulence variable ; le streptocoque, plusieurs fois inoculé au lapin, s’est montré inof- fensif même à fortes doses. Caractères des vibrions à Constantinople. — Les vibrions isolés ici depuis 1893 correspondent à la description donnée par le D' Chantemesse, c’est-à-dire au vibrion de Koch classique. Nous n'avons rencontré qu'une seule exception qui fera l’objet d'une étude spéciale. (Voir plus loin.) Voiciles caractères résumés de ce vibrion de Constantinople. Organisme virgulaire, appartenant à la forme courte ; monocilié. Sur les plaques de gélatine, culture apparente au microscope après 24 heures, sous forme d’un petit amas granuleux à bords irréguliers ; puis liquéfaction du milieu. Dans la gélatine par piqûre, bulle d’air après 24 heures ; la liquéfaction se continue LE CHOLÉRA À CONSTANTINOPLE. 89 régulièrement les jours suivants; la bulle d’air disparaît du cinquième au sixième jour. Sur pomme de terre, couche brun clair, assez épaisse. Dans le bouillon et l’eau peptonisée, voile bien développé. Coagulation du lait. Réaction indol-nitreuse bien marquée. Les vibrions sont pathogènes pour le cobaye et souvent aussi pour le pigeon (dans le péritoine). Il nous a semblé qu'au cours des poussées épidémiques, les vibrionstuaient plus souvent le pigeon que lors de cas isolés ou de foyers circonscrits; c’est là un point qu'il serait intéressant de vérifier par des recherches systématiques. Les vibrions donnent le phénomène de Pfeiffer (Metchnikoff, Bordet et nous-même). Enfin, avec une de nos cultures, M. Metchnikoff a reproduit sous nos yeux, dans son laboratoire, le choléra expérimental des jeunes lapins. Cas légers. — Nous n'avons eu qu’une fois l’occasion d’exami- ner des selles provenant d'une forme atténuée de choléra. Il s'agissait d’une diarrhée intense avec déjections rappelant l'aspect de la soupe à la farine, dans lesquelles les vibrions ont été rencontrés depuis le début juqu’au huitième jour. Il n’exis- tait pas de phénomènes généraux. Cette attaque cholérique s’est produite chez une personne qui était allée la veille passer la journée à Ortakeui, localité où existaient alors des cas de choléra. et dont les eaux contenaient de nombreux vibrions. Les vibrions de ce cas léger avaient tous les caractères du vibrion de Koch et se sont montrés très patho- gènes pour le cobaye. Nous ajouterons qu’au cours des deux épidémies, ont régné de nombreuses diarrhées sans gravité dont nous avons souvent réclamé l'examen. Malheureusement, on avait alors à s'occuper avant lout des cas graves, et il a été impossible de nous satisfaire. Rôle des eaux. Vibrions trouvés dans les eaux. — Le rôle des eaux, lors des deux épidémies et dans les cas où se sont produits des foyers limités, nous paraît indéniable. Un premier fait, c’est l'abondance spéciale des vibrions dans les eaux pendant les recrudescences épidémiques, et la plus grande facilité de leur isolement. Les vibrions rencontrés par nous appartiennent aux types suivants : 90 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Vibrions liquéfiants. 1. Type Koch, A — 2. Type Finkler et Prior. F4 —- 3. Type ne différant du vibrion de Koch que par une liquéfaction lente et superficielle de la gélatine. — — 4. Mèmes caractères que 3; mais réaction indol-nitreuse négative. _ — >, Type Deneke. Ces cinq types étaient tantôt pathogènes, tantôt inoffensifs. Vibrions non liquéfiants. 4. Golonies blanches, rappelant sur gélatine l'aspect du pneumo-bacille. Culture brun foncé sur pomme de terre.— Voile mince sur le bouillon. L 2 — Pas de coagulation du lait. — Réaction indol-nitreuse positive. Virgules longues à 4 cils. — Non pathogènes. — — 2. Vibrions différant des précédents en ce qu'ils sont courts, monociliés, et ne donnent pas d’indol. — — 3. Vibrions donnant une culture bleu verdâtre dans la gélatine et sur la gélose. Non patho- gènes. Ces divers vibrions ont été rencontrés dans les eaux de canalisation, dans les bends (réservoirs d’où l'eau de Taxim tire son origine), et dans nombre de puits et citernes des localités infectées. Nous avons isolé plusieurs échantillons de chaque variélé. N'ayant pas soumis ces vibrions au contrôle de la réaction de Pfeiffer, et n'ayant pas cherché à reproduire avec eux le cho- léra des jeunes lapins, il nous est impossible de prouver expé- rimeutalement la nature cholérique de certains d’entre eux. L'existence de vibrions cholériques dans les eaux nous semble néanmoins ressortir de tout ce qui précède. Rôle des pluies, rôle de la température. — Le D' Chantemesse a montré que, lors de la première épidémie, les fortes pluies avaient été suivies fréquemment d’une recrudescence ou d'une reprise des attaques cholériques. Nous ne pouvons que souscrire à cette manière de voir. De même, la température exceptionnellement douce du mois de janvier 1895 n’a pas été élrangère à l'extension de la mala- die. Celle-ci n'avait commencé en décembre 1894 que par un petit nombre de cas: on l’a vu prendre rapidement l'allure d'une poussée épidémique dès que le temps s’est maintenu chaud. LE CHOLÉRA A CONSTANTINOPLE. 91 Rôle de l'alimentation. — 11 a été incontestable, comme la montré également le D' Chantemesse. Nous avons été frappé pour notre part de ce qui s’est passé lors de la fin de la première épidémie. Pendant plusieurs semaines, seules les personnes appartenant à la religion grecque, et dont c'était alors le carême, ont été atteintes par l'affection. Ces personnes se soumettaient à des jeùnes prolongés et ne prenaient comme alimentation que quelques plats à l'huile des moins digestifs et des moins récon- fortants, notamment des moules (lesquelles donnent souvent ici des empoisonnements). Dans les mêmes rues, les habitants appartenant à une autre religion n’ont pas été une seule fois alteints. ; Un fait analogue s’est d’ailleurs produit à propos de la fièvre typhoïde. Le médecin du stationnaire français, le D' Gauran, nous a prié l'an dernier d'examiner les eaux consommées à bord, parce que la majeure partie de l’équipage avait été prise presque subitement de dothiénentérie ; les eaux n'étaient pas très bonnes et ont été remplacées immédiatement par de l’eau filtrée. Mais le point intéressant de cette épidémie, c’est que l’infec- tion typhique avait éclaté presque en même temps chez tous les malades à la suite de violentes indigestions causées par l'usage d'huîtres pêchées daus la vase. Toutes ces notions confirment les idées de M. Metchnikoff sur l'importance des causes prédisposantes dans l’étiologie des aflections intestinales et notamment du choléra. Nichan Tach, janvier 1896, NOTE SUR UN VIBRION CHOLÉRIQUE ANORMAL - Par Le Dr ZIA-EFENDI Préparateur à l’Institut impérial d2 bactériologie de Constantinople. Au cours de la poussée épidémique qui a sévi à Constanti- nople, de décembre 1894 à mars 1895, nous avons eu l’occasion d'isoler, des selles d’un malade, un vibrion qui diffère de Lous ceux rencontrés ici depuis 1893. Il s’agit d'un individu transporté à l'hôpital de la Marine le 22 janvier 1895, et qui mourut le jour même après avoir rendu des selles riziformes caractéristiques. Cés selles, examinées au microscope, monlraient de nombreux vibrions à côté des coli- bacilles et de fins spirilles. En ensemençant une dilution des déjections par stries sur des tubes de gélose, nous avons isolé un organisme en virgule qui offre des caractères tout à fait anor- maux. Le fait est d'autant plus surprenant que les vibrions étudiés depuis 1893 jusqu’à celte année se sont montrés constam- menl identiques au vibrion type de Koch. Nous mettrons en parallèie les deux espèces vibrionniennes. Vibrion de Constantinople. (1893-94-95-96) Forme courte. Monocilié. Dans les plaques de gélatine, eul- ture visible au microscope après 24 heures, sous forme d’un petit amas granuleux à bords irrégulièrement circulaires. Puis liquéfaction du mi- lieu suivant le type connu. Dans la gélatine par piqûre, bulle d’air après 24 heures, disparaissant du 5e au 6e jour. La liquéfaction se continue pro- gressivement. Vibrion anormal. (22 janvier 1895.) Forme longue. Multicilié (4 cils au maximum) * Dans les plaques de gélatine, cul- ture offrant au microscope le même aspect après 24 heures. Mais pas de liquéfaction ultérieure. Pas de liquéfaction. Culture par piqûre dans la gélatine rappelant celle du pneumobacille. Brunit un peu à la longue. VIBRION CHOLÉRIQUE ANORMAL. 93 Couche brun clair sur pomme de Couche brun foncé sur pomme de terre. terre. S Coagule le lait. Ne coagule pas le lait. Voile épais sur le bouillon et l’eau Voile mince sur le bouillon et l’eau peptonisée. peptonisée. Réaction indol-nitreuse. Pas de réaction indol-nitreuse. Vibrion pathogène pour le cobaye Non pathogène. et souvent pour le pigeon (dans le péritoine). Donne le phénomène de Pfeffer. Donne le choléra expérimental aux jeunes lapins (MErcnNIKOrFF). Avons-nous affaire à une anomalie du vibrion cholérique ou à une espèce distincte ? Il est impossible de le savoir exactement. Pendant les jours qui ont précédé et suivi l'isolement de ce vibrion, nous avons trouvé constamment dans les selles de nombreux malades des vibrions tout à fait typiques. D'autre part, cet échantillon anormal provenait d’un cas caractéristique de choléra. Tout ce que nous pouvons dire, c’est que, dans les eaux, il nous est arrivé de rencontrer plusieurs fois des vibrions analo- gues, n’en différant que par l'existence de la réaction indol- nitreuse. Les mêmes causes adjuvantes qui rendent le vibrion cholérique pathogène pour l’homme (microbes favorisants de M. Metchnikoff) ne pourraient-elles pas, à la même époque, avoir rendu un vibrion des eaux pareillement nuisible? e NicHan Tacx, janvier 1896. LES VACCINATIONS ANTIRABIQUES À L'INSTETUT PASTEUR EX in .Par HENRI POTTEVIN 1 Pendant l’année 1895, 1,523 personnes ont subi le traite- ment à l’Institut Pasteur: 5 sont mortes de la rage; chez 3 d’entre elles, les premiers symptômes se sont manifestés moins de quinze jours après la dernière inoculation. Une per- sonne a élé prise de rage au cours des inoculalions, elle n’est pas comptée au nombre des personnes traitées. Nous avons donc : Personnes Tailles, M. em men ee 1.520 MOTS ER PET Et TE ee AAC y De Se 9 MOT NET RE RP ele SA 0,15 Dans le tableau suivant, ces chiffres ont été rapprochés de ceux fournis par les statistiques des années précédentes. 2 Années. Personnes traitées. Morts. Mortalité 0/0, 1836 2671 JS 0,9% 1887 1770 14 0,79 1888 1622 9 0,55 1889 1830 7l 0,38 1590 1540 D 0,32 1891 4559 4 0,25 4592 1790 4 0,22 1893 ‘ 1648 6 0,56 1894 1387 fl 0,50 1895 4520 2 0,13 Il Les personnes traitées à l’Institut Pasteur sont divisées en trois catégories correspondant aux tableaux suivants : LES VACCINATIONS ANTIRABIQUES. 95 Tableau A. — La rage de l’animal mordeur a élé expérimen- talement constatée par le développement de la rage chez des animaux inoculés avec son bulbe. Tableau B. — La rage de l'animal mordeur a été constatée par examen vétérinaire. Tableau C. — L'animal mordeur est suspect de rage. Nous donnons ci-dessous les résultats détaillés pour 1895. MORSURES À LA TÈTE MORSURES AUX MAINS | MORSURES AUX MEMBRES TOTAUX PES HER PER. "0 IR — 2 — Traités. Morts. Mortalité. |Traités. Morts. Mortalité, Traités. Morts. Mortalité. | Traités. Morts. Mortalité. Tableau À... 1800 (] 62 DO 42 û 129) er" mr) Tableau Bb 727 108 0 0 559 {| 0,18 | 286 (| 0,35 | 949 2 0.21 Fébleae Ce. AM Monet 207 O0 0 PCT 186 0 "07 | 829 À 0121538 7 0181520 2 0.13 Il Au point de vue de leur nationatité, les 1,520 personnes traitées en 1895 se répartissent de la façon suivante : AE leLeLT Een ee tre 173 HOUARAE RER RES, 6 Belgique RÉ R 6 Indes Anglaises... ......, 20 RADIOS RL To: ne 2 SCORE EEE 353 ESDA NOR RR ET EC te ru 41 URQULE ARR PRE 9 GTÉCE Ne | 2 soit 257 étrangers et 1,263 Français. Nous donnons ci-après la répartilion par départements des 1,263 Français. 96 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. AT en baie e cote nn 15 0) ADI Re te ME Cr 1 PAUSE nee ee nie te ie tn 15 AMEL O LEP EN RER 16 ATERES ARR LR RP RRPMRTEN TE 1 Lot-eEGATONNER PEAU UN 12 EMDESAIBASS CE) PERRET ARRETE OMIELOZÉTE RNA 0 AlDestiHautes) etes tree ONENRANE LE UDIRE PEER 2 Alpes-Maritimes..." 0 MAnCRO RER ER ANS 2 AJÉBrE Se, CRM LS à 0. 4}. Marne. in 2 ee 1 ATTÈCHE TRES er ee LA MarnelHaute) ER RC EE 2 ArTENNES ere Luce AA MAVENNE Et RE DER ee 1 AT DE re ET nee er ete 18, | Meurthe-et-Moselle sr..." 0 AIDER ET PTE rec GA AA MODS ne VAE ee (l AU REPR ECC DH OS GA EMOrbiN AN. CNE ERRRSORNOEAENREE 9 VE VOD RER RE ee 19 M EINENTO RE rene UM ESC E Ut 2 Bouches-du-Rhône.......,..... D'ANNONCE RENE EPRNQUEE EE RANRS 4 Calvados Mr ct oore LATAOÏSE RE ce RE RE EU 6 CANTAL s sm M ere BU ce eue AT IMOrAN Re RARE 2 an ge (1) ChareDEe mr nee AE CA FORIE SEE NME TOR PAPA 11 Charente-Inférieure. ,...,....... 2 Pas-de-Calais 520 MES een 29 CREER Te et mere 19 MEET DONMERS CRETE il Cons AN TIME REPARER ET OMNPyrénées Basses) eee rire 20 COTE EM ARR ET Nr 12, | "Prrénées Hautes-)......... 6 COLE PA RENE RR EE AE ON MPyrénÉes-Ormentales rer 16 COLOR ARR ER e - lAMRDIMIUHAUE) MR RATE En 0 BOL QU NORME EP Re re ce 95 ROME ERA UE rer CREUSE SLT A Me que 1 Saone (Hate) er Re fl Dordoone rer er Pme rente BU MSAUNE-CLNOITe Pere ce pee 4 M) O UNS RER AT SEEN RER ONE antitereen RO A 0 DÉCIDE ARS PR EN 2 MS AVOIE REC N rCre SRE A A 8 ÉUTE PR TN RER 4 SAVOIE HAUTE) EEE TRES EE 0 Fure-CRRDIRE er re OM ESeINE RER ee nee nee 359 EAMIS LE LES Te lee DIMESeMmE EMA Er Eee M Sole CAT TT er ME ne 4 | Seine-et-Oise..... An RP TAC 62 Garonne {Haute-) MeFEPA TNT 25m) MS eine-INléReURe ep re D2 COTES NT A ete 109] Sèvres (Deux). ree 1 Gironde er Per ErRATEEe DD MS OMIS TL 10 HÉPEULR ES rm e S DORETARNT ETr-e. DO 3 Mie eV e RSR at SHIMTarn el Garonne 2e Terre 16 OR US Thetie o e LAPTUNISIER TER EME PER LEE 0 InUre-ECMOITE MP CT D NAT et on CT CL ES OT SR RE Dee int de 67 VAUClUSE SR RU CEE { OS PT ner ES SO D M 1 Vendée NN 0 HANAeS Te. Eee CC En LE 94 Vienne: Re ren rene e (] BOITE CRE APR R E LE 2MeNieNTedHAUte-) EEE er. pi) MDITÉ 2e Eee ten seen M eee 13 N'OSCES AR ARMES Ce à LENS 0 Dore (HN Re cases M PA TONNES obba so 0e e 3 Ibire nl PIEUTe UE MEN 5 + 4 SUR L'EXISTENCE DANS LA NATURE D'UN VIRUS RABIQUE RENFORCÉ Par LE D' AzpHoNsE CALABRESE Préparateur à l’Institut et à la Clinique. (Travail de l’Institut antirabique de Naples, dirigé par le Professeur Cardarelli.) On sait que le virus rabique peut changer de virulence par le passage au travers de certaines espèces d'animaux, s’atténuer, par exemple, par passage au travers du singe (Pasteur ‘) ou par le chien (Celliet Marino Zuco *); s’exalter, au contraire, par pas- sage au travers du cobaye ou du lapin (Pasteur *, Hügyes ‘), ou au travers du chat (de Blasi et Russo-Travali*). De là, la dis- tinction entre le virus des rues, ou virus des chiens errants, et le virus fixe, ou virus de laboratoire : le premier donnant la rage en _ 45 à 48 jours à des lapins de moyenne taille, inoculés dans l'œil ou par trépanation, le virus fixe déterminant la rage en 7 jours chez le lapin, en # à 5 jours chez le cobaye. Cette distinction n’est pas absolue. On s’est aperçu, en effet, que le virus des rues est de virulence très variable. Voici, en effet, un tableau qui donne la période d’incubation rabique de 280 lapins qu'on a inoculés ici depuis la fondation de l'Institut jusqu’à aujourd'hui, avec du virus des rues, pour faire le diag- nostic de la rage chez divers animaux. On n’a fait figurer dans ce tableau que les cas non douteux, c’est-à-dire ceux où l’expé- rience de contrôle avait bien montré que le lapin inoculé était mort rabique. 1. Acad. des Sciences, 19 mai 1884. 2. Annali dell Istituto d'Igiene sper. della R. Univ. di Roma, t. I, nouv. série, fase. 1. 3. Acad. d. Sciences, février 1884. 4. Annales de lnstitut Pasteur, t. II, n° 3. Fe 5, Giornale d, R,. Accad, di medicina di Torino, XLII, fasc. 4 et 5. è À 98 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. TN CE AS NOMBRE DE JOURS D'INCUBATION VIRUS 7 8 910 11 12,18 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 80 32 33 TOTAL Chien." 20306 06 4 LADA 6 280 MGM NT SONO AIONMS CSN US OS O0 02 UOTE Chat ME MOSS: DIN DUB NS D To PER ET PE) METAL D) OLD ETES BOL ee CDD) 0) 0) DD TN St PO) ee MAO TEL D'OR SAD L NUD 10) D) 4 Mouton =) M2651» De ED CD CD TER mine DD ED EDMOND NEO) DUO) POP) Il NB. DD) 0) D EN TS ED) A PAS O5 D TR) D) D) 0) DD) D D] Génisse... . D 0) 00) DT DO A 1 DO) NEED) CODE N ED ED RO) D) 0) EN) Yo) 2 Doupr-.+ DDR DATA) 0) 00) 0) D) AD) RD) D) CN CD D D) EE) 0) D 0) 1 Homme.... » » » » DD) RD) D OUR) ES PDO) DO ED) NN ONE DD ED) 10 2 — mm — ee ee DOMME NS TO AM OMAN CONS SAT METTRE EMIORENE TEL SSL ANMEEU On voit dans ce tableau que la période d’incubation du virus de rue a varié de 7 à 33 jours ‘. Celle de 14 jours est la plus fréquente. On a fait avec soin le contrôle pour les incubations les plus longues et pour les plus courtes, en s’entourant des précautions nécessaires pour éviter toute espèce de doute au sujet du résultat. Le virus le plus lent a conservé sa période d’incubation dans le lapin de contrôle, ou ne l’a diminuée que de 1 à 5 jours: Les incubations les plus courtes se sont retrouvées pareilles dans le lapin de contrôle. Il n’y a eu exception que pour deux cas ; 19 Un lapin de taille moyenne, inoculé le 29 août 1888, avec le bulbe d’un chien suspect de rage, est mort le 9° jour et a servi à inoculer un autre lapin qui est mort seulement après 15 jours; 20 Un gros lapin, inoculé le 16 juillet 1895, avec le bulbe d’un chien, est mort en 8 jours, et son lapin de contrôle au bout de 20 jours seulement. Sauf ces deux exceptions, la période d’incubation n’a pas changé sensiblement, de sorte que l’on peut assurer qu'il y a des virus de rue aussi virulents que le virus fixe. Bordoni-Uffreduzzi, qui a appelé en 1889 (1. c.) l'attention sur ce fait, a inoculé des lapins avec le bulbe d’un homme mort de rage paralytique, et a obtenu la mort en 8 jours dans quatre pas- sages consécutifs. [Il conclut qu'il y a dans la nature des virus renforcés par des voies encore inconnues. J’ai retrouvé cette année deux cas de très courte incubation, qui figurent au tableau ci-dessus : le premier se rapporte à un mouton d’Ottaïano (Naples), mort avec des symptômes rabiques une vingtaine de jours après avoir été mordu par un chien suspect et mordeur. Les lapins inoculés avec le bulbe de ce mouton sont tous morts le 8° jour. Le second cas se rapporte à 1. Borponi-UrrreDuzzi (La rabbia canina e la cura Pasteur, Turin, 1889) & vu une période de 203 jours d’incubation chez un lapin. VIRUS RENFORCÉ NATUREL. 99 un chien de S. Cipriano Picentino (Salerne), abattu parce qu'il avait mordu des personnes et des animaux ; les lapins ino- culés avec son bulbe sont morts en 7 jours. Dès que j'ai été en possession du 1” cas, je me suis proposé de rechercher si ce virus renforcé par des voies nalu- relles ressemblait au virus de laboratoire pour sa stabilité, ou bien si sa virulence était accidentelle et contingente. J'ai donc cherché comment se comportaient ces deux virus actifs : 1° par passage en série sur le lapin; 2° vis-à-vis d’autres animaux ; 3° vis-à-vis des agents externes. 3 19 PASSAGES PAR LE LAPIN. Le virus de laboratoire est fixe. Le nôtre, qui en est à son 450€ passage depuis qu'il est sorti du laboratoire de Pasteur, rend le lapin rabique à la fin du 5° ou au commencement du 6° jour. J’ai cherché si les deux virus naturels se comportaient de mème. Par prudence, j'ai inoculé à chaque passage deux ani- maux. Je ne cite que celui qui est mort le plus vite etqui a servi, par suite, à faire le passage suivant. MOUTON D'OTTAIANO CHIEN DE $S. CIPRIANO Numéro Poids dulapin N,. de Jours Durée Poids du lapin N. de jours Durée du passage. en kilog. d’incubation. de la survie. en kilog. d’incubation. de la survie, 1 1.890 S 19 1.340 7 9 2 4.750 8 al 1.280 7 9 9 1.580 Ô 9 1.720 6 8 4 1.340 5 10 1.580 7l 5 p) 1.285 ï 10 1.340 T 9 6 1,110 7 10 1.530 6 9 7 4.955 S 3 1.680 6 S S 1.630 ù 40 1.565 G 8 9 1.320 7 a 1.980 ïl 9 40 1.860 ù 10 1.720 fl 9 41 1.530 5 11 1.630 ÿl 10 42 1.480 fi 10 1.340 6 8 13 1.360 ÿ 9 1,270 ( 8 14 4.920 5 40 1.520 6 8 45 1.890 nl È 4.280 6 9 16 1.720 5 10 1.640 Ti 10 47 1.680 8 10 1.740 7 9 18 1.435 T 9 1.960 7 9 19 1.270 7 9 1.725 di 9 20 4.425 8 10 4,530 6 5 21 1.270 8 10 1.280 7 8 22 1.470 Q) 10 1,840 7 J 23 1.525 8 10 1.520 ji 10 24 1.630 5 10 16495 7 5 25 On interrompt la série. 1.535 6 5 26 4,250 7 9 27 11345 7 9 28 4.790 6 9 On interrompt lu série, 100 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR On voit que ces deux virus se comportent comme des virus fixes par passage au travers du lapin. [l eût été intéressant de poursuivre la série : Les ressources dont nous disposons ne me l'ont pas permis. : 20 ACTION SUR D'AUTRES ANIMAUX. La moelle du mouton d'Ottaïano, conservée 12 jours dans la glycérine, m'a servi à inoculer : 1° Deux chiens (4*,200 et 5,800), morts le 13° et le 16° jour: 2° Deux cobayes (480 grammes et 650 grammes), morts le. 1e etle8cqoure 3° Un lapin de contrôle, pesant 1,780 grammes, mort en 8 Jours. La moelle du chien de S. Cipriano, conservée 10 jours dans la glycérine, a servi à inoculer : 1° Deux chiens de 6k,450 et 4,200, morts le 16° et le 14° Jour; 2° Deux cobayes de 540 grammes et 525 grammes, morts le be et le 6° jour; 3° Un lapin de contrôle, pesant 1,760 grammes, mort le 1° jour. Ces deux virus se comportent donc vis-à-vis des animaux comme le virus renforcé de laboratoire. 39 RÉSISTANCE AUX AGENTS EXTÉRIEURS. Je me suis contenté d'étudier la résistance à la dessiccation, à la chaleur, et à quelques agents chimiques (sublimé et acide phénique). Toutes les notions qu’on a à ce sujet ne concernent que le virus fixe. On sait que la dessiccation des moelles ne commence à produire son effet que le second jour, et finit par supprimer la virulence le 12 jour. Babès‘ est le seul à avoir constaté des résultats positifs en inoculant une moelle de 14 jours. Quant à l’action de la chaleur, Celli* a vu que le virus était détruit, après 30 minutes, à 100°; ou après une heure, entre 50° et 60°; ou après 24 heures, à 45°; tandis que Babès * trouve qu'il . Virchow’s Archiv., 1887, t. CX. . Bollettino d. R. acc. med. di Roma, 1886-87, f. VIN. . dourual des connaissances médicales, 1887. Q2 DO > VIRUS RENFORCÉ NATUREL. 101 suffit pour cela de 1 minute à 65°, 3 minutes à 60°, 5 minutes à 58° et 60 minutes à 40°. De Blasi et Russo-Travali ‘ ont vu qu'à l'obscurité, une émulsion de moelle devient inactive après 96 heures à 35°, 66 heures à 40°, 20 heures à 45°, 4 heures à 50°, 1 h. 20 min. à 55°, tandis qu’à la lumière diffuse il faut 60 heures à 35°, 36 heures à 40°, 18 heures à 45°,3 heures à 50°, et 20 minutes à 50°, Au sujet des agents chimiques, Celli (/. c.) a vu que le sublimé à 1/100,000 détruit instantanément l’activité du virus. Babès trouve qu'il faut pour cela 3 heures au sublimé à 1/1,000, ou à l'acide phénique à 1/100. De Blasi et Russo-Travali* disent que le virus est détruit en 50 minutes par l'acide phénique à 5 0/0, en 1 heure par l’acide à 3 0/0, en 2 heures par l'acide à 2 0/0. Aucune de ces recherches ne se rapporte au virus de la rage des rues : c’est pourquoi j'ai dü faire des essais préliminaires sur un virus des rues, que l’on peut considérer comme typique, provenant d’un chien de Minori (Salerne), dont le bulbe donnait aux lapins une période d’incubation de 18 jours. Je l’ai étudié comparativement au virus fixe de l’Institut, dont la période d’incubation est de 5 à 6 jours. Pour étudier l'influence de la dessiccation, j'ai employé le système Pasteur pour la conservation des moelles dans un flacon en présence de la potasse caustique, à 20°. Il y a là, intervenant, d’autres influences (chaleur, lumière, oxygène), que j'ai laissées confondues avecla première dans monexpérience decomparaison. Tous les deux jours, on émulsionnait un fragment des moelles, et on l’inoculait par trépanation à deux lapins. Voici les résultats. La lettre R signifie que le lapin inoculé avec la moelle desséchée a résisté, après une période d'observation de 40 jours pour le virus fixe, de 3 mois pour le virus de rue. On a fait l'expérience de contrôle, au sujet de la mort rabique des lapins inoculés, toutes les fois que cela a paru nécessaire. Durée de la dessiccation, en jours. EE —— ON SU ANR CRETE D ON ICE TONNTE Durée DVITUS TIRE 6 AD OO AS RO Ep RS Te RER de la survie, | Virus de rue... ROUE) RE TON TR, QU: RS ER) en jours, Virus d'Ottaïano. 18 OS UT ST a OR PORTE Y CEE 2 avec le V. deS. Cipriano, VOA OS OCDE ES DR R SRE 1. Riforma medica, avril 1889. 2. Bollett. d. Soc. d’'Iqgiene di Palermo, n° 11 et 12, 1559. 102 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Pour étudier l’action de la chaleur, j'ai fait des émulsions de 1 c. de longueur de la moelle avec environ 2 c. c. d’eau, et après avoir entouré les verres d’un papier noir, je les mettais, l’un dans l’étuve à 35° qui noussert aux cultures de diphtérie, et l’autre. dans une étuve à 55°. Au bout de temps variés de séjour, on “étudiait la virulence par inoculation iatra-crânienne. Voici les résultats : ; e. Le. Durée du séjour 900, : pe Durée EE séjour à 35 à 330, "MU NN > TTL 94h. 48h. 7h, 96h. 420h. 30° 4h. 4h. 30’ ————" —— © — ————— — —— Durée Nirustfixe 0.4. » 20 31 R R 10021 R de la survie, \ Virus de rue.... 28 3 R R » DR R en jours, Virus d’Otlaïano. 12 20 28 R » 414 R R avec le , V:deS.Cipriano. 45 27 41 R » AT R Enfin, pour étudier l’actionde l’acide phénique à 1 0/0 et du sublimé à 1/10,000, j'émulsionnais directement le fragment de moelle dans des solutions à ces titres. De plus, au lieu d’injecter ces émulsions dans le périloine comme le faisaient mes prédé- cesseurs, j'ai inoculé sous la dure-mère; je me suis assuré au préalable, par des expériences multipliées, qu’on peut inoculer impunément sous les méniuges 5 à 8 gouttes de ces solutions, c’est-à-dire la quantité employée dans les inoculations intra-crà- niennes. Voici, comme précédemment, mes résultats : Durée de contact, avec RUE ne LTn Sublimé corrosif Acide phénique à 1 p. 100. à 1 p. 10,000. —— EL NN 1 30° 4h. 2h. 2h.30° 31h. 4h. 1h. 2h. 3h. £h. —" —— — ——————— — ——" © — ——— — Durée MITUSRIxX EEE EEE NN » ROMRIMOREISIECS MER de la survie, | Virus de rue.... 2% R R » RONA: ROME ED en jours, Virus d’Ottaïano. » 21 28 R RES T2 DIN ANRE) avec le | V. de S.Cipriano, » 13 125 » RAD PA IPS OISE Pour toutes ces expériences sur l’action des agents externes, je me suis servi, non des fragments de moelle conservés dans la glycérine, qui ne m'’auraient pas suffi, mais de la moelle de chiens inoculés sous la dure-mère soit avecles 2 virus à l’étude, soit avec le virus de la rage des rues (chien de Minori); je n’ai pas voulu me servir de moelles de lapin, de peur que ce passage n'ait suffi à renfoncer la virulence. On voit que le virus du mouton d'Uttaïano et le virus du chien de S. Cipriano se rapprochent plus du virus fixe que du virus de rue, à quelque point de vue qu'on les envisage. Ils se sont mon- VIRUS RENFORCÉ NATUREL. 103 trés, commele virus fixe, virulents jusqu’au 10° jour de dessicca- tion, subissant à peu près de la même façon que ce virus l'in- fluence de la chaleur et celle des antiseptiques. Au sujet du virus du mouton d'Ottaïano, on pourrait se deman- der sil'organisme du mouton n’a pas contribué à renforcer le virus du chien qui avait mordu ce mouton une vingtaine de jours auparavant. J'ai cherché à me débarrasser de ce doute en inocu- lant le virus typique de rage des rues, emprunté à mon chien de Minori, à un tyès beau mouton pesant 22K, 300. Seize jours après l'infection intra-oculaire, le mouton ne buvait plus, man- geait peu, grinçait des dents, cherchait à donner des coups de corne, et avait pris une voix étrange. Puis la paralysie commenca par le train postérieur, gagna tout le corps, et l’animal mourut au bout de 18 jours, c’est-à-dire comme l’aurait faitun lapin inoculé avec la même moelle. Deux lapins inoculés avec le bulbe de ce mouton moururent, l'un (1,500 gr.) en 18 jours, l’autre (1,890 gr.) en 20 jours. La bulbe du premier lapin a servi à inoculer deux autres (1,560 gr. et 1,630 gr.), qui donnèrent tous deux des signes de rage au bout de 17 jours. On voit donc que l'organisme du mouton est inca- pable, au moins par un passage, de modifier la virulence du virus de la rage des rues. Il faut donc conclure qu'il existe, dans la nature, des virus présentant tous les caractères du virus artificiellement renforcé. D'où viennent ces variations de virulence, on l’ignore. Pour l'atté- nuation, on peut invoquer l'hypothèse de nombreux passages par le chien, en se basant sur les résultats expérimentaux de Cell et Marino Zuco (/. c.). Pour le renforcement, comme le cobaye et le lapin ne sont pas des agents naturels de transmission, on pourrait invoquer le loup dont le virus a une activité spéciale, ou le chat, qui renforce naturellement le virus, comme l'ont montré de Blasi et Russo-Travali. Mais ce ne sont là que des conjectures. Il me suffit d’avoir démontré expérimentalement qu'on peut trouver dans la nature des cas de virus stable et virulent à légal du virus fixe des laboratoires. Je termine en remerciant de sa bienveillance et de ses pré- cieux conseils mon maître, M. le professeur Cardarelli, directeur de l’Institut. Naples, 31 décembre 1895. RECHERCHES SUR LA PHAGOCYTOSE Par LE D! Juzes BORDET Préparateur à l'Institut Pasteur. (Travail du Laboratoire de M. Metchnikoff.) Les propriétés que les leucocytes mettent en jeu pour effec- tuer la phagocytose et combattre les parasites microbiens ont fait l’objet de nombreux travaux. On sait que les globules blancs sont capables d’englober les microbes, et que l’accomplissement de cette fonction phagocytaire est grandement facilité par la sensibilité des leucocytes vis-à-vis du contact et des substances chimiques secrétées par les microbes. On sait qu’ils sont doués d’un pouvoir bactéricide très manifeste, capable d’anéantir les microbes dont ils se sont emparés. Les matières microbicides des phagocytes peuvent mème, Jorsque ces cellules souffrent ou ont été retirées de l'organisme, se diffuser dans le milieu ambiant : c’est ainsi que le pouvoir antiseptique du sérum peut être regardé comme l’émanation de celui des leucocytes. Les faits essentiels qui servent de base à la théorie d’après laquelle l’immunité est due, pour la plus grande part au moins, au fonctionnement régulier de la phagocytose, sont aujourd’hui presque universellement acceptés. [Il est cependant quelques points sur lesquels l’accord ne s’est point encore fait. Le rôle de la chimiotaxie dans l’infection et l'immunité a été récemment mis en doute. D'autre part, les altérations que les microbes présentent à l’intérieur des phagocvytes méritent d’être étudiées avec de nouveaux détails, d’autant plus qu’en ces derniers temps, divers observateurs ont reconnu que certains microbes subissent, au contact des subStances bactéricides de l’organisme, des modifications morphologiques extrêmement intéressantes. Cette question fera avec la chimiotaxie des leucocytes, et parti- culièrement la chimiotaxie négative, l’objet des lignes qui vont suivre. Dans un prochain article, nous reprendrons la question de l'influence des leucocytes sur les propriétés actives du sérum, RECHERCHES SUR LA PHAGOCYTOSE. 105 pour faire suite au mémoire publié en juin 1895 dans ces Annales. I. — Phénomènes de chimiotaxie dans l'infection streptococcique par voie péritonéale. Sélection par les phagocytes. L'infection streptococcique des cobayes par voie péritonéale permet d'étudier facilement des phénomènes de chimiotaxie intéressants. Décrivons rapidement cette infection. Le streptocoque employé est très virulent ; il nous a été obligeamment fourni par M. Marmorek '. Des doses très faibles de ce microbe tuent les lapins; les cobayes sont plus résistants, mais succombent cependant à l'injection de dosés encore légères. Signalons que le sérum de cobaye n’est pas bactéricide pour le streptocoque, pas plus que le sérum de lapin. Si l’on injecte à un cobaye, dans le péritoine, une forte dose du virus, 3 à 5 dixièmes de c. c. par exemple, d’une jeune culture en bouillon additionné de liquide d’ascite, voici ce qu’on observe : Rapidement, ontrouve que quelques microbessont déjà conte- nus dans l’intérieur des phagocytes, d’ailleurs peu nombreux au début. Au bout d’une heure, les leucocytes polynucléaires appa- raissent, mais 1ls sont encore rares ; on trouve néanmoins que bon nombre d’entre eux englobent des microbes ; le nombre de ces phagocytes augmente ensuite rapidement jusqu'à devenir bientôt considérable. Au bout de trois heures, on trouve que les cellules sont de beaucoup plus nombreuses qu'il ne faudrait pour englober tous les microbes présents dans. l'exsudat. La quan- tité des microbes injectés est du reste peu considérable, et ces microbes n’ont pas encore eu le temps de se multiplier abon- damment. Toutefois, si grand que soit le nombre des phagocytes, on trouve dans le liquide ambiant des microbes quin’ont pas été englobés. Alors commence une seconde phase de l'infection. Les microbes non englobés se multiplient et donnent naissance à de nouveaux individus qui se distinguent en ce qu'ils sont petits, presque toujours groupés en diplocoques, plus rarement 1. A. MarMorek, Le streptocoque et le sérum antistreptococcique. Ces Annales, juin 1895. 106 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. en chaînettes courtes, et entourés d'une auréole peu colorable, légèrement teintée par l’éosine, ou qui, dans la coloration siniple par le bleu de méthyle émane rougit un peu le réactif et se teint en rose violacé pâle ‘. Au bout de six heures environ, l’exsudat se trouve contenir à la fois nn nombre très grand de microbes et de phagocytes. Mais ces phagocytes sont presque tous vides. L’englobement du virus, observable au début, ne se produit plus a tout. Le fait est d'autant plus surprenant que microbes et phagocytes doivent se trouver incessamment en contact : à elle seule, la sensibilité au contact que possèdent les phagocytes devrait, semble-t-il, déter- miner la phagocytose. Les leucocytes ne sont point paralysés, au contraire, ils présentent des mouvements en tous sens d’une remarquable activité, ainsi qu’on peut s’en convaincre par l’exa- men à 37°. lei intervient un facteur important, Se chimiotaxie négative, et nous insistons sur ce point, parce que le rôle, dans l'infection et l'immunité, de la chimiotaxie ?, et en particulier de la chimio- taxie négative *, a été récemment mis en doute par divers obser- vateurs. Le liquide injecté attirait les leucocytes : le bouillon, même dépourvu de microbes, produit déjà très bien l’afflux de ces cellules. Les microbes répandus dans ce liquide attiraient pour la plupart les globules blancs : c’est pourquoi beaucoup d’entre eux ont été englobés. Cependant, parmi eux, il s’en trouve qui n’attirent les leuco- cytes que très faiblement ou pas du tout; ces microbes par- viennent à se dérober à l’action des phagocytes, ils se multiplient, et finissent, sous l'influence d’un milieu nutritif, l’exsudat, très favorable au développement de la virulence, par constituer une nouvelle culture dépassant notablement en pouvoir pathogène celle qu’on a introduite dans l'organisme. Cette nouvelle culture présente même des caractères spéciaux (dimensions des coccus, présence d’une auréole) mais elle se distingue surtout en ce qu'elle 1. On peut produire chez les cobayes, en se servant de cultures un peu an- ciennes, une affection où le streptocoque n'apparaît en grand nombre et ne tue l'animal qu'après plusieurs jours. Dans ces cas, les microbes se presentent sou- vent dans l'exsudat en chaînes extrêmement longues, entourées d’une auréole, très manifeste. 2. WoroniN, Centralblatt f. Bakteriologie 1895. 3. Wérico, Développement du charbon chez le lapin, Ces Annales, janvier 1894. RECHERCHES SUR LA PHAGOCYTOSE. 107 repousse les leucocytes. Ceux-ci, malgré leurs mouvements si actifs, malgré les contacts incessamment répétés, n arrivent pas à les englober. Cet accroissement de la virulence du streptocoque doit être attribué à deux causes: d’abord à la nature chimique d’un milieu très approprié, l’exsudat; cette influence est incontes- table et se révèle même en ce que les microbes présentent bientôt un aspect particulier; en second lieu, à la sélection opérée par les phagocytes; ceux-ci englobent les microbes les plus attirants et laissent alors se reproduire en paix ceux qui ne jouissent que d’un pouvoir attractif plus faible ; Îa culture ino- culée s’épure ainsi, dès le début, des individus les moins dange- reux, les moins adaptés à la lutte. Cette manière de voirimplique que lesphagocytes, guidés par leursensibilité chimiotaxique., peu- vent choisir entre les divers microbes avec lesquels ils se trou- vent en contact. Cette faculté de « faire un choix » peut être très nettement mise en relief par l'expérience de chimiotaxie que voici, et dans laquelle les phénomènes d'attraction d'une part, de répulsion d'autre part, sont en même temps très visibles : Reprenons le cobaye injecté de streptocoque au moment où il est très malade, et où son exsudat péritonéal fourmille à la fois de microbes et de leucocytes (presque tous vides). Injectons-lui ! c. c. d’une culture en bouillon d’un microbe peu virulent, le Proteus vulgaris. Au bout d’un temps très court, on constate que ces leucocytes qui refusaient énergiquement d’englober le streptocoque, se sont avidement emparés du microbe nouveau qu'on leur offre ; au bout d’une demi-heure, la totalité de la culture est à l’intérieur des phagocytes. Faisant preuve d’une grande délicatesse de sensibilité, les cellules distinguent fort bien l’une de l’autre les deux espèces de microbes; elles absor- bent chacune plusieurs bâtonnels de Proteus, mais elles conti- nuent à refuser les streptocoques qui restent parsemés dans le liquide ambiant. Dans ces conditions, les leucocytes n’ont pas perdu du tout le pouvoir d'agir sur la substance des microbes englobés. Si l'on retire un peu d'exsudat, qu’on le laisse quel- ques heures en chambre humide, et qu’ensuite on en fasse des préparations colorées, on trouve que les leucocytes contiennent des bâtonnets presque tous colorés par l’éosine ; en dehors des 108 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. cellules se trouvent des streptocoques nombreux tous colorés en bleu. On peut, au lieu d’injecter le Proteus, injecter un autre microbe tel que le bacille de Læffler et obtenir les mêmes résultats. On peut aussi extraire de l’auimal infecté de streptocoque un peu d'exsudat qu'on mélange avec une petite quantité de bacilles diphtériques: l’englobement de ce microbe, à l'exclusion complète du streptocoque, se produit alors in vitro. Cette culture de diph- térie peut être indifféremment jeune ou ancienne ettrès toxique: la toxine diphtérique n’entrave pas la phagocytose. La rôle de la sélection par les phagocytes dans l’exaltation de la virulence par la méthode des passages, paraît être impor- tant. Mis en présence des microbes, les leucocytes, guidés par leur sensibilité chimiotaxique, englobent d’abord les individus microbiens qui les attirent le plus, c'est-à-dire les moins dange- reux, et donnent ainsi, aux individus mieux armés pour la lutte, le temps de se reproduire tout en s'adaptant aux conditions d'existence où ils se trouvent, et de fournir une génération virulenie, débarrassée des germes aptes à se laisser capturer facilement par les cellules *. Le fait que les races virulentes d’un microbe attirent les leucocytes moins fortement que les races atténuées, a été d’ailleurs bien établi, en particulier par les recherches de Massart”’. Ces phénomènes de sélection inter- viennent très probablement aussi dans les infections par asso- clations microbiennes. IL. — Pouvoir bactéricide des phagocytes — Microbes éosinophiles. Granulations microbiennes. Les leucocytes, guidés par leur sensibilité chimiotaxique, aidés par leur sensibilité au contact, peuvent englober les microbes. On sait depuis longtemps qu'ils peuvent les détruire. Mais il est important d'observer, avec de nouveaux-détails, les altérations de forme, de colorabilité, que les microbes peuvent présenter, au bout d’un temps plus ou moins long, lorsqu'ils sont contenus dans le protoplasme phagocytaire. Certains 1. J. Borper, Adaptation des virus aux organismes vaccinés. Ces Annales, mai 4892. 2. J. Massarr, Chimiotaxisme des leucocytes et immunité., Ces Annales, mème fascicule. RECHERCHES SUR LA PHAGOCYTOSE. 109 microbes subissent facilement, ainsi que l’ont montré M. Piert- fer, M. Dunbar, des modifications de forme lorsqu'ils se trou- vent en présence des matières antiseptiques de l’organisme : de telles modifications sont surtout observables chez les animaux vaccinés. Si, comme nous avons cherché à le prouver antérieu- rement, le leucocyte est la source de la matière bactéricide, c’est dans son protoplasme, on peut le prévoir, que les microbes présenteront, autant qu'il est possible, les altérations dénotant l'action de ce principe nuisible. De là la nécessité de poursuivre l'examen des microbes devenus4la proie des phagocytes. Il existe un procédé très simple qui permet d'examiner à ce point de vue, en un temps assez court, un nombre suffisant de microorganismes. La phagocytose est susceptible de se produire, non seulement dans l’intérieur des organismes, mais encore 4 vitro. I suffit de récolter chez un animal un peu d’exsudat riche en leucocytes, d'ajouter à cet exsudat un peu d’émulsion micro- bienne, de placer le mélange en chambre humide, à la tempé- rature de 35° ou 37°, pour que la phagocytose s’accomplisse avec rapidité ‘. Un moyen efficace d'obtenir un exsudat où les leu- 4. La phagocytose in vitro se produit très facilement et sans qu’il soit néces- saire de recourir à des précautions fort délicates. L’exsudat riche en globules peut être recueilli à une température assez basse : les mouvements des cellules réapparaissent très bien et la phagocytose s'exécute si on transporte à l’étuve cet exsudat mélangé à l’émulsion microbienne. Des changements sensibles dans la concentration saline du liquide où baignent les cellules n’empèchent pas l’englo- bement, pourvu qu'ils ne soient pas trop considérables. Si l’on mélange l'exsudat avec partie égale de solution de NaCl à 2 0/0, la motilité persiste ainsi que la faculté d’ingérer les microbes. Si l’exsudat est mêlé à partie égale de solution de NaCI à 3 0/0, les mouvements sont abolis; mais si, après un contact de 2 heures à 37°, on dilue sensiblement le liquide en lui ajoutant un volume à peu près égal de solution de NaCl à 0,60 0/0, chargée de microbes, on constate que bon nombre de phagocytes peuvent encore capturer les micro- organismes. : Lorsqu'on emploie, de la même manière, une solution de sel marin, non plus à 3 0/0, mais à 4 ou à 0/0, on observe chez les globules blancs improprement appelés polynucléaires (amphophiles) une curieuse modification : les différentes pièces qui composent le noyau se réunissent de façon à constituer un noyau com- pact, de forme arrondie; parfois la réunion n’est pas complète, et l’on trouve, au lieu du noyau fragmenté primitif, deux corps arrondis. | Les leucocytes à noyau fragmenté acquièrent ainsi, pour la plupart, l’appa- rence de leucocytes mono ou dinucléaires. Quant au protoplasme, il reste normal. Certaines subtances, toxiques pour certaines cellules de l'organisme, paraissent n'avoir pas grande action sur les leucocytes. Si l’on mêle l’exsudat riche en glo- bules, à des solutions (dans l’eau contenant 0,60 0/0 de NaCl) de chlorhydrate de morphine à 4 ou même 2 0/0, d’antipyrine à 4 ou. 2 0/0, de chlorhydrate de cocaïne ou d’atropine à 4 : 500, et qu'après un contact de %à 3 heures on ajoute un peu d'émulsion de microbes, on constate qué la phagocytose s'effectue, et l’on 110 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. x e cocytes abondent, consiste à injecter dans la cavité péritonéale d'un cobaye quelques centimètres cubes de bouillon peptonisé. Le lendemain, l’exsudation péritonéale renferme des globules blancs très nombreux, ainsi que l’a reconnu M. Issaelf !. Cét exsudat est riche surtout en leucocytes plurinucléaires ampho- philes : il contient aussi quelques grands mononucléaires et parfois de rares éosinophiles vrais. Nous laissons en général la gouttelette d’exsudat additionnée de microbes séjourner pendant quatre heures à l'étuve. Durant cet intervalle, les microbes n’ont pas le temps de se développer outre mesure, tandis que la phagocytose et les alté- rations des microbes par les sécrétions leucocytaires peuvent en général se manifester d’une façon très visible. D'ailleurs, la phagocytose s’elfectue rapidement; au bout d’un quart d'heure, et même moins, de séjour à l’étuve, on peut déjà le constater. Les préparations faites au moyen de j'exsudat additionné de « obtient des préparations où les leucocytes ont leur aspect normal, et ont mani- festé envers les microbes leur action altérante habituelle. L'examen des cellules vivantes à 37% permet d’ailleurs de constater que les mouvements persistent mal- gré la présence de ces diverses substances; toutefois, dans les solutions concentrées (mélanges avec la morphine ou l’antipyrine à 2 0/0), ces rouvements sont deve- nus moins actifs, tout en étant encore visibles. Les solutions de cocaïne, d’atro- pine à 1 0/0, mises de la même manière en présence des globules blancs, les immobilisent et donnent lieu à des lésions que la coloration révèle ; le noyau devient irrégulier, peu colorable, le protoplasme se teint en bleu et apparaît trouble. ” Les solutions de quinine {chlorhydrate), mème à faible dose, immobilisent rapi- dement les leucocytes; l’exsudat, mis au contact d’un volume égal de solution de quinine à 1 0/00, ne contient plus que des leucocytes incapables d'opérer la phagocytose. Le toxine diphtérique n’a guère d’action sur les phagocytes. L'exsudat peut ètre mis en présence, pendant 3 ou 4 heures, avec un volume égal de toxine diphtérique active, sans que les leucocytes qu'il contient aient rien perdu de leurs propriétés phagocytaires vis-à-vis des microbes ultérieurement introduits. Latoxine diphtérique ne manifeste pas d'action paralysante sur les cellules, pas plus dans l'organisme qu'ix vitro. Si l'on injecte dans le péritoine d’un cobaye de la culture de diphtérie (culture abondante dans un mélange de bouiilon et de sérum de lapin), l'animal meurt au bout de 24 heures. Une demi-heure après la mort, on lui retire un peu d’exsudat qu'on met en présence de streptocoques et qu’on porte à l’étuve : la phagocytose se manifeste avec intensité. Une toxine choérique active (tuant le cobaye à dose de 1/2 c. e. et même moins) qui nous a été obligeamment fournie par M. Salimbeni, mélangée, à parties éga- les,avec l’exsudat leucocytaire, entrave, d’ailleurs incomplètement, les mouvements des leucocytes. Mais cette action empêchante diminue notablement d’intensité si lon a soin de neutraliser au préalable la réaction alcaline très forte que présente cette toxine; il n’est donc pas certain que l'influence paralysante relative que l’on observe soit due en réalité au poison proprement dit que renferme le liquide toxique. . 4, Issazrr, Zeitschrift [. Hygiene, t. XNI, 1894. : RECHERCHES SUR LA PHAGOCYTOSE. 411 microbes sont fixées à l’acide picrique en solution aqueuse saturée, colorées ensuite par l’éosine (solution de 0, 50 d'éosine dans 100 grammes d’alcool à 60°), puis par le bleu de méthylène en solution aqueuse saturée ‘. Les cultures employées sont des cultures jeunes, âgées de 24 heures environ. Les leuco- cytes proviennent de cobayes neufs, n'ayant subi aucune inocu- lation microbienne. Voici la liste de quelques microbes que nous avons mis en présence des phagocytes, avec l’indication des phénomènes que nous avons pu observer. Vibrion cholérique. — Les leucocytes onténgloné des vibrions nombreux. Les vibrions qui n’ont pas été englobés ont gardé intacte leur colorabilité ; la forme également est restée normale, sauf pour quelques-uns qui se sont transformés en granules arrondis. Dans les leucocytes, cette transformation des vibrions en granules est extrêmement répandue. Ces granulations sont identiques à celles dont M. Pfeiffer a signalé la présence dans la cavité péritonéale des animaux vaccinés auquels on a injecté le vibrion. Dans les leucocytes, et là seulement, leurs caractères de coloration sont fréquemment changés. Elles se teignent en nuances variables, bleu, bleu pâle, rose pâle, rose vif; au lieu d’absorber leur colorant naturel, elles fixent souvent une couleur acide, l’éosine. On trouve parfois aussi, dans le leucocyte, des vibrions dont la forme n’a pas changé, mais qui prennent la teinte de l’éosine. Bacterium coli, bacille d'Eberth,de Friedläünder, choléra des poules, Hog-choléra, pyocyanique, microbe de M. Danysz (entérite des petits rongeurs). — Tous ces microbes se comportent d’une façon très analogue lorsqu'ils sont mis en présence de phagocytes; ces analogies existent aussi entre eux et le vibrion cholérique. Les microbes non englobés conservent intacts leurs caractères de forme et de colorabilité. Parmi les microbes englobés, un grand nombre se transforment en granulations arrondies, générale- ment volumineuses, parfois ovales, et qui prennent des teintes variables, du bleu au rouge. D’autres microbes ingérés sont 1. Les divers échantillons de bleu de méthylène.que l’on peut se procurer ne se prêtent pas tous à l’obtention de doubles colorations. Ils ne se comportent pas toujours de même : il en est qui enlèvent la teinte de l’éosine non seulement des granulations pseudo-éosinophiles, mais aussi des globules rouges et des granu- lations éosinophiles vraies, « 112 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. restés normaux; d’autres paraissent simplement dilatés, d’autres encore, normaux quant à leur forme, se colorent par l’éosine. La teinte des granulations est parfois tellement pâle, qu’il est malaisé de les distinguer. 7 Diphtérie. — Phagocytose très intense. La forme des microbes englobés reste remarquablement constante, même après un long contact avec le protoplasme phagocytaire, mais les caractères de colorabilité se modifient d’une manière frappante. Au bout de trois à quatre heures, les bacilles englobés se colorent pour la plupart en rouge vif et n’absorbent plus le bleu; un certain nombre d’entre eux cependant se colorent encore en bleu ou en violet. En dehors des leucocytes, le bacille (mème après un con- tact de 48 heures) absorbe la couleur basique et conserve donc sa colorabilité normale. Les leucocytes mononudléaires ont une affinité très marquée pour le bacille diphtérique, et les englo- bent en grand nombre. Toutefois les modifications de la colora- bilité s’observent plus rarement chez les microbes englobés par les mononucléaires que chez ceux qui sont devenus la proie des microphages. Proteus vulgaris. — La transformation, au sein du phagocyte, du Proteus vulgaris en « microbe éosinophile », est tout à fait typique. Au bout d'un quart d'heure de contact avec l’exsudat riche en leucocytes, on trouve déjà des microbes englobés qui ne fixent plus le bleu, mais absorbent l’éosine. Au bout de quel- ques heures de contact, la majorité des microbes ingérés se colore en rouge pur. Parfois ces microbes, colorés en rouge, sont légèrement dilatés. Les microbes dispersés dans le liquide ambiant ont leurs caractères normaux. Streptocoque. — Nous employons un streptocoque très viru- lent ; le microbe est cultivé dans un mélange de sérum de cheval et de bouillon. Mis en présence de leucocytes de cobaye neuf, le streptocoque est rapidement englobé ; mais il résiste assez énergiquement à l’action modifiante du protoplasme. Au bout de cinq à six heures, la plupart des microbes englobés se colorent encore par le bleu de méthylène. Cependant on trouve quelques phagocytes renfermant des chaïînettes streptococciques colorées en rouge ; quelquefois 1 ou 2 des coccus composant la chaînette se teignent encore en bleu ou en violet. Charbon. — La transformation dans les phagocytes de la‘bac- RECHERCHES SUR LA PHAGOCYTOSE. 113 téridie charbonneuse en microbe colorable par l’éosine est fré- quente. On trouve parfois de longs bâtonnets colorés en bleu dans toute leur étendue, sauf au point où ils sont en contact avec le protoplasme d’un leucocyte. La forme du microbe ne subit pas de changement bien appréciable. Les autres microbes, dont nous nous sommes encore occupé, peuvent aussi, à l’intérieur des phagocytes, se colorer par l’éosine. En dehors des cellules, ils restent normaux. Ce sont : le gono- coque, le staphylocoque, les B. muscoïdes, rouge de Kiel. L'examen de ces résultats donne lieu à deux remarques princi- pales. Voici la première: au bout d'un temps, variable d’ailleurs suivaut la nature du microbe, on voit qu’un certain nombre des microorganismes contenus dans les phagocytes ne sont plus sus- ceptbles de fixer leur colorant naturel. Ils se teignent alors par une couleur acide, l’éosine. , Ce n’est pas là, hàlons-nous de le dire, un fait nouveau. M. Metchnikoff, le premier, a vu des vibrions cholériques englo- bés qui fixaient l’éosine. Après lui, M. Cantacuzène ‘ a constaté le mème fait pour le Vibrio Metchnikovi. M. Mesnil ? a fait des observations analogues pour la bactéridie charbonneuse. Nous complétons ces données en montrant que ce fait, loin d’être exceplionnel, peut se rencontrer chez les divers microbes essayés dans nos expériences. On est porté à admettre, en pré- sence de la régularité avec laquelle ce phénomène se produit, qu'une parle tout au moins des granulations pseudoéosinophiles contenues dans les microphages est d'origine microbienne. Cette opinion, qui est celle de M. Metchnikoff, est parfaitement corroborée par les expériences ci-dessus indiquées. Ces granu- lations ne seraient en partie que des débris microbiens qui ont acquis, pour la couleur acide, une affinité particulière. Dans le cas surtout où les microbes englobés sont des coccus, on est frappé de la grande ressemblance que présentent, au bout d’un certain temps, les microbes devenus éosinophiles avec les gra- nulations que les leucocytes possèdent dans les conditions habituelles. à Tous les microbes d’une même culture ne sont pas aptes à 1. CanrACuzÈNE, Mode de destruction des vibrions cholériqués dans l'orga- nisme, Paris, 1894. 2. Men, Sur le mode de résistance des vertébrés inférieurs aux invasions microbiennes. (Ces Annales, mai 1895.) 8 114 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. présenter, avec la même facilité, le genre d’altération dont il s’agit. Injectons à un cobaye 3 c. c. de bouillon dans la cavité . péritonéale; le lendemain, inoculons-lui, dans cette même région où les leucocytes sont devenus fort nombreux, 1 c. c. de culturé en bouillon de Proteus vulgaris (la culture, âgée de 24 heures, est jeune et par conséquent aussi homogène que possible). La pha- gocytose est presque instantanée. Au bout de 12 minutes, on trouve déjà dans les phagocytes des microbes qui se teignent en rose. Au bout d’une heure, on ne trouve plus de microbes libres, et le nombre des microbes fixant l’éosine augmente progressivement. Et cependant, 12 heures après l'injection, quelques microbes encore persistent à se colorer en bleu. Les microbes virulents, ou habitués à vivre dans des milieux orga- niques tels que le sérum, ne se prêtent plus très facilement à subir le changement de colorabilité. Le microbe diphtérique dont nous nous sommes servi pour l'expérience citée plus haut avail été cultivé pendant longtemps dans le bouillon. A ce moment, il devenait, dans le phagocyte, rapidement apte à fixer l’éosine. Plus tard, ce microbe a subi plusieurs passages et a élé cultivé dans un mélange de bouillon et de sérum de lapin. Dès lors, l’altération par les phagocytes se produisit beaucoup moins rapidement. Pour ce qui concerne l'influence possible de l’âge des cul- tures, notons que les bacilles diphtériques provenant de vieilles cultures sont tout aussi aptes que les bacilles jeunes, à fixer l'éosine sous l’action des sécrétions leucocytaires. La deuxième remarque que suggère l'examen des prépara- tions a trait à la transformation, dans le protoplasme phagocy- taire, de certains microbes en granulations arrondies (vibrion cholérique, coli, Eberth, choléra des poules, hog-choléra, Fried- lander, pyocyanique, microbe de M. Danysz). Le fait que, dans nos expériences, cette modification régressive ne se produit, en général, que dans l’intérieur des phagocytes, indique clairement la supériorité, au point de vue du pouvoir bactéricide, que pos- sèdent ces cellules sur le milieu liquide où elles sont répandues. Cette transformation en granules est, à n'en pas douter, due à une substance élaborée dans les cellules. Ce n’est cépen- dant pas dans les leucocytes que ces granulations ont été, pour la première fois, étudiées et décrites. C’est dans lPexsudat péri- RECHERCHES SUR LA PHAGOCYTOSE. 115 tonéal d'animaux immunisés soit par une série d’injections de culture, soit par le sérum préventif, que M. Pfeiffer ‘ a signalé la métamorphose du vibrion cholérique en corps arrondis, sans reconnaître du reste le rôle des leucocytes dans la production de ce phénomène. Plus tard, M. Pfeiffer et M. Dunbar? ont fait des observations analogues pour ce qui concerne les bacilles typhique, coli, pyocyanique... Les granulations que ces savants observent, même en dehors des cellules, dans l’exsudat des animaux soli- dement immunisés auxquels ils injectent ces microbes, se voient sur nos préparations dans les leucocytes provenant d'ani- maux neufs. On constate donc que les microbes (vibrion cholé- rique, B. typhique, coli, pyocyanique) reconnus susceptibles de se transformer en granulations même en dehors des cellules, chez les vaccines, peuvent également subir, chez les animaux neufs, la même modification. Mais ils ne la présentent, quand on opère sur des ani- maux neufs, que là où la matière bactéricide est le plus concentrée, c’est-à-dire dans le phagocyte. — Ce fait confirme l’idée que la substance bactéricide des humeurs est d’origine phagocytaire. La matière bactéricide qui siège dans les leucocytes de nos animaux neufs peut, il est vrai, lorsque l’on observe la phago- cytose in vitro, se diffuser en partie dansle milieu ambiant. Mais en s’y diffusant, elle perd nécessairement de son énergie et ne produit plus alors, en dehors des cellules, qu'une métamorphose granuleuse limitée du microbe (vibrion cholérique) ou mème, dans la plupart des cas, ne provoque aucune transformation extracellulaire (coli, typhique, Friedlander, etc). Mais si les leu- cocyles proviennent d’un animal immunisé contre le microbe soumis à l'expérience, ou bien encore si les leucocytes d’un animal neuf sont mis en présence du sérum préventif contre ce microbe, le pouvoir bactéricide, à l'égard de ce dernier, devient beaucoup plus énergique *. La modification granuleuse des microorganismes se produit 4. Preirrer. Zeitschrift für Hygiène,t. XVIII, p. 4, 1894. 2. Duxsar, Zum Stande des bakteriologischen Cholera Diagnose (Deutsche medicinische Wochenshrift, février 1895). 3. Nous avons exposé dans notre précédent .article, pour ce qui concerne les vibrions, quelle est la cause présidant à cette augmentation du pouvoir bacté- ricide (concours de deux substances différentes: l’une, la substance préventive, propre aux vaccinés et spécifique; l’autre, la substance bactéricide, non spéci- fique, présente chez les animaux neufs comme chez les vaccinés). + © 116 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. alors, ainsi que l'ont vu MM. Pfeiffer, Dunbar, non plus seule- ment dans les cellules, où la matière bactéricide est la plus abon- dante, mais encore dans le liquide ambiant où elle s’est en partie répandue. C’est pourquoi M. Metchnikoff le premier a pu, pour le vibrion cholérique, observer, in vitro. la métamorphose extracel- lulaire (phénomène de Pfeiffer) en mélangeant une émulsion de vibrions additionnée de sérum préventif, avec des leucocytes extraits de la cavité péritonéale d’un cobaye neuf. C’est parce que le sérum contient, ainsi que nous l’avons montré, une certaine quantité de la subtance bactéricide leucocytaire que nous avons pu constater in vitro la production du phénomène de Pfeiffer dans un mélange d’une trace de sérum préventif, d'émulsion de vibrions, et de sérum neuf, ou même simplement dans le mélange d’émulsion et de sérum préventif, à condition que celui- ei soit bien frais ‘. Puisque la matière qui détermine l’apparition des granules est une substance leucocytaire, on doit s'attendre à ce que les microbes inaptes à se changer en corps arrondis dans l'intérieur des leucocytes ne donnent pas lieu non plus à de pareïlles trans- formations dans la partie liquide de l’exsudat, mème si cetexsudat appartient à un animal immunisé par le sérum préventif spéci- fique. C’est en effet ce qui arrive. Quand on injecte dans le péri- toine du cobaye des bacilles diphtériques mélangés à du sérum antidiphtérique, on constate, quelque temps après, que les microbes non encore englobés gardent leur apparence et leur colorabilité normales. Au bout de deux heures environ, les leuco- cytes polynucléaires commencent à affluer en grand nombre, et la phagocytose se fait complètement. Dans les phagocytes on peut observer bientôt la modification éosinophilique du microbe, mais la forme du bacille reste très longtemps la même; dans l’exsudat, les microbes, jusqu’au moment où ils sont englobés, restent ce qu'ils étaient. Observations analogues si l'on injecte dans le péritoine d’un cobaye un mélange de culture télanique et de sérum antitétanique très actif. Bientôt la phagocytose se fait et finit par être complète. Tant qu'il reste encore des microbes libres, ces microbes gardent leurs caractères habituels. Dans les phagocytes, il ne se produit pas de gra- 2. Voir, pour les détails de ces deux expériences, le mémoire de M. Metchnikoff Destruction extracellulaire des bactéries), et le nôtre (juin 1895, ces Annales). 4 RECHERCHES SUR LA PHAGOCYTOSE. 117 nulations : il se produit seulement un affaiblissement progressif bien évident de la colorabilité; les bâtonnets prennent bientôt, par le bleu de Kuhne, une teinte verdâtre très pâle. Cinq heures après l'injection, on ne distingue plus guère dans les leucocytes que les spores rondes et claires. Dans le mélange de sérum de cobaye neuf et de sérum antitétanique, les bacilles conservent absolument leur aspect normal, sauf qu'ils se réunissent en amas, phénomène sur lequel nous reviendrons plus tard. On peut se demander si la substance phagocytaire qui agit sur les microbes de façon à les rendre éosinophiles est identique à celle, également phagocytaire, qui provoque leur transforma- lion en granulations. Il est difficile d’en juger, puisqu'il s’agit de substances dont la nature chimique nous est complètement inconnue. Mais ces substances présentent, dans leur manière d'agir, des différences assez nettes. La transformation éosinophi- lique reste confinée au protoplasme leucocytaire. Si l’on mélange à des leucocytes d'animal neuf un peu d’émulsion de vibrions cholériques et de sérüm préventif contre ce vibrion, ce n’est que dans les leucocytes qu’on rencontre des granulations colorables par l’éosine. La transformation en granules, dans ce cas, se pro- duit au contraire très bien dans le liquide ambiant; mais ces granulations extracellulaires continuent à se colorer, faiblement il es vrai, par le bleu de méthylène, même après un contact prolongé (30 heures) avec le liquide qui les baigne. De mème, les granules cholériques produits aux dépens de vibrions plongés dans du sérum neuf additionné de sérum préventif, se colorent par le bleu et non par l’éosine. Tandis que la présence de sérum préventif favorise beaucoup la production de granules, le nombre relatif de microbes aptes à se colorer par l’éosine, dans les leu- cocytes, ne paraît pas plus grand en présence de ce sérum qu’en son absence (vibrion cholérique). L'intervention du sérum anti- diphtérique ne paraît pas non plus favoriser sensiblement l’alté- ration éosinophilique du bacille de Loeffler. 118 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. EXPLICATION DE LA PLANCHE I I. — Englobement in vitro, par les phagocytes, du bacille diphtérique. Les microbes ingérés se colorent soit par le bleu, soit par l’éosine. Les bacilles non absorbés se teignent tous en bleu. Le mélange d’exsudat et de culture est resté 3 h. 1/2 à 370. IL. — Exsudat péritonéal de cobaye à qui on a injecté en premier lieu, 410 IV. VI. dans le péritoine, des streptocoques virulents (0,5 c. c. de culture) qui, ense multipliant, ont produit des microbes à auréole, exerçant sur les leucocytes une chimiotaxie négative et ne se laissant pas englober. Ce cobaye a reçu ensuite, au moment où il est déjà très malade de l'infection streptococcique (6 à 7 heures) une injection intrapéritonéale de 1 c. c. de Proteus vulgaris; ce. dernier microbe est rapidement englobé. L’exsudat a été retiré 1/2 heure après l'injection de Proteus, puis laissé quelques heures à froid en chambre humide avant d’être étalé sur lames. Les microbes Pro- teus, phagocytés, se colorent par l’éosine; des streptocoques, épars dans le liquide, par le bleu. — a, b, 6, d, e, f, gg: Phagocytose in vitro du vibrion cholérique par des leucocytes d'animal neuf. Granulations et microbes intra- phagocylaires, prenant le bleu ou l’éosine. — Phagocytose in vitro du hog-choléra. Granulations arrondies, microbes éosinophiles (dans les leucocytes exclusivement). 4 heures d’étuve. . — Phagocytose in vitro du bacillus coli. Mêmes observations que pour le hog-choléra. — Phagocytose in vitro du streptocoque. Chaïnettes se colorant par l’éosine; quelques grains toutefois absorbent encore le bleu (6h, à 370). VIT. -- Streptocoques en longues chaînes, à auréole, développés dans la cavité péritonéale d’un cobaye mort plusieurs jours après une injection intrapéritonéale de streptocoque. REVUES ET ANALYSES LE POUVOIR FERMENT ET L'ACTIVITÉ D'ENE LEVURE REVUE CRITIQUE La notion du pouvoir ferment que Pasteur a introduite dans la science semble avoir quelque peine à se faire place dans les esprits. Il est fréquent qu’on la confonde avec la notion de l'activité d’une levure, c’est-à-dire de la rapidité de la fermentation, et, jusque dans des mémoires récents, on pourrait relever traces de cette confusion. Peut-être ne sera-t-il pas inutile, avant d'entrer dans l’examen parti- culier d’aucun de ces mémoires, de revenir sur les différences et les ressemblances des deux notions qu’ils ne séparent pas. Je n’ai qu’à reprendre pour cela les enseignements épars dans ma Microbiologie, en leur donnant la forme condensée à laquelle m'ont conduit plusieurs années d'enseignement sur ce sujet. Quand Pasteur a eu découvert que toutes les fermentations élaient produites par des êtres vivants, il a été tout de suite frappé de la disproportion qui existe entre le poids de la matière détruite par le ferment et le poids du ferment lui-même. Tandis qu’un homme, un chien, un oiseau ne consomment par jour qu’un poids de nourriture égal à 4/30, à 1/25, à 1/6 au plus de leur poids, il y a des ferments qui transforment dix fois, cent fois leur poids de matière fermentescible. C'est à cause de cette disproportion, de la puissance de destruction qu’elle traduit, que les microbes peuvent suffire à la tâche qui leur incombe dans l’économie générale du monde. La notion de pouvoir ferment fait donc partie de leur histoire, lorsqu'on définit sous ce nom le rapport entre le poids de l'aliment transformé et le poids des cellules du microbe qui l’a détruit. La notion de temps n’entre pas dans cette définilion, Peut-être Pasteur eût-il bien fait de l’y introduire, et de dire que le pouvoir ferment est le rapport du poids de l’aliment transformé en 24 heures au poids du ferment. Il eût rendu ainsi la notion plus intelligible et l’eût fait plus facilement accepter. Mais, dans sa pensée, le mot pouvoir ferment correspondait à la notion mécanique du travail, dans la défi- nition duquel le temps n’entre pas non plus. Pour élever une tonne * 120 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. - d’une marchandise quelconque à une hauteur déterminée, il faut toujours le même travail, quelles que soient la nature de la marchan- dise et la durée de l'opération. De même, pour détruire un certain poids d’une matière fermentescible quelconque, et l’amener à n'être pius alimentaire pour le microbe qui la consomme, il faut dépenser un travail indépendant du temps consacré à cette œuvre, et lié à la nature et aux propriétés du microbe entré en action. Envisagé comme cause de destruction, le microbe est une source de force, quelque chose d’analogue à une grue qui permet d'élever un certain nombre de tonnes à une certaine hauteur. Qu'on mette cinq ou dix heures à faire ce travail, cela ne change rien à la puissance de la grue, à ce que Pasteur aurait pu appeler par analogie son pouvoir élévateur. Elle ne peut toujours qu'élever, dans chaque opération, un certain nombre de kilogrammes dépendant de ce qu'on appelle sa force, à une certaine hauteur maximum dépendant de la hauteur de sa poulie supérieure. Pourtant Pasteur n’a jamais songé à faire du pouvoir ferment, ainsi défini, la caractéristique d'un ferment. Il a montré en effet lui- même que ce pouvoir ferment est variable avec les conditions de l’expérience. Par exemple, avec la levure de bière, il dépend, dans une large mesure, de la présence ou de l’absence de l'oxygène. Comme c’est là un des points vifs du débat,on me permettra d’insister un peu. Semons unetrace impondérable de levure dans un vase plat, con- tenant un liquide nutritif et sucré étalé sous une faible épaisseur et à température convenable : arrêtons l’expérience dès les premières heures, aussitôt que la levure aura formé au fond du vase une couche saisissable à la vue et appréciable à la balance. A ce moment, les globules de levûre formés n’auront pas encore eu le temps de se gêner les unes les autres en se disputant l’oxygène dont ils ont tous besoin. Nous trouvons dans ces conditions que le poids de levure produite est environ le quart du poids du sucre disparu : le pouvoir ferment de la levure est donc égal au nombre 4. Laissons cette même expérience durer environ 48 heures, jusqu'au moment où tout le sucre aura disparu de la liqueur. L’épaisseur de la couche de levure sera plus forte, la gène et privation d’oxygène plus grande. Le poids de levure aura augmenté, mais aussi et dans une proportion plus grande le poids du sucre disparu : le poids de levure ne sera plus que le 1/8 du poids du sucre, et le pouvoir fer- ment de la levure dans ces conditions deviendra égal à 8. Au lieu de faire notre culture dans une cuvette plate, à la surface de laquelle l’air se renouvelle facilement, faisons-la dans un flacon à fond plat, où elle n’occupe qu’une faible hauteur, où elle a au-dessus d'elle un volume d'air, très grand par rapport au sien, mais limité. D + vf Da 7 7 REVUES ET ANALYSES. 121 Son aération continue sera plus difficile que tout à l'heure, d’abord parce que l'oxygène absorbé ne se renouvellera pas, puis parce que l'acide carbonique.formé restera sous forme de couche à la surface du liquide dans ce vase clos et en repos. Cette fois le pouvoir ferment sera de 20 à 25. Remplissons à moitié notre flacon, de façon à diminuer le volume de l’air et à augmenter le volume du liquide, du sucre, de la levure, c’est-à-dire celui des parties prenantes : le pouvoir ferment monte à 75. Remplissons notre ballon totalement, de façon à ne laisser à la disposition de la levure que l'oxygène primitivement dissous dans le liquide sucré et nutritif. Le pouvoir ferment monte à 90. Enfin arrangeons-nous pour que le liquide sucré soit à son tour privé d'oxygène au moment où nous y ensemençons la levure : le pouvoir ferment monte à 475 ou 200. Réduite à ces termes très simples, la notion du pouvoir ferment ressort avec une netteté parfaite. Il est clair que le poids de sucre, dont un poids donné de levure peut provoquer la destruction, est d'autant plus grand que l’oxygène est plus rare; c’est là une notion évidemment très importante au point de vue physiologique, et dont M. Pasteur a fait sortir toute une théorie de la fermentation. C’est aussi une notion importante au point de vue pratique. Le fabricant de levure, par exemple, qui vise à obtenir, aux dépens d’une même quantité de sucre, le plus de levure possible, devra évidemment se rapprocher des conditions dans lesquelles le pouvoir ferment est faible, et le poids de levure considérable par rapport au poids du sucre consommé. Il devra favoriser de son mieux linterven- tion de l’oxygène. C’est le contraire que devra faire le brasseur qui vise, non à la production de la levure, mais à celle de l’alcool. Mais rien qu'en prononçant ce mot d’alcool, nous nous apercevons que nous n'avons pas tout dit dans l’exposé qui précède, et qu’il faut compliquer davantage la notion du pouvoir ferment, pour la mettre d'accord avec les faits. Nous n’avons jamais en effet lablé que sur la quantité de sucre disparu, pour calculer notre pouvoir ferment. Nous n’avons pas tenu compte des transformations subies par ce sucre. Or, au contact de l'air, la plus grande partie de ce sucre est brülée, totalement convertie en eau et en acide carbonique. Il n’y en a qu’une faible partie qui ait subi la fermentation alcoolique et qui soit représentée par environ la moitié de son poids d'alcool. Brûlé ou fermenté, il est devenu dans les deux cas inutilisable pour la levure; mais on peut prévoir tout de suite qn’elle aura à en consommer davantage lorsqu'elle le brûlera à moitié, et que, par suite, le mode de transformation, dont nousavions 122 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. fait bon marché dans l’étude et la définition du pouvoir ferment, ne saurait en ètre éliminé. Toutes choses égales d’ailleurs, le pouvoir ferment, tel que nous l'avons délini, doit s'élever à mesure que lali- ment est plus mal utilisé et qu’il y a plus d’alcool produit. Or c’est quand il y a le moins d'air que l’alcool est proportionnel-"# lement le plus abondant, si bien que, dans notre dernière expérience, celle d’où nous nous sommes attachés à éliminer tout l'oxygène libre, il n’y a plus de sucre brûlé aux dépens des éléments de l'air, et tout le sucre qui disparaît subit la fermentation alcoolique qui est une combustion intérieure. L'augmentation nolable du pouvoir ferment, que nous avons constatée dans cette expérience, est certainement en rapport avec ce fait. Et voilà que nous découvrons que notre pouvoir ferment, tel que nous l’avons défini, dépend non seulement de la quan- tité de transformation, mais de la qualité de cette transformation. Ce n’est pas tout, il y a un autre élément que nous n’avons pas fait intervenir dans notre définition, mais qui, pourtant, s'introduit dans l'expérience : c'est le temps de Faction. Il a fallu 24 heures à la levure cultivée au large contact de l'air, pour faire disparaître quatre fois son poids de sucre. Il a fallu 3 mois ou 90 jours au même poids de levure cultivée à labri total de l'air, pour faire disparaitre 175 fois son poids de sucre, ce qui revient à dire que, dans ce dernier cas, la levure ne transformait par jour que deux fois environ son poids de sucre. Malgré son pouvoir ferment plus grand, elle avait donc une. activité plus faible. Et voilà précisément que se dresse devant nous cette contradiction que je visais en commençant cette Revue. En pré- | sence de l’oxygène, l’activité de la transformation est grande et le pou- voir ferment de la levure est faible; en l’absence de l'oxygène, c’est l’inverse. Que vient donc faire dans l'espèce ce pouvoir ferment si bien défini mécaniquement, mais physiologiquement si complexe, et prati- quement si peu important? se sont dit beaucoup de savants et encore davantage d’industriels. Ce qui nous frappe et nous intéresse, cest l’activité du phénomène. Tant pis pour le pouvoir ferment s'il ne | s’accommode pas à cette notion, ou s'il la contredit! C’est la loi de la science que tout ce qui est inutile en disparaisse. r : 4 | | . IT Il est certain que la notion de l’activité d'une levure est à beaucoup d’égards plus simple que celle de son pouvoir ferment. Il y a entre ces deux notions le même rapport qu'entre la vitesse el l’espace par- couru. C'est ce qu'il est facile de montrer. Appelons activité d'une levure la quantité de sucre que lunité de poids de cette levure fait disparaître dans lunité de temps, dans REVUES ET ANALYSES. 123 les conditions de l'expérience, et admettons, pour simplifier, que cette activité soit constante durant toute la fermentation. La quantité de sucre que transformera pendant le temps f{ une quantité de levure / est évidement alt, en appelant & l’activité de la levure telle que nous venons de la définir. S'il s’agit d’une fermentation ensemencée.avec une trace de levure et où la levure s’est multipliée pendant l’action, la quantité / de levure ne sera ni la quantité introduite comme semence ni la quantité trouvée à la fin. L’une serait trop petite, l’autre serait trop grande. Cest une "quantité de levure intermédiaire, égale, comme je l’ai montré dans ma Microbiologie (p. A9), au tiers du poids de levure trouvé à la fin de l'expérience, lorsque la culture a eu à sa disposition tout l'oxygène dont elle a eu besoin. Le facteur serait un peu différent dans les cas de fermentations ordinaires, mais peu importe. Il existe toujours une quantité de levure telle, qu’agissant sous un poids constant d’un bout à l'autre de la fermentation, elle aurait produit, dans le même lemps, le même effet que celui qu'ont produit les quantités variables de levure qui ont réellement agi. Ce sera cette quantité / de levure que nous introduirons dans nos calculs. La quantité alt de sucre entré ainsi dans le mouvement vital de la cellule de levure ne représente pas la quantité totale de sucre S intro- duite dans le flacon de fermentation. Une partie de ce sucre a servi à fabriquer la quantité de levure /, et se trouve représentée dans ses malériaux de construction, conjointement avec une certaine quantité d'hydrogène et d’azote qu’on peut supposer avoir été empruntée à de l’ammoniaque, car M. Pasteur a montré qu'on pouvait obtenir une fermentation régulière dans un liquide où il n’y a que du sucre, des sels ammoniacaux, et des sels minéraux que nous laissons en dehors de notre exposé. Quel est le poids de sucre qu'il a fallu pour fabriquer la quantité / delevure. Diverses considérations, dans le détail desquelles il est inutile d'entrer pour le moment, indiquent que ce poids de sucre est très voisin du poids /, et peut être représenté par ml, m étant un facteur très voisin de l’unité, de sorte qu’en ajoutant celle quantité ml au poids alt de sucre détruit par la levure, on a la totatité du sucre introduit dans le flacon. S — ml + alt : Or, comme nous avons appelé pouvoir ferment de la levure Île S . rapport — on a, en appelant p ce pouvoir : P p = M + at. 124 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. On voit, en comparant celte formule à celle du mouvement uniforme en mécanique, que p est en quelque sorte un espace parcouru, et 4 une vitesse. D'une manière plus générale, on voit que le pouvoir ferment est quelque chose de plus complexe que 4, et dépend à la fois” de l’activité de la levure et du temps laissé à la fermentation pour s’accomplir. Nous pouvons même nous faire une idée plus précise des deux termes de la somme entrant au second membre dans la valeur de S et dans celle de p. Dans celle de S, par exemple, la quantité ml est la quantité de sucre qui à servi à former la levure; c’est ce que j'ai désigné dans ma Microbiologie sous le nom de dépense de construction. La quantité alt est la quantité de sucre transformée par la levure dans son fonc- tionnement, et dont l’équivalent se retrouve soit à l’état d’eau et d’acide carbonique, quand il y a eu combustion complèle comme cela a lieu au libre contact de l'air, soit sous forme d'acide carbonique, d'alcool, de glycérine, d’acide succinique, etc., lorsqu'il y a eu fermen- tation véritable. Cette quantité alt est ce que j'ai appelé dépense d'entretien. La levure n’en a pas profité, sinon temporairement, et elle se retrouve à l'extérieur du globule de levure sous une forme désor- mais inassimilable pour lui : c’est sa dépense alimentaire, et a est sa ration alimentaire par jour, si on prend le jour pour unité de temps. Cette dépense augmente évidemment avec la durée de l'action, peut acquérir un niveau élevé si 4 est faible et { très grand, et c’est le cas des fermentations à l’abri de l'air, de même qu’elle peut rester petite si « est plus grand et { beaucoup plus petit, comme c’est le cas dans les cultures de levure au contact de Pair. Nous retrouvons donc là une explication naturelle de la contra- diction signalée au commencement de cette Revue ; mais nous pouvons pousser plus loin l'examen des phénomènes, et remarquer que l'augmentation du pouvoir ferment à labri de l'air ne dépend pas uniquement de l'augmentation de {. La quantité « représente, nous l'avons vu, la ration alimentaire de l'unité de poids de jevure pen- dant 24 heures: c’est la quantité d'aliment dont elle a besoin pour son fonctionnement vital pendant ce temps. Nous ne savons pas ce qu'est, au fon1i, le mécanisme de ce fonctionnement, mais la facilité avec laquelle la levure passe par tous les degrés intermédiaires entre la vie aérobie et la vie anaérobie indique qu'il ne doit ÿ avoir guère de chan- gements de l’un à l’autre, et comme, en vivant de sa vice anaérobie, la levure utilise notoirement beaucoup moins bien son aliment, puisqu'elle en laisse une moitié à l’état d’alcool, on peut conclure que, pour entre- tenir son mouvement vital, elle devra dépenser par 24 heures plus de | CORP PSTE ES PT REVUES ET ANALYSES. 125 sucre à l'abri de l'air, en d’autres termes que sa ration alimentaire à l'abri de l’air devra être plus grande que sa ration au contact de l'air. Mais il y a une autre cause qui produit un effet inverse, c’est l’action de l’oxygène. A son contact, l'activité protoplasmique est certainement plus grande. Que dans une fermentation anaérobie, qui commence à se ralentir par suite de l’épuisement de la levure, on fasse arriver au contact du liquide une bulle imperceptible d’air ou d'oxygène, on verra le dégagement gazeux augmenter notablement. « Une fermentation est en marche : soutirez, même rapidement, le liquide et reversez-le aussitôt dans la cuve. Au bout d’une heure au plus vous constatez un accroissement marqué de la fermentation, accusé par un dégagement plus abondant d’acide carbonique... Les cellules qui ont subi le contact de l'air deviennent plus fermes d’aspect et de contour, leur plasma intérieur est plus nourri, plus jeune, plus translucide, moins vacuolaire. Les granulations moléculaires sont moins visibles... Le bourgeonnement recommence s’il était suspendu (Pasteur, Études sur la bière, p.337). Bref, si la vie anaérobie s’accom- pague d'une augmentation de 4 à cause de la mauvaise utilisation de la matière alimentaire, la vie aérobie agit dans le même sens par suite de l’augmentatior dans Pactivité protoplasmique. L’appétit augmente, la ration alimentaire doit augmenter aussi. Il faudrait des expériences spéciales pour mesurer & et m, expé- riences dans lesquelles tout demeurerait constant, nalure du liquide sucré et de la levure, température, etc., tout. sauf le temps laissé à la transformation. Les expériences de Pasteur, que j'ai résumées en com- mençant, ne satisfont pas à ces conditions, n’aÿant pas été faites pour être comparables à ce point de vue. On peut pourtant en tirer quelques indications générales sur la valeur de « et de m dans les cas d’aéra- tion parfaite et de suppression complète de Pair. Dans le cas où la vie est surtout aérobie, nous avons vu que la valeur du pouvoir ferment, dans une culture de la levure arrêtée après 2% heures, était égale à 4. Si on prend la période de 2% heures pour unité de temps, on a dans ce cas m +4 — 4, et on aurait pu trouver pour cette somme # + « une valeur plus petite si on avait interrompu l'expérience plus tôt. Cela nous donne pour met «a des valeurs voisines de l'unité. Nous sommes sûrs d’avoir des valeurs par excès si nous prenons 4 = 2 et m — 2. Prenons maintenant la fermentation très anaérobie qui nous a donné pour p la valeur 176. Ici l'expérience a duré 3 mois, c’est-à-dire 90 jours : on a donc 476 — m + 904 126 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Ce qui, avec m — 2, nous donne a — 1, 9. Les deux valeurs de 4, dans ces cas extrêmes, sont donc très voisines, ce qui ne veut pas dire qu’elles ne varieront pas beaucoup plus pour des mélanges con- venables de la vie aérobie et anaérobie. = Dans la valeur de p p = m + at on voit que, lorsque le temps de la transformation est court, c'est-à-dire dans la vie aérobie, c'est la dépense de construction qui l'emporte. Si on pouvait n’introduire dans le liquide qu’une cellule, la peser au moment où elle aurait parachevé son premier bourgeon, et apprécier la quantité de sucre qu’elle a consommé pour cela, on trouverait peut-être que le premier bourgeon pèse le même poids que le sucre consommé pour le produire par le globule mère, et que par conséquent m» est égal à l’unité. À ce moment, pour ce bourgeon, f est nul, puisque sa vie commence, et sa seule dépense est la dépense de construction. Au contraire, dans une fermentation anaérobie qui traîne, où il s’est produit peu de levure, c'est la dépense d'entretien qui l'emporte de beaucoup. Qu'est dans l'équation précédente, 476 = m + 90 a s la valeur de »m, toujours voisine de l’unité, vis-à-vis du nombre 176 ? On peut presque en faire abstraction. Comme ce sont là les conditions des fermentations ordinaires. nous pouvons tirer de ce qui précède une dernière conclusion. Nous ne savons pas quel est le signe thermochimique de la transformation » de la quantité m{ de sucre en la quantité / de levure; en d’autres termes, nous ne savons pas si cette organisation de la levure aux | dépens du sucre absorbe ou produit de la chaleur... De quelques nom- bres donnés par M. Berthelot (Comptes rendus, 3 février 1879), il semble qu’on puisse conclure qu’elle en absorbe. Mais on n’a aucune incertitude sur le signe thermochimique du terme qui correspond à la dépense d'entretien. Celui-ci produit nettement de la chaleur : beaucoup dans la vie aérobie, moins dans la vie anaérobie, pour une même dépense de sucre. Maïs la réaction est toujours exothermique, et comme la quantité de sucre qui correspond à la dépense d'entretien est toujours de beaucoup supérieure à celle qui correspond à la dépense de construction, on voit qu’elie donne son signe thermochimique à l’ensemble. | 4 | Telles sont les notions principales que l’on peut faire ressortir de REVUES ET ANALYSES. 127 notre conception des phénomènes présentés par le globule de levure. Il nous resterait à les appliquer à l’examen et à la critique des travaux publiés au sujet du pouvoir ferment ou de l'énergie spécilique des levures dans les fermentations. Ce sera l’objet d’une prochaine Revue. E. Ducraux. * D'Sicmunp FRAENKEL, La thyroantitoxine, partie physiologiquement essentielle de la glande thyroïde, Wiener med. Blätter, t. X VIT, 1895. On ne compte plus les essais thérapeutiques faits avec les sucs organiques naturels, tirés naturellement ou artificiellement de certains organes ou de certaines glandes, capsules surrénales, reins, pancréas, moelle, glande thyroïde, testicules, etc. La plupart des maladies auxquelles on applique ces médications sont mal définies, et les Lenta- tives faites sont par là très empiriques et peuvent être très illusoires. Il y aurait deux voies principales pour arriver à mettre plus de préci- sion dans la recherche. La première serait de faire une étude plus soigneuse des maladies, de façon à n'être plus exposé à les confondre. Cette voie est longue et reste sur le domaine médical. La seconde empiète sur le domaine du chimiste. Elle consiste à faire pour ces sucs l’analogue de ce que l’on a fait pour les extraits végétaux de quinquina ou de noix vomique, par exemple, à chercher à en séparer les matières actives, dont l’action sur l'organisme est plus simple, plus facile à doser et à étudier lorsqu'elles sont séparées du mélange dans lequel la nature les a enfermées. Malheureusement, cette étude chimique des liquides organiques débute à peine. Comme elle est très difficile, les chimistes l’ont un peu délaissée, et c’est seulement dans ces dernières années qu’ils se sont remis à létudier à cause de ses promesses thérapeutiques. M. le D'S. Fraenkel vient de publier au sujet de l'étude du suc de la thyroïde un travail dont il ne cherche pas à dissimuler les lacunes, mais qui mérite pourtant l’attention des chimistes et des médecins. De quelle nature est la substance active du corps thyroïde? Empor- tés par le courant actuel, les savants qui ont étudié cette question ont mis en avant les mots de ferments solubles, d’enzymes, de globulines, de nucléoalbumines, etc. On retrouve là la phraséologie habituelle de la science sur les sujets où elle ne sait rien. Schaffer avait pourtant montré à Londres, et Roos à Fribourg, que l'extrait de thyroïde ne perd aucune de ses propriétés quand on le fait bouillir, ou quand on le met en contact avec de l’acide chlorhydrique ou de la soude. Cela F] 128 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. mettait hors de cause les substances énumérées plus haut. mais ne nous disait pas la nature de la substance active. C’est sur ce point que M. S. Fraenkel a fait une étude méthodique. Il a fait des extraits, à froid et à chaud, de thyroïdes de mouton, et en a séparé, au moyen de l'acide acétique, la presque totalité des ma- tières albuminoïdes. Où s'était cantonné le principe actif? était-ce dans le précipité? était-ce dans le liquide filtré? Une expérience physiolo- gique a montré que c'était dans ce dernier. Le principe actif de la thyroïde n’est donc pas une substance albu- minoïde; c’est une substance contenue dans le liquide filtré, soluble dans l’alcool, d’où on la précipite par l’éther ou l’acétone. Cette substance ales propriétés d’un alcaloïde, mais M. Fraenkel ne se dissimule pas que son étude chimique reste encore à faire. En atten- dant, il lui a donné le nom conventionnel de fhyroantitoxine pour le distinguer des autres produits commerciaux: thyroïdine, thyradène, extraits aussi de la thyroïde. Il a rencontré constamment cette substance et en proportions sen- sibles, dans tous les extraits que par ailleurs il trouvait actifs. Mais cela ne lui a pas suffi. Il a voulu savoir si ce corps jouissail des pro- priétés actives de la thyroïde. Il à retrouvé avec lui la réaction signa- lée par Haskowetz, de Prague, à savoir la chute de la pression arté- rielle et une accélération du pouls à la suite de l’injection. «Une expérience aussi intéressante, dit-il, pour le diagnostic phy- s'ologique de ma substance que pour la preuve de son identité avec le principe actif de la thyroïde est la suivante : un cœur de grenouille empoisonné par la muscarine, et qui est devenu immobile, recom- mence à battre quand on l’humecte avec une solution aqueuse de thyroantitoxine, ou montre des contractions à la plus légère exci- tation. » Enfin les résultats qu'il a obtenus en injectant son thyroantitoxine a des chats thyroïdectomisés sont d’accord avec ceux qui ont été obte- nus par M. Gley, avec le suc thyroïdien. La base préparée par M. le D' S. Fraenkel semble donc bien être le principe actif de ce suc, et il n’y a pas à insister sur l'intérêt qu'ii pourrait y avoir à opérer avec cette substance, au lieu de se servir du suc thyroïdien, toujours plus complexe et de composition plus incertaine. Un chimiste qui nous donnerait le moyen de remplacer de même la malléine et la tuberculine par leurs principes actifs rendrait un grand service à la science. Dx Le Gérant : G. Massox. Sceaux. — Imprimerie Charaire et Cie. nales de l'Institut Pasteur. # ”" € LÀ Le E,Metchniko ff del. M L] À. Lafontaine & Fils, Paris. | : Fe Le, fe £ 4 ‘ SN TN re 10me ANNÉE MARS 1896 No 3. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ÉTUDES SUR L'ACTION SOLAIRE (PREMIER MÉMOIRE) Par M. E. DUCLAUX La puissance hygiénique de l’action solaire prend une telle place dans les préoccupations des savants que je crois devoir publier les études actinométriques que j'ai poursuivies depuis quelques années. Dans quelles conditions se manifeste cette activité spéciale de la lumière ? Comment varie-t-elle avec l’alti- tude, la latitude, les conditions climalériques? La présence des nuages l’interrompt-elle? Des jours également lumineux sont- ils également actifs au point de vue de leur action sur les mi- crobes, leurs milieux de culture, leurs sécrétions, leurs toxines ? Voilà quelques-unes des questions qui se posent. Elles sont tellement vasteset tellement complexes que je n’ai pu me pro- poser que d'en ébaucher l'étude, et je voudrais seulement exposer les premiers résultats auxquels j’ai été conduit. Pour laisser la question sur le terrain de l'hygiène qui est celui où elle a le plus d'importance, il aurait fallu employer comme réactifs de l’action à étudier des microbes convenable- ment choisis, des virus ou des toxines capables d’atténuation, J'ai pensé qu'il était beaucoup plus simple et qu'il serait beau- coup plus rapide de s’adresser à un phénomène chimique, à une de ces réactions oxydantes que la lumière peut provoquer, et auxquelles on se trouve conduit, en dernière analyse, quand on cherche le mécanisme profond de l’action de la lumière sur un être vivant, sur son alimentation ou sur ses sécrétions. On se 9 130 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. heurte toujours alors à un phénomène chimique, c’est-à-dire à un phénomène qui dépend surtout de la partie chimique du spectre solaire, à l’exclusion des rayonnements purement calorifiques ou lumineux. - C'est en somme de l’actinométrie que j'ai voulu faire, mais par une méthode permettant de séparer, mieux qu’on ne l'a fait jusqu'ici, les trois sortes d’action, chimique, calorifique et lumineuse qui voyagent ensemble dans un rayon de soleil, et qui sont inégalement absorbées par ies milieux qu’elles traversent. De ces trois actions je voulais, autant que possible, n'étudier que la première. Pour cela, je ne pouvais recourir à la méthode employée par MM. Bunsen et Roscoë au début de l’ac- tinométrie, méthode qui repose sur l’emploi d'un mélange de chlore et d'hydrogène qu'on expose à la lumière. On juge de l'in- tensité de l’action chimique par la quantité d'acide chlorhydrique formé dans un temps donné, ou plutôt par la diminution de volume qui en est la conséquence. Cette méthode a deux défauts graves. Le premier est que la réaction peut se produire sous l'effet de la chaleur aussi bien que sous celui des rayons chimiques, et qu’elle laisse confondues deux actions qu'il s’agi- rait d'isoler. Le second, beaucoup plus sérieux, est que Îa réaction est extrèmemeut exothermique, et par suite se continue, une fois commeucée, sous l'influence de la chaleur qu'elle déve- loppe. L’action initiale est seulement excitatrice, et met en jeu un mécanisme qui fonctionne en dehors d’elle. On s’efforce, il est vrai, de réduire au minimum le jeu de ce mécanisme en n’opérant que sur de faibles quantités de gaz, et en multipliant les surfaces de refroidissement, de façon que le phénomène ait sans cesse besoin d’une excitation nouvelle pour se continuer. Mais on n'échappe pas à ce défaut de proportionnalité entre la cause et l'effet, qui rend les mesures presque illusoires. On retrouve les même défauts, sensiblement atténués, dans la méthode souvent utilisée qui repose sur la réduction du peroxalate de fer à la lumière. Depuis l’observation initiale de Dôübereiner, H. Draper, Marchand, G. Lemoine ont utilisé cette . réaction. Comme dans la précédente, le mélange de perchlorure de fer et d'acide oxaliquese réduit souslinfluence de lachaleur seule, et, bien que cette réduction soit lente, elle intervient comme cause d'erreur. De plus, le liquide est coloré et se décolore à mesure Tr te | | : | l L - bite. : : en Do, tn. | ÉTUDES SUR L'ACTION SOLAÏRE. 13 que l’action progresse. Les conditions d’absorption sont donc modifiées pendant la mesure, et parun phénomène en quelque sorte extérieur. Enfin la réaction est encore assez exother- mique pour qu'il faille en tenir compte. Tous ces défauts ont été corrigés le mieux possible par M. G. Lemoine, qui fait depuis longtemps une étude attentive et soigneuse du procédé. Mais les précautions à prendre ne laissent pas à la méthode une sim- plicité suffisante pour le but que je voulais atteindre. L'idéal serait de découvrir un liquide limpide et transparent, ne changeant pas pendaut la réaction, ne donnant pas de pré- cipité, et devenant le siège d’un phénomène chimique facilement mesurable qui ne pourrait être produit par l’action de la chaleur. Peut-on aller plus loin dans ces exigences ? M. Berthelot ne le croit pas et pense que l'apport d'énergie provenant de l’absorp- tion de radiations calorifiques, lumineuses ou chimiques, serait insuffisant pour produire un phénomène chimique, sicelui-ci ne produisait pas un peu de chaleur. Je ne vois pas bien pourquoi une absorption Calorifique de lumière solaire ne pourrait pas compenser une chaleur de combinaison, et permettre à des réactions, même un peu endothermiques, dese manifester. J'ai cherché à en découvrir de pareilles, dont l'interprétation fût sans ambages. Je n’en ai pas trouvé. J'ai été forcé de revenir à une réaction anciennement connue, l'oxydation que subissent à la lumière les solutions d'acide oxalique. Ces solutions sont transparentes. L’acide oxalique devient au soleil de l’acide carbonique qui disparaît, de sorte que l’oxy- .dation subie s’apprécie facilement par un dosage acidimétrique fait avant et après l'exposition à la lumière. La réaction produite est faiblement exothermique dans des solutions aussi étendues, car nous verrons qu'il ne faut pas dépasser 3 grammes d'acide oxalique par litre. De plus, je me suis assuré que le dégage- ment de chaleur produit par la réaction, alors même qu'il serait plus sensible, serait sans effet, car l’acide oxalique ne s’oxyde qu'avec une lenteur extrème sous l'influence de la chaleur seule. Exp.— 10c. c. de solution d'acide oxa!ique titrant 19.0 c. €. d’eau de chaux sont chauffés au bain-marie, à 95° environ, dans des ballons de 125,0 c. ce. Après 4 heures de chauffe, le titre est de 18,5, perte 2,6 0/0. — 8 — — — «18,0 — 5,2 0/0. 132 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. ExP. — 10c.c. d’une autre solution titrant 16,6 c.c. d’eau de chaux sont chauffés de même une demi-heure et une heure à 1150 : le titre tombe à 10 11ercreLt16,2%c. 10; Pendant les journées de plus forte chaleur, la température- dans les cuvettes où j’expose l'acide au soleil ne dépasse pas 40°; on peut donc admettre que ni la chaleur solaire ni la chaleur produite par la réaction n'ont une influence sensible sur la combustion au soleil, qui peut dépasser 50 0/0 de l'acide oxalique. Les rayons calorifiques étant à peu près sans action, il serait souhaitable de pouvoir éliminer de même l’action des rayons lumineux. Peut-être pourrait-on y arriver, car, comme nous le verrons bientôt, la portion utilisée de la radiation solaire est surtout la portion chimique. Je n'ai pas jugé que la chose soit utile. C’eût été trop s'éloigner des conditions hygiéniques, car, même dans les climats les plus froids, la lumière agit en même temps que les rayons chimiques. J’expose donc sans écran ma solution au soleil. Étudions ce qui s’y produit. Exposé à la lumière, l’acide oxalique absorbe de l'oxygène et se transforme à peu près intégralement en acide carbonique. I se forme aussi un peu d’acide formique, mais en quantités presque infinitésimales. Il en résulte que l'acide oxydé peut s’apprécier par ur simple dosage acidimétrique. Influence de la concentration. Pour faire l'étude du procédé actinométrique, la première chose à faire était de chercher quel est le degré de concentration de la liqueur qui donne la sensibilité maxima. Pour le savoir, j'ai exposé au soleil dans les mêmes conditions, du 4 au 6 juin 1885, pendant trois belles journées comprenant environ 36 heures d'insolation, 10e. c. de quatre liqueurs contenant respectivement 63 grammes, 318,5, 122,6 et 6%,3 d’acide oxalique par litre, soit 1, 1/2, 1/5 et 1/10 d'équivalent par litre. Voici quelles ont été au bout de ce temps les quantités absolues et les proportions d’acide brûlé dans ces liqueurs. LIqUEUMA CREME Gasr 318r,5 126r,6 Cer,3 Quantité d'acide brülé.. Ogr,025 Ogr,028 gr,047 gr,033 Proportion d'acide brûlé. 0,04 0,09 0,38 0,52 Les solutions concentrées se brülent donc moins vite que les solutions étendues, et donnent une plus faible variation de tas à: D AT PE IE NE y ‘ & e | . à ès. = ÉTUDES SUR L'ACTION SOLAIRE. 132 titre. Il faut d'un autre côté que les solulions ne soient pas trop étendues pour que l'échelle de mesure ne soit pas trop réduite. Je me suis arrêté à une liqueur dont la variation de titre pendant les journées les plus favorables ne dépasse guère la moitié du titre initial: c'est une solution demi-décime renfermant environ 3 grammes d'acide oxalique par litre. 10 €. ec. de ce liquide sont saturés par environ le même volume d’eau de chaux ordinaire. La variation de titre jour- nalière ne dépassait donc pas 5 c. c. d’eau de chaux, qu'on appréciait au {/100 environ dans une burette graduée. La précision obtenue est ainsi plus que suffisante. Influence de l'épaisseur du liquide. La quantité d'oxygène nécessaire pour transformer en acide carbonique la quantité d’acide oxalique contenue dans 10 c. c. de notre liqueur précé- dente est notablement supérieure à celle qui existe en solution dans le liquide. Il faut donc l’étaler en surface à l’air, et, quelle que soit la facilité de pénétration de l'oxygène dans un liquide exposé en surface pendant 8 à 10 heures à l’insolation, on peut se demander si une solution d'acide oxalique se brûle de la même façon dans un vase à fond plat, un verre conique ou un tube cylindrique. Exe.— Les 16, 17, 18 et 19 août j’expose au soleil 40 c. c. d’une solution demi- décime d'acide oxalique : a, dans un verre conique; b, dans un tube à essai ordinaire; c, dans un matras de Bohême à fond plat. Pour assurer l'unifor- mité de température, le tube b est introduit debout dans le matras €. L’ex- position dure de 8 h. du matin, à 3 h. 30 du soir, Voici les proportions d'acide brûlées : a. b. GC: 16 août 29 0/0 — 65 0/0 417 » 34 14 0/0 97. 190 34 13 84 19 » 31 14 87 Ainsi, toutes choses égales d’ailleurs, la proportion d'acide brülé est notablement plus grande dans un vase à fond plat que dans un tube cylindrique. La différence est même tellement no- table que les difficultés de pénétration de l'oxygène ne suffisent pas à l'expliquer. La combustion de 13 0/0 d'acide, produite en 7 heures dans le matras b, n'exige pas plus de 0,4 e. c. d'oxy- gène, c'est-à-dire environ 6 fois la quantité normalement dissoute 154 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. dans le liquide. Quand on songe à la rapidité avec laquelle une eau s’aère, il est difficile de croire que ce soit l'oxygène qui ait manqué, et on se trouve conduit à penser que c’est l’action chi- mique qui a fait défaut. Si le faisceau incident de rayons solaires” n'apporte avec lui qu’une faible provision d'énergie chimique, les couches superficielles du liquide oxydable absorbent pour elles ce qui est disponible, et forment écran pour les couches profondes qui restent intactes, alors même qu'il y aurait de l'oxygène pour brüler l’acide présent. Cetteconception, qui nous présente la radiation solaire comme pauvre en rayons chimiques, ou l'acide oxalique comme très exigeant à l’égard de ces radiations, mérite qu'on s’y arrête. En l'étudiant, nous pourrons peut-être nous renseigner sur le quantum d'action chimique à attendre de la lumière au voisi- nage du sol, et par conséquent sur le degré d'absorption atmo- sphérique. Pour nous renseigner à ce sujet, opérons sur des cuvettes cylindriques à fond plat, ayant au plus une hauteur de À centimètre, de façon que lFoxygène y ait toujours un facile accès. Si c’est l’influence actinique qui est rare ou qui fait dé- faut dans la lumière incidente, nous devrons pouvoir mettre en évidence les influences de la surface et de l’épaisseur du liquide. Pour des épaisseurs égales, la combustion devra être proportion- nelle à la surface. Pour des surfaces égales avec des épaisseurs différentes, la combustion devra se faire surtout dans les couches superficielles et ne pas augmenter avec l'épaisseur, c’est-à-dire avec le volume du liquide, ou du moins, à cause de l'influence des parois et des mouvements du liquide, ne pas augmenter aussi rapidement que ce volume. Exp. — Dans deux ‘vases cylindriques très plats, j'introduis 40 €. c. et 20 c. c. d'une solution demi-décime d'acide oxalique. Après une journée assez sombre, un peu orageuse, je trouve que les quantités absolues d'acide brülé dans les deux cuvettes sont de 28 et de 46. -La combustion est donc proportionnellement plus forte dans le vase où l'épaisseur du Jiquide était moindre. Exp. — Je me suis procuré deux cuvettes cylindriques de même hauteur, dont les surfaces étaient dans le rapport de 1 à 2, et que j'exposais au soleil, la première avec 10 c. c., la seconde avec 20 c. c. de liquide, de facon que les épaisseurs étaient les mêmes. Les quantités d'acide brûlé ont toujours été dans le rapport de 1 à 2, dans une nombreuse série d’expé- riences comparatives, avec une approximation égale à celle que comporte ‘ + & n | | PE NE k ÉTUDES SUR L'ACTION SOLAIRE. 135 le procédé de dosage. Du reste, point n’est besoin d'expériences spéciales, car deux cuvettes égales, exposées au soleil pendant le même temps, donnent à la fin de la journée le même titre, s'il n’est survenu aucun accident, chute de poussière ou autre chose. Il y a donc un tamisage efficace de rayons actiniques par les premières couches traversées, et soit que ces rayons soient peu abondants, soit que le milieu soit très opaque pour eux, l’affai- blissement est rapide lorsque l'épaisseur augmente. Nous aurons à utiliser tous ces résultats quand nous chercherons la cause de l'absorption atmosphérique. Contentons-nous pour le moment den tirer une conclusion pratique, c’est qu'il faudra opérer dans des cuvettes d’égale dimension, avec des quantités égales de liquide, si on veut avoir des nombres comparables. Je me sers pour cela de petites cuvettes soufflées, en verre de Bohème, à fond plat, qu'on trouve dans le commerce, et que je choisis de même dimension, ce qu'on voit très facilement en les abou- chant, et en cherchant si elles ont le même diamètre extérieur et la même épaisseur. Il n'est pas nécessaire de pousser plus loin la précision, étant données les autres incertitudes du pro- cédé de mesure. Celles dont je me suis servi dans toutes mes expériences avaient environ 5 c. de diamètre, et 10 c. c de liquide y avaient une hauteur d'environ 5 mill. Quand j’opérais à la campagne dans le Puy-de-Dôme ou dans le Cantal, où la poussière n’est pas calcaire, je les laissais ouvertes au soleil, sur une tablette exposée au midi. L'échauffement y est tempéré par l’évapo- ration, et j'ai dit plus haut que je n’avais jamais vu la tempéra- ture dépasser 40°; quelquefois pourtant, surtout lorsqu'il y a du vent, il faut craindre de voir l’évaporation faire disparaître tout le liquide. Il est facile d'éviter cet inconvénient qui fausse les mesures, en mettant la cuvette sur un baïn d’eau dans un large cristallisoir, sur lequel elle flotte. On peut aussi augmenter le volume de la liqueur actinométrique, et opérer sur 20 c. c. au lieu de 10 c. c. ; un facteur facile à trouver donne le coefficient de réduction qu'il faudra appliquerà laseconde des deux séries d'expériences pour la rendre comparable à la première. Influence de l'âge de la dissolution. Nous arrivons ici à un fait imprévu, c’est qu'une dissolution récente d'acide oxalique ne se comporte pas comme une solution vieille de même concentration, 136 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. et se montre beaucoup plus rétive à l’action solaire. Ce n’est que peu à peu qu'elle se sensibilise. Il lui faut pour cela quel- ques semaines si elle est exposée à la lumière diffuse, et quel- ques heures seulement si elle est exposée au soleil. | ExP.— Le 5 septembre, je compare deux liqueurs contenant chacune 48r,575 d'acide oxalique par litre, l’une vieille, l’autre que je viens de préparer. Le titre commun est de 22,8 c. c. d’eau de chaux pour 10c. c. A la fin dela journée, qui a été un peu brumeuse, les titres sont de 16,2 c. c. dans deux euvettes con- tenant de l’ancienne liqueur, de 21,7 c. c. dans deux cuvettes contenant la liqueur neuve. Les pertes sont donc de 6,7 c.e. et de1,1 c. c. La vieille liqueur est donc six fois plus sensible que l’autre. ; Le lendemain, la journée ayant été plus belle, les pertes sont de 8,5 c. c. pour l’ancienne liqueur, de 1,5 c. e. pour l’autre, c’est à peu près le même rapport que la veille. Le 12 septembre, après une belle journée, deux essais couplés me donnent .de même des pertes de 9,3 c. c. pour l’ancienne liqueur, de 5,9c. e. pour lanou- velle. La différence de sensibilité a déjà beaucoup diminué après 6 jours passés à la lumière diffuse. Le 25 septembre, après 20 jours, les pertes sont devenues 8,6 c. c. pour la première liqueur, 7,7 c. c. pour la seconde, Ce n’est pas encore l'égalité, qui n’est atteinte que dans le courant d'octobre. après plus d'un mois. Le fait que deux liqueurs, l’une ancienne et l’autre jeune, atteignent, au bout de quelque temps, le mème degré de sensi- bilité, prouve qu'il y a un maximum. Quand elle l’a atteint, la solution d’acide oxalique ne se différencie en rien de ce qu’elle était à l’origine, ni au point de vue physique, ni au point de vue chimique. Elle donne par évaporation le même acide cristallisé qu'à l’origine, et n’a même pas changé de titre acidimétrique, si on la protège, en la sensibilisant au soleil, contre l’action de l’oxy- gène. Il y a pourtant un travail moléculaire qui s’y est accompli, travail qui demande un certain temps, et qui ne se traduit que par une plus grande oxydabilité en présence de la lumière. * Le seul phénomène qu'on puisse, à ma connaissance, com- parer à celui que nous venons de découvrir est l’augmentation de sensibilité qu’on observe dans un collodion quand on le laisse vieillir quelques jours. Le fait est bien connu des photographes, mais est encore trop obscur pour nous éclairer sur le nôtre. Du même ordre sont les faits que j'ai observés en faisant des Instantanés avec des plaques au gélatino-bromure. On peut abréger très sensiblement le temps de pose en ne découvrant À etre ÉTUDES SUR L'ACTION SOLAIRE. 137 la lentille qu'après le passage d'un verre dépoli qui illumine un instant la plaque avant qu’elle ne reçoive l'impression de l’image à recueillir. On lui donne aussi une sorte d’ébranlement initial qui semble faciliter la gravure de l’image. On peut ainsi songer, comme analogie, à la variation du pouvoir rotatoire de quelques solutions sucrées après leur préparation. Mais ici les liqueurs semblent tendre à un état plus stable, tandis que nos solutions d'acide oxalique font des progrès du côté de l'instabilité. Quoi qu’il en soit, il y a évidemment avantage à laisser les solutions d’acide oxalique acquérir cette sensibilité avant de s’en servir; cela est d'autant plus facile que ces liqueurs peuvent se sensibiliser lorsqu'elles sont concentrées, et conserver cette sen- sibilité lorsqu'on les dilue. D'ordinaire, je préparais un ou deux litres d’une solution normale à 63 grammes d’acide oxalique crislallisé par litre, que je diluais par fractions, au vingtième. La provision d’une solution de sensibilité constante est ainsi assurée pour longtemps. Dans toutes les expériences comparatives dont il sera question dans ces études, j'ai toujours eu soin d'opérer sur des liqueurs identiques et ayant même sensibilité. Nous voilà maintenant en possession de notre procédé opé- ratoire qui est celui-ci : exposer au soleil, pendant la journée, une cuvette plate, renfermant un volume déterminé d’une solution sensibilisée d'acide oxalique, et mesurer à la fin du jour, par un titrage à l’eau de chaux, la quantité d’acide oxalique disparu par oxydation. MESURES ACTINOMÉTRIQUES J'ai fait, depuis 1885, plusieurs séries de ces mesures actino- métriques, surtout pendant la belle saison, aux vacances, aux époques où j'étais assez maître de mon temps pour leur assurer la régularité qu’elles exigent. Toutes ces séries, faites à de grands intervalles et dans des lieux différents, ne sont pas abso- lument comparables, les liqueurs d'épreuves ayant pu subir, d’une année à l’autre, de petites variations. Ces variations sont nulles, cependant, dans une même année, ainsi que j'ai pu le constater à diverses reprises, car toutes les fois que je changeais de liqueur d’épreuve, j’exposais simultanément deux ou plusieurs cuvettes de l’ancienne et de la nouvelle, et j'ai toujours vu que 138 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. la combustion solaire était la même pour toutes, au degré d’approximation que comportent ces mesures. Quand on opère avec deux ou plusieurs cuvettes conte nant un même liquide en quantités égales, il n'arrive pas toujours qu'on trouve pour toutes exactement la même variation de titre, à la fin de la période d'exposition. Il y a dans ces mesures des irrégularités dont nous nous expliquerons bientôt quelques- unes, et dont les autres échappent à toute explication par leur soudaineté et leurs bizarreries. Il est certain qu'il y a là des inftuences dont l'effet est parfois hors de proportion apparente avec la cause, et qui sont fortuiles, c’est-à-dire qu’elles appa- raissent tout à fait inopinément sur certaines cuvettes et non pas sur d’autres. Si elles étaient fréquentes, elle rendraient toute mesure incertaine et illusoire. Heureusement elles sont rares, et on peut toujours en éliminer l'influence en faisant chaque jour l'essai actinométrique sur 3 ou 4 cuvettes, et en ne gardant dans les chiffres trouvés que ceux qui sont concordants : on réduit ainsi assez la part du hasard pour la rendre négligeable. C’est ainsi qu'ont été faites les observations qui vont suivre. Les temps d'exposition ont été généralement les mêmes, de 8 heures matin à 4 heures soir. Pour chacune d’elles on a noté la proportion d'acide oxalique brülé. On a, en outre, noté en gros l'état du ciel et les principaux incidents de la période d'insolation. Une attention particulière a été apportée, à l’origine, à la consta- tation des lueurs solaires et antisolaires, qu’on a notées avec les abréviations $S. et A. S. dans les tableaux suivants. Ces lueurs étaient très fréquentes dans les deux premières années où ont été faites ces observations, et n’ont jamais été absentes depuis. J'ai décrit, dans une note insérée en 1885 dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences, l'aspect qu’elles prenaient dans le pays où j'ai commencé ces études. Plus je les étudie, plus je les considère comme dues à l'existence de la vapeur d’eau à de très grandes hauteurs dans l'atmosphère. S'il en est ainsi, elles ne doivent avoir qu’une faible influence sur les phénomènes de combustion solaire, tandis qu’il pourrait en être autrement, sl elles étaient dues, comme on le pense communément, à un nuage de malières très ténues, flottant dans l’atmosphère. Les tableaux qui suivent vont nous montrer les variations considérables que subit, non seulement d’une année à l’autre, ÉTUDES SUR L'ACTION SOLAIRE. 139% . mais d’un jour à l’autre, la radiation chimique du soleil, tra- duite par la quantité d'acide oxalique qu'elle fait disparaître par combustion. Cette combustion, presque nulle pendant les jours sombres et pluvieux, atteint, en général, son maximum pendant les jours clairs et lumineux, mais s’y montre très inégale. Il y a des jours très clairs où la combustion est faible, d’autres où elle est active et qui ne se différencient nullement, à l'œil, des premiers. Par un ciel pommelé ou avec des cumulus légers, la combustion solaire peut être plus active qu'avec un ciel bleu ou légèrement voilé de cirrus. En un mot, la beauté apparente d'une journée n’est nullement en relation avec son activité chimique et sa puissance hygiénique. C’est là une notion qui n’étonnera pas beaucoup les photo- graphes, surtout ceux qui font du paysage et qui savent que des journées également chaudes et lumineuses ne donnent pas les mêmes résultats pour les mêmes temps de pose, et qu'il y en a pen- dant lesquelles, sans que rien en avertisse, l'impression chimique est beaucoup plus lente que dans d’autres. Il m'est arrivé, à deux reprises, dans un jour où l'acide oxalique indiquait une action chimique faible, de manquer des photographies par insuffisance de pose, trompé que j'étais par l'éclat apparent de la journée où j'opérais. EXPÉRIENCES DE 1885 Observations faites à Fau (Cantal). Altitude 650%. Pays de prairies et ter- rain volcanique. S. et A. S. signifient lueurs solaires au couchant et lueurs antisolarres. Dates Combustion Observations. solaire 0/0, 15 août. 21 Beau. Légers cirrus. 16 — 99 Beau. AT — 34 — 18 — 32 — 49 — 32 Vent d’'E. Ciel pur. , 20 — 30 — YA — 24 * Cirro-eumulus. Temps frais. 22 — 24 Ciel voilé le matin. 23 — 22 — Cumulus. 24 — 21 Ciel pommelé. 25 — 25 Temps orageux. Pluie le soir. 26 — 30 — Cumulus. 27 — 26 — — 2 sept. 32 Pluie la veille. Temps clair: S. faibles. 140 Dates. 12 13 29 sept. Combustion solaire 0/0. 0 43 28 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Observations. Journée pluvieuse et orageuse. Pas de soleil. Quelques échappées de soleil. Le bar. remonte. Journée mi-partie soleil et pluie. Pluie le matin, un peu de soleil le soir. Comme hier. Journée en apparence semblable aux deux précé- dentes. Bruine et pluie le matin, soleil le soir. S. et A. $. pendant plus d'une heure. Très belle journée, S. et A. S. Pluvieux le matin, éclaircies le soir. $S. et A.S. trè vives. Belle journée, couronnes autour de la lune. S. et A.S, Très belle journée. Quelques cirrus. Le soir, au cou- cher du soleil, quelques nuages au couchant jettent leur ombre au levant sur la lueur antisolaire. Il y a aussi, au voisinage de ces lueurs, des nuages dont la couleur rouge violacé est exactement la même, à la dilution près, que celle de la lueur anti- solaire. Couronne irrégulière autour de la lune, frangée et allongée dans certaines directions par des bandes de cirrus. Journée très belle et très chaude. S. et A. S. très belles. Journée très belle. S. et A. S. faibles. Très belle journée. Légers cirrus. Pas de $. et d’A.S. _ Cirrus et cirro-cumulus. Le soir, orage. Assez beau le matin. Couvert le soir. Pluie et orage à six heures. Journée mi-partie nuages et soleil. Belle journée. $S. et A. S. Belle journée, cirrus et cirro-cumulus. S. et A.S. Belle journée sans nuages. $. et A. S. belles, mais peu durables, comme la veille. Comme la veille. Cirrus nombreux. Le soir, cumulus et orage. Bar. en baisse. Journée sombre et froide. Halo lunaire. Journée médiocre; quelques échappées de soleil. Temps pluvieux le matin, sombre et froid toute la journée. Rares échappées de soleil. Brouillard et pluie toute la journée. Pluie le matin, le soir bruine. Pas de soleil. Dates. ler oct. 26 27 28 29 Combustion solaire 0/0. 3 ÉTUDES SUR L'ACTION SOLAIRE. 141 Observations. Pluie le matin. Très peu de soleil le soir. $S.etA.Ss. Brouillard violet dans la vallée. Assez belle journée. Le soir, lueurs violacées très sen- sibles au voisinage de Vénus, dont l'éclat est très vif. Giel voilé toute la journée. Beau le matin, le soir sombre. Belle journée. Très rares nuages. $S. et A.S. Journée brumeuse. Pluie tout le jour. Belle journée d'automne. Soleil un peu embrumé. Pluie le matin, soleil le soir. Pluie tout le jour. Très rares échappées de soleil. Pluie le matin, un peu de soleil le soir. Temps couvert, soleil rare. Ciel couvert, temps froid, vent du N. Gelée la nuit. Beau le matin, couvert le soir. Journée sombre et pluvieuse. Pluvieux le matin; le soir quelques trouées dans les nuages. Très belle journée d’un bout à l’autre. Très belle journée. Le soir, cirrus et halo de 220, Bar. en baisse. Sombre le matin, un peu de soleil le soir. Après trois heures, pluie continue. Journée pluvieuse, pas de soleil, Vilaine journée, temps sombre. Comme la veille. Assez belle journée, malgré un vent d'E. qui devient très fort à neuf heures. Journée pluvieuse d'un bout à l’autre. Mi-partie soleil et pluie. Deux courants aériens : l’un du $S.. supérieur, emportant des cirrus; l’autre, du N., inférieur, avec nuages en flocons. Ce dernier finit par dominer, et, après avoir donné des pluies intermittentes et légères, amène une nuit fraiche. Journée pluvieuse. Bourrasque la nuit. Journée assez belle. Journée pluvieuse. Journée pluvieuse, rares éclaircies. Ces deux mois d'observation prouvent déjà que la combus- tion solaire passe par des valeurs très différentes à 24 heures de distance. Faible ou nulle avec la pluie, elle s'élève notablement pendant les belles journées de soleil. Mais elle paraît subir d’autres 142 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. influences que celles que nous traduisons par les mots de belle journée, beau temps, etc... Si, d'une part, nous voyons, en effet, les journées du 20 au 24 août, très semblables de physionomieextérieure, se ressembler aussi beaucoup au point de vue actinométrique, nous avons, d'un autre côté, les exemples des 17, 18 et 19 septembre où le degré de combustion est à peu près resté le même et où, pourtant, le temps a été très beau pendant les deux premières journées, et très médiocre pendant la dernière. Un exemple inverse nous ést fourni par les 6, 7 et 8 septembre, qui ont différé beaucoup au point de vue actinométrique, tout en se ressemblant beaucou extérieurement. Il serait intéressant de découvrir sous quelles influences se produisent ces variations. En attendant que nous y arrivions, remarquons que la combustion des plus belles journées d'octobre n'atteint pas celle des plus belles journées de septembre ni d'août. On pourrait croire que c'est parce que la durée du jour est plus courte en octobre, mais la durée d'exposition au soleil a toujours été la même, de 8 h. 30 minutes du matin à 4 h. 30 minutes du soir. Il y a donc, il semble, une influence de la saison qu'il faudra essayer de rapporter à sa véritable origine. Continuons, pour le moment, à recueillir des documents pour cette étude. EXPÉRIENCES DE 1886 Même station de Fau (Cantal). Dates. Combustion Observations. solaire 0/0, 31 mai. 31 Belle journée. Rares cumulus. Vent d'E. après jour- : nées pluvieuses. 4er juin. 18 Cirrus, ciel voilé, temps assez chaud le matin. Bar. en hausse. eZ 12 Jour blanc, vapeurs avec rares éclaircies. Courant du S. dans les hautes régions. fn. 18 = Assez belle journée. Cirrus légers. Bar. stationnaire. 4 — 2 Sombre le matin. Pluie à midi, le soir éclaircies et averses. 5 — 4 sombre le matin. Le soir un peu meilleur qu'hier. 6 — 41 Soleil voilé le matin; éclaircies le soir. 1 3 Journée sombre, pluvieuse, froide, presque sans soleil. EE 6 Comme hier; une heure de soleil en tout. EE 4 Journée froide, pluvieuse, sans soleil. Bar. en légère hausse. . D in D ue NE ENT NON PRE PAT NS ETS | Dates. 10 juin it 12 15 CO 9 1 OO © Combustion solaire 0/0. 1 8 2 10 11 ÉTUDES SUR L'ACTION SOLAIRE. 143 Observations. Pluie tout le jour. Quelques éclairées. Bar. en hausse. Pas de soleil. Pluie, brumes, un peu de tonnerre vers 3 heures. Averses abondantes, mais courtes. Ciel couvert, rares éclaircies. Soleil intermittent. Cumulus emportés par un vent de NE WE Journée sombre. Bruine et pluie le soir. Belle journée; air sec ; vent du N. Nuages blancs. Comme hier. Journée assez sombre; temps un peu orageux. Matinéesombre ; soiréeavecun peu desoleil. Vent du N. Pluie le matin. Le soir, soleil et orage. Journée sombre. Soleil rare. Sombre, pluvieux, presque pas de soleil. Belle journée, surtout le soir; cirrus le matin, cumu- lus le soir. Très belle journée. Rares cirrus le matin. Le soir, bandes de cirrus orientées E. ©. Journée sombre et pluvieuse. Très rares éclaircies. Assez belle journée. Cirrus et cirrocumulus. Comme hier. Temps plus couvert ettrès chaud. Matinée assez belle; soirée un peu orageuse. Belle journée. Lueurs S. faibles. Très belle journée. Belles lueurs A. S. Beau le matin, orageux le soir. Beau le matin. Le soir très couvert et orage. Très belle journée. Très rares nuages. $. et A.S. Très belle journée; brume de beau temps. $. et A S. Trés belle journée, presque pas de brume. $. et A. S. Un peu brumeux. Menaces d'orage. Le soir, roule- ment continu de tonnerre pendant un quart d'heure, dans une couche de nuages très mince venant du N. W., et glissant entre une couche inférieure im- mobile et une couche supérieure venant du S. W. et emportant des cumulus. La nuit, orage. Pluie le matin, soirée médiocre. Sombre le matin. Soleil le soir. Un peu couvert vers midi. Le reste beau. Belle journée; rares cumulus. $. et A. S. Belle journée, temps calme. Belles lueurs A.S, Ciel un peu brouillé, menace d'orage. 14% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Dans cette série, les mesures actinométriques sont mieux d'accord avec l’aspect extérieur du temps. Mais il y a encore des discordances. On voit aussi que les cirrus et cirro-cumulus, et même les cumulus n’empêchent parfois pas la combustion d’êtré active. Enfin, on n'observe encore aucune dépendance entre l’action chimique et la présence des lueurs solaires et antisolaires. Si elles accompagnent parfois une combustion active, c’est qu’elles n'apparaissent que pendant le beau temps. Mais on en observe aussi bien pendant les journées à combustion très forte que pendant les journées moyennes. Cette mème année, j'avais fait à Paris d'autres observations dont j'ai perdu le détail, mais qui, dans leur ensemble, m’avaient fourni des nombres plus faibles, dans les belles journées, que ceux que j'ai relatés jusqu'ici. La combustion solaire m’appa- raissait donc moins intense à Paris qu’à la campagne, et j'étais confirmé dans cette idée par une autre longue série d'expériences dans lesquelles j’étudiais l’action de la lumière solaire sur diverses substances organiques!, plus résistantes que l’acide oxalique, et que j'étais obligé d'exposer au soleil pendant des semaines et des mois, avant que leur combustion füt terminée. Elles totalisaient ainsi les influences subies pendant la durée de l’ exposilion. Or, le temps nécessaire était toujours plus grand à Paris qu'à la campagne. Parmi les faits de cet ordre, je ne puis citer que celui-ci, parce que je me trouve l'avoir consigné, par hasard, dans un travail qui ne visait pas cette question. Une solution décime d'acide tartrique, exposée de 10 heures à 2 heures, chaque jour, au soleil de Paris, n'avait perdu par combustion, en 7 mois et demi, que 10 0/0 de son acide, tandis que, dans le Cantal, une solution identique en avait perdu #7 0/0 au bout de 2 mois. La durée d’exposition journalière avait été, il est vrai, plus longue dans le Cantal, et de plus, comme nous le verrons, la quantité d'action produite augmente plus vite que la durée d'exposition. Mais cela ne suffit pas à combler la différence. Dans une autre expérience, pour une combustion de glucose en liqueur alcaline, j'ai vu durer 2 ans à Paris ce qui n'avait demandé que 3 mois dans le Cantal. 1. Annales de l'Institut agronomique, t. X, 1886. à iv die ÉTUDES SUR L'ACTION SOLAIRE. 145 La première explication qui s’offrait à l'esprit est ure influence d'altitude. A Paris, on est presque au niveau de la mer. Dans le Cantal j'étais à 650 mètres. Je me suis installé en 1887 à 1,000 mètres environ, à Orcines, sur le plateau volcanique qui porte le Puy de Dôme. La maison que j'habitais, et où j'ai fait quelques observations malheureusement très contrariées par le temps, était séparée du sommet du Puy de Dôme par une dis- tance d'environ 4 kilomètres comptée sur la carte, sans tenir compte de la différence d'altitude qui était d'environ 400 mètres. J'ai profité de ce voisinage pour faire, avec le concours de M. Plumandon, directeur de l'observatoire, deux séries d’expé- riences comparatives destinées à me renseigner sur l'in- fluence propre de l'altitude. Je commence par donner les résul- tats recueillis à la station d’Orcines. EXPÉRIENCES DE 1887 Station d'Orcines, au pied du Puy de Dôme, altitude 1,050 mètres environ. Pays de bruyères, très peu arrosé et très peu fertile. Dates. Combustion Observations. solaire 0/0. 9 août. 44 Ciel couvert de 12 à 2 h. Journée très chaude. D LeLEAS Se 10 — DD Journée très belle. Vapeurs blanches à l'horizon. A1 — 66 Vent du N. W. un peu froid. Journée très belle. 42 — 49 Même vent, plus faible, ciel bleu. Baromètre bas. 15 — 25 Cirrus le matin. Temps demi-couvert. 23 — 47 Journée très belle après une série de gros temps. 24 — 25 Cirrus à l'W.; ciel voilé. Vent d'W. et du S. 25 — 20 Temps orageux, cirro-cumulus, puis cumulus. Orage du S. W. à 2,30. 26 — 23 Cirro-stratus le matin. Cumulus à l'horizon. 11 septembre. 16 Beau temps jusqu'à 2 heures. 142 — 10 Cirrus, cirro-stratus, puis cumulus. Couvert, rares éclaircies. 45 — 8 Mauvais temps depuis le 12. Un peu de vent, quelques éclaircies. 16 — 13 Temps un peu plus beau, ciel couvert par intervalles, AT — 8 Assez beau, mais ciel couvert. 18 — 8 2. 49 — 6 Journée médiocre. 22 — 40 Très belle journée dès le matin. 10 446 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Dates. Combustion Observations. solaire 0/0. 23 août 7 Un peu de brume le matin. Soirée très belle, 24 — 15 Très belle journée. 25 — 29 Très belle journée. - 926 — 24 Un peu brumeux le matin. Le soir beau. Les belles journées d'août dépassent notablement les belles journées de septembre, et en moyenne ces nombres sont supé- rieurs à ceux que j'avais trouvés les années précédentes dans le Cantal. Mais on ne saurait tirer de cette comparaison aucune conclusion relative à l'influence de l’altitude. Il faut pour cela des observations simultanées. L'année a été trop mauvaise pour que j'aie pu les organiser avec quelque suite à Orcines et au sommet du Puy de Dôme. J’ai pourtant pu faire 7 jours d’obser- vations comparatives, avec la même liqueur exposée pendant le même temps dans les mêmes conditions. Voici les résultats aux 2 stations : Station du Puy de Dôme. Station d’Orcines. 15 septembre. mi ) 16 — 8 8 22 —- 45 40 23 — 15 7 24 — 19 à) 25 — 30 29 26 — 45 24 Les combustions au sommet du piton de la montagne mar- chent à peu près du même pas que sur le plateau au voisinage: elles sont un peu supérieures en moyenne, mais sans parallélisme, et sans que l'effet de l'altitude soit très accusé. L'augmentation d'action le 26 tient sans doute à ce que le plateau était le matin couvert d’un peu de brume au milieu de laquelle émergeait le sommet de la montagne. Il en a été de même le 23. Si on fait abstraction de ces 2 jours, l'influence de l'altitude paraît médiocre ou nulle, et il demeure évident que ce n’est pas à des actions de cet ordre que nous devons demander l'explication de la différence des résultats observés à Paris et dans le Cantal. Je me suis alors demandé s’il n’y avait pas une influence de la transparence ou de l’opacité de l'air, et, par transparence, j'entends non pas seulement la transparence pour la lumière, mais aussi et surtout la transparence pour les rayons chimiques. Ne pourrait-il pas se faire que la radiation solaire s’appauvrisse PS ÉTUDES SUR L'ACTION SOLAIRE. 147 quand elle rencontre sur son passage des substances qui absor- bent les rayons chimiques, ou qui s’oxydent en les éteignant? C’est là une question qui se pose tout naturellement, et qu’on peut résoudre sans peine par des expériences comparatives faites le même jour dans un même lieu. Exposons par exemple au soleil deux cuvettes pareilles, lune flottant sur l’eau, l’autre à la surface d’un baïn d’essence de térébenthine placé au fond d’un large cristallisoir ; on trouve toujours que la combustion est nota- blement moins avancée dans la seconde que dans la première. Ces expériences ont été faites à Paris, en 1888, et perdues. Mais M. Elfving, professeur à l’Université d’'Helsingfors (Finlande), à qui j'en avais écrit le résultat, en a recommencé une sur l'essence de térébenthine, et je la cite d’après une de ses lettres. « J'ai répété et confirmé vos expériences. Le 30 août 1888, de 8 à 4 heures, par un ciel clair, il y eut 53 0/0 de l’acide brülé au-dessus de l’eau, et 39 0/0 au-dessus d’un bain d'essence de térébenthine. Le lendemain, où le jour est resté clair de 9 heures jusqu’à midi, les chiffres ont été de 47 et 23 0/0 pour la même durée d'exposition. Il est donc bien sûr que la présence dans l’air de substances oxydables diminue sensiblement l’action comburante au niveau du sol. » M. Elfving a appuyécetteconclusion de l'expérience suivante que j'ai à mon tour répétée et confirmée : elle consiste à tamiser les rayons solaires au travers d'une solution de sulfate de quinine, qui absorbe en partie les rayons chimiques, avant de la faire agir sur la liqueur oxalique. Un autre tamis, formé d’eau, donne un terme de comparaison. On pourrait à la rigueur se passer de ce dernier, car la quantité de vapeur d’eau ou d’eau liquide ou solide qu'ont traversée les rayons avant d'arriver au sol dépasse l'épaisseur de l'écran liquide qu’on emploie d’ordi- naire, et l'absorption par l'eau est du reste très faible. Dans mes essais, j'avais supprimé cette complication. M. Elfving se servait de deux cloches de verre à double paroi, contenant l’une de l’eau, l’autre une solution de sulfate de quinine. Il m'écrivait le 17 juin : « La lumière qui a traversé une couche d’eau est cinq fois plus active que celle qui a passé au travers d'une solution de sul- fate de quinine de même épaisseur. Je continuerai les observations au temps du solstice.…» et, le9 juillet, « j’ai fait encore une expérience avec le sulfate 148 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. de quinine. Le 27 juin, tandis qu'il fut brûlé en plein air pendant toute la journée 87 0/0 de l’acide oxalique total, et sous une cloche de verre remplie d'eau 78 0/0, la décomposition ne fut que de 10 0/0 sous une cloche iden- tique remplie de solution de quinine. » e Voilà donc, en résumé, une cause de variation trouvée pour le degré actinométrique. Toutes les huiles essentielles, les odeurs que la végétation répand dans l'air sont une cause d’affaiblissement dans la puissance actinique des radiations qui arrivent à la surface du sol. Comme les rayons chimiques ont un rôle incontestable dans la végétation d’après les expériences de MM. Bonnier et Mangin, la production de ces effluves odorants et oxydables est peut-être pour la plante un moyen de protec- tion. On a le droit de supposer, a priori, qu'il doit en être de même pour les matières grasses, très oxydables aussi, et cons- tamment présentes dans l'air. Seulement, pour vérifier cette conclusion par l'expérience, il faut se rappeler que l’oxydation solaire de la matière grasse s’accompagne d’une production d'acide qui élève le titre de la solution oxalique en même temps que la combustion solaire le diminue. Il faut donc, ou mettre très peu de matière grasse, de façon à ce qu'elle forme seule- ment au-dessus du liquide un voile imperceptible, soit, ce qui vaut mieux, la répandre en voile transparent sur une surface de verre interposée sur le trajet des rayons lumineux. Voici quel- ques expériences à ce sujet. EXP. Le 24 juin 1885, j'expose au soleil pendant six heures sept cuvettes de même dimension, contenant chacune 10 c. ec. d’une solution d'acide oxa- lique demi-décime. Deux de ces cuvettes, 1 et 2, ont leurs parois nettes. La cuvette 3 a été mouillée avec une solution de beurre dans le sulfure de car- bone, qui a laissé sur les parois une couche graisseuse qui les ternit à peine. En outre, ces parois ont abandonné à la liqueur oxalique, en vertu du jeu des tensions superficielles, une couche invisible de matière grasse. Pour en distinguer l’action de celle du dépoli des parois, on amène une quatrième cuvette au même degré d’opacité que la cuvette n° 3 en la frot- tant extérieurement avec de ia craie. Enfin, à la fois pour augmenter la quantité de matière grasse dans le liquide et pour savoir l'effet qu’y pro- duirait un peu d’opacité, on a préparé les cuvettes 1 bis, 2 bis et 3 bis comme les cuvettes 1, 2 et 3, en y ajoutant seulement en plus 2 gouttes de lait, soit environ à milligrammes de matière grasse. Cuvette no 1 Parois nettes. ....... SERRE 33 0/0 — 2 Parois netés NRA 1322070 — Parois mates, surface graisseuse. 29 0/0 ÉTUDES SUR L'ACTION SOLAIRE. 149 Cuvette n° 4 Parois mates par la craie.....…. 32 0/0 — 1 bis, comme 1 + 2 gouttes de lait.... 16 0/0 = DS 709 + = 17 0/0 _ SDS — 3+ — 17 0/0 D’autres expériences, dont les détails sont perdus, confirment ces résultats, et la matière grasse contenue dans le liquide ou répandue en couche invisible à sa surface, de même que celle qui couvre la paroi d’une cloche recouvrant la cuvette à acide oxalique, diminue, quoique dans une proportion plus faible que les huiles essentielles, l'effet actinique des rayons solaires. Enfin, il en est de même de beaucoup de substances, plus ou moins facilement oxydables, qui exercent aussi un effet protec- teur, ou relardateur, contre les radiations chimiques. Tel est par exemple l'alcool. EXP. Le 26 juin 1885, 2 cuvettes avec 10 c. c. de solution d'acide oxalique à 1/15 d'équivalent me donne une combustion de 33 0/0, la même pour les deux. Deux autres cuvettes identiques, additionnées de 2,5 ec. c. d'alcool à 950 ne me donnent qu'une combustion de 21 0/0. Le 14 septembre 188$, deux cuvettes avec une solution à 1/20 d’équiva- lent d’acide oxalique me donnent deux combustions identiques, s'élevant à 10 0/0. Elles sont seulement de 4 0/0 dans deux cuveites pareilles, addi- tionnées de quelques gouttes d’alcoolat d'oranges, où l'huile essentielle et l’alcoo! ont agi à la fois. J'ai fait de nombreux essais, dont j'ai perdu les détails, sur divers corps oxydants et oxydables. D'une manière générale les premiers aclivent l’action, et les seconds la retardent. Il y a aussi des phénomènes d'entraînement que je ne peux étudier ici, d’abord parce que ce n’est pas mon objet, puis parce que je dois auparavant refaire une expérience dont les détails sont perdus. Je me contente de tirer de l’ensemble de mes résultats la conclu- sion que voici : c'est que la nature et la proportion des éléments oxydables présents dans l’air se traduisent dans la combustion solaire de l’acide oxalique, qui est d'autant plus faible à la surface du sol que les radiations ont trouvé sur leur passage plus d'éléments instables à oxyder. Les matières organiques de l’atmo- sphère sont donc une protection contre une action trop intense des rayons chimiques, et l'effet qu’elles produisent est non seulement mesurable, mais encore parfois très puissant. En d’autres termes, nous ne savons pas quelle est la puissance chimique de la lumière solaire à son entrée dans l’atmosphère, 150 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. mais, en arrivant à la surface du sol, elle est si appauvrie qu'une petite couche de vapeur d'essence de térébenthine, de sulfate de quinine ou de substances sensibles suffit à la dépouiller presque com- plètement. C’est une conclusion à laquelle nous étions arrivé âu début, et que les résultats présents confirment. Cette conclusion a une contre-partie, c’est que l’atmosphère doit à chaque instant être le siège de combustions, de sorte que l'action d'assainissement qui ne se fait pas au niveau du sol doit se produire dans l’air, tant sur les matières organiques en vapeurs que sur les microbes en suspension. Ici nous retrouvons cette action hygiénique sur laquelle j'insistais tout à l'heure et dont nous commençons à connaître le mécanisme. EXPÉRIENCES DE 1888. Cette première question de l'influence possible des matières en suspension dans l’atmosphère se trouvant suflisamment ébauchée par les constatations qui précèdent, je me trouvais conduit à me poser la question suivante. C’est un fait connu que l’activité des procès végétatifs dans les régions du nord de l’Europe. Il faut, pour le blé de printemps, 145 jours en moyenne en Alsace entre la semaille et la récolte : il n’en faut plus, d’après M. Tisserand, que 133 à Halsnô, par 59030 de latitude, et que 114 à Skibotten, par 69°30 de latitude. La température moyenne de la période de végétation est pour- tant plus basse à mesure qu’on se rapproche du pôle. Cette diminution du nombre de jours de végétation à mesure que la latitude augmente semble une loi générale. D’après M. Arnell, l'orge met 117 jours à pousser dans la Suède méri- dionale, 92 dans la Suède moyenne, 89 en Laponie. Il est vrai qu'une partie de ces différences tient à une accommodation de la plante, car, semé chez nous, le blé de Norvège y pousse plus vite que le nôtre, tandis que le nôtre est en retard en Norvège sur le blé acclimaté. Mais il y a aussi une influence du climat, et même, d’après M. Grisebach, l’accélération constatée dans la végétation des plantes cultivées dans l’extrème Nord ne porte que sur la période comprise entre la germination et la floraison. Elle ne s'applique donc qu'aux organes verts, et, dès lors, met en jeu une question de lumière qui, d’après le résultat obtenu, ÉTUDES SUR L'ACTION SOLAIRE. 151 semble prépondérante sur la question de la température, En somme, avec ce que nous savons, l'influence actinique des rayons solaires semble augmenter avec la latitude. A quoi est due cette augmentation? Et d’abord se manifeste- t-elle sur nos solutions d'acide oxalique? Tel était le premier point à examiner. C’est pour cela que j'ai sollicité le concours de M. Elf- ving, dont j'ai cité plus haut une intéressante expérience. Je lui ai envoyé à Helsingfors une liqueur oxalique et des cuvettes pareilles à celles dont je me servais, de facon à assurer l'identité des conditions expérimentales dont nous pouvions disposer à notre gré. Malheureusement il ÿ en avait d’autres tout à fait hors de notre portée. L'idéal eût été de trouver une série de jours également beaux en France et en Finlande. Mais il y a, comme on sait‘, des raisons pour que ces coïncidences ne soient pas fré- quentes, et il aurait fallu, pour les rencontrer, plusieurs mois d'observations continues que ni M. Elfving ni moi ne pouvions entreprendre. Le mot beau jour implique d’ailleurs, comme nous l’avons vu plus haut, de telles incertitudes dans sa définition actinométrique, que l’on pouvait se contenter à moins de frais dans une première approximation. Il suffisait de comparer la combustion actinométrique des plus belles journées au fond du golfe de Bothnie à celles de France à la même époquedel’année. Ce n’est pas tout. La durée du jour est plus longue dans le Nord que dans le Sud pendant la période de végétation, et la durée de l’insolation a, nous le savons, une grande influence sur la qualité de la combustion. Aussi avais-je demandé à M. Elfving de faire par jour 2 séries d'expériences, une avec des cuvettes laissées à la lumière de 8 heures du matin à 4 heures du soir, comme celles sur lesquelles j’opérais en France, l’autre sur des cuvettes laissées exposées toute la journée, du lever au coucher du soleil. M. Elfving a fait à Helsingfors, du 27 août au septembre 1887, 5 expériences que je ne peux comparer avec celles que je faisais à ce même moment au pied du Puy de Dôme, parce que le mauvais temps avait interrompu les miennes. Mais je puis les comparer avec celles que j'avais demandé à un jeune élève de l'Ecole polytechnique de faire au même moment au bord de la 1. Voir à ce sujet ma Météorologie. Paris, Hermann, 1891. 152 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. mer, sur les côtes de la Manche. Elles se trouvent plus compa- rables à celles de M. Elfving, ayant été faites aussi dans une station maritime. Tout ce qu’on peut noter, au sujet de ces nombres relevés au bord de la mer, en Normandie, c’est qu’ils étaient en moyenne du même ordre que ceux que j’obtenais au même moment sur le plateau que porte le Puy de Dôme. Voici d’abord les observations recueillies en France sur les côtes de la Manche de 8 heures du matin à 5 heures du soir : Dates, Combustion Observations. solaire 0/0. 15 août. 44 Temps clair jusqu’à 1,30. Plus tard voilé,. 16 — 38 Pluie jusqu'à 2 heures, puis couvert. AT — 51 Très clair de 11 heures à 3 heures, puis voilé. 18 — 23 Aux 3/4 couvert jusqu'à 10 heures, clair de 10 heures à 3 heures, 19 — 33 Demi-couvert le matin. Puis assez clair. Légère brume. 20 — 21 Demi-couvert toute la journée. 2 — 28 Légèrement couvert le matin, puis clair. 22 — 30 — — — 23 — 36 Beau temps. 24 — 39 — — 25 — 42 Chaud, très lourd, temps clair. 26 — 32 Couvert le matin, clair de 12 à 3 heures. Couvert le soir. 27 — 23 Couvert, pluie de 10 heures à 11 heures. 29 — 24 Pluie incessante. On voit que la combustion solaire augmente avec le beau temps, diminue par les ciels couverts ou la pluie. Cette série de 1887 est tout à fait comparable a la série trouvée en 1885 dans le Cantal, à 700 mètres d'altitude, et cela confirme ce que nous avons dit plus haut sur la faible influence de l'altitude, en tant qu'altitude; c’est que ce n’est pas l'air qui a la puissance absor- bante la plus notable, mais bien les substances qui y sont con- tenues. Voici maintenant les 5 expériences de M. Elfving faites en 1887. ÉTUDES SUR L'ACTION SOLAIRE. 153 Helsingfors. — Latitude 60° 10°. — Durée du jour 14 heures. Hautèur du soleil au-dessus de l'horizon à midi, 30° environ. Dates. Combustion solaire 0/0 De 8 h, m. à 4 h. soir, Toute la journée. 27 août. 42 DD 28 — )0 65 29 — D3 64 2 sept. T4 87 l'en rl 89 « La différence entre les 3 premiers jours et les 2 autres est assez grande, elle tient sans doute à ce que l’atmosphère avait été purifiée par de fortes pluies les 30 août et 1‘ et 3 septembre. Déjà, en mars, j'avais observé cet effet des pluies. » (M. Elfving.) Les chiffres de la première colonne sont en moyenne supé- rieurs aux chiffres correspondants et comparables du tableau qui précède, et cette supériorité doit d'autant plus frapper que, par suite d’une erreur dans les conventions, l'exposition a duré, en France, une heure de plus qu'en Finlande. Il faudrait donc augmenter ces derniers, pour les rendre comparables aux autres, d’une certaine quantité. Mais ces expériences re sont pas assez nombreuses et, d'un commun accord, on les a recommencées en 1888. Voici celles que j’ai faites à Paris, dans le jardin de l'Institut agronomique, dans les mois de mai et juin 1888. Mes obliga- tions fonctionnelles m'ont astreint à ne les terminer qu’à 5 heures du soir et m'ont empêché de les faire en série continue. Je supprime 3 observations faites pendant un vent violent qui avait couvert mes cuvettes d’une couche de poussières. Exposition de 8 heures du matin à 5 heures du soir. Dates. Combustion Observations. solaire 0/0. L 12 mai. 46 Belle journée, vent du nord frais. 13 — 29 Très belle journée, un peu plus chaude que la précédente. 14 — D0 Cirrus le matin. Très belle journée. 15 — 23 Ciel couvert. Baromètre en baisse. 47 0— 52 Ciel couvert. Vent du sud, cirrus. 18 — 23 —- _ — AUS 27 Assez belle journée. Vent du nord. Cirrus et alto-cumulus. 21 — 39 Ciel couvert, quelques éclaircies le soir. Vent d'est, frais. 154 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Dates. Combustion Observations, solaire 0/0. 26 mai. 43 Quelques nuages le matin. Beau le soir. Vent du nord, frais. ES Er 30 Assez belle journée, quelques cirrus. Une bour- rasque approche. 4er juin. 33 elle journée, sans vent. 2 — bb] Journée chaude et orageuse. 3 — 39 Journée très chaude. Vent du midi. D — 42 Journée chaude et orageuse, temps un peu couvert, 12 — 64 Belle journée, un peu d'air. La correspondance entre la combustion solaire et l’état de l'atmosphère est moins nette qu’à la campagne, ce qui n'est pas surprenant, étant donnée l’hétérogénéité incessante de l’air d'une grande ville. Voici maintenant les observations de M. Elfving à Helsingfors : | Combustion solaire 0/0 Dates. De 8 h. m. à 4 h. soir. Toute la journée, 19 mars D0 — 21 — 47 D8 22 — D6 76 + 23 — Do 65 + 24 — 91 DD HROTE NX 44 æ 30 — 45 72 91 — o{ 72 4 juin 48 63 + T — 48 70 QUiSE LE 74 9 — d6 79 10 — D7 ir IL — D4 80 Aux jours marqués d'un +, le ciel a été plus ou moins cou vert à Helsingfors. Tous les chiffres de la seconde colonne devraient être un peu augmentés pour être comparables à ceux du tableau précédent. On voit qu'ils leur sont encore en moyenne supérieurs, bien qu'aucun n'atteigne le chiffre réalisé pour la journée du 12 juin à Paris, chiffre qui est à la vérité un chiffre très exceptionnel. Voici une autre série, d'août à septembre 1888, faite simul- tanément en France et en Finlande. nee de 8 heures du matin à 5 heures du soir. ÉTUDES SUR L'ACTION SOLAIRE. 155 Station des bains du Mont-Dore, à 1,050 mètres d'altitude. Pâturages et . bois de sapins. Dates. 9 août 10 11 12 13 14 27 28 Combustion solaire 0/0. 26 19 48 19 18 mn 1O 30 10 17 13 15 25 49 Observations. Cirrus le matin, augmentant le soir. Belle journée. — ciel légèrement voilé. — comme hier. Cumulo-cirrus le matin; beau l'après-midi, le ciel se couvre le soir. Belle journée. Le ciel se couvre un peu le soir; vent du sud. Très belle journée, atmos. limpide. Le soir cirrus. Pluie toute la journée. Ciel couvert et pluie. Belle journée: cumulo-cirrus et cirrus. - Cirrus toute la journée, surtout le soir. Pas de baisse barométrique. Grands cumulus blancs. Même temps qu'hier. Journée médiocre. Journée assez belle, cirrus nombreux. Journée médiocre. Journée assez belle. Quelques cumulus le matin. Journée médiocre. Journée assez belle avec quelques nuages. ‘Belle journée, soleil chaud, rares cumulus. Beau le matin, médiocre le soir. Belle journée, très chaude. Très belle journée, comme hier. Journée médiocre, chaude et lourde. Journée mi-partie nuages et soleil. Journée sombre. Superbe journée. Ciel beau le matin, couvert le soir. Journée un peu plus belle que la veille. Assez beau le matin, couvert le soir. Cumulus cachant environ 1/8 du ciel, Un peu plus beau que la veille. Journée un peu voilée, mais sans nuages. Ce qui frappe, en lisant ces chiffres, c’est qu’ils sont faibles, même ceux qui se rapportent aux belles journées. Ce sont les plus petits que j’aie relevés en moyenne en août et septembre, 156 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. bien que ce dernier mois surtout ait été assez beau. J'ai attribué ce fait à ce que la station où j’opérais est presque entièrement entourée de bois de sapins, répandant dans l’air des vapeurs de térébenthine. Mais je reconnais qu'il faudrait d’autres observa- tions comparatives pour établir solidement ce fait important, où on trouverait peut-être l'explication des bons résultats thérapeu- thiques du séjour dans les bois de pins. On retrouve aussi dans ces nombres le défaut de correspon- dance entre l'aspect de l'atmosphère et le degré de combustion solaire. Ainsi les belles journées du 14 et du 15 septembre ont eu une combustion totale inférieure à 10 0/0 tandis que les jour- nées du 27 et du 28 n’ont pas été sensiblement plus belles que celle du 26, et pourtant la combustion y a été beaucoup plus forte. Ces différences curieuses tiennent peut-être à la cause que nous invoquions plus haut. Si ce sont les vapeurs d'huiles -essen- tielles qui arrêtent au passage le rayonnement actinique, l'effet de ce que nous appelons une belle journée sera fort variable sui- vant qu'elle succédera à une période de pluies qui aura lavé l’at- mosphère, ou à une période de chaleur qui aura augmenté le nuage Invisible de vapeurs de térébenthine ou des autres essences odorantes dans la campagne. Mais tous ces points-là ont besoin d'être visés directement pour être touchés, et ce travail préli- minaire n’a pas d'autre prétention que celle d'ouvrir de nouveaux sujets d’études sur l'atmosphère. Voici, maintenant, comme terme de comparaison, les résul- tats de M. Elfving à Helsingfors, pendant la même période de la même année. Combustion solaire 0/0 Dates. DeSh. m. à 4h. s. Toute la journée. Observations. 22 août È6 66 Ciel clair. 23 — 51 60 Presque clair. 26 — 39 | 45 Nuages. 27 — 56 75 Clair. 28 50 68 A demi-couvert. 29 — DD 71 Ciel très clair depuis 9h. matin. 30 — TANE: 70 — == D 39 » Ciel très clair de 9 h. à midi. 2 sept. 49 D9 Ciel très clair. 3 — 49 67 _ 6 — D4 » Presque clair. ÉTUDES SUR L'ACTION SOLAIRE. 15 = 1 Combustion solaire 0/0. _ Dates. DeSh.m.à4h.s. Toute la journée. Observations. 8 sept. 49 » Clair le matin, couvert ensuite. EME D2 62 Cieltrès clair. AUREZ D6 » — 14°. 59 » — 14 — 51 » Ciel clair. A5 46 » — 10 D » = AT — j1 » A 18 — 42 » Nuages. La régularité est plus grande ici qu’en France, et on remar- quera en particulier la ressemblance étroite au point de vue acti- nométrique des jours qui sont notés de même comme très sem- blables dans la colonne des observations (29 et 30 août, 2 et 3 sep- tembre, 14, 15, 16 et 47 septembre). Mais, ce qu'il y a de plus frappant dans ce tableau, quand on le compare à celui qui précède, c'est que les chiffres de la combustion de 8 heures du matin à 4 heures du soirsont notablement plus élevés qu'ils ne l’étaient à ce même moment, en France de 8 heures du matin à 5 heures du soir. C’est ce que nous avions déjà constaté à deux reprises plus haut. Il ne peut donc pas rester de doutes sur ce point : l'intensité actinique de la lumière des pays du Nord, au voisinage du sol, est plus grande que dans nos régions tempérées. Il était curieux de se demander ce qui arrive quand on s’approche de l'équateur. J'ai profité, pour commencer cette étude, de l'offre obligeante de mon ami, M. Gessard, qui, pendant son séjour à Sétif (Algérie), a bien voulu faire quelques observations avec une liqueur que je lui avais envoyée et qui avait la même sensibilité, à peu près, que celles qui ont servi aux essais précédents. Sétif est sur le flanc sud de la chaîne des Babers et des Bibans, et domine une plaine immense, en contre-bas de 2 à 300 mètres, et bornée à 35 ou 40 kilomètres par une petite chaîne de montagnes qui la sépare d’une autre plaine plus étendue, le bassin de la Hodna. Celui-ci n’est plus séparé du Sahara que par un faible relief montagneux. La plaine, au-dessous de Sétif, est donc exposée aux influences désertiques, s’échauffe beaucoup le jour, se refroidit la nuit, et l’appel produit pendant la journée vaut d'ordinaire à Sétif un vent frais du nord. Malgré cela, la chaleur y est grande, l'évaporation forte, et pour que les cuvettes ne perdent pas tout leur liquide par évaporation, il faut y mettre 20 c. c. deliqueur oxalique et les faire 158 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. nager sur l’eau d’un grand cristallisoir. Voici les nombres obte- nus par cette méthode. L'exposition avait lieu de 8 heures du matin à 5 heures du soir. D Al 12 43 15 17 18 19 20 ‘21 Dates. 2 juillet Combustion solaire 0/0. 12 14 10 14 16 17 62 18 Observations. Nuages. Temps orageux, ciel couvert. Nuages plus rares que les deux jours précédents. Temps clair, sans poussière. Nuageux par instants. Bourrasques, beaucoup de poussière. Arrêté avant » heures. Temps couvert. Beau temps. Temps couvert; quelques gouttes de pluie. Nuages, rafales, poussières. Beau temps. Orage de grêle à 7 h. du soir. On ne voit pas la montagne du sud à 5 h. du soir. Pas de nuages, horizon très visible. Temps couvert à partir de 2h. Temps couvert à partir de midi, ondée à 3h. Ces expériences ont été reprises en août, simultanément à Sétif et dans le Cantal. Voici celles de Sétif. Les jours où il a été fait des observations correspondantes dans le Cantal, on a mis ce dernier nombre entre parenthèses. Dates. août 6 Combustion solaire 0/0. Observations. Nuages à partir de midi. Tonnerre et pluie à 4 h. 30. Assez belle journée, rares nuages. Soleil irrégulièrement voilé. Pas de nuages. Soleil et ciel pur toute la journée. Vent du nord. Pas de nuages. Soleil et ciel pur toute la journée. Vent du nord. Pas de nuages. Soleil et ciel pur toute la journée. Vent du nord. Pas de nuages. Soleil et ciel pur toute la journée. Vent duS. W. Pas de nuages. Soleil et ciel pur toute la journée. Vent du $S. W. Quelques nuages dans l'après-midi. Vent du N.-E. Nuages de midi à 3 h. Mème jour que la veille. ils voté, ÉTUDES SUR L'ACTION SOLAIRE. 159 Dates. Combustion Observations. solaire 0/0. 28 août 8 (42) Pas de nuages. Belle journée, vent du N. et N.-E. 290 — 7 (41) — — 2 30 — 7 (35) Pas de nuages, belle journée, vent duS. W et du N.-E. 4 RE 7 (39) = — vent du S.-E, 15 sept. 9 Temps couvert toute la journée. 9 — 10 (27) Beau soleil toute la journée. 22 — 10 Nuages rares. 23 — 11 Beau. Le soleil a brillé toute la journée. 24 — 11 Soleil parfois voilé à partir de midi. 25 — 14 Ciel couvert toute la journée, vent du sud. On voit que, sauf la journée exceptionnelle du 8 juillet (pour laquelle on n’a qu'une observation, le vent ayant submergé l’une des deux cuvettes, et peut-être apporté des poussières dans l'autre) tous ces nombres déterminés en Algérie sont notable- ment inférieurs à ceux qu'on trouve en France à la même époque et surtout à Helsingfors. Il est très curieux de voir de belles journées sans nuages à Sétif se traduire par une combustion de 7 à 9 0/0 à la fin d'août, pendant qu'on observe des combustions de 35 à 40 0/0 dans le Cantal, par de belles journées aussi, et alors qu'à Helsingfors, par de belles journées de septembre, nous trouvons, à la même époque, avec des cuvettes contenant seule- ment 10 c. c., des chiffres dépassant 50 0/0. Ilne paraît donc pas douteux que la puissance actinique du soleil ne soit plus faible à Sétif qu’en France, et en France qu'en Finlande, et cela bien que la température moyenne aille au contraire en décroissant du Sud au Nord. Si ces résultats se généralisaient, il faudrait en conclure que le climat actinique marche à l'inverse du climat thermométrique, ce qui se comprend du reste, si on admet que la chaleur est le facteur principal de l’expansion dans l'atmosphère des produits organiques combustibles qui arrêtent d'autant plus le rayonnement actinique qu'ils sont plus abondants. J'incline plutôt vers cette explication que vers celle qui mettait en jeu la puissance de l'ozone. Mais ce n’est pas le moment de discuter cette question. Nous en avons une autre à aborder. Nous venons de voir qu'il y a une différence de qua- lité dans la lumière versée sur les différents points du globe. Il est clair que les différences de durée d’insolation amènent d’autres différences dans la quantité. 160 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. Les jours utiles à la végétation dans le Nord sont plus longs que chez nous. Quelle est l'influence de la durée de l’éclaire- ment sur le phénomène chimique qui nous sert de moyen de mesure? L'effet produit est-il proportionnel à la durée de l’expo- ” sition au soleil ? Croît-il plus ou moins lentement qu’elle ? Telle est la question que nous avons à nous poser. Je la crois neuve, parce que, jusqu'ici, dans les instruments météorologiques comme dans les spéculations théoriques, on a toujours envisagé que l'effet d'un éclairement était, toutes choses égales d’ailleurs, proportionnel à sa durée. Nous allons voir qu'il n’en est pas ainsi, et qu'il croît beaucoup plus vite. INFLUENCE DE LA DURÉE DE L'ÉCLAIREMENT Jusqu'ici nous avons pris, comme représentant Peffet acti- nique total pendant la période d'exposition, le total de l’acide oxalique brûlé. Les conclusions auxquelles nous sommes arrivés subsistent, quelle que soit la loi qui relie la combustion à l'effet actinique, à la condition que l’un augmente ou diminue avec l’autre, et nous savons qu'il en est ainsi. Mais la loi de cette augmentation mérite une étude plus approfondie. Pour la faire, demandons-nous si l'effet total de combustion observé à la fin d’une journée, sur une solution d’acide oxalique exposée au soleil, représente la somme des divers effets actiniques pro- duits aux diverses heures. Pour le savoir, exposons, l’une à côté de l’autre, deux cuvettes renfermant la même quantité de la même solution, l’une que nous étudierons seulement à la fin du jour, l’autre où nous ferons le dosage acidimétrique au bout d’une heure, en la remplaçant de suite par une autre toute pareille, renfermant du liquide neuf, et que nous traiterons de même une heure après. Si les effets actiniques s'accumulent, sans pertes ni empiètements, dans le liquide de la cuvette restée toute la journée au soleil, la quantité d'acide dont nous y cons- taterons la disparition devra être égale à la somme des quan- tités d'acide disparues dans les cuvettes exposées une heure cha- cune. L'expérience, plusieurs fois faite, montre qu'il n’en est jamais ainsi. Le total des quantités d'acide brûlées dans les cuvettes exposées une heure chacune est insignifiant au regard de celles ÉTUDES SUR L'ACTION SOLAIRE. 164 qu’on trouve brûülées dans la cuvette qui a passé la journée au soleil. La différencé est variable d’une journée à l’autre. Elle diminue un peu quand on porte à deux heures la durée minima de temps d'exposition des cuvettes successives, encore plus quand on la porte à 3, à 4. En partageant la journée de dix heures en deux périodes égales, l’une de sept heures du matin à midi, l’autre de midi à cinq heures, le total de l'acide brülé daus les deux cuvettes correspondant aux périodes d'exposition ne dépasse quelquefois pas la moitié de l’acide brülé dans la cuvette exposée dix heures au soleil. Nous pouvons donc con- clure de l’ensemble de ces expériences qu'il y a un temps mort au commencement de la combustion, qu’une heure et demie, deux heures sont nécessaires pour que la combustion commence: pendant cetle période le travail est tout intérieur, et ne se traduit par aucune diminution du titre acidimétrique. Ce temps mort du début ne doit pas nous surprendre. Quand on étudie à ce point de vue les diverses réactions de la chimie, on s'aperçoit qu’il n’y en a guère qui commencent immédiate- ment, dès quesontréalisées les conditions extérieures de leur pro- duction. MM. Bunsen et Roscoë ont observé ce fait dans leurs recherches relatives à l’action de la lumière sur un mélange de chlore et d'hydrogène, et l’ont étudié sous le nom d’induction photochimique. Un mélange de formiate et de. permanganate de potasse reste en apparence inerte pendant quelques secondes, après lesquelles commence un dégagement gazeux abondant, et en quelque sorte explosif, d’acide carbonique, provenant de l'oxydation de l’acide formique. Ce n’est de même qu'au bout d’un instant que du chlorure d'argent se réduit à la lumière en présence d'une matière organique, el on constate des temps morts toul pareils dans toutes les opérations photographiques, qu’il s'agisse d’impressions lumineuses, de développement des clichés on de tirage des posiiifs. En quoi consiste le travail moléculaire qui s’accomplit pen- dant cette période? c'est ce qu’il est difficile de dire. Il est probablement du même ordre que celui qui s’accomplit pendant la période de sensibilisation de notre liqueur oxalique, dont nous avons parlé plus haut. J'ai constaté en effet qu’il est moins ong avec les solutions sensibilisées qu'avec les solutions neuves, de sorte que si celles-ci ne subissent pas au soleil le même degré 11 162 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. de combustion que les autres, c’est en partie parce que le temps mort à l’origine est plus court. Je dis en partie, parce que la combustion commentée, elle ne marche pas, comme nous allons le voir, d'un pas régulier, mais subit une accélération plus ou ; moins grande. Pour nous rendre compte de sa marche, modifions un peu l'expérience qui précède. Exposons le matin au soleil une douzaine de cuvetles toutes pareilles, et toutes les deux heures, retirous-en deux qui nous donneront le total de la combustion jusqu’à ce moment-là. Il sera facile de tirer de là la marche de là combustion au long de la journée. Voici une expérience que je cite, non pas qu’elle soit la plus complète de celles que j'ai faites, mais parce qu'elle a porté sur un liquide de même sensi- bilité que celui d’autres expériences que j'aurai à citer tout à l'heure. Expérience. — Le 6 septembre 1888, à 8 h. 30 du matin, j'expose au soleil 4 cuvettes que je retire à divers intervalles, et je mesure les pro- portions d'acide oxalique brûlé. Combustion solaire 0/0 Après 2 heures 0 — 4 heures 3 — 8 heures 10 ÿ; — A0 heures 12 On reconnait au départ le temps mort de l’origine. On voit de plus que de la 4° à la 8° heure, c’est-à-dire de midi et demi à quatre heures et demie, la combustion a été deux fois plus rapide que pendant les quatre premières heures; elle a même été plus rapide que de dix heures et demie à midi et demi, malgré la distance croissante du soleil au zénith. De quatre heures et demie à six heures et demie, elle a aussi été très sensible, malgré le soleil déjà bas sur l'horizon. Ce fait est général, et de l’ensemble de mes résultats, je crois pouvoir conclure, comme vérité démontrée, que la marche de la combustion horaire ne reste pas constante, et au lieu de croître vers midi pour diminuer ensuite, subit dans la soirée une accé- lération progressive, qui ne s’éteint que lorsque le soleil est près de se coucher. Tout se passe donc comme si la sensibilité de la solution dé dti, él ei, ÉTUDES SUR L'ACTION SOLAIRE. ! 163 oxalique augmentait avec la durée d'exposition à la lumière. Rien ne nous dit en effet que la sensibilisation que nous l'avons vue subir à l'obscurité, sous l’action du temps, arrive ainsi à son maximum, et rien n’est plus naturel que d'attribuer à la lumière la faculté de prédisposer à la combustion l'acide oxalique qu’elle n'a pu encore oxyder et faire disparaitre. L'expérience suivante montre en effet qu'une solution restée exposée au soleil et qui ne s'y est pas complètement brûlée, con- serve pour le lendemain une sensibilité plus grande qu'une solution non insolée la veille. EXPÉRIENCE. — Elle se fait en exposant chaque jour à la lumière # cu- vettes identiques, dont 2 sont étudiées le même jour, et deux autres mises en réserve pour le lendemain, jour où on les expose de nouveau au soleil avec deux cuvettes neuves. On compare le total de la combustion dans les deux jours consécutifs à la somme des combustions dans les cuvettes exposées chacune un jour. Voici quelques-uns des résultats. Journée du 2 sept: Combustion 40 0/0 ) ;,, F0 88 "0)0 ue 3 sept. 24 À Journées des 2 et 3 sept. 68 0/0. L'oxydation a donc doublé. Voici une autre expérience : Journée du 4 sept. Combustion 12 0/0 ; : 23 0/0. — ) sept. — 11 \ Journées des 4 et à sept. — 38 0/0. La différence est un peu moins grande que tout à l'heure parce que les deux journées ont été toutes les deux médiocres, tandis que la journée du s septembre, dans l'expérience précédente, avait été assez belle. On voit que la cuvette insolée de la première expérience a subi le second jour une combustion de 68 — 10 = 58 0/0, alors qu'une cuvelle neuve ne subissait qu'une combustion de 24 0/0. Pour la seconde expérience, les chiffres sont 26 et 11. La sensi- bilité de la solution oxalique augmente donc par l’insolation, et cette augmentation persiste au moins du jour au lendemain. Des expériences du même ordre, dans le détail desquelles je n'entrerai pas, prouvent que cette exaltation de la sensibilité produite par l’insolation dure jusqu'au surlendemain, dans une liqueur conservée ensuite à l’obscurité, et que ce n’est qu'après trois jours qu’on n’en trouve quasi plus trace. La liqueur insolée revient à la sensibilité de la liqueur mère, qui semble ainsi cor- respondre à une sorte d'état d'équilibre. Il est remarquable en effet que les diverses liqueurs sensibles dont j'ai eu besoin dans 164 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ces expériences, et qui ont été préparées à des époques très diverses, avec la précaution de ne les utiliser qu’au bout de quelques mois, avaient toutes, au moment de l’usage, à peu près la même sensibilité. Précisément les 8 et 9 septembre, j'ai eu à changer de liquide, et j'ai profité de ce que les deux jour- nées élaient médiocres pour comparer l’ancienne liqueur et la nouvelle. La combusion a été la même pour les deux. M. Elfving a comparé de même deux solutions que je lui avais envoyées à un an de distance et a trouvé, dans quatre jours d’expériences, les nombres correspondants suivants pour l’ancienne et la nouvelle : »8 et 56; 52 et 51; 63 et 60; 42 et 35. L'ancienne solution était un peu plus sensible, c’est ce qui a lieu d’ordinaire, mais la différence était très faible. On peut se demander si l'augmentation de la combustion dans une cuvelte insolée la veille ne tiendrait pas seulement à la suppression du temps mort que nous avons constaté au début de linsolation. Il suffit, pour le savoir, de couper, par une observation intermédiaire, les deux journées d'insolation, et de chercher quelle est la combustion pendant chacun des intervalles. Exp. — Le 12 septembre 1888, par une belle journée de soleil chaud avec rares cumulus, on expose 4 cuvettes, 1, 2, 3, 4. La cuvette 1 est éludiée après 6 heures. La combustion y est de 10 0/0 — 2 — 9 — —— 18 0/0 Les cuvettes 3 et 4 sont exposées à nouveau le lendemain avec 2 cuvettes neuves 3’ et 4. Cette journée du 13 est très belle : rares cirrus. . La cuvette 3’ est étudiée après 6 heures. La combustion a été de 13 0/ — 3 — 6 — — 44 0/0 La différence est donc considérable et tient certainement en partie à la diminution du temps mort dans la cuvette insolée la veille. Mais il n’y a pas que cela, car, dans la seconde moitié de la journée, cette cuvelte conserve l'avance. La cuvette 4’ a été étudiée après 9 heures. La combustion y est de 25 0/0 = 4 = D —- 62 0/0 ‘L’accélération se conserve donc toute la journée, puisque tandis que dans la seconde moitié du second jour le liquide neuf ne subissait qu’une augmentation de 25 — 15 —12 0/0 dans sa combustion, le liquide insolé la veille passait de 44 à 62, subis- sant ainsi une augmentation de 18 0/0. On peut remarquer de même que le matin il avait augmenté de 26 0/0, tandis que le liquide neuf n’avait subi qu’une combustion de 13 0/0. C'était à ÉTUDES SUR L'ACTION SOLAIRE. 165 cause du temps mort. Les deux liqueurs se sont un peu plus égalisées le soir, mais la solution insolée a conservé l'avance. Enfin, ce qui n’est pas moins curieux que tout ce qui précède, c’est que cette sensibilisation exagérée sous l’action de la lumière permet à la solution de subir à la lumière diffuse une combus- tion qu'elle ne subit pas lorsqu'elle est à son degré de sensibilité normale : c'est ce que montre l'expérience suivante. En août 1889, à Noalhac, tout près d’Aurillac, à une altitude de 700 mètres environ, je prépare une liqueur d'acide oxalique sensible dont partie est abandonnée dans un flacon, à une lumière très faible, et partie est enfermée dans un flacon bouché et exposé au soleil : c'était pour voir si la sensibilisation au soleil s’accompagnaïit nécessairement d’un procès de combustion. L'expérience en flacon clos a montré qu'il n’en était pas ainsi. Le liquide contenu n’a eu à sa disposition que la petite quantité d'oxygène dissous qu'il a consommé en diminuant faiblement de titre, et en un jour d’insolation il a atteint une sensibilité exaltée qu'on à main- tenue quelques jours, en le gardant ensuite à la lumière diffuse. Le 30 août, j'expose au soleil 2 cuvettes, contenant de ce liquide insolé, en même temps que 2 cuvettes du même liquide non insolé. Les chiffres de combustion solaire sont 48 et 49 0/0 pour ce dernier, de 92 et de 92 0/0 pour l’autre. La journée a été fort belle. Le flacon de liqueur insolée est resté au soleil. Le 31 août, on prépare 2 groupes de 2 cuvettes, contenant l’une, du liquide non insolé; l’autre du liquide insolé. L'un de ces groupes est exposé au soleil; l’autre sur l'appui d’une fenêtre exposée au nord, où il ne reçoit que la lumière du ciel, tamisée ce jour-là par un peu de brume sèche. Le chiffres trouvés après 8 heures d'exposition ont été les suivants : Liquide non insolé perd 24 0/0 au soleil. — insolé — 63 0/0 — — non insolé 6 0/0 à la lumière diffuse. — insolé 19 0/0 — Le surlendemain 2 septembre, par une journée sombre avec menaces d'orage, la même disposition a donné les chiffres suivants : Liquide non insolé perd 13 0/0 au soleil, — insolé — 50 0/0 — — non insolé perd 3 0/0 à la lumière diffuse. — _insolé — 6 0/0 — Ainsi l’insolation préalable augmente la rapidité de combus- tion non seulement à Ja lumière directe, mais aussi à la lumière diffuse. L'expérience du 31 août montre pourtant, lorsqu'on la compare à la première, que cette lumière diffuse doit avoir une certaine intensité pour que son effet soit mesurable après quel- ques heures. La liqueur insolée, exposée dans une chambre sur 166 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. un point éloigné de la fenêtre, ne change pas sensiblement de titre dans l'intervalle de ‘quelques jours, mais elie en change en un mois, et on observe ainsi chez elle, avec une intensité plus. grande, les phénomènes de combustion lente remarqués, depuis Witistein, dans les solutions titrées d’acide oxaliqe. Cette sorte d'impression solaire persiste en effet après que la solution a été mise dans l’obscurité : EXPÉRIENCE. — On recommence une expérience identique à celles qui précèdent avec cette différence que le flacon contenant la dissolution in- solée à l'abri de l’air est gardé trois nuits et deux jours au laboratoire avant d'être distribué dans les cuvettes le 6 septembre. Malheureusement cette journée du 6 est troublée par des cirrus et des nuelles. Liquide non insolé perd 7 0/0 au soleil. — _ insolé — 20 0/0 —- Les combustions à la lumière diffuse ont été insignifiantes. La proportion d’acide oxalique brülée au soleil est donc encore, après trois nuits et deux jours, trois fois plus grande dans la liqueur insolée que dans l’autre. Mais elle décroît ensuite, et après quelques jours la différence cesse d’être mesurable après un jour d'exposition. Nous retrouvons donc là cette rétro- gradation de la sensibilité que nous avons signalée plus haut. Cette impression solaire qui s’efface lenteinent, se produit au contraire très vite, et en étudiant comparativement des fla- cons exposés au soleil 1, 2 et 3 jours consécutifs, je n’ai pu constater entre eux aucune différence sensible. Si nous revenons maintenant, avec les résultats acquis, à notre étude sur la lumière des régions voisines du pôle, nous voyons que ces régions ont à ce point de vue une double supé- riorilé sur les nôtres. L'une, qui tient à la constitution de leur atmosphère, c'est que Pabsorption des radiations chimiques de la lumière solaire y est moins complète que chez nous. La puissance actinique, au niveau du sol, dépasse celle que nous constatons autour de nous aux diverses heures de la journée. L'autre, due à leur situation géographique, tient à ce que pendant la période de végétation le jour y est plus long que dans nos régions lempérées, et que la puissance actinique, du moins sur les solutions d'acide oxalique, augmente plus vite que la durée du jour et ne lui est nullement proportionnelle. C’est “ . d à si at AZ ÉTUDES SUR L'ACTION SOLAIRE. 167 ce que montrent avec netteté les résultats comparatifs des expé- riences faites à ma prière par M. Elfving et relatées pages 153, 154 et 156. Après une période de préparation, la combustion com- mence, s'accélère de façon à réparer d’abord la perte de temps du début, et finit par atteindre le soir des chiffres très élevés, inconnus dans nos régions. C'est ainsi qu’elle s’est élevée à 87 et 89 0/0 les 2 et 4 septembre 1887, à 79 et 80 0/0 les 9 et 11 juin 1888, à 75 0/0 le 27 août 1888, alors que les nombres les plus élevés, relatifs aux mêmes périodes, et avec les mêmes liquides, ne s’élevaient pas à 50 0/0 dans nos régions et étaient mème parfois notablement au-dessous. Non seulement l’effet d’une belle journée augmente sensible- ment plus vite que la durée, mais encore l'effet d'une belle matinée peut suftire à rendre la combustion rapide dans une soi- rée sombre et nuageuse. Il suffit que le liquide ait été sensibi- lisé, et comme cette sensibilisation doit être d'autant plus rapide que l'intensité actinique est plus considérable, la constitution de l'atmosphère des pays du nord les favorise à ce point de vue plus que nous. Enfin la sensibilisation produite par une belle journée per- siste pendant queluues jours. Si donc une succession de beaux jours ne produit pas, au point de vue chimique, un elfet notable- ment supérieur à leur durée, la sensibilité ne s’exaltant pas outre mesure et atteignant rapidement un maximum qu’elle ne dépasse que lentement, une succession de mauvais jours succédant à une belle journée n’est pas une période inerte et perdue, à rai- son de la sensibilité chimique acquise au début. On retrouve là, sous une autre forme, ce système de pondération qui atténue les gros effets, augmente les petits et qu’on a observé dans tant d’autres phénomènes naturels. En somme, il semble qu'on ait fait fausse route jusqu'ici en considérant les actions chimiques de la lumière solaire comme indépendantes des lieux, etcomme proportionnelles à la durée de l'insolation fournie par les instruments météorologiques. La puissance actinique d’une journée n’est pas la même à jour égal pour les diverses régions du globe, et son effet croît plus vite que sa durée. Tel est l’enseignement principal qui résulte de ce mémoire. | Jl y aurait un pas de plus à faire. Nous venons de constater 168 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. dans la solution oxalique une sorte d'emmagasinement de la lumière, se traduisant par une sensibilisation de la liqueur. L’oxygène présent dans un liquide ne pourrait-il pas à son tour être sensibilisé et revêtu d’une puissance oxydante qu'il pour- rait ensuite exercer à la lumière diffuse? Je n’ai rien trouvé en cherchant dans cette voie avec l'acide oxalique; mais j'avais auparavant été plus heureux avec des substances, non pas plus oxydables, mais à dosage plus précis, de sorte que la plus petite varialion de proportion devenait mesurable. Je veux parler des diastases. J'ai montré que de la présure s’oxydait et disparais- sait dans une eau qu'on avait préalablement exposée au soleil, alors qu’elle restait intacte ou à peu près dans la même eau pui- sée au robinet. J’ai fait voir aussi qu’un flacon de verre exposé au soleil emmagasinait sur ses parois ou dans son contenu assez de radiations chimiques pour activer ensuite l'oxydation d’une solution de présure qu’on y laissait séjourner à l’ombre. Les liquides ou solides insolés peuvent donc, comme nos solutions d’acide oxalique, acquérir des propriétés qu'ils n'avaient pas avant. Et dès lors les phénomènes de combustion solaire prennent dans l’économie générale du monde une impor- tance sans doute très inférieure à celle des ferments, mais qui n’est pas négligeable, et de plus présente une flexibilité d’allures et une variété d'actions tout à fait comparables à celle que manifestent les êtres microscopiques. J'ai montré que dans une dissolution de glucose, rendue alcaline par la potasse, l’action solaire donne parfois de l'alcool et de l’acide carbonique par une combustion intérieure analogue à la fermentation alcoolique. Je viens de découvrir que l’on peut produire dans les mêmes condi- tions, non plus quelque chose d’analogue à la fermentation alcoolique, mais quelque chose d’analogue à la fermentation lac- tique. Il n’y a plus d’alcool, ou presque plus, mais il se forme de l'acide lactique. L'action lumineuse, variable en quantité suivant les lieux et les saisons, comme l’ont montré les divers chapitres de ce mémoire, peut donc encore se différencier à son arrivée par la qualité des effets produits. Tous ces faits donnent à l'étude de cette radiation chimique une importance de premier ordre, et je m'estimerai heureux si les premiers résultats contenus dans ce travail excitent les savants à de nouvelles recherches. VACCINE ET RÉTROVACCINE A BATAVIA Par LE Dr L. J. EILERTS DE HAAN La vaccine a été introduite dans les Indes-Orientales néer- landaises huit ans après sa découverte par Jenner, et depuis ce moment, le gouvernement de ces îles a pris grand soin de sa propagation. Cette culture de bras à bras a néanmoins été inter- rompue bien des fois dans tel ou tel district, et il fallait attendre alors une nouvelle importation d’un autre district ou de la Hollande. Maintes fois, à raison de la distance, le vaccin venu de Hollande ne donnait que des résultats médiocres ou nuls. C’est pour cela que plusieurs médecins civils et militaires des colonies ont essayé de cultiver la vaccine sur des veaux ou des vaches : chose surprenante, ils n’ont réussi à cela qu'en 1884, année ou le D' Schuckink Kool a réussi l’inoculation sur une génisse de la vaccine provenant d'un enfant. Cette rétrovaccine donna de bons résultats, et, en 1890, l’heureux expérimentateur reçut mission de fonder à Batavia un Institut pour la culture du vaccin animal, destiné à en fournir aux districts qui en manqueraient. Cet Institut n’a eu depuis aucun besoin du vaccin d'Europe, et fournit assez de vaccin pour que j'aie pu proposer l’an dernier de commencer sur une large échelle les inoculations sur l'homme avec de la vaccine animale. Il fallait s’attendre aux objections de ceux qui différencient la rétrovaccine et le cowpox, et n’attribuent pas à la première la puissance de protection de la seconde. J'ai donc dû comparer les deux virus, et voici le résumé de mes résultats dans les 5 dernières années. Les chiffres du tableau sont les nombres d'inoculations réussies, en moyenne, sur dix piqûres faites à chaque enfant vacciné. 170 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Cowpox et rétrovaccine fraîche. Cowpox et rétrovaccine cons. Vaccine humanisée — dans la glycérine. de bras à bras. 1891, 85 enfants europ. 5,8 93 — indig. 6,3 82 enfants indig, 3,5 125 enfants indig. 5,7 1992, 291 — ‘europ. 7,1 AT ES, odie 4,20 0086 0 rie: 026 164 enfants indig. 8,5 1893, 197 — europ. 7,2 155% aindir OAI indig. 6,7 241 — indig. 7,0 1892. 484 — europ. 7,5 110 — indig. 6,4 65 — indig. 6,3 849 — indig. 6,5 1895. D — europ. 1,8 83 — indig. 7,1 La plupart des personnes venues en 1895 ont été inoculées par 2 stries de 2 à 3 centimètres de longueur; voici les résultats comparatifs : Rétrovaccine fraîche. Rétrovaccine conservée. Sur 225 enfants européens, Sur 326 enfants indigènes, 209 ont eu 2 stries réussies. 226 ont eu 2? stries réussies. 10 ont eu 1 strie réussie. 49 ont eu 1 strie réussie. 4 ont eu moins d’une strie. 9 ont eu 0 stries. (Quatre 2 ont eu Ostries. (L'un avait de ces enfants avaient eu la eu la petite vércle en 1874.) petite vérole en 1894 et 1895.) Au sujet du premier tableau, je dois ajouter que, depuis le 8 mai 189%, le cowpox d’origine n’a plus été employé à l’Ins- titut de Batavia, et que depuis l’an dernier on n’inocule plus que la rétrovaccine fraiche et conservée dans la glycérine. On voit que les vaccins de ces 3 origines donnent les mêmes résultats sur l’homme, en ce qui concerne la proportion des inoculations réussies. Mais si les pustules sont aussi nombreuses dans un cas que dans l’autre, il n’en résulte pas que les pouvoirs protecteurs soient égaux. Voyons ce que dit à ce sujet l'expérience. 4'e série. — Un singe (Macacus cynomolqus) est rasé sur le dos sur une surface d'environ 10 €. c., qui est lavée au savon, puis avec une solution d'acide borique et salicylique, puis séchée. On fait ensuite 5 piqüres avec de la rétrovaccine fraîche- ment récoltée sur une génisse. Quatre jours après, papules qui montrent des excavations le 7° jour, et évoluent à la façon ordinaire. Cette expérience faite sur 6 autres singes donne le même résultat. Le singe peut donc recevoir la rétrovaccine. VACCINE ET RÉTROVACCINE A BATAVIA 171 2° série. — Ces sept singes sont inoculés à nouveau, dès que les croûtes sons tombées, avec la rétrovaccine fraîche. Aucune pustule. Le singe infecté par la rétrovaceine est donc immunisé contre la rétrovaccine. 3° série. — Un singe est inoculé, avec les mêmes précautions 3e passage de petite vérole sur le Macacus cynomolqus, d'après une photographie de M. le Dr Roll. que dans la première série. avec le contenu de pustules de variole, trouvée sur un enfant javanais. Sept jours après, papules excavées et entourées d’une aréole. En outre, quelques papules aux lèvres et aux extrémités. Cette généralisation ne s’est pro- duite qu'une fois dans sept expériences pareilles, que j'ai faites toutes les fois que j’ai pu rencontrer un cas de petite vérole. Mais toujours j'ai eu des pustules. Le singe peut donc être infecté avec la petite vérole de 172 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. l’homme, et celte variolation ne donne le plus souvent qu’une éruption locale. L° série. — Un singe est inoculé avec le contenu des pustules d’un des singes de la 1'° série. Ce second passage donne, après 1 jours, de bonnes pustules. Même résultat jusqu’au 7° passage. 5° série. — Les singes de la 4° série sont inoculés, après que les croûtes sont tombées, avec de la rétrovaccine fraîche. Aucune pustule. La rétrovaccine cultivée par passages sur le singe garde donc son pouvoir infectant et son pouvoir immunisant. 6° série. — Les sept singes de la 2° série et les six singes de la 5° sont inoculés avec le contenu de pustules de petite vérole. Aucune pustule. La rétrovaccine de la génisse, aussi bien que la rétrovaccine cultivée par 7 passages sur le singe, préserve donc le singe contre la petite vérole. 1° série. — La petite vérole du 1° singe de la 3° série est inoculée sur un second singe : on n'obtient que des pustules localisées au point d’inoculation. Les 3°, 4°, 5°, 6° et 7° passage donnentles mêmes pustules, toujours en 7 jours. (V.lafig.p.171.) Cette série d'expériences est répétée 3 fois avec le même résultat. 8° série. — Avec le 6° passage de la 7° série, on inocule un veau. Après cinq jours, ce veau montre des pustules qui ressemblent sous tous les rapports à la vaccine ordinaire du veau. Cette expérience a été répétée avec le même résultat avec le 7° passage de la 7° série. 9e série. — Le second veau de la 8° série est inoculé, sept jours après la première inoculation, avec de la rétrovaccine fraiche, et cela sans résultat. On peut donc tirer de ces expériences cette conclusion impor- tante que la rétrovaccine défend l'organisme du singe contre le virus de la petite vérole. Ce fait plaide en faveur de l'identité de cette rétrovaccine avec la vaccine ordinaire qui produit les mêmes effets. Nous ne savons rien en ce moment sur l’origine du cow- pox, souche de la vaccine, ni sur les relations de ces virus avec VACCINE ET RÉTROVACCINE A BATAVIA 173 celui de la variole. Comme on a observé dès l’origine que le véritable cowpox, transplanté longtemps de bras à bras, ou de génisse à génisse, dégénère, on a cherché une source où le renouveler, et Badcock a essayé le premier de cultiver le vaccin par inoculation de la variole à la vache. Il a vu ainsi une vaccine magnifique se développer, et il l’a employée avec succès sur 14,000 personnes. Ceely, Vogt, Elernod et Haccius, King ont répété ces expériences, considéré cette variole mitigée comme un vrai cowpox, et l’ont fait servir avec succès à des vaccinations. Seules, les expériences de Chauveau aver- tissent qu'il faut être prudent dans cette voie. Mais il n’en reste pas moins avéré que la petite vérole, mitigée par passage de eau sur veau, peut servir [de vaccin contre la petite vérole, tout à fait comme le véritable cowpox. Dès lors on peut se demander pourquoi le véritable cowpox, la petite vérole mitigée et la rétrovaccine ne seraient pas iden- tiques. Ces trois virus : 4° donnent chez l’homme, en 7 jours, des pustules de même aspect, avec un accès de fièvre plus ou moins fort ; 2° protègent contre la variole; 3° changent de durée de développement quand on les inocule à diverses espèces d’ani- maux; 4° dégénèrent après un nombre plus ou moins grand de passages sur la même espèce. J'insiste sur les deux derniers points. La pustulation de la vaccine et de la rétrovaccine dure 7 jours chez l’homme, 5 jours chez la génisse, 7 jours chez le singe. La variole inoculée au singe évolue aussi en 7 jours dans ses passages successifs, et cette variole de 7° passage, rapportée à la génisse, donne en 5 jours des pustules excavées et aréolées, dont le contenu évolue encore en 5 jours chez une seconde génisse. Sur le quatrième point, j'ai à dire que les 3 vaccins contre la petite vérole dégénèrent assez vite sous le climat de Java, plus vite qu’en Europe. J'ai fait à ce sujet beaucoup d'expériences avec la rétrovaccine : du 7° au 15° passage, on voit les pustules se rapetisser,s’appauvrir en lymphe, et ne donner sur une nou- velle génisse que des pustules inutilisables. Avec le cow-pox, même résultat : en voici un exemple frap- pant. Au commencement de 1894, j'eus le plaisir de recevoir, du D' Violi de Constantinople, un des défenseurs les plus convaincus de la vaccination avec du cowpox véritable, une 174 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. petite quantité de vaccin provenant du cowpox. Ce vaccin porté sur la génisse a donné de la rétrovaccine excellente pendant les 9 premiers passages. Au dixième, les pustules étaient petites : au 11°et au 12°, meilleures; au 13° et 14°, moins bonnes ; au 15° et 16°, bonnes: au 17°, 18, 19° et 20°, moins bonnes. Au 21° passage, une génisse fut inoculée par 180 piqûres du virus du 20° passage. Aucune pustule ne réussit, le virus était mort. La petite vérole miligée du singe peat, nous venons de le voir, supporter 1 passages; elle s’affaiblit au 8°. Dans une autre expérience, après 6 passages donnant des pustules magni- fiques, le 7° n’en a plus donné que de petites. Le virus du 4° passage de celte dernière expérience a été inoculé à un veau qui a montré de belles pustules le 5° jour. Le contenu de ces pustules, inoculé à un autre veau, a donné de bonnes pustules jusqu'au 8° passage. Tout cela conclut évidemment en faveur de l'identité entre la vaccine, la rétrovaccine et la variole mitigée, Il me semble qu'il est illogique de les séparer. Pourquoi distinguer le vaccin humanisé, obtenu par culture de bras à bras du cowpox de la vache, du rétrovaccin provenant de £e vaccin humanisé revenu sur son terrain d’origine? Quant à ceux qui ne croient pas à l'identité de la petite vérole mitigée et de la vaccine, je leur demanderai : 1° si la variole inoculée à l’homme, qui reste localisée et beaucoup moins dangereuse que la variole acquise par voie naturelle, a cessé par là d’être la variole; 2° si la variole inoculée à la vache par Badcock, Voigt, etc., a cessé d’être la variole; 3° si la petite vérole de mes expériences sur le singe n’est plus de la petite vérole? Dans ces trois cas, la variole est-elle devenue une variole atténuée ou une maladie nouvelle ? La rage du chien, atténuée sur le singe, n'est-elle pas toujours la rage? \ Je reconnais qu'il manque à ma démonstration d’avoir rapporté la variole mitigée du singe sur l’homme: c’est une expérience que je ne me suis pas cru en droit de faire. L'expé- rience de Chauveau enseigne à être prudent et je ne me croirais autorisé à faire celte tentative que si Je vaccin ordinaire dont je me sers me manquait au moment d’une épidémie. Mais j'espère qu’on répétera mes expériences à ce sujet. né PPS ii Ti Ste -Héatifané.s | ons EP TE RSR SEL. Son ROLL DEP ts Fr ou 0 rude ve VACCINE ET RÉTROVACCINE A BATA VIA. 175 Quoi qu'il en soit, la rétrovaccine est une pratique précieuse dans les pays tropicaux qu’elle rend indépendants de l'Europe au point de vue des vaccins. Peut-être le singe pourrait-il servir de terrain de culture. Il est plus facile à transporter que la génisse. En tout cas, celle-ci peut suffire. Il faut savoir pour- tant que le premier passage de la vaccine de l’homme sur cet animal ne donne pas toujours de grosses pustules. Mais, à la seconde inoculation, tout va bien. Il en est de même pour le premier passage du vaccin de la génisse sur l’homme. Aussitôt qu'un passage de rétrovaccine de veau sur veau donne des pustules moins bonnes, il est avantageux de renou- veler la culture en reportant le virus d’un enfant sur le veau. J'ai employé cette méthode pendant plus de deux ans, et j'ai réussi à avoir toujours du vaccin excellent à ma disposition sous un soleil tropical. lt ES SSD LES MICROBES DES RIVIÈRES DE L'INDE Extrait d’une lettre de M. HANKIN, D'AGRA. « J'espère vous envoyer bientôt un résumé de ma découverte au sujet du pouvoir que possède l’eau de certains fleuves de lInde, comme la Jumna et le Gange, de détruire le microbe du choléra. Cette action bactéricide me semble due à la présence de certaines substances acides volatiles. Cette découverte pré- sente de l’intérêl, en ce qu’elle explique pourquoi, dans l'Inde, le choléra ne voyage jamais dans le sens du courant dans la vallée du Gange, mais nous arrive toujours de son berceau dans le Bengale. Les cadavres des morts du choléra sont souvent jetés dans les fleuves, et comme on ne connait encore aucun cas authentique de contamination par cette voie, même chez ceux qui boivent exclusivement de l’eau des fleuves, c’est une des principales raisons pour lesquelles les médecins indiens n'ont pas voulu croire à l'origine hydrique du choléra. « J’ai trouvé qu’au contraire le microbe du choléra se multiplie 176 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. vigoureusement dans l’eau des puits de la région. Les fleuves seuls semblent avoir un pouvoir merveilleux d’auto-purification. Voici, comme exemple, quelques nombres déterminés avec l’eau. de la Jumra, qui arrose Agra. Cette ville de 160,000 habitants envoie tous ses égouts de surface dans la Jumna. La contami- nation bactériologique ainsi produite s’évanouit à moins de 12 milles et demi dans le sens du courant. Le nombre des bac- téries qui est de 700 ou 750 par c. c. en amont de la ville, en face de la prise d'eau, monte à 16,000 et 21,000 au droit de la ville. Il tombe à 6,200, 7,600, 4,200 entre 3 et 4 milles de distance, à 500 et 760 entre 5 et 6 milles, et au bout de 120 milles est revenu aux chiffres de 125 et 130, tous pareils à ceux qu'on relève à Dhobus Ghat, à 5 ou 6 milles en amont d’Agra. Ces observations datent du commencement de février. Quant au bacille du choléra, l’eau possède la même action bactéricide sur lui, qu’on la puise au-dessus ou au-dessous de la ville, au voisinage d'un cadavre récemment jeté dans le courant ou près d’un cadavre ayant séjourné depuis longtemps dans l’eau. Voici les nombres : Après. RE DE Em Eau de laTumnas 20 er 7 A l’origine. 1h. 2h. 3h.30° 6h.30° 21h. 48h. En amont, filtrée au Berkefeld...... 1,200 200 0 Ô 0 0 0 ONE CE IL Et ne Aa PE On 1,500 0 0 0 0 0 0 Près d’un vieux cadavre...,..,..... 1,250 50 (! 0 0 0 0 Près d’un cadavre récemment jeté. 2,000 500 200 0 0 0 0 En amont, eau bouillie..,..,........ 1,250 1,209 1,500 200 1,000 2,000 25,000 Haute PUS ES Rene 1,200 1,250 1,700 4,200 1,500 3,000 16,000 Les nombres du tableau sont les nombres de colonies de baciiles du choléra. On voit que l’eau de la Jumna bouillie et l’eau de puits favorisent la multiplication des microbes. D'autres expé- riences similaires ont donné les mêmes résultats, et la culture en peptone a montré que tous les microbes du choléra dans l’eau de la Jumna étaient réellement tués. « Agra, 19 février 1896. » DST REVUES ET ANALYSES LE POUVOIR FERMENT ET L'ACTIVITÉ D'UNE LEVURE REVUE CRITIQUE I En rapprochant de ce que l’onsaitsur la fermentation alcoolique les considérations développées dans ma dernière Revue critique, on peut voir combien se complique, quand on cherche à le pénétrer dans le détail, ce phénomène qui alongtemps paru si simple qu’on le traduisait par une équation chimique. On peut se le représenter en gros sous la forme suivante. Supposons un liquide nutritif et sucré dans lequel on introduit une semence très faible de levure. Celle-ci va se multiplier. Si nous envi- sageons seulement ses variations de poids, nous verrons qu’elle se multiplie rapidement à l’origine, tant qu’il y a de l’oxygène dans le liquide; plus lentement ensuite, à mesure que l’oxygène se fait plus rare. Si, au moment où elle ralentit ainsi son mouvement de prolifé- ration, 1l reste encore beaucoup de sucre dans le liquide, ce sucre dis- paraît peu à peu, sans qu’il se forme en quantité sensible de nouveaux globules, et par l'effet de la vie prolongée des globules déjà existants qui s’épuisent, de sorte qu’à l'augmentation de poids survenue pendant la première partie de la vie de la levure, succède une diminution prove- nant de ce que l'augmentation du nombre des globulesne compense pas Ja dissolution de leurs éléments par suite de l’épuisement. Il y a donc un maximum dans le poids de la levure d’un liquide en fermentation. Ce maximum est d'autant plus voisin de la fin de la fermentation qu'il y a moins de sucre et plus de levure, que laération est plus facile, que le liquide est plus nutritif, et, en somme, comme je l’ai montré en 1835, dans ma Thèse, le poids de levure trouvé à la fin d’une fer- mentationaccomplie dans les conditions ordinaires n’apprend a priori rien sur le poids maximum de la levure réellement entrée en action. Quand le maximum ne s’est pas produit pendant la fermentation, il se produit quand elle est terminée. Les globules abandonnés à eux- mêmes dans le liquide fermenté continuent à vivre en liquéfiant leurs matériaux et en donnant même un peu d'alcool au dépens de leurs 12 178 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. hydrates de carbone en magasin. C’est ce que M. Pasteur a appelé la vie continuée des globules de levure, et nos notions à ce sujet datent de son mémoire de 1860 sur la fermentation alcoolique. Elles ont été souvent redécouvertes depuis. ; Voilà pour ce qui concerne le poids de la levure. Si nous passons maintenant à ce que nous avons appelé son activité dans notre dernière Revue, c’est-à-dire à la quantité de sucre que l'unité de poids de cette levure, dans les conditions où elle opère, fait disparaître dans l’unité de temps, nous trouvons que cette activité est très variable et se tra- duit très différemment suivant les conditions de l'expérience. Au contact de l’air, elle est très grande en apparence et se traduit, non par une abondante production d’alcool, mais par une abondante prolifération de cellules. C’est la plante végétal qui s'accroît. Le sucre disparaît rapidement, et une partie plus ou moins considérable de ce sucre se retrouve à l’état de cellules vivantes. Quand l’oyygène se fait rare, l’activité reproductrice de la levure diminue; mais, comme elle devient ferment, et utilise de ce fait beau- coup plus incomplètement son aliment qu’elle ne le faisait lorsqu'elle avait beaucoup d’air, elle a besoin d’en avoir davantage à sa dispo- sition. Enfin, lorsque l’air lui manque, elle ne prolifère presque plus. Tout Faliment qu’elle consomme. est employé à nourrir et à sustenter les globules déjà formés, qui ont une vie moins active du fait de la priva, tion d’oxygène, mais qui ont besoin de plus d’aliment, parce qu’ils l'utilisent plus mal que jamais. L'activité, telle que nous l'avons définie, résulte de cette superposition du besoin et de la fonction, de la quantité et de la qualité. Dans ces conditions, la plante végétal ne s'accroît presque plus, c'est la plante ferment qui est consommatrice, et le total du sucre qu’elle transforme en alcool peut atteindre un chiffre élevé, soit que l’activité soit faible et.le temps de l’action considérable, soit que l’activité soit encore assez forte et le temps de la fermentation moyen. En envisageant séparément l’un de l’autre le premier et le dernier stade que nous venons de décrire, on peut les considérer comme représentant en gros : le premier, la période de formation des tissus et de construction de l’être vivant; le second, la période d’entretien sans augmentation de poids, sous l’influence de la vie protoplasmique. Mais cette séparation est arbitraire et un peu illusoire, car elle fait croire que ces deux actions peuvent être séparées. Dans la réalité, elles s'accompagnent forcément et sont la rançon l’une de l’autre. Je n’ai jamais pu comprendre la fameuse distinction établie par CI. Bernard, dans ses Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux végétaux et REVUES ET ANALYSES. 179 aux animaux, entre les phénomènes de création vitale ou de synthèse organique et les phénomènes de mort ou de destruction organique, phénomènes qui seraient, les premiers, d’ordre physiologique, les seconds, d'ordre physico-chimique, et qui, dans leur succession, seraient « les deux phases du grand acte vital. » On sait que CI. Ber- nard avait essayé d'isoler les derniers des premiers, en les étudiant là où il pensait qu’ils se manifestaient seuls, dans les fermentations et les putréfactions. L'erreur fondamentale du point de départ de ce raisonnement lui a fait méconnaître le grand fait de la formation de la levure pendant la fermentation. En réalité, dans la vie physiolo- gique, il est impossible de séparer le travail de construction et le travail de destruction qui sont concomitants et liés par une loi encore obscure d’équivalence. Même lorsque la levure semble le plus ne songer qu'à l'édification de cellules nouvelles, son protoplasme respire, brûle ses matériaux et donne de l’acide carbonique. Mème lorsqu'elle semble ne se préoccuper que de faire vivre les cellules déjà faites et ne plus songer à la reproduction, on voit, en y regardant de près, qu'il y à encore création de tissus, et que si les vieux globules s'épuisent, c'est en partie au profit de globules jeunes ou de bour- geons nouveaux. Le maximum de poids de la levure a lieu, non pas au moment où de nouveaux globules cessent de se former, mais au moment où le poids total des globules néoformés compense la dimi- nution de poids résultant du travail d’épuisement et de solubilisation des anciens globules. Plus tard, c’est la diminution qui l’emporte jusqu’au moment où la levure, affaiblie et totalement ou presque totalement vidée, prend de nouveau un poids constant que des années de séjour dans le liquide fermenté font à peine varier. On voit par ce qui précède quelle foule de combinaisons variées entre le poids de sucre disparu, le poids d’alcool et le poids de levure peuvent prendre naissance dans des fermentations mises en train avec des liquides plus ou moins nutritifs, plus ou moins sucrés, plus ou moins aérés, exposés à des températures variées. On pourrait presque indéfiniment multiplier à ce sujet les essais, les analyses et les tableaux d’expérience, et publier des volumes. Mais quand on ren- contre un de ces gros mémoires, bourrés de chiffres, il faut toujours se rappeler ces quelques lignes de M. Pasteur : « Dans l’étude des fer- mentations, dit-il, il n’est pas difficile de constater des faits particu- liers, isolés, nouveaux ou paraissant d'être, tant ils sont nombreux et changeants. Mais si on n’en cherche pas la liaison avec le phénomène principal, si on n’établit pas que cette liaison existe ou qu’elle n’existe pas, souvent, au lieu d'éclairer le sujet, on ne fait que l’obscurcir. » 180 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. Il Ceserait porter un jugement trop sévère que d'appliquer cesderniers. mots aux travaux que M. Ad. Brown! a publiés sur l’Znfluence de l'oxy- gène sur la fermentation alcoolique et sur le Caractère spécifique des fonctions fermentatives des cellules de levure,ete.Sans doute, M. Ad. Brown paraît avoir très inexactement interprété les vues de Pasteur sur la théorie physiologique de ia fermentation. Il confond presque constam- ment, dans ses articles, ce que nous avons essayé de séparer plus haut sous le nom de pouvoir ferment et d'activité de la levure, c’est-à-dire une notion d’espace et une notion de vitesse. La critique de son travail se trouve en entier contenue dans les pages de la dernière Revue et dans les lignes qui précèdent ; il n'est pas nécessaire de la dégager. Il nous semble préférable d'extraire du mémoire de M. Ad. Brown des chiffres qui, convenablement interprétés, confirment les notions quenous avons établies plus haut, et vont au contraire contre celles de l’auteur. Il y a, dans le travail de M. Brown, trois séries d’expériences. Je passerai rapidement sur celle où il prouve que dans des conditions extérieures identiques, et en présence de l'air, le pouvoir ferment d’une levure est beaucoup plus grand au début de l’action quand on lui donne du dextrose à consommer que lorsqu’on lui donne du sucre candi. On sait, au moins depuis M. Dumas”, en 1872, que le dextrose est plus rapi- dement fermentescible que le saccharose. parce que la levure est dispensée du travail préliminaire de l'interversion. Les deux aliments ne sontpas à l'origine les mêmes, ni fournis en même quantité, puisque l’interversion du sucre candi n’est jamais immédiate. Il n’y a donc pas à s’étonner que les activités et les pouvoirs ferments de la levure dans ces deux cas soient différents au début. Ils s’équilibrent ensuite. Il n’y a là aucun argument contre les idées de Pasteur, et nous pouvons passer à la seconde série d'expériences. Elle a consisté à mettre dans à flacons, en présence de 100 c. c. d’eau de levure, des quantités de 2,5 grammes, à grammes, 10 grammes, 15 grammes, 30 grammes de sucre de cannes; on ensemençait avec une trace de levure en laissant les cols fermés par un bouchon d’ouate. On aétudié toutes ces fermentations dès qu'elles ont été terminées, sauf pour la dernière, qu’on a interrompue et étudiée lorsqu'il y restait environ 5 grammes de sucre. On mesurait le poids de levure formée, on comptait le nombre relatif des globules, et on avait ainsi ce qu'il faut pour cal- culer les pouvoirs ferments. J’en ai tiré les activités composant la dernière colonne du tableau ci-dessous, qui donne le résumé des expériences. 4. Trans., 1892, p. 369, et Journal of the Chem' Society, 1894, p. 911. 9. Ann. de Ch. et de Phys., 1872. REVUES ET. ANALYSES. 181 Numéros. Durée de la Grammes de Poids de la Nombre prop. Pouvoir Activités fermentation. sucre fermenté. levure en gr. de cellules. ferment. de la levure, fl 5 jours. 2,5 0,124 8,51 20,2 ; 2 D — 9,0 0,155 9,94 92 » 8 ARS 10.0 0,177 10,44 56 8 4 12 — 20,0 0,140 A4 47 143 12 à) 20 — 25,2 0,138 12,26 182 9 Il est trop clair que ces fermentations, bien que faites et données comme comparables, ne le sont pas, et qu'on ne saurait mettre au même niveau une levure ensemencée dans une solution à 2,5 0/0 de sucre, et celle qui est ensemencée dans le sirop à 30 0/0 de la dernière expérience. Ni au début, à cause des différences dans la concentration du sucre, ni à la fin, à cause des différences dans la concentration de l'alcool, les globules de levure ne sont dans des conditions compa- rables. Prenons pourtant ces résultats dans leurs traits généraux. Le poids de la levure n'augmente pas aussi vite que le poids du sucre, et même diminue dans les deux derniers liquides. De cela, il n’y a pas à s'étonner: cela rentre dans les notions développées au commencement de cet article. Tout ce qu’il faut conclure, c’est que c'est pour ce liquide à 10 0j0 de sucre que le maximum du poids de levure est le plus rapproché de la fin de la fermentation. Malgré la diminution de poids de la levure dans les expériences 4 et 5, on voit, en étudiant la colonne qui fournit les chiffres propor- tionnels du nombre des globules dans les divers flacons, que ces nom- bres vont en croissant : conclusion, ils sont plus épuisés dans les expé- riences 4 et 5 que dans les précédentes, puisqu'ils pèsent moins sous un nombre plus grand. Ce sont des globules affaiblis. Et pourtant leur pouvoir ferment augmente. C’est que le temps de la fermentation devient de plus en plus grand. Mais dégageons cette influence, et pour cela contentons-nous, les expériences n’étant pas nettement comparables, de négliger la valeur de ’%» dans l'expression du pouvoir ferment p p =m + at que nous avons établi dans notre dernière Aevue. Nous obtiendrons la valeur de &« en divisant le pouvoir ferment par le temps de l’action, compté en gros en jours. En faisant le calcul pour les expériences 3, 4 et à, les seules où le pouvoir ferment soit assez élevé pour qu’on puisse négliger la valeur de %# toujours voisine de l'unité, on trouve pour les valeurs de a les nombres inscrits à la dernière colonne du tableau, ce qui montre que les activités sont à peu près du même ordre, les variations que présentent les chiffres calculés s’expliquant 182 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. très aisément par les variations dans les conditions de la fermenta- tion, dans la facilité de contact avec l’oxygène, dans l’action dépressive de l'alcool produit, etc. Il n’y a donc rien dans cette expérience qui ne soit d’accord avec la théorie et les idées que M. Ad. Brown combat. J’en dirai autant de sa dernière expérience. Elle a consisté à faire fermenter dans 3 flacons 1,2 et 3, fermés à la ouate, 40 grammes de sucre de canne en dissolu- tion dans 200 c. c. d'eau de levure. Le flacon 2 a été étudié aussitôt la fermentation terminée. Dans le flacon 1, on a siphonné, la fermentation terminée, le liquide limpide surnageant le dépôt de levure, et on l’a rem- placé par 10 grammes de sucre en solution dans 50 c. c. d’eau de levure. Puis celte seconde ferméntation achevée, on en a refait par les mêmes moyens une troisième, après quoi on a étudié le liquide. A ce moment on a étudié de même le flacon 3, abandonné à lui-même depuis la fin de la première fermentation. Le tableau suivant donne pour chacun de ces liquides les mêmes enseignements que le tableau de plus haut. Numéros. Durée de la Grammes de Poids de la Nombre prop. Pouvoir Activités. fermentation. sucre fermenté. levure en gr. de cellules. ferment. 1 13 jours. 30 0,299 9,38 100 hs 2 4 — 10 0,343 9,02 29 1,2 3 ER 10 0,243 9.40 41 3 Tous ces flacons contiennent à peu près le même nombre de cellules. C’est dans le flacon 3 qu’elles sont le plus épuisées et ont le poids total le plus faible, à cause de leur séjour dans le liquide où elles ont continué à solubiliser leurs matériaux, une fois la fermentation terminée. Dans les flacons 1 et 2, il n’y a en somme de différence que celle-ci, c’est que la même quantité de levure à fait fermenter des quantités de sucre qui sont entre elles comme 4 et 3. Les pouvoirs ferments sont très différents de ce fait, mais les durées d'action sont aussi différentes, et quand on calcule, comme nous l'avons fait plus haut, l’activité, on trouve les nombres de la dernière colonne, aussi égaux qu’on pouvait le supposer en considérant que les 2 expériences sont comparables, la première n’ayant fait que répéter trois fois la seconde. Le chiffre correspondant au flacon n° 3 est plus faible, la levure ayant diminué de poids pendant l’épuisement. Il est clair que le chiffre 3 représente l’activité moyenne de la période où il y a eu fer- mentation et de celle où la fermentation avait cessé. En somme, on voit queles résultats obtenus par M. Ad. Brown sont en parfaite harmonie avec les idées de Pasteur etne peuvent, parsuite, servir à les combattre. REVUES ET ANALYSES. 183 IT Le reproche le plus fréquent fait à la théorie de Pasteur est qu'elle ne peut citer à son actif aucune expérience précise. Elle repose sur des faits et des inductions, mais nulle part Pasteur n’a essayé de séparer et d'évaluer à part les deux phénomènes principaux dont il admet la superposition dans une levure qui fermente, je veux dire la respiration au moyen de l'oxygène libre et la respiration au moyen de l'oxygène combiné. C’est une lacune que MM. Giltay et Aberson se sont proposé de combler ‘. Mais la question est difficile, et &« priori on ne pouvait s’y promettre grand succès. Essayons de voir pourquoi. S'il existait une équation de la fermentation alcoolique, si, par exemple, la transformation du sucre se faisait toujours suivant l’équa- tion classique CS HE Of — 20° HO + 2C0°? il serait très simple de séparer par le calcul le sucre qui a fermenté suivant cette équation de celui qui a subi une combustion totale. Il faudrait mesurer la quantité totale de sucre consommé, la quan- tité d'alcool produit et d’acide carbonique dégagé. De la quan- tité d’alcool formé, on conclurait la quantité d’acide carbonique de fermentation d’après l’équation écrite plus haut. Si cet acide carbo- nique de fermentation était inférieur à l’acide total formé pendant action, l'excès ne pourrait provenir que d’une combustion du sucre avec l’oxygène de l’air. et il suffirait de mettre cet excès en rapport avec la quantité de sucre non représentée par son équivalent en alcool et en acide carbonique, pour voir si la combustion de cet excès de sucre a été plus ou moins complète. Tout ce qu’a fait Pasteur, c’est de montrer qu’au contact de l'air, il y a beaucoup d'oxygène absorbé et beaucoup d’acide carbo- nique produit dont l’oxygène ne peut pas provenir de l’oxygène du sucre. Mais il n’a pas déterminé le quantum d'acide carbonique provenant de l'oxydation du sucre, et le quantum provenant de la fer- mentation. Peut-être avait-il trop conscience des difficultés et des incertitudes de l'évaluation. C’est qu’en effet, comme on va le voir, cette méthode est extrêmement aléatoire. Elle se heurte en effet à des difficultés théoriques et pratiques. En théorie, on sait que l’équation que nous avons écrite ci-dessus est seulement approchée. L'alcool n’est pas le seul produit qui prenne naissance aux dépens du sucre. Il y a de la glycérine et de l’acide succinique, dont la formation dégage moins d’acide carbonique pour un même poids de sucre. En face de cette erreur en moins, il faut mettre 4. Pringsheim's Jahrbucher f. wiss. Botanik, t. XXVI, p. 543. 184 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. une erreur en plus, qui tient à ce que la levure dégage toujours un peu d’acide carbonique de sa propre substance, alors même qu'elle n’a pas de sucre à sa disposition. Il faut évidemment admettre que cette respi- ration des tissus se continue même pendant qu’il y a fermentation, ou du moins on n’a aucune raison d'admettre qu'elle cesse. Je pourrais en dire autant pour l'alcool. La formation de glycé- rine et d’acide succinique en diminue la proportion, pour une même quantité de sucre. La respiration de la levure, même en l’absence de sucre, en donne de petites quantités, par un mécanisme sur lequel on ne sait rien. De sorte qu’en résumé l’équation théorique que nous avons écrite n’a aucune signification pour une recherche précise. Et il faut pourtant que larecherche soit précise, car quand onopère dans les conditions ordinaires des fermentations, il n’y a pas plus de 10/0 du sucre quipuisse subir la combustion complète, eu égard aux quantités d'oxygène présentes à l’état libre. Il faudrait donc que l’équation ci- dessus fût vérifiable à moins de 1/100,or,ellenel'estpas à 3 ou 40/0 près. Il est vrai qu’on peut augmenter la proportion de sucre brûlé direc- tement en faisant la fermentation dans des vases plats, au large con- tact de l'air. Mais alors on se heurte à une autre cause d’indécision, c’est que la levure se multiplie beaucoup et consacre à cela une quan- tité de sucre sur laquelle on ne sait rien, comme nous l’avons vu dans la Revue précédente. Si bien qu’il est impossible, quand on a constaté un excédent d'acide carbonique produit sur celui qui correspond à la quantité d'alcool, de savoir à quel poids de sucre s'applique cet excé- dent d’acide carbonique. À ces difficultés théoriques, viennent se joindre des difficultés pra- tiques très grandes. Il est encore assez facile d'évaluer ce qui se fait d'alcool et d'acide carbonique dans une fermentation anaérobie. Mais quand on veut faire une fermentation au contact de l’air, soit qu’on opère dans des vases plats, soit qu’on aère à l’aide d'un courant d'air conduit dansleliquide, les causes d'erreur ou d'illusion semultiphent. La plus grave est l’évaporation d’alcool, qui, dans ces conditions, devient très rapide. On peut, ilest vrai, faire passer dans un condenseur à eau froide l'air qui a circulé au contact ou au travers du liquide en fer- mentation. On arrête ainsi une grande partie de l’alcool, mais il y en a une petite quantité qui passe, quis’absorbe ensuite en partie dans les tubes à potasse mis à la suite pour recueillir l’acide carbonique, et en partie se perd. Qu'il soit perdu ou qu'il soit compté comme acide car- bonique, les bases du calcul sont faussées, et on ne peut plus compter sur les résultats, de sorte que la distinction expérimentale du sucre brûlé, du sucre fermenté et du sucre employé à former les tissus de la levure devient tout à fait incertaine. REVUES ET ANALYSES. 185 MM. Giltay et Aberson ne voudraient certainement pas affirmer qu'ils ont échappé à ces diverses causes d’erreur dans l’exécution ou dans l’interprétation de leurs expériences. Ils ont atténué le plus pos- sible celles qu’ils ont reconnues et dont ils pouvaient se rendre maîtres. Peut-être ont-ils eu le tort de ne diriger que des raisonnements contre celles sur lesquelles ils ne croyaient pouvoir rien. C’est ainsi, par exemple, qu'ils ne tiennent aucun compte de la formation de glycé- rine et d'acide succinique en arguant de deux choses, d’abord de ce quel’expériencea été trop courte pour qu'il y ait formation en quantité sensible de ces deux substances, ensuite de ce qu’ils en ont trouvé très peu dans le liquide fermenté. Il est vrai que leurs expériences de mesure ont duré seulement 2 heures en moyenne. En présence de 2 ou 3 grammes desucre, on met- lait environ 10 grammes de levure, pesée à l'état humide et corres- pondant à 2 ou 3 grammes à l’étatsec. Dans ces conditions, la fermen- tation était rapide, et en deux heures la presque totalité du sucre avait disparu. Mais on ne voit pas en quoi cette rapidité, due à l’exagération de la proportion entre la levure et le sucre, peut influencer l’activité de chaque cellule individuelle, et diminuer la proportion de glycé- rine ou d'acide succinique normalement formés aux dépens du sucre. Quant à n'avoir trouvé que de petites quantités de glycérine et d’acide succinique dans leur liquide fermenté, outre que la recherche est diffi- cile lorsque la levure est en excès, il n’est pas démontré que cette gly- cérine et cet acide succinique produits pendant la fermentation aient émigré assez vite du protoplasma dans le liquide ambiant pour y devenir sensibles à l’analyse. Mais, dès qu'ils sont formés, même dans ce protoplasma, ils s’est formé aussi de l’acide carbonique, et la cause d'erreur que nous avons signalée plus haut persiste. En outre de ces causes d'erreur, mal reconnues ou insuffisamment évitées, il y a dans le travail, très consciencieux du reste, de MM. Gil- tay et Aberson, des singularités qui étonnent. C’est ainsi, par exemple, qu’ils se demandent (p. 564) si la partie de sucre qu’ils considèrent comme complètement oxydée a été brülée à l’état de sucre, ou a passé d'abord par l'état intérimaire d’alcool. Pour le savoir, ils recommencent une expérience à blanc en mettant de la levure en présence de solutions alcooliques à 1 et 2 0/0, et en y faisant passer un courant d'air, comme dans les cas où il y a combustion complète d’une partie du sucre. Ils ont trouvé dans le premier liquide que, dans les 2 heures de durée de l'expérience, il y avait perte de 14,9 0/0 d’alcool, et de 38,4 0/0 dans le second cas. Ils retrouvent parallèlement des augmentations de poids dans les tubes à potasse destinée à recueillir et à arrêter l'acide carbonique, et comme ces augmentations correspondent à peu 186 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. près à la quantité d'acide carbonique qu’aurait donnée, dans une com- bustion complète, la quantité d’alcoo! disparu, ils en concluent que la levure brûle l’alcool dans les conditions de leur expérience. Ce fait serait des plus importants et constituerait une découverte de premier ordre s’il était démontré. Malheureusement il ne l’eût été que si MM. Giltay.et Aberson s'étaient demandé si, par hasard, la perte d'alcool et l'augmentation de poids de leurs tubes à potasse n'étaient pas dues à l’alcool entraîné par le courant d’air qu’ils faisaient circuler dans leurs vases. Ils n’ont donc pas rencontré le détail précis qu’ils cherchaient, mais la physionomie générale des faits qu’ils ont observés est d’ac- cord avec ce qu’on pouvait prévoir. C’est ainsi qu'ils ont trouvé qu’à l'abri de l’air, le pouvoir ferment, tel que l’avait défini Pasteur, est plus grand qu’au contact de l’air ; que la quantité de sucre non repré- sentée dans l’alcool, l’acide carbonique et la levure produite, quantité qu'on peut supposer avoir subi une combustion plus ou moins com- piète est au contraire plus grande au contact de l’air. Mais, en outre de ces faits déjà connus, il y en a quelques autres plus nouveaux et qui méritent de fixer un instant l’attention. MM. Giltay et Aberson ont comparé des fermentations dont les unes étaient abandonnées à elles-mêmes aussitôt la levure introduite, pendant que d’autres étaient exposées à un courant d'air ordinaire, d'air à 50 0/0 d'oxygène et d'oxygène pur, le tout à raison d'environ 4 litre de gaz par minute. Malheureusement, toutes ces expériences sont indépendantes, faites à des jours différents, et par là moins com- parables que si elles avaient été faites le même jour par groupes de quatre. Dans leur ensemble, on voit pourtant que la quantité d'acide carbonique excédant celle qui correspond à la quantité d'alcool formé, et qu’on peut supposer provenir d’une combustion complète, ne varie pas beaucoup, que le gaz qui circule soit à 20 0/0, à 50 0/0, ou à 100 0/0 d'oxygène. En d’autres termes, la puissance de combustion de la levure n’augmente que dans une faible mesure avec le titre en oxy- gène du gaz mis à sa disposition. Déjà M. Schutzenberger avait remar- qué ‘ que le pouvoir respiratoire, c’est-à-dire la quantité d'oxygène que l’unité de poids de levure transforme en acide carbonique dans l'unité de temps, ne dépend pas de la richesse en oxygène du milieu où cette levure respire. C’est que la levure n’est pas un simple foyer de combustion bien garni, possédant des quantités indéfinies de matière oxydables. C’est aussi qu’il ne suffit pas, comme je le faisais remarquer dans la Revue précédente, d’augmenter la proportion d'oxygène à l’ex- térieur du protoplasma, pour l’augmenter également dans l'intérieur. 1. Les Fermentations. Paris, Alcan, p. 151. 4 î : | : st, REVUES ET ANALYSES. 187 Chaque levure semble avoir à ce-point de vue des propriétés particu- lières. La. levure de lactose, que j'ai découverte et étudiée dans ces Annales (X, p. 573), mène une vie presque exclusivement anaérobie, et donne presque exclusivement de l'alcool et de l’acide carbonique dans des solutions sucrées et aérées, où les levures ordinaires manifestent déjà des effets de combustion totale très prononcés. On pourrait, en cherchant, trouver d’autres exemples de ces différences, et iln'y a rien là qui doive étonner. On peut, avec le même acier faire une infinité de ressorts de même forme, mais dont chacun a son degré de puissance et sa limite d’élasticité. Ainsi sont les levures. En résumé, comme on voit, MM. Giltay et Aberson sont d'accord avec les idées générales de Pasteur et ont raison de les défendre contre la théorie de Nægeli. IIscomparentaussi leursrésultats à ceux qu’avaient obtenus avanteux MM. fiansen et Pedersen, mais ici nous pouvons les abandonner et étudier les conclusions des deux savants danois à la lumière des notions développées dans la Revue précédente. KV MM. Pedersen et Ilansen concluent tous deux à ceci : c'est que s l'aération augmente la rapidité de multiplication de la levure de bière, elle diminue son pouvoir ferment. C’est la conclusion de Pasteur. Seu- lement MM. Hansen et Pedersen y arrivent par des moyens différents. Ils évaluent la consommation de sucre par la diminution de densité du liquide fermentant, et au lieu de peser leur levure, ils comptent le nombre des globules. Comme ils opèrent dans un milieutrès nutritif, on peut admettre que le poids de la levure est à peu près proportionnel au nombre des globules, mais cette hypothèse est toujours sujette à Caution. Quoi qu’il en soit, en comparant les nombres de globules dans deux fermentations identiques, dont l’une est abandonnée à elle-même après l’ensemencement, tandis que l’autre est soumise à un courant d’air, ils trouvent, par exemple, dans un cas, que lorsque les deux fer- mentations sont arrivées au même point, il y a, pour 10 globules de levure ensemencés à l’origine, 112 globules dans la fermentation non aérée et 234 dans l’autre. Dans un autre cas, où les fermentations étaient moins avancées, mais encore arrivées au même point, il y avait 73 glo- bules, pour 10 ensemencés, dans la fermentation non aérée, et 145 dans la fermentation aérée. Les fermentations ayant été poussées au même point dans chacun des deux exemples qui précèdent et que je choisis dans le tableau général, il y avait eu, non pas le mêmetravail accompli, mais le même poids de sucre disparu, et comme il y avait en moyenne dans la fermen” 188 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR tation aérée deux fois plus de levure que dans l’autre, c’est donc que le pouvoir ferment de la levure tel que l’avait défini Pasteur était plus faible en présence de l’air. Mais les temps de l’action n’étaient pas les mêmes dans les deux cas. Il avait fallu, dans le premier exemple, 3 jours à la fermentation non aérée, 2 à la fermentation aérée. Dans le secondexemple, les temps correspondants étaient de 48 heures et de 36 heures. Il faut tenir compte de ces temps différents si on veut avoir ce que nous avons appelé les ctivités de la levure dans les deux conditions, et nous n’avons qu’à nous rapporter aux formules insérées page 123 de ce volume. Appelons $ la quantité de sucre disparue au bout de 3 jours dans notre premier exemple dans la fermentation non aérée, / la quantité de levure produite, et a l’activité de la levure non aérée, nous avons: S— ml+3 al Appelons de même /’la quantité de levure produite en 2 jours dans la fermentation aérée, et 4’ l’activité de la levure dans ce cas, nous avons de même : S=m'+2al et comme l — 2 / S—2m+aal On a donc ml+3al=92ml+Aal d’où m+3a—2m+ gr. de peptone. 5 gr. de succinate de soude. VI 5 gr. de glycose. X 5 gr. de succinate de soude. > gr. de succinate de soude. 5 gr. de phosphate de soude. Ce qui semble montrer que la fluorescence et la fonction pigmentaire de ce microbe sont indépendantes de la proportion des phosphates. Pour que le pigment se produise dans les cultures, il faut qu'il y ait assez d'air pour le volume de la gélatine, et plus la quantité d'air est forte, et moins 1l y a de gélatine employée, plus le pigment est vert (Lesage). Sur une gélatine inoculée par piqûre, le pigment sera plus marqué à la surface que le long de la strie. Si le bacille est inoculé dans la profondeur de la gélatine, 1. Lepierre. Recherches sur la fonction fluorescigène des microbes. Ann. de l’Institut Pasteur, t. IX, n° 8, p. 643. 236 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. il se développera avec lenteur mais sans produire de pigment. Dans les milieux liquides, la teinte verte apparaît d'autant plus vite que le cube d’air existant dans le matras est plus consi- dérable. 11 apparaît d'abord une teinte jaunâtre, verdâtre, devenant de plus en plus foncée et fluorescente, puis finalement décrois- sant progressivement pour prendre une teinte jaune rougeâtre. Évupe cmmique pu PemENT. = M, Winter, lors des recherches de M. Lesage, avait ébauché l’étude chimique du pigment et constaté qu'il n’ävait aucun des caractères des pigments biliaires, qu’il était insoluble dans l'alcool, l’éther, le chloro- forme, soluble dans l’eau et le sulfate d'ammoniaque. Reprenant cette étude, nous nous sommes proposé tout d’abord d'isoler la matière pigmentaire, Pour retirer la matière colorante produite par le bacillus viridis, nous avons eu recours après nombre de recherches au procédé suivant : Les bouilloüs de culture sont additionnés, directement dans les matras, de noir animal en grains; après un contact de 24 à 36 heures et en agitant fréquemment, on verse le tout sur un filtre sans plis, le liquide passe encore un peu coloré; on répète l'opération du filtrage jusqu’à ce que le bouillon soit presque incolore. Le charbon qui retient la matière coloranté est énsuite lavé avec de l’eau distillée froide jusqu’à ce qu’une goutte du liquide filtré, évaporé sur une lame de platine, ne laisse plus de résidu salin. Le charbon bien égoutté est ensuite traité dans un appareil à épuisement continu par un fort volume d'alcool à 60° bowillant. Par distillation on chasse l'alcool, on termine la distillation à la trompe et on reprend à chaud le résidu par de l’alcoo! à 95°. Évaporé dans le vide, l'alcool, qui déjà parle refroidissement laisse déposer la matière colorante, donue un résidu. Caractères physiques. — La couleur de ce résidu est brun rougeâtre, il est amorphe, très hygrométrique, se ramollit à la chaleur, devient sirupeux vers 80° et dur et cassant en se refroi- dissant. Son odeur est vireuse et pénétrante, sa saveur amère. Caractères chimiques. — IL est insoluble dans presque tous les dissolvants généralementemployés: pentane, chloroforme; éther, BACILLE DE LA DIARRHÉE VERTE. 237 sulfure de carbone, benzine, huile de pétrole; lalcool froid et l’acétone n’en dissolvent que de faibles quantités, il est plus soluble à chaud : l’eau le dissout très bien. Les solutions sont neutres au tournesol. Sous l'influence des acides, elles se décolorent; sous celle des alcalins, la couleur verte s’accentue. Les divers réactifs des alcaloïdes ne donnent lieu à aucun précipité. Pas d'action sur la liqueur de Fehling. Intimement mélangé avec du nitrate de potasse et fondu, le résidu repris par l’eau ne précipite ni par le chlorure de baryum, ni par la liqueur ammoniaco-magnésienne ou le réactif molyb- dique ; par le nitrate d'argent pas de précipité : il n’y a donc ni soufre ni phosphore. Analyse. — L'analyse organique faite en vue de déterminer la formule de ce corps nous a conduit à la formule CH:°0* qui donne. Trouvé. Calculé, C = 30,34 30,30 H == 4,93 5,05 0 = 64,73 64,65 100,00 400,00 Ne disposant que d’une très faible quantité de produit, n'ayant pu d'autre part le faire cristalliser ou en obtenir de sels, nous ne pouvons donner à ces chiffres qu'une valeur relative. Action physiologique. — Une petite quantité de la substance (0,02 gr.) injectée sous la peau d’une grenouille a déterminé au bout de 5 heures la mort de l'animal. Des tracés du cœur chez la grenouille ne nous ont donné que des résultats peu probants. STATISTIQUE DE L'INSTETUT ANTIRABIQUE MUNICIPAL DE PALERME Par MM. Les Docteurs L. pe BLasr ET G. Russo-TRAvALI. Depuis la publication de notre dernière statistique dans ces Annales (t. V, p. 646), près de cinq ans se sont écoulés, pendant lesquels le nombre de nos clients s’est augmenté constamment. Nous donnons aujourd'hui, pour éviter au lecteur des additions fastidieuses, la statistique générale de notre Institut depuis le 7 mars 1887 jusqu'au 31 décembre 1895. Nombre des mordus. — 11 s'élève à 2,221, sur lesquels 1,240 55,8 0/0) l’ont été par des animaux dont la rage a été reconnue expérimentalement, et 981 mordus par des animaux dont la rage était seulement démontrée par les récits des malades, de leurs parents, ou des certificats émanant de médecins ou des autorités locales. Nous laissons de côté les personnes auxquelles on a refusé le traitement, soit que l’animal mordeur ne füt pas enragé, soit que la morsure ait paru inoffensive. Ces 2,221 mordus comprennent 1,781 hommes et 440 femmes. Au point de vue de la statistique, ils se répartissent ainsi; Animaux sûrement rabiques.l Animaux suspects de rage. MORSURES "2 "| Cautérisés, Non caut. Total. Cautérisés. Non caut. Total. |TOTAUX à la face 17 52 69 47 29 46 115 aux parties et AOOT 467 704 147 350 97 | 1201 aux parties couvertes avec lacération ou perforation du vêtement 184 283 467 182 256 438 905 tt Om ms | TOTAL 438 802 1940 | 346 635 981 2221 La moitié environ des cautérisations a été faite au fer rouge. Quantaux animaux mordeurs, nous comptons : chiens, 2,066 fois ; chats, 87; ânes, 17: mulets, 13; bœufs ou vaches, 41; pores, 6:) L] INSTITUT ANTIRABIQUE DE PALERME. 239 loups, 2; lapin, furet et cheval, chacun une fois. Il y a enfin eu 16 cas de contact de blessures récentes avec de la salive d'homme enragé. La progression de nos clients résulte des chiffres suivants. En 1887 108 En 1892 229 — 1888 160 — 1893 270 — 1889 149 — 4894 461 — 1890 202 ==: 4895 407 — 41891 235 C’est au printemps que les malades sont bien plus nombreux. Vient ensuite l'hiver, puis l'été et l’automne. Résultats. — En laissant de côté cinq personnes mortes en cours de traitement, et cinq aulres personnes mortes moins de quinze jours après que ce traitement a été terminé, nous n'avons eu à déplorer que 9 insuccès, ce qui donne une mortalité de 4 0/00. En comptant comme des échecs les 10 morts que nous venons de signaler, la mortalité n’est encore que de 8,5 0/00. Injections intraveineuses. — À la suite de la communication de MM. les D'S Novi et Poppi', sur la première guérison d’un cas grave de rage par des injections intraveineuses, nous nous sommes crus obligés de pratiquer ces injections toutes les fois que nous en avons eu l'occasion. Depuis neuf ans que l’Institut fonctionne, nous n’avons observé aucun cas de rage paralytique chez l’homme, ni parmi nos traités, ni parmi ies non traités qui venaient mourir à notre hôpital civique. Nous nous sommes ainsi trouvés dans des conditions d’expérimentation différentes de celles de MM. Novi et Poppi. De plus, comme nos mordus proviennent en très grande majorité de l’intérieur de l'ile et retournent chez eux après traitement, il nous est difficile de les suivre quand la maladie se déclare. Il n’est donc pas étonnant que nous n ayons pu, depuis 1892, trouver que trois occasions d'essayer les injections intra-veineuses, deux fois sur deux de nos malades antérieurement traités, une fois sur un malade non traité. Le résultat a toujours été négatif. Voici un court résumé de ces cas : | L Nano (Françoise-Marie), âgée de six ans, mordue griève- ment à la face au bras et à l’avant-bras par un chien enragé, le 15 mai 1893. Elle se présente le 18 à notre Institut et commence 4. Communic. à la Société médico-chirurgicale de Bologne, avril 1892. Voir à ce sujet, qui a donné lieu à de longs débats: Bordoni-Uffreduzzi, Riforma medica, 1899, et Murri, Policlinico, août 1894. 240 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. son traitement. Le 31, elle présente de la fièvre et de l’anorexie, mais boit sans difficulté. Le 1° juin, le cadre clinique de la rage était complet. La fillette avait à ce moment reçu 28 injections, dont 3 par de la moelle de 5 jours, 2 par la moelle de # et 1 par la moelle de 3 jours. A raison de la gravité des blessures, elle était inscrite pour 21 jours de traitement. On la reçoit à l'hôpital Saint-Xavier, et on lui injecte le 4° juin, à 10 heures, dans la veine radiale droite, 2 c. ce. d’émulsion d'une moelle de 4 jours, et à 3 heures du soir, dans la radiale gauche, 2 c. c. d'une moelle de 3 jours. Aucune rémission sensible. L malade meurt à 7 heures du soir. IL. Bapazuccro (Marius),septans, mordu au nez le 28 juillet 1893, par un chien enragé, commence son traitement le 3 août et va très bien jusqu'au 13 août. Le 14, il éprouve de la difficulté à boire, et, lorsqu'il se présente à l'Institut, il a le regard perdu, la physionomie épouvantée, et il se plaint de fortes douleurs à l'estomac. Il avait à ce moment reçu 20 injections, dont 2 avec la moelle de 5 et 4 jours, et 1 avec la moelle de 3 jours. Le 15 août, on lui injecte à 8 heures 3 c. c. d’une émulsion d’une moelle de 4 jours dans la veine cubitale droite, et à 1 heure 3c. ©. d’une émulsion de moelle de 3 jours dans la veine médiane basilique droite. Le 16 août, il reçoit de même : à 8 heures, 3 c. ©. d'émulsion de moelle de # jours dans la veine médiane basilique droite, et 3 c. c. d'émulsion d'une moelle de 3 jours dans la veine radiale gauche. Il meurt le 17 à 5 heures 1/2 du matin. III. Le 10 décembre 1895, nous sommes invités par M. le Surintendant del’hôpitalcivique à aller visiter Gaetan Dicurara, feu Joaquin, âgé decinquante-septans, gardien des chiens àl’abattoir, mordu le 7 septembre à la main droite par un chien enragé. Au dire de M. le docteur Griglio, vétérinaire à l’abattoir, Dichiara aurait été mordu au commencement de novembre par un autre chien. Quand nous voyons le malade, il a de l'angoisse respira- toire, du subdelirium. ne peut avaler ni liquides ni solides. Avec l’assentiment des autorités de l'hôpital, on lui injecte le 10 dé- cembre, à 1 heure, 3 c. c. d’émulsion d’une moelle de 4 jours dans la veine radiale droite, et à 4 heures 1/2, 3 c. c. d’une émul- sion d’une moelle de 3 jours dans la veine céphalique gauche. Le 11 décembre, ilreçoit de même, à 8 heures, 3 c. c. d'une moelle INSTITUT ANTIRABIQUE DE PALERME. 2M de 3 jours dans la veine radiale gauche, à midi et demi 3 c. ec. d'une moelle de 3 jours dans laveine céphalique droite. A3 h. 1/2 on ne fait pas l'injection préparée, parce que le malade est pres- que furieux. Il meurt à 4 heures. Il faut noter, parmi les commémoratifs de Dichiara, qu’à la suite d'une morsure de chien suspect d’hydrophobie survenue le 17 décembre 1891, il avait été traité à l'Institut du 19 décembre 1891 au 9 janvier 1894. L'immunité qu'il avait acquise à ce moment ne s'était pas conservée jusqu à la fin de 1895. Il semble donc que les vaccinations antirabiques produisent une immunité transitoire, et qui disparaît au bout d'un certain temps. Palerme, avril 14896. 16 SUR LES DIVERS TYPES DE COLI-BACILLE DES EAUX Par LE Dr REFIK Erennr Préparateur à l’Institut Impérial de Bactériologie de Constantinople Dans une note parue l’an dernier, le D' Nicolle a signalé la fréquence du coli-bacille et de ses variétés dans les eaux de Constantinople. Nous avons continué ces recherches sous sa direction et voici quel a été le résultat des nombreuses analyses Le depuis deux ans dans le laboratoire. Le coli-bacille est presque constant dans les eaux de Constan- tinople et de la région (Bosphore, îles des Princes). Nous l’avons trouvé dans les différents puits, citernes et sources dont on nous a confié l’examen. Il existe également dans les eaux de canalisation (Dercos, Taxim, Halkali, Yeni-Tchechmé) qui ali- mentent Constantinople et Scutari. Dans le plus grand nombre des échantillons étudiés par nous, le coli-bacille se montrait avec tous ses Caractères clas- siques. Mais parfois certains d’entre eux faisaient défaut. De telles variétés ont déjà été signalées pour le coli-bacille des eaux et pour celui de l'intestin. Es Nous en avons observé 5 types différents : Te Type A. — Il fait fermenter l’eau peptonisée lactosée (3 0/0) et la gélose glucosée (2 0/0), ensemencée par piqüre en couche profonde) ; il coagule le lait; il ne donne pas d’indol. * Tyre B. — Il fait fermenter le lactose et le glucose ; il ne coagule pas le lait ; il donne de l’indol. Tyrg C. — Il fait fermenter le lactose et le glucose ; il ne coagule pas le lait; il ne donne pas d’indol. Tyre D. — 1) ne fait fermenter ni le lactose ni le glucose ; il coagule le lait ; ilne donne pas d’indol. Type E. — Il ne fait fermenter ni le lactose ni le glucose ; il ne coagule pas le lait; il ne donne pas d’indol. | | | | | 1 TYPES DIVERS DE COLI-BACILLES. 243 Ces 5 types de coli-bacilles sont tous mobiles ; ils ont pour caractères COMMUNS : 1° De donner la culture classique sur pomme de terre. 2° De présenter un petit nombre de cils (tout au plus 8). 3° De se développer plus vite et plus abondamment sur tous les milieux de culture que ne le fait le bacille typhique. 4° De se développer abondamment sur le liquide d’Uschinsky, simplifié par Fränkel (eau, 1 litre; chlorure de sodium, 5 grammes ; biphosphate de potasse, 2 grammes ; asparagine, # grammes ; lac- tacte d’ammoniaque, 6 grammes), liquide dans lequel le bacille d'Eberth ne donne qu’une trace à peine apparente de multipli- cation. Ces coli-bacilles anormaux se rencontrent le plus souvent dans les eaux à côté du coli-bacille normal. Leur étude montre que, parmi les caractères du bacille d'Escherich, les uns peuvent faire défaut partiellement ou totalement, les autres au contraire semblent assez fixes. D'où la nécessité d'attacher une grande importance à ces derniers dans le diagnostic différentiel avec le bacille typhique. Elle montre aussi qu'il n'y a aucun rapport forcé entre la fermentation des sucres et la coagulation du lait (étu- diées dans les mêmes conditions d'expérience pour les divers coli-bacilles normaux et anormaux). Nichan-Tach, novembre 1895. ERRATA Dans le travail de M. M. Nicolle sur les colorations. T. IX, 1895. Page 666, ligne 10 ; au lieu de : alcool-acétone au 1/3, lire au 1/6. Page 668, ligne 11; au lieu de : carmin de l'acide picrique, lire car- min eé. Page 669, ligne 22; au lieu de : préparation de sang d'abord, lire sang d'oiseau. M. N. LA FALSIFICATION DES SUBSTANCES ALIMENTAIRES REVUE CRITIQUE. Voici une question qui se présente incessamment, sous toutes les formes, devant le public, devant l'administration et devant les tribu- naux, et qui nulle part, on peut le dire, n'a reçu de solution. Le publie sait que la fraude existe, que l’administration, si empressée qu’elle soit, ne peut la réfréner que sur un petit nombre de points, et que les tribunaux ne peuvent l’atteindre qu’en visant dans le tas, pour ainsi dire, et en risquant de frapper l’innocent aussi bien que le coupable. Or, voici un principe pour lequel je demande tout de suite l'assenti- ment du lecteur, c’est qu'il vaut mieux laisser échapper dix coupables que de condamner un innocent. Comment se fait-il que cette collaboration des juges, des experts et des savants, qui semblait devoir être si féconde, ait abouti à de pareilles incertitudes ? C’est que le problème est difficile, que les juges ont demandé trop aux savants, et que ceux-ci, au lieu de se récuser là où leur ignorance leur en faisait un devoir, ont voulu répondre quand même aux questions qui leur ont été posées. Ils l’ont fait, surtout au début, avec des réserves scientifiques, avec des atténuations de style ou de langage que'les juges n’ont pas comprises ou acceptées, qu'ils ont oubliées ensuite peu à peu; et c’est ainsi qu'on en est arrivé à ce que le plus honnête industriel peut être trainé devant un tribunal et condamné au nom de principes flottants, sans aucune base scien- tifique. Je n’ai pas besoin de dire que ma critique est d’ordre général, et pe vise aucune personnalité ni aucune méthode d’analyse. Je rends la justice qu’ils méritent aux laboratoires et aux savants qui s’appliquent à endiguer le torrent des falsifications. Mais, tout en trouvant profitable la terreur qu’ils inspirent, je me demande si leur action ne pourrait pas rester tout aussi efficace en devenant plus sûre, et c’est pour cela que je voudrais reprendre cette question des falsifications des matières alimentaires en me plaçant à un autre point de vue que celui qui à été accepté jusqu'ici. Si je suis conduit àcritiquer les pratiques actuelles, ce sera non par esprit de dénigrement, mais pour le besoin de ma thèse. Si elles étaient bonnes, il serait sot de vouloir les remplacer. REVUES ET ANALYSES. 245 Il Et d’abord, qu'est-ce qu'une falsification ? Tout le monde répondra : c’est l'addition d’une substance étrangère à un produit qui en est naturellement exempt. Ainsi l'addition de borax dans le lait, d'acide salicylique dans le vin, etc. Mais l’addition d’eau dans le lait, d’eau ou d'alcool dans le vin est également considérée et poursuivie comme une falsification ; il en est de même de la soustraction de crème. Et tout ceci nous conduit à nous demander ce que veut dire ce mot naturel appliqué à certaines denrées. Un vin qu’on aura additionné d’eau pour en augmenter le volume cesse d'être un vin naturel. Un vin provenant d’une vendange faite par une pluie battante, et qui aura été aussi mouillé que le premier, restera un vin naturel. Pourquoi? et com- prenez-vous l’embarras du chimiste à qui vous demandez de les ‘distinguer ? J'ai montré de même ‘ que des animaux nourris au pâturage et bien portants donnent parfois naturellement un lait dont la teneur en matière grasse est sensiblement inférieure. à la moyenne, et qui aurait été saisi comme lait falsifié sur un grand nombre de marchés. Imaginez que sur le marché du pays où il est produit, on lui applique les règles d'analyse et de jugement préconisées par l’administration, revêtues du visa le plus authentique des conseils, comités et bureaux de ministères, et voilà condamné à l’amende et mis au ban de l’opinion un pauvre diable de fermier ou de propriétaire qui se demande comment on peut être plus naturel que lui ou sa vache. Je vais même plus loin. Voici des vins plâtrés. Cette addition du plâtre à la vendange est une pratique très ancienne dans certains pays. Pierre I®* d'Aragon * la défendait déjà au xive siècle. Elle était sirépandue, il n’y a pas encore bien longtemps, que lorsqu'on voulait avoir du vin non plâtré sur une bonne partie du vignoble du Gard ou de l'Hérault, il fallait le dire et bien le spécifier. Il est clair que, pour ces régions, le vin piâtré était du vin naturel, et bien que cette opinion ne puisse être acceptée avec toutes ses conséquences, il est certain qu'elle avait sa raison d’être, et que si on veut bien s'entendre sur le mot naturel, il faut le définir, c’est-à-dire y introduire une part plus ou moins notable de convention et d’arbitraire, cé qui lui enlèvera tout de suite de son naturel. Il y a plusieurs années que j'ai proposé cette solution à l’adminis- tration et aux tribunaux. Vous acceptez implicitement, leur disais-je, la règle des moyennes. Vous admettez que le lait doit contenir tant de 1. Le Lait. Paris, Baillière et fils. 2. Alimentos y bebidas, par le Dr C. Chicote, p. 209. 246 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. caséine ou de beurre; que, dans le vin, il doit y avoir, pour tant d’extrait, tant d’alcool et d’acide. Eh bien, dites-le franchement! Définissez la composition que doit avoir un lait ou un vin naturel! Substituez-vous à la nature. Ce sera comique, mais au moins on saura à quoi s’en tenir, et on sera tranquille quand on n’aura laissé sortir de chez soi et arriver sur le marché que des denrées conformes au type. Je prévois bien quelques difficultés; le type de vin de Bordeaux ne pourra pas être celui du champagne ou du bourgogne, mais rien n'empêche de faire un Dictionnaire de types, et, une fois qu'il sera fait, tout le monde travaillera à visage découvert : on fabriquera artifi- ciellement ces types naturels, mais les jugements des tribunaux perdront une grande part de leurs incertitudes. Je continue à croire que ce mot naturel ne peut avoir de sens juri- dique précis que si on le définit par un moyen quelconque, et si j'insiste, c’est que c'est autour de ce mot que roulent les questions des juges et les réponses des chimistes. Ce lait, ce vin, sont-ils naturels ? N’ont-ils pas été falsifiés par l’adjonction d’une autre substance naturelle ? Quoi d'étonnant qu'en réponse à des questions si précises en apparence, si vagues en réalité, les chimistes ne répondent qu’en tâtonnant lorsqu'ils sont prudents, qu’en ânonnant lorsqu'ils sont audacieux. Il est évident que, laissée sur ce terrain, la question est insoluble. Il faut donc la déplacer. Il faut abandonner toute prétention de définir un aliment naturel et ne se préoccuper que du degré de nocivité des ingrédients qu'on y ajoute. Je ne veux pas, pour le moment, entrer dans l’examen de cette question : à quoi peut-on reconnaître que telle ou telle substance est nuisible à là santé du consommateur ? Nous la retrouverons bientôt. Je prends comme premier exemple les falsifi- cations qui ne s’opèrent que par l’adjonction de substances notoirement inoffensives, comme l’eau dans le vin ou dans le lait, ou encore la margarine dans le beurre. Nous passerons ensuite à l’examen des falsifications qu’on peut croire dangereuses, comme les sels de cuivre dans le verdissage des conserves de légumes, ét nous arriverons à l’étude des substances réputées toxiques, comme les alcools supérieurs ou les huiles essentielles, qu’il s’agit, il est vrai, non d’ajouter, mais d'enlever aux boissons alcooliques, car, par un véritable miracle, ces substances, quele fabricant voudrait bien éviter et qui apparaissent malgré lui dans ses fermentations, ne sont pas considérées comme des produits naturels, et la loi et l'hygiène se croient autorisées à en demander la suppression. REVUES ET ANALYSES. 247 Il Étudions, pour commencer, ces additions d'eau qui sont une des falsifications les plus fréquentes, et que la loi s’acharne à poursuivre dans ce qu’elle croit être l'intérêt de tous. Assurément rien n’est plus inoffensif, au point de vue de l’hygiène, que l’addition d’eau au vin ou au lait quand cette eau est pure et ne tombe pas par ailleurs sous le coup de la loi, et quand elle n’a été ajoutée que dans les proportions où elle n’est pas dénoncée de suite par la saveur du mélange. Son seul vice, aux yeux de la loi, est du reste de remplir la bourse du vendeur aux dépens de celle de l'acheteur, et c'est nonla santé publi- que, mais la bonne foi publique que la justice entend protéger. Il ne suffit malheureuseument pas d’avoir de bonnes intentions pour bien faire. Lorsqu'on a demandé aux chimistes de démasquer cette addition frauduleuse d’eau, masquée souvent par une addition d'alcool, de distinguer entre les vins faibles et les vins mouillés, entre les vins naturels et les vins remontés avec de l’alcool, puis dédoublés avec de l’eau après avoir dépassé la frontière ou les barrières de l'octroi; quandron leur a demandé de dire: « Geci est du vin de raisins frais, et ceci du vin de raisins secs », ils ont été fort embarrassés, Finalement, ils ont cru pouvoir rattacher leur diagnostic à deux faits d'ordre général. Le premier est que, dans un raisin arrivé à la maturité ordinaire du moment de la vendange, la composition du jus, en matière solide, est toujours à peu près la même. Il peut y avoir plus ou moins de sucre, plus ou moins de matériaux autres que le sucre, mais le rapport du sucré à ce que nous appellerons pour abréger le non-sucre est à peu près constant. Le sucre donne, en fermentant, de l’alcool, et, en petite quantité, de la glycérine, de l'acide succinique, qui viennent s'ajouter au non-sucre. Ce non-sucre lui-même reste à peu près inaltéré pendant la fermenta- tion. 1l subit une petite diminution de poids par suite du dépôt à l’état cristallin d’une partie de la crème de tartre qui était en dissolution dans le moût avant fermentation, et que l'alcool précipite. De sorte qu'en résumé, dans le vin fait, il y a un rapport à peu près constant entre le poids d’alcool par litre et le poids de lextrait solide qui reste après évaporation et dessiécation à 1000. C’est ce rapport qu’on appelle le rapport de l’alcool à l'extrait. L'expérience montre qu’il est voisin de 4,5 pour les vins rouges, de 6,5 pour les vins blancs, où le poids d'extrait par litre est plus faible, surtout à cause de l’absence de la matière colorante. De ce court exposé, il y a tout de suite une conclusion à tirer, c’est que ces chiffres de 4,5 et 6,5 sont purement empiriques, résultent 248 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. de compensations réciproques, supposent des conditions de maturité toujours les mêmes, et, s’ils ont la valeur d’une règle générale, ne peu- vent avoir la prétention de s’appliquer à tous les cas, et doivent com- porter des exceptions. Or, tout cas particulier soumis à la justice peut‘ être une de ces exceptions, et il n’y a pas de justice à lui appliquer la règle générale. Allez-vous, en l’absence de preuves convaincantes, décapiter un accusé parce que sa taille est inférieure à la moyenne ? J’accorde les différences pour ma comparaison ; qu'on m’accorde les ressemblances ! Mais ce ne sont pas seulement des objections de principe que soulève l'emploi si fréquent de ces fameux rapports 4,5 et 6,5; ce sont aussi des objections de fait, relatives à la précision avec laquelle ils sont déterminés. Ils représentent, avons-nous dit, le rapport du poids de l'alcool au poids de l'extrait contenus dans un litre de vin. Le poids de l’alcool est facile à déterminer avec exactitude. On isole l'alcool par distillation, on plonge dans le liquide un alcoomètre sensible et bien gradué: on a ainsi le volume d’alcool par litre, et le poids en multipliant le volume par la densité de l'alcool. Quand il s’agit de déterminer l’extrait sec à 1009, l'opération devient plus délicate. Il y a dans le vin des substances qui ne perdent leur eau que lentement à 100°; si on chauffe assez longtemps pour les déshydrater, on s’expose à perdre de la glycérine, qui est déjà volatile à cette température. De plus, il se fait dans l’extrait des transformations chimiques qui en changent le poids. Il faut louvoyer entre ces récifs, renoncer à avoir un poids constant dans l’opération, et dès lors s'arrêter à un terme qu'on essaiera de définir d’une façon aussi précise que possible. On retrouve là cette fameuse question de définition dont nous parlions plus haut, et qu’on croyait avoir éludée en n'ayant pas l'air de la voir. Dans l’espèce, cette définition vise la matière, la forme et la dimen- sion de la capsule d’évaporation, la quantité de liquide mise en œuvre et le temps du chauffage. En France, on évapore par convention 25 c. c. de vin dans une capsule de platine à fond plat, de diamètre tel que la hauteur du liquide ne dépasse pas un centimètre. La capsule doit : baigner par son fond sur l’eau d’un bain-marie portée à l’ébullition, sur lequel elle doit rester 6 heures, après quoi on la laisse se refroidir dans un dessiccateur à acide sulfurique et on la pèse. En Allemagne, on évapore 50 c. c. de vin dans une capsule de platine plate de 0,080 de diamètre et de 0",020 de hauteur, qu’on laisse 8 heures au bain-marie, et ensuite 2 h. 1/2 dans une étuve à 100. Le congrès des chimistes œnologues autrichiens a accepté au contraire l’évaporation pendant 2 heures et demie, au bain marie, REVUES ET ANALYSES. 249 de 50 c. c. de vin. Il n’est pas besoin de dire qu'avec le même vin, ces divers procédés opératoires donnent des nombres différents, de sorte que pour chacun il y a uné valeur différente du rapport de Palcoo!l à l'extrait. Mais une fois déterminé, ce rapport sert de norme, et figure parmi lesrpièces à conviction les plus probantes. IL y a pourtant des cas, et nombreux, où on ne peut l’employer tel quel. Par exemple pour les vins qui restent sucrés, soit que la fer- mentation y soit restée incomplète, soit qu’ils aient été additionnés de sucre. Il est évident que ce sucre qui n’a pas fermenté diminue le poids de lalcool, et augmente le poids de lextrait. Il faut alors le déterminer à part, et retrancher du poids de lextrait le poids du sucre trouvé. Mais si on retranchait tout le poids de ce sucre, on commettrait une erreur en sens inverse. Presque tous les vins, même les mieux réussis, contiennent en effet une petite quantité de matières réduisant la liqueur de Fehling, qui sont parfois du sucre de raisin, parfois d’autres substances sur lesquelles on ne sait rien. On les compte comme sucre, et comme on juge, à vue de pays, que les vins ordinaires en contiennent environ un gramme par litre, on retranche ce gramme du poids de sucre trouvé : c’est la différence obtenue qu'on retranche ensuite du poids de l’extrait obtenu par l’évaporation à 400 du vin sucré. Mêmes corrections pour les vins plätrés, dans lesquels le plâtrage a laissé, par suite de la double décomposition survenue entre le sulfate de chaux et le bitartrate de potasse, un peu de sulfate de potasse qu'on détermine séparément par des procédés appropriés. On admet, Dieu seub sait pourquoi, que les vins normaux contiennent tous un gramme environ de ce sulfate de potasse. On retranche donc pieuse- ment ce gramme normal du poids de sulfate de potasse trouvé, et c'est l’excédent seulement qu’on retranche de l’extrait pour avoir ce qu'on appelle l’extrait corrigé, ou réduit. Tout cet enchevêtrement risque de paraître confus si nous ne prenons pas un exemple. Suppo- sons un vin ayant donné 12,5 à l’alcoomètre, 26 0/0 d’extrait à 100, sur lesquels il y avait 32,5 de sulfate de potassium, et 4sr,5 de sucre réducteur. Calculons son rapport. Le poids d'alcool par litre est à peu près de 125 X° 0,8 — 100 grammes. D’un autre côté, pour avoir l'extrait réduit, il faut retrancher 1 gramme du sulfate de potasse et du sucre, ce qui donne respectivement pour ces deux corps 2,5 et 3s",, en tout 6 grammes. Le poids de l’extrait réduit est donc de 20 grammes, et le rapport de l'alcool à l’extrait est de 5. Comme d'après la circulaire du ministre du Commerce, le poids de l'alcool est au maximum de quatre fois et demi le poids de l’extrait, on voit que ce vin serait considéré comme additionné d'alcool, qu’on + 250 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. peut évaluer, quand on a la foi, en disant qu'il ne devrait y avoir dans ce vin que les 9/10 de l'alcool qu’il contient, c’est-à-dire 1,25 0/0. Il à donc subi une addition de 1,25 0/0 d'alcool en volume. ” On voit en effet'que cette Rétode ne peut servir à déceler que les additions d’alcool, dont le public ne se plaint pas d'ordinaire et auxquelles, du reste, il est rarement exposé. La règle que nous venons d'indiquer sert surtout à régler des contestations de douanes. Il en faut une autre pour déceler les additions d’eau. III Celle-ci a pour origine une ingénieuse remarque faite par M. A. Gau- tier. Dans un raisin qui mürit, l'acide libre diminue à mesure que le sucre augmente, le raisin devient moins vert # mesure qu'il devient plus sucré. La compensation n’est pas exacte, le sucre augmente plus vite que l'acide ne diminue. Mais sucre et acide varient en sens inverse existe, et, au voisinage de la maturité, un équilibre approximatif se pro- duit. Après la fermentation, le sucre a disparu, mais il est représenté par un volume à peu près proportionnel d’alcool, de sorte que si on fait la somme acide + alcool, c’est-à-dire si on ajoute conventionnellement la richesse alcoolique du vin, évaluée en volume, au poids d'acide libre qu'il contient évalué en acide sulfurique, on à un total qui est à peu près constant et qui ne dépasse guère 12,5 pour les vins rouges natu- rels. L’addition d’eau j’abaisse naturellement au-dessous de ce chiffre, et de là, sans qu’il soit besoin d’insister, on voit qu’on peut tirer un moyen de démäsquer les additions d’eau, quand elles ont été faites d’une main libérale. Il faut reconnaître que ce terrein d’études est bien choisi. Ce qui varie le plus dans le raisin, au voisinage de la maturation, c’est le sucre, et comme le sucre ne donne qu'environ la moitié de son poids d'alcool, les variations dû sucre sont réduites à moitié dans l'évaluation alcool acide. La constance est par là plus assurée. En outre, la méthode bénéficie de quelques particularités qui lui sont extérieures. C'est ainsi que la quantité de bitartrate de potasse, qui reste en solution dans le vin, est d'autant plus faible qu'il y a plus d’alcool, etinversement, de sorte qu'il s’introduit de ce fait une variation d’acidité en sens inverse de la variation alcoolique. Mais ik ne suffit pas que la méthode soit une des meilleures parmi celles qu’on pouvait employer. Il faut qu’elle soit bonne, c'est-à-dire qu’elle n’expose pas les experts etles tribu- naux à se tromper. Or, à cet égard, il n'y a pas d’illusion à se faire, et elle ne mérite aucune confiance. Elle table, en effet, sur un état moyen, pour un vignoble déterminé, e « REVUES ET ANALYSES. 251 et ne tient compte ni des crus, ni des cépages, ni des différences de maturité au moment de la vendange. Comme c’est l'alcool qui fait la plus grosse part de la somme, il suffit ou que le cépage soit peu sucré, ou sa maturité incomplète, pour que cette somme n’atteigne pas le chiffre fatidique de 12,5. Il y a même plus. Le vignoble de Bordeaux produit des vins dont la moyenne, d’après Fauré, ne contient que 9,3 0/0 d'alcool et 2,15 0/0 d’acide, en tout 11,5. La règle recommandée par les circulaires du ministère du Commerce ferait donc déclarer additionnés d’eau des vins analysés comme authentiques par un œno- logue expérimenté. Par contre, voici tel Pomard, analysé par M. Ver- gnette-Lamotte, pourdequella somme acide alcool dépasse 17, de sorte qu’on pourrait l’additionner d’un tiers d’eau et le présenter hardi- ment comme naturel et vierge de tout baptème. Je n’insiste pas sur cette critique qui prend, sans que je le veuille, . un air cruel. Je ne peux pourtant pas ne pas dire les défauts de métho- des auxquelles on accorde trop souvent une aveugle confiance, et qui ont servi à motiver des milliers de condamnations dont un grand nombre sûrement étaient imméritées. Je ne veux pas davantage insis- ter sur les procédés indiqués pour découvrir les vins de seconde cuvée, c’est-à-dire ceux qu'on obtient en ajoutant du sucre et de l’eau au marc de la première cuvée, et en laissant fermenter à nouveau. Je passerai de même sous silence les moyens de pourchasser les vins de raisins secs, dont la fabrication s’est si notablement-étendue et perfec- tionnée dans ces dernières années. J'aurais à accentuer encore Ja sévé- rité de mon jugement et de ma critique. Je crois pouvoir me résumer en disant qu'il n’y a partout là qu’incertitude et arbitraire. IV Pourtant, dira-t-on, il faut une surveillance et une répression, et la société ne peut rester impassible devant l'audace croissante‘des falsifi- cateurs. N'oublions pas, répondrai-je, qu’il ne s’agit encore ici que d’un point très limité et d’une fraude qui ne met en jeu que des ques- tons d'argent, et non des questions de santé publique. S'il était possi- ble d’atteindre partout et sûrement ces additions d’eau dans le vin, même masquées par des additions d'alcool, il est clair qu'il faudrait agir. Mais le pouvez-vous ? Avez-vous au moins la prétention que vos règles d'analyse, même avec ce qu’elles comportent d’arbitraire, gènent en quoi que ce soit les fraudeurs ? Les petits, oui peut-être, qui ne sont pas malins et qui parfois se laissent prendre. Mais non les gros, ceux qui font commerce de la fraude. Pour eux vos règles sont trop naïves. Ne se fabrique-t-il pas, et ne se vend-t-il pas, sous éti- > 252 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. quette de vin naturel, des milliers d’hectolitres de vin de seconde cuvée. Pensez-vous que les vins de raisins secs, à qui vous avez imposé des étiquettes spéciales, les conservent jusque dans le verre du consommateur. Ne savez-vous pas qu’il se consomme à Paris, par exemple, beaucoup plus de vin qu’il n’en passe à l'octroi. Toutes vos saisies chez les marchands de vin ne diminuent pas sensiblement leur consommation d'eau potable. Par contre elles donnent au public lillu- sion que tout vin qui arrive sur le comptoir en étain est garanti par l'administration, et vous savez bien que cette garantie est illusoire. Mais la question est encore plus haute. De quel droit l’État inter- vient-il dans un contrat entre un vendeur et un acheteur lorsqu'’aucun vice caché n’existe dans la marchandise. C’est affaire au client de se renseigner : il goûte le vin, débat le prix, accepte ou refuse, et n’a besoin pour cela de consulter que son goût personnel. L'État s’enquiert- il de,ce que contiennent d’amidon ou d’eau les pommes de terre ache- tées chez le fruitier ? S'enquiert-il de ce qu’il y a de comestible dans 1 kilogramme de pois verts, de l'épaisseur de la peau des oranges, de la grosseur du noyau des pêches ? Pourquoi ne laisse-t-il pas le marchand de vins libre de ses pratiques. Oui, je sais bien, il y a des questions d'octroi, de douanes, d'impôt. Je me figure même que tout est venu de là, et que s’il n’y avait pas eu des questions fiscales à propos de l'alcool, on n’aurait jamais songé à faire intervenir des questions de santé publique. Mais s’ilen est ainsi, changez les bases de votre percep- tion, ne visez et ne frappez que l'alcool, dont le dosage est précisément facile et précis, et laissez chacun libre d’ajouter autant d’eau qu’il veut à l’alcool qu’il boit ou qu’il sert à ses clients. Ne vaut-il pas mieux dire honnêtement au public : nous ne répon- dons plus de rien, nos méthodes pour nous renseigner sont trop im- parfaites, et nous ne pouvons atteindre tous ceux qui mouillent leur vin : ils sont trop, comme disaient nos soldats à Waterloo. C'est à vous de vous débrouiller vous-même. N'ayez plus foi en nous, nous ne la méritons pas, et, avec la meilleure volonté du monde, nous faisons autant de bien que de mal. Dégustez le vin que vous achetez. Si vous l’aimez fort et qu’on vous le serve faible, changez de marchand : il n'en manque pas. Si vous récusez votre jugement, oh! alors, trouvez bon que nous nousrécusions aussi: L'administration n’est pas une femme de ménage, chargée de faire le marché des citoyens. VI J'arrive maintenant à l'étude du lait. Ici, les conditions sont un peu différentes. Le lait est un produit naturel, qui, en principe, doit REVUES ET ANALYSES. se 253 arriver au consommateur dans l’état où il sort de la mamelle. Encore cette condition qui semble si étroite est-elle insuffisante. Ce n’est pas toujours le même lait qui sort de la même mamelle du même animal. On sait que celui qui s’écoule au commencement de la traite est plus pauvre*en matières grasses et plus riche d’ordinaire en caséine et en sucre que le lait des dernières portions. Ce n’est que dans son ensemble, dans la totalité de la traite, que le lait d’un animalbien portant se res- semble à lui-même à plusieurs jours de distance, et c’est ce lait total que tout producteur scrupuleux doit faireentrer dans la consommation. Mais comment l’y contraindre? Les procédés par lesquels on y arrive, ou on croit y arriver, sont trop connus pour queje sente le besoin de les décrire à nouveau ici. J’ai insisté, dans mes Principes de laiterie, sur les diverses méthodes d'analyse, sur leurs avantages et leurs défec- tuosités. Je me bornerai à résumer ce que j’en ai dit. {l existe un certain nombre de méthodes, dites pratiques, telles que l’emploi du lactodensimètre, du lactoscope, du séparateur à force centrifuge, qui donnent rapidement des renseignements superficiels sur la constitution d’un lait, et qui peuvent servir à mettre sur la voie d’une falsification, qu'il s'agisse d’une addition d’eau ou d’une sous- traction de crème. Mais aucune de ces méthodes ne peut donner des éléments de conviction permettant à un expert de demander, à untri- bunal de prononcer une condamnation. Pour savoir exactement la composition d’un lait, il faut absolument recourir à l’anaïyse chimique, qui heureusement est infiniment plus sûre qu'avec les vins. Tous les chimistes dignes de porter ce nom, qui auront à étudier un même lait, lui trouverout le même poids d’extrait sec à 1000, le même poids de crème, de sucre, de cendres. Ils lui trouveront aussi le même poids de matière albuminoïde totale. Seulement tous n’appelleront pas cette matière du même nom. Il yen a qui en feront de la caséine, d’autres, également convaincus, qui dicho- tomiseront à l'infini et émietteront cette caséine en éléments distincts. Mais peu importe, le poids total sera le même pour tous. La composi- tion d’un lait peut donc être connue avec une précision suffisante. C’est ensuite que les difficultés commencent. I n’y en aurait aucune si les laits de toutes les vaches et de toutes les régions avaient la mème composition, mais on sait qu'il n’en est pas ainsi. Les divers laits se ressemblent beaucoup plus que les divers vins, mais présentent encore des variations considérables d’une vache à l’autre, d’une étable à l’autre, d’une année à l’autre, d’une région à l’autre. Le lait qu’on a analysé est-il du lait pauvre par nature, ou du lait riche qu'on a étendu d'eau ? Là est le problème pour asseoir un 4. Principes de laiterie, chap. V. Paris, Colin et Cie, 254 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. jugement ou une condamnation, et ce problème n’est soluble que dans un petit nombre de cas. Le seul moyen, en effet, de le résoudre avec sécurité est de faire l'étude comparative du lait suspect avec un lait de la même époque et : de la même provenance. Il ne faut arguer d’aucune falsification avant d’avoir fait une comparaison minutieuse entre le lait suspect et le lait de la même vache ou de la même étable, prélevé, aussitôt le procès engagé, en présence de l'expert lui-même, en trayant les animaux à fond et mélangeantlles laits, de façon à pouvoir prélever un échantillon moyen. Mais tous les experts n’ont pas ce soin, et la méthode n'est d’ail- leur applicable que dans les petites villes, où chaque ferme envoie sur le marché les produits de sa traite, où il n’y a pasde ramasseurs de lait, d'intermédiaires entre le producteur et leconsommteur, qui mélangent. tout et rompent la piste. Si ces ramasseurs tenaient à mettre leur responsabilité à couvert, ils feraient ce que font les fromagers dans les fruitières coopératives. Tout lait qui arrive est pesé à part, étudié au lactodensimètre ; pour peu qu’il semble sujet à caution, on le met à part, et on compare avec le produit de la traite suivante, prélevé devant témoins. On arrive ainsi, et avec une pénalité sévère en cas de fraude, à ne mettresen œuvre que du lait tel qu'il sort du pis. Mais les producteurs ne sont pas solidaires les uns des autres pour la vente du lait en nature, et les ramasseurs ont d’autres soucis. Ils se défendent naturellement de leur mieux contre les mouillages faits dans les fermes, mais ils se défendent insuffisamment contre ceux qu’ils peuvent faire eux-mêmes, et comme ils sont, par nécessité de métier, très au courant des prati- ques et des rubriques des laboratoires d'hygiène, et des habitudes des tribunaux, on peut assurer qu’ils se tiennent toujours très au voisi- nage de la moyenne de composition au-dessous de laquelle on est sûr d'une condamnation si le lait est saisi. Car il a fallu se résoudre, dans ce cas, à cette détestable méthode des moyennes, ou plutôt fixer une composition minimum au-dessous de laquelle le lait est dit falsifié. Comment faire quand on a terminé patiemment l'analyse complète d’un lait suspect, pour savoir s’il a été allongé d'eau ? On ne peut pas remonter à sesorigines : autant vaudrait essayer de distinguer dans la Seine, à Paris, les eaux de l’Yonne et de V'Armançon. Vite on se rapporte au type minimum. Le Conseil d'hygiène publique de France a, par exemple, officiellement adopté les chiffres suivants pour la composition moyenne du lait de vache, et pour la limite minima au-dessous de laquelle il y à eu addition d’eau. 4 * REVUES ET ANALYSES. 259 Composition Limite moyenne minima. DER PRE POELE 87. 00 88. 5 Extrait sec... + 43. 00 14, 5 Matière grasse... ... 4, 00 2. 1 à 3 0 Caséine et cendres... 4, 00 4, 3 à 4. 0 Sucre derlaiti er >, 00 4. 5 100. OÙ 100. 00 Je pourrais bien discuter ces chiffres tout à fait étranges, demander par exemple pourquoi, dans la limite minima, le chiffre de la caséine est plus fort et celui du sucre de lait plus faible que dans la composi- tion moyenne. Il semble qu’une affusion d’eau doive à la fois les diminuer l’un et l’autre; mais on ne discute pas avec la loi. On l’appli- que, et si le lait suspect tombe au-dessous de la limite minima pour un de ses chiffres, surtout pour l’extrait sec et la matière grasse, il peut être assuré d’une condamnation si l'expert ou les juges ne sont pas un tant soit peu sceptiques. Je reconnais que ces chiffres sont très bas, et qu’en les fixant comme limite minima, le Conseil d'hygiène s’est montré indulgent. J'ai montré ‘ pourtant qu’il avait des cas où un lait normal ne les atteignait pas, et se trouvait exposé à une condamnation imméritée. Mais j'ai un reproche plus grave à leur faire, c’est que les ramasseurs de lait et les grands laitiers les prennent comme étiage, et font tout ce qu'ils peuvent pour n’en pas dépasser le niveau. S'ils avaient le temps, si le commerce du lait n’exigeait pas une activité qui, à certains moments, devient fiévreuse, le public des grandes villes ne boirait que du lait de la composition minimum, c’est-à-dire du lait sûrement étendu d’eau. Et voilà à quoi aboutit cette organisation savante, et cette sur- veillance de la police sur le commerce du lait. Elle n'empêche pas la _ fraude, elle la régularise et lui donne l’estampille officielle. C’est de ce point-là qu’il faut partir pour la juger. Là-dessus, quelques-uns disent : « C'est vrai, la fraude existe, les Parisiens ne boivent guère "de lait qui n’ait pas été mouillé; mais si la surveillance n'existait pas, ce serait encore pis. « Qu’en savez-vous, leur répondrai-je. Si au lieu d’inspirer au public la sécurité trompeuse que lui donnent vos labora- toires, vos saisies, vos analyses, vous lui disiez, comme à propos des vins : « Nous ne pouvons pas tout vérifier, faire asseoir un gendarme sur les genoux de tout garçon laitier, installer un agent dans toutes les crèmeries: c'est à vous de regarder de près à ce que vous achetez, et à changer de laitier si son lait ne vous semble pas bon, si, bouilli, il ne vous donne pas une couche assez épaisse de crème. Si vous ne 1. Principes de laiterie, p. 419. 256 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. trouvez pas de lait frais remplissant ces conditions, recourez au lait stérilisé ou concentré. » «Si vous êtes mécontent de ces derniers, renoncez à un liquide. qu’on ne vous'offre plus que frelaté ou allongé d’eau. Soyez tranquille, si vous vous gendarmez, ce sont les laitiers qui viendront les premiers à résipiscence. Le lait a l'avantage pour le consommateur, l’incon- vénient pour le producteur d'être une marchandise qui se renouvelle incessamment et qui ne se conserve pas. C’est pour cela qu'elle n’est pas à son niveau de prix comme matière alimentaire, et que, même avec les renchérissements subis dans ces dernières années, le kilo- gramme d’azote emprunté au lait comme matière alimentaire revient encore à bien meilleur marché que le kilogramme d’azote emprunté à la viande. Le jour où les producteurs ou les laitiers s’apercevront qu’ils perdent de leurs clients pour avoir voulu trop les exploiter, le com- merce du lait, si réglementé, si étroitement surveillé jusqu'ici, du moins en apparence, redeviendra un commerce normal, soumis aux lois de l'offre et de la demande, et tout le monde y gagnera ; au lieu du lait banal partout à peu près le même et partout étendu d’eau, vous aurez des marques différentes qui viseront à la stabilité des marques commerciales. » Ma conclusion pour le lait est donc la même que pour le vin; tant qu'il ne s’agit que d'additions d’eau, l'intervention des laboratoires a été aussi nuisible qu’utile, et on peut sans péril y renoncer. Au lieu d'employer à des études vaines vos chimistes qui ne demandent qu’à bien faire, de leur faire perdre leur temps à des besognes de garçon de laboratoire, employez-les donc à poursuivre des pratiques vis-à-vis desquelles vous restez inertes en ce moment, absorbés et hypnotisés que vous êtes par la découverte du mouillage. Vous admettez, puisque vous ne poursuivez pas, que les laits peuvent être additionnés de car- bonate de soude, parfois d’acide salicylique ou de borax. Ne croyez- vous pas que cette addition, qui est une falsification véritable, ne soit pas infiniment plus grave pour le consommateur qu’une addition d’eau ? Mais nous arrivons là sur un terrain différent qui serait trop long à parcourir, et qui fera l’objet d’une Revue prochaine. E. Ducraux. 5 ERRATUM. — Dans la dernière Æevue critique, p. 188, ligne 10 à partir du bas, lire : a’ est plus petit que a, au lieu de a' est plus que a. Le Gérant : G. Massox. Sceaux. —Imprimerie Charaire êt Cie, 10me ANNÉE MAI 1896 N° 5. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR TOXINE ET ANTITOXINE CHOLÉRIQUE PAR MM. EL. METCHNIKOFF, E. ROUX ET TAURELLI-SALIMBENI Le choléra est un empoisonnement aigu, causé par l’absorp- tion d’une substance spéciale, élaborée dans l'intestin par le bacille virgule de Koch. Il y a donc un grand intérêt à connaître le poison cholérique:; aussi, de nombreuses recherches ont été entreprises pour retirer, des cultures du microbe, une toxine semblable à celle formée dans l'intestin. M. Petri‘, en cultivant le vibrion du choléra dans des solu- tions de peptone, a obtenu une toxine soluble qui n’est pas alté- rée à l’ébullition et qu’il regarde comme une toxopeptone. Les cultures filtrées sur porcelaine renferment avec la toxine d’autres substances telles que l'indol, la tyrosine, l’'ammoniaque, etc. M. Petri s'est assuré que ces différents corps n’ont pas un pou- voir toxique notable aux doses employées. Les cobayes qui meu- rent après l'injection du liquide sont donc tués par une substance spécifique soluble. Toutefois, l’auteur remarque que la culture entière, stérilisée, qui contient à la fois le poison soluble et les corps microbiens, est plus active que le liquide filtré. Celui-ci n’est pas d’ailleurs très meurtrier ; il en faut 2 c. €. dans le péri- toine, pour tuer un cobaye de 196 grammes, avec de l’hypother- mie et tous les autres signes de l’empoisonnement cholérique. 1. Arbeiten aus dem K. Gesundheitsamte, 1890. Vol. 6, p. 374. 14 258 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. M. Hueppe', frappé de ce que, dans l'intestin des malades atteints de choléra, le vibrion se développe dans un milieu albumineux et privé d'air, a essayé, avec M. Scholl’, de repro-” duire des conditions analogues en faisant la culture dans des œufs. Après que les œufs sont restés quinze jours à l’étuve, leur contenu est versé dans de l’alcool, et le précipité obtenu est recueilli, desséché et traité par l’eau, qui dissout latoxine. Quel- ques centimètres cubes de cette solution, injectés dans le péri- toine des cobayes, les plongent instantanément dans un état soporeux et les font périr en quelques minutes. : En répétant ces expériences, MM. Gruber et Wiener’ ont reconnu que la mort foudroyante des animaux n’est pas due au poison cholérique, mais à l’action de l’alcool et de l’hydro- gene sulfuté qui restent dans la liqueur injectée. Des œufs, non ensemencés, traités de la même façon, donnent un produit aussi toxique. Si on élimine soigneusement l'alcool et l'hydrogène sulfuré, on obtient, avec les œufs cultivés, une Substance qui ne tue plus les cobayes aussi vite, mais les fail périr avec les symp- tômes ordinaires de l’'empoisonnement cholérique. Pour M. Gamaleïa', il existe plusieurs toxines cholériques. Ce savant prépare des cultures très abondantes du vibrion de Koch dans du bouillon de pieds de veau; après quinze jours, il les retire de l’étuve et les abandonne à la température ordinaire pour que le poison contenu dans le corps des microbes diffuse dans le liquide. M. Gamaleïa pense que la substance glaireuse qui entoure les vibrions constitue la toxine, et qu'il faut laisser à celle-ci le temps de se dissoudre. Dans le liquide de macératior, il y aurait deux poisons : l’un, altérable par la chaleur, provoque la diarrhée chez les-lapins; l’autre, qui résiste au chauliage, intoxique les lapins sans amener de selles liquides. M. Wesbroock * a cultivé le vibrion du choléra dans des solu- tions d'alcali-albumine et dans des milieux artificiels de compo- silion définie. Dans les cultures, il à trouvé un poison soluble, plus ou moins abondant suivant la nature du milieu, et qui, concentré, tue les cobayesavec de l'hypothermie. 1. Deulsch. medic. Wochenschrift, 4891. No 53. 2, Archiv. fur Hygiene, 1992. 3. Wiener Klin. Wochenschr., 18992. No 48. 4. Ar:hives de méd, expérimentale, 1892. ». Annales de l’Institut Pasteur, 1894. TOXINE ET ANTITOXINE CHOLÉRIQUE. 259 L'idée que la toxine cholérique est adhérente aux corps mêmes des vibrions a été adoptée par M. Pfeiffer’, qui l’a faite sienne, pour ainsi dire, à cause des travaux que lui-même et ses élèves ont publiés sur le sujet. D’après M. Pfeiffer, le poison cholérique contenu daus les vibrions ne passe au dehors que lorsque ceux- ei se désagrègent. Ainsi, les toxines solubles, trouvées dans les culturés, ne seraient que la toxine déjà plus ou moins modifiée des cadavres microbiens. Lorsqu'on injecte une culture de cho- léra dans le péritoine d’un cobaye, celui-ci succombe, parce qu'une partie des vibrions, tués par les liquides de l’organisme, laissent échapper leur poison. De même, pour le choléra humain, la toxine formée dans l'intestin a pour origine les vibrions morts qui sont toujours au milieu des vibrions vivants. En‘un mot, la cellule vibrionienne ne devient toxique que lors- qu'elle périt. L'expérience principale de M. Pfeiffer consiste à injecter aux cobayes les vibrions d’une culture récente sur gélose, tués par la chaleur ou les vapeurs de chloroforme; ces animaux meurent comme s'ils avaient reçu des vibrions vivants. Cette façon de comprendre le rôle des vibrions dans la péri- tonite cholérique des cobayes et dans le choléra intestinal à été combattue par M. Metchnikoff et aussi par M. Gruber, qui ne reconnaît pas aux cadavres du bacille virgule un pouvoir toxique aussi grand que celui qui leur est attribué par M. Pfeiffer. Au mois de juillet 48952, dans un travail fait sous l'inspira- tion de M. Behring, M. Ransom a annoncé qu'après beaucoup d'essais il était parvenu à extraire, des cultures cholériques en bouillon, un poison soluble d'une grande activité. Cette sub- stance n’est point modifiée à la température de 100°; elle agit sur les cobayes immédiatement après l’injection, en provoquant une prostration profonde et un abaissement considérable de la température, à forte dose, elle les tue d’une façon presque fou- droyante. Avec cette toxine, comme avec les autres poisons microbiens, on peut préparer un sérum antitoxique en accoutu- mant peu à peu les animaux à son action. M. Pfeiffer : combat les assertions de M. Ransom; il considère 4. Zeitschrift fur Hygiene. Vol. 11, 1596. 2. Deutsche medicin. Wochenschrift, 1895. No 29. 3. Zeilschrift fur Hygiene, 1863. Vol. 20, p. 217. — Deutsche medicin, Wochen- schrife, 1896. Nos 7 et 8. 260 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR que la toxine de M. Ransom n'est point la vraie toxique cholérique, mais sans doute une modification de celle-ci. Il ne croit pas non plus que les propriétés antitoxiques du nou-. veau sérum soient supérieures à celles du sérum normal pro- venant de divers animaux. Mais ces critiques ne sont point suffisamment fondées. Pour contredire M. Ransom, il aurait fallu reproduire les faits qu’il avance et posséder la toxine qu'il prépare. Malheureusement, M. Ransom n'a donné aucan détail sur la manière de l'obtenir; M. Pfeiffer dit bien qu’elle est reti- rée de cultures déjà vieilles, sans indiquer à quelles sources il a puisé ce renseignement. On reste donc jusqu'ici privé de la ma- tière première indispensable pour de telles expériences. C'est sans doute à cette circonstance qu'il faut attribuer l'incertitude où l’on est encore au sujet de la toxine cholérique. Actuellement, en effet, deux opinions sont en présence l’une, professée par M. Pfeiffer et son école, place le véritable poison cholérique dans le corps des vibrions, d’où elle ne sort qu’à la mort de ceux-ci; l'autre, soutenue par M. Bebring, M. Ransom et tous ceux qui pensent qu'il n’est pas nécessaire que le bacille-virgule ait péri pour devenir toxique, admet un poison soluble sécrété par le microbe et diffusible de son vivant. Les symptômes observés chez les cobayes sont très sem- blables, que l’on injecte les corps vibrioniens ou la toxine soluble. On pourrait donc croire que le différend entre les deux camps n’est pas aussi profond qu'il le paraît; car, en définitive, il est certain que la toxine est élaborée dans la cellule vibrio- nienne, et toute la querelle se réduirait à savoir à quel moment elle en sort. En réalité, la divergence est beaucoup plus impor- tante entre les deux manières de voir; car, suivant que l’on adopte l’une ou l’autre, on sera conduit à des résultats bien différents. En injectant aux animaux les corps des vibrions, M. Pfeiffer et ses élèves n'auront jamais un sérum capable de combattre l’'empoisonnement cholérique, tandis qu’en iujectant la toxine soluble, M. Behring et ses partisans obtiendront faci- lement un sérum efficace. C’est ce que nous croyons démontrer par les expériences suivantes qui étaient déjà commencées lorsque le travail de M. Ransom a été publié. TOXINE ET ANTITOXINE CHOLÉRIQUE. _261 LA TOXINE SOLUBLE DU CHOLÉRA Une expérience très simple nous permettra d'établir tout d'abord qu'il existe une toxine cholérique soluble et diffusible. Préparons un sac de collodion de 3 à 4 c. c. de capacité, et, après l'avoir stérilisé, introduisons dedans une solution de peptone à 2 0/0, ensemencée avec une trace de vibrion cholé- rique virulent; puis, fermons l’oritice du sac de manière que sa cavité soit tout à fait close. Dans un deuxième sac de collo- dion semblable au premier, mettons le même liquide dans lequel on a délayé deux cultures entières de vibrions sur gélose, après avoir lué les microbes au moyen des vapeurs de chloro- forme, suivant le procédé de M. Pfeiffer. Plaçons, maintenant, ces sacs dans le péritoine de deux cobayes de même poids. Un troisième cobaye reçoit, daus la cavité abdominale, un sac de même dimension que les précédents, mais ne contenant que du bouillon stérile. L'opération est très simple ; elle peut êtreréalisée avec une pu- relé parfaile, et déjà, après quelques heures, les animaux ontrepris leur température normale et paraissent tout à fait bien portants. Le cobaye témoin continue à rester en bonne santé. Celui qui a le sac aux vibrions morts présente, les jours suivants, une légère élévation de température et un peu d’amaigrissement. Quant au cobaye porteur du sac ensemencé avec les vibrions vivants, 1l a, déjà après 24 heures, une élévation de température de 1°, ou même supérieure à 1°; 1l ne mange plus, il perd sa vivacité. Le deuxième ou le troisième jour, le ventre est légè- rement distendu et l’hypothermie commence; les extrémités deviennent froides, l'animal reste inerte et il succombe, du 3° au 5° jour, avectousles signes del’empoisonnement cholérique. A l’autopsie, on trouve le sac de collodion logé en quelque part dans la cavité abdominale, qui renferme un peu d’exsudat. Le péritoine est congestionné, l'intestin grêle est distendu par un liquide diarrhéique, les capsules surrénales sont rouges. On a sous les yeux les lésions ordinaires de l'infection cholérique. Mais, ni la sérosité péritonéale, ni le sang du cœur, ni la pulpe 262 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. des organes ne contiennent aucun vibrion, tous les ensemence- ments restent stériles. « Le sac de collodion est rempli d’un liquide trouble, laiteux, fourmillant de vibrions agiles, sans aucun leucocyte, tant la fermeture est parfaite. L'interprétation de cette expérience ne laisse aucun doute. Le vibrion à cultivé dans le sac, sans passer dans le corps du cobaye, et il a produit un poison soluble qui a diffusé à travers la paroi du collodion. Les vibrions morts, placés en quantités dans les mêmes conditions, ne donnent pas d’empoisônnement aigu. Celui-ci est donc bien causé par la toxine diffusée pendant la période de vie active dés vibrions. La ressemblance n'est-elle pas frappante entre le choléra ainsi provoqué et le choléra intestinal? Dans les deux cas, les microbes n’envahissent pas les organes, ils restent isolés dif corps par une paroi perméable au poison. Notre sac n'est autre chose qu’une anse intestinale artificielle, où nous réalisons un choléra simplifié sans concurrence microbienne ni action*des sucs digestifs ‘. Les conditions de la culture, dans la cavité du sac, sont tout à fait particulières. A travers le collodion des échanges s’établis- sent, des substances élaborées par les microbes sortent du sae, d’autres y pénètrent qui viennent du corps des cobayes. Il en résulte un milieu où le développement du vibriou est d’une abon- dance extraordinaire et où la toxine se produit facilement. Cette expérience montre, jusqu’à l'évidence, l'existence du poison cholérique soluble. Recherchons-le maintenant dans les cultures en dehors de l’organisme. Pour l'obtenir, il est nécessaire d’avoir un milieu de culture approprié et un vibrion aussi actif que possible. Or, on sait combien la virulence du bacille virgule est fragile, combien elle se conserve mal dans les cultures successives. La première difficulté à résoudre, c’est de trouver un moyen de garder au vibrion cholérique une activité constante. Renforcement de la virulence du vibrion cholérique. — Les vibrions qui nous ont servi au début de nos expériences avaient deux origines différentes. L’uu provenait de l'épidémie de choléra 1. On trouvera en appendice, à la fin de ce mémoire, l'observation d'animaux qui ont reçu, dans la cavité péritonéale, des sacs ensemencés et non ensemencés. ‘TOXINE ET ANTITOXINE CHOLÉRIQUE. 263 qui a sévi en Prusse, pendant l'automne de 1894, l’autre, d’un choléra de Constantinople, en février 1895". Ils n'étaient pas très virulents ; le premier. injecté dans le péritoipe, tuait un cobaye de taille moyenne à la dose d'une demi-culture sur gélose, âgée de 2% heures; le second produisait le même effet à la dose d’un quart de culture. Dans la suite, nous avons renoncé au vibrion de Constantinople pour n’employer que celui de la Prusse orientale, meilleur producteur de toxine. La virulence a été renforcée par la méthode classique des passages successifs par le péritoine des cobayes, en faisant une culture sur gélose entre chaque passage. Ce vibrion a été ainsi amené à une activité telle que 1/120° de culture sur gélose tuait un cobaye par inoculation intra-abdo- minale. Îl est difficile de le maintenir à ce degré, car il survient parfois des chutes brusques de virulence qui font perdre en un instant ce que Fon avait eu beaucoup de peine à acquérir. Une méthode plus sûre consiste à alterner les passages par le péritoine avec les cultures en sac que nous avons déjà décrites. Outre l'économie d'animaux qui en résulte, la virulence se main- tient sans abaissement fâcheux. Lorsqu'on introduit dans l’ab- domen d'un cobaye un sac de collodion renfermant de l’eau peptonisée ensemencée avec du vibrion cholérique, l'animal sera d'autant plus malade que le sac aura des dimensions plus grandes et que la paroi de collodion sera plus mince, plus perméable. Un sac de 3 c: c. tuera presque sûrement : un sac de 1 c. c. rendra le cobaÿe malade ; un sac plus petit encore causera un malaise passager. Dans ces sacs, à condition qu'ils soient bien clos et qu'aucun leucocyte n'y pénètre, le vibrion se cultive abondamment et conserve son activilé beaucoup mieux que sur les milieux ordinaires. Déjà, après 24 heures, le contenu du sac est trouble; après 48 heures, il a une apparence laiteuse causée par une quantité énorme de vibrions très agiles, courts et minces. Dès le troisième jour, à côté des vibrions normaux on voit des formes arrondies qui augmentent en nombre les jours suivants, en même temps que certains vibrions s'allongent en filaments et prennent mal la couleur. A partir du septième jour, il n'ya presque plus que des formes arrondies; à cet état, les vibrions ne sont point morts; au bout de deux mois et même d’un temps 4. Nous devons le premier à Fobligeance de M. Pfeiffer, le second à celle de M. Nicolle, 264 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. plus long, il suffit de les ensemencer sur gélose pour obtenir une culture. Ce procédé est très commode pour conserver les microbes fragiles et 1l réussit avec beaucoup d'espèces. Pendant les premiers jours de la culture en sac, alors que les vibrions sont tous à l’état filamenteux, leur virulence augmente, comme on le constate en les inoculant directement, Plus tard, quand les formes arrondies prédominent, ils sont moins actifs, mais ils reprennent très vite leur activité si on les rajeunit par la culture sur gélose, et si on les fait passer dans le péritoine d’un cobaye. Pour avoir les vibrions au maximum d'activité, nous les retirons d’un sac, resté 48 heures dans l’abdomen d’un cobaye, et nous les inoculons directement dans le péritoine d’un autre cochon d'Inde : l’exsudat fournira la matière d’ensemencement d’un nouveau sac. Par ces passages alternatifs en sac et en péri- toine, le vibrion prend une virulence si grande que le contenu d’un sac tue un cobaye moyen avec 1/160 de c. c. inoculé dans la cavité abdominale. A l’autopsie, les vibrions sont relativement peu nombreux dans l'exsudat presque clair et peu riche en leu- cocytes. Ils sont allongés, grèles, flexueux, disposés parfois en longs spirilles. Le sang du cœur en contient si peu que l'examen microsccpique ne les montre pas; mais l’ensemencement sur gélose donne toujours des colonies. L'absence presque complète de phagocytose est un indice de la virulence de.ces vibrions, qui exercent sur les leucocytes une action répulsive. On peut s’en rendre compte en injectant dans la cavité abdominale d’un cobaye neuf quelques c. c. de bouillon peptonisé stérile, ce qui provoque une leucocytose abondante. Après quelques heures, introduisons dans le péritoine le vibrion renforcé, il ne sera pas englobé malgré l'abondance des leucocytes, ainsi que le montrent les préparations faites avec l’exsudat. Cependant les cellules phagocytaires ne sont point paralysées, car elles s’em- parent d’autres microbes mis à leur portée, mais non des vibrions qui paraissent les rebuter. La conservalion de la virulence s’oblient aussi très bien en faisant tous les trois ou quatre jours des cultures en sac, sans mettre le microbe en contact direct avec les tissus du cobaye. Ce sont ces vibrions renforcés que nous ensemençons dans des liquides pour avoir la toxine. Préparation. de la toxine cholérique soluble. — Dans les cas TOXINE ET ANTITOXINE CHOLÉRIQUE. 265 graves de choléra, on est frappé de la soudainelé des accidents toxiques : le poison agit sur l'organisme dès qu'il est formé dans l'intestin, au moment de la culture intensive des vibrions. De même, chez les cobayes auxquels nous mettons des sacs ense- mencés dans le péritoine, les signes d’empoisonnement survien- nent vers le troisième jour, quand la culture est en pleine activité. D'où l’idée de chercher la toxine dans les cultures récentes plutôt que dans les cultures âgées. D'ailleurs, ces dernières. devenues très alcalines, contiennent en abondance de l’ammo- niaque et d’autres substances qui indiquent une transformation profonde de la matière organique. Dans un semblable milieu, une toxine fragile ne tarderait point à être altérée. En réalité, les anciennes cultures filtrées ne sont jamais très actives sur les animaux. Nous nous sommes efforcés de réaliser des cultures rapides, très abondantes, et d'en retirer la toxine avant que celle-ci soit modiliée. La solution de peptone à 2 0/0, additionnée de 2 0/0 de géla- tine et de 1 0/0 de sel marin, convient très bien au développement _ rapide du vibrion. Ce milieu est stérilisé dans des matras et ense- mencé avec le contenu d’un sac retiré du péritoine d’un cobaye. Il est laissé à l’étuve, pendant quelques heures, jusqu’à ce que la culture soit bien en train, puis il est distribué dans des boîtes Petri stérilisées. Après 12 heures, un voile épais s'étend à la sur- face du liquide, trouble dans toute son épaisseur. Au bout de 24 heures, les cultures filtrées sont manifestement toxiques. Cette toxicité est. très angmentée après 48 heures, elle est au maxi- mum du troisième au quatrième jour. Elle diminue ensuite à mesure que les cultures deviennent très alcalines et odorantes. La concentration par évaporation, dans ces conditions de culture, est environ de 1/8 du volume: il est facile de l'empêcher en pla- cant les boîtes de Petri dans une enceinte humide. Le liquide filtré, le quatrième jour de la culture, est alcalin, dégage une odeur spéciale. Dans certaines expériences, il tuait un cobaye de 300 grammes en 18 heures, à la dose de 1/4 de centi- mètre cube en injection sous-cutanée. D'une manière constante, on obtient ainsi une toxine qui fait périr sûrement les cobayes en 16 à 24 heures, à la dose de 1/3 de centimètre cube pour chaque 100 grammes du poids de l’animal. L’addition d’un peu de sérum au milieu précédent augmentele 266 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. rendement en toxine. D’autres liquides de culture que nous avons essayés récemment nous font espérer des résultats meilleurs encore. Nous signalerons ici les essais entrepris en prenant. comme point de départ les observations de M. Metchnikoff sur les microbes favorisant le développement du bacille virgule. Les expériences de M. Metchnikoff ont montré notamment qu’une certaine torula retirée d’un estomac humain facilite la croissance du vibrion cholérique dans les milieux de culture et dans l’intes- tin des jeunes lapins. Une culture de cette torula, en bouillon ordinaire, âgée de 8 jours et filtrée sur porcelaine, donne un liquide non toxique, où le vibrion cholérique produit notablement plus de poison que dans le bouillon non modifié par la torula. La toxine cholérigue, préparée comme nous venons de le dire, n'est pas sensiblement modifiée à la température de l’ébul- lition : elle perd son activité au contact de l’air, surtout en pré- sence de la lumière. Ces propriétés correspondent tout à fait à celles que M. Ransom attribue à la toxine qu'il a obtenue. Nous ajouterons que le poison cholérique est précipité de ses solu- tions par le sulfate d’ammoniaque et l'alcool fort: malgré son altérabilité, il se conserve assez longtemps dans des tubes exacte- ment remplis, fermés à la lampe et gardés à l'obscurité. Au bout de 6 mois, une toxine placée dans ces conditions n'avait perdu qu'un liers de son activité. Action de la toxine cholérique sur les animaux. — De tous les animaux de laboratoire, les cobayes sont les plus sensibles à l'action de la toxine cholérique, surtout quand leur poids ne dépasse pas 250 à 300 grammes. Les gros cobayes résistent mieux, et pour tuer un cobaye de 600 grammes il faut plus de toxine que pour faire périr 2 cobayes de 300. Le poison agit aussi sûrement et aussi rapidement sous la peau que dans le péritoine. La dose minimale mortelle tue en 14 à 16 heures, par- fois en 24 à 30 heures. Une quantité 2 ou 3 fois plus grande amène la mort en 6 à 10 heures. Avec des doses plus fortes; ou avec de Ja toxine concentrée, la mort peut être donnée en quel- ques minutes. L'effet est vraiment foudroyant, surtout si l'injec- tion est faite dans la cavité abdominale. L’abaissement de la température suit immédiatement l’intro- duction du poison : il.est déjà prononcé après 20 à 30 minutes, si on à injecté la dose simplement mortelle, et après 5 à 10 TOXINE ET ANTITOXINE CHOLÉRIQUE. 267 minutes si on à donné une quantité plus forte. La chute de la température continue jusqu'à la mort. Lorsque celle-e1 est immi- nente, le thermomètre marque 24° à 25°. Parfois les cobayes restent dans le collapsus pendant 2 heures et plus avec une tem- pérature inférieure à 30°. Si la quantité de toxine estitrop faible, une élévation fugace de la température précède l’abaissement et l'animal se rétablit. Les symptômes de l’'empoisonnement cholérique par la toxine soluble sont très semblables à ceux qui suivent l'introduction des cultures vivantes de vibrion dans le péritoine des cobayes, mais ils surviennent plus rapidement. Aussitôt après l'injection du poison soluble, l'animal est triste, hérissé, et pousse de petits cris. Puis son ventre est distendu et un peu douloureux à la pres- sion, et il rend des excréments abondants et humides. Ses extrémités se refroidissent, le corps est secoué de petits frissons, la respiration devient courte et fréquente. Bientôt les membres restent inertes, l'abdomen est flasque, les muqueuses se cyano- sent, la sensibilité s’affaiblit et la mort survient. À l'autopsie, on trouve au point d’ivoculation un léger œædème gélatineux, parfois teinté de rouge. Dans la cavité péri- tonéale, un épanchement peu abondant, clair et souvent un peu sanguinolent. L'intestin grèle est hyperhémié, distendu par un liquide diarrhéique. Le gros intestin n’offre rien de particulier. Les parois de l'estomac, le foie, la rate, les reins sont conges- tionnés ; les capsules surrénales, très rouges, présentent souvent de petites hémorragies. Les poumons n’ont en général aucune lésion, sauf dans les cas où l’agonie s’est prolongée, et alors on trouve de la congestion et de l’ædème pulmonaire. Le lapin adulte supporte mieux que le cobaye la toxine cho- lérique. A poids égal, la dose mortelle pour les lapins est supé- rieure d’un tiers à celle qui tue les cobayes. Les lapins intoxiqués présentent les mêmes symptômes que les cobayes, avec cette différence que chez eux la température ne descend guère au- dessous de 30°,'et que la diarrhée est la règle. Les lésions sont les mêmes dans les deux espèces; cependant le contenu du gros intestin des lapins est toujours plus liquide. Pour tuer une souris il ne faut pas moins de 4 & ec. de toxine injectée sous la peau, ou 1/3 de c. c. dans le péritoine, c’est-à-dire qu'une souris de 15 grammes résiste à une dose qui 268 ANNALES DE L’INSTITUT #PASTEUR. fait périr un cobaye de 250 à 300 grammes. Les pigeons et les poules sont encore plus insensibles au poison cholérique. Après avoir reçu 30 c. c. de toxine, un pigeon n'a eu qu'une hypo- thermie passagère. Il suffit de se reporter au mémoire de M. Rausom pour se convaincre que la toxine dont nous parlons a exactement la même action sur les animaux que celle qu'il a préparée lui- même. IT IMMUNISATION DES ANIMAUX CONTRE LA TOXINE CHOLÉRIQUE. —— SÉRUM ANTITOXIQUE Accoutumance des animaux à la toxine. — Y a-t-il accoutu- mance à la toxine cholérique? L'expérience du sac de culture introduit dans le péritoine permet de répondre à celte question. Nous avons dit que la maladie ainsi donnée au cobaye était plus ou moins grave suivant le volume du sac, l'épaisseur des parois et leur perméabilité; il est donc fréquent de voir des animaux survivre. Cela arrive chaque fois que la toxine cholérique ne diffuse pas à travers les parois en assez grande quantité à la fois pour causer un empoisonnement sérieux. Dans un lot de cobayes en expérience, choisissons-en un qui présente, après l'introduction du sac, d'abord de l'élévation de température, puis un petit ahaissement au-dessous de la normale: ce cobaye est manifestement malade, il maigrit considérablement. puis il se rétablit peu à peu. Quand :l est revenu à son poids primitif, injectons-lui une dose sûrement mortelle de toxine cholérique, ainsi qu’à un cobaye neuf de même poids que lui. Ce dernier tombe rapidement dans le collapsus et meurt. Le cobaye au sac éprouve des signes de malaise, une élévation notable de la température, suivie d’un abaissement plus ou moins prolongé au-dessous de lanormale ; mais, après quelques heures, il est rétabli. Les petites quantités de toxine, sorties du sac pen- dant la culture des vibrions, ont donc produit une accoutumance qui se manifeste par la résistance à une dose mortelle de poison. Après quelques jours de repos, notre cobaye subit victorieuse- ment une deuxième épreuve plus sévère que la première. La troisième fois, il supporte une quantité de toxine quatre fois mortelle : sa résistance s’accroît à mesure qu'il reçoit du poison. Graduellement, nous arrivons à lui injecter une dose 16 fois TOXINE ET ANTITOXINE CHOLÉRIQUE. 269 mortelle de toxine cholérique. Retirons alors de son sang pour essayer s'il a une propriété antitoxique. Celle-ci est très marquée ; une dose mortelle de toxine mêlée à 1 c. c. du sérum obtenu est inoffensive pour un jeune cobaye, tandis que le mélange de la même quantité de toxine et de sérum d’un cobaye neuf tue un cochon d'Inde d’un poids plus élevé. Eclairés par cette expérience, nous n'avions plus qu’à injecter de notre toxine à diverses espèces animales, pour les immuniser et obtenir un sérum antitoxique d’après la méthode habituelle. Nous avons commencé par immuniser des cobayes et des lapins. L’injection de petites doses de toxine détermine chez eux une augmentation de la température pendant 4 à 8 heures, puis un abaissement qui peut aller au-dessous de 36° pour les cobayes et jusqu à 31° pour les lapins. Après 24 k heures, la réaction ther- mique est terminée et les animaux mangent comme à l’habi- tude. Les injections répétées amènent un amaigrissement passager chez les cobayes, mais plus durable chez les lapins, qui mourraient cachectiques si on n’interrompait pas l'expérience jusqu’à ce qu'ils aient repris leur poids primitif. Les chèvres réagissent aussi par une élévation de tempéra- ture quand on leur injecte 2 à 5 c. c. de toxine. Une chèvre qui avait reçu nombre de fois du vibrion cholérique vivant, et dont le sérum élait très efficace pour prévenir la péritonite cholérique, eut une fièvre marquée après l’injection de 3 c. c. de toxine. Puis la réaction alla en s’atténuant au fur et à mesure que l’accoutumance s’est établie. Deux chevaux ont reçu des injections graduées de toxine cholérique. Après une première dose de 10 c. c., leur température atteignit 40°, un œdème volumineux se forma au point d'injec- tion ; ils étaient abattus et refusaient la nourriture. Lorsqu'ils furent bien rétablis, on leur fit à intervalles de dix à quinze jours de nouvelles injections de plus en plus fortes, et au bout de . Six mois ils supportaient 200 c. c. de toxine injectés en un seul coup. À chaque fois la température commençait à monter une heure environ après l'injection, pour atteindre le maximum au bout de 8 à 12 heures. La fièvre s’apaisait alors, et la tempé- rature, après quelques oscillations, retombait à la normale le deuxième jour, sans que l’on observât ensuite d'hypothermie. L'ædème, au point d'injection, s’étendait d'autant plus que Ja 270 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, dose de toxine était plus forte et que les chevaux étaient moins immunisés. Îl ne faut pas mettre trop de toxine au même point, pour ne pas provoquer de sphacèle de la peau. D'ailleurs une. grande masse de toxine injectée en une piqûre s’absorbe mal, et ne provoque pas une réaction plus forte qu'une quantité moindre plus vite résorbée. D’ordinaire, lœdème disparaît après 5 ou 6 Jours, mais il convient de laisser reposer les animaux encore 8 à 10 jours ayant de recommencer les injections. Pendant la période de réaction, les chevaux sont abattus, ne mangent pas, mais ils n’ont jamaïs eu de troubles intestinaux ni d'albuminurie. Pour apprécier le pouvoir antitoxique du sérum des animaux immunisés, on en mélange un volume donné à des quantités de toxine plus ou moins considérables, et on injecte le tout sous la peau du cobaye. Disons, tout d’abord, que le sérum des animaux neufs (cobayes, lapins, chevaux) ne possède pas de propriété antitoxique notable. Au contraire, les animaux qui ont reçu de la toxine cholérique fournissent un sérum antitoxique d'autant plus actif que lim- munisation à été poussée plus loin. Ainsi, les cobayes auxquels on à placé dans le péritoine des cultures en sac de collodion ont un sérum très peu antitoxique, mais qui le devient rapidement après quelques injections de toxine. Un de ces animaux, qui supportait très bien seize fois la dose mortelle, a donné un sérum dont À c. c. neutralisail 4 c. ©. d’une toxine dont 2/3 de €. c. ont tué un cobaye de 250 grammes en 14 heures. Avant de commencer l’immunisation des chevaux, nous avions constaté que leur sérum n'avait aucun pouvoir antitoxique appréciable. Après trois mois, alors qu'ils avaient reçu 350 c. c. de toxine, 3 c. c. de leur sérum rendaient inoffensive une fois et demie la dose mortelle de toxine. Après six mois, 1 c. ce. de leur sérum neutralisait quatre fois la dose mortelle de toxine : à ce moment on leur avait injecté 950 c. c. de poison. : Voici les symptômes que présentent les cobayes auxquels on donne un mélange de toxine et de sérum sous la peau. Quand la dose de toxine ne dépasse pas sensiblement la dose mortelle (1 ce. ec. de séram et 1 1/2 €. c. de toxine pour un Cco- baye de 300 grammes) les troubles sont insignifiants, la tempé- rature s'élève de un degré et quelques dixièmes et, après quelques " TOXINE ET ANTITOXINE CHOLÉRIQUE. 271 oscillations, redevient normale entre la dixième et la seizième heure. Tout se borne à cette hyperthermie. Si la dose de toxine contenue dans le mélange est très notablement supérieure à la dose mortelle (4 ce. c. de sérum, 2 1/2 ec. c. de toxine pour un cobaye de 300 grammes) et à plus forte raison si elle est voisine de la quantité que le sérum est capable de neutraliser, les troubles apparaissent aussitôt après l'injection, comme chez les animaux qui ont reçu la toxine pure. Tous ont de l'hypothermie, la tempé- rature descend jusqu'à 35°, mais tandis que chez les cobayes témoins elle continue à baisser jusqu'à la mort, chez ceux qui ont recu le sérum elle remonte au bout de 2 à 4 heures, et s'élève à un ou deux degrés au-dessus de la normale. En même temps que cette réaction thermique s’élablit,les autres symptômes d’in- toxication se dissipent et. la guérison est complète en une vingtaine d'heures environ. Au lieu de mélanger le sérum et la toxine, on peut les in- jecter séparément, les effets sont les mêmes, mais il faut alors employer un peu plus de sérum. : Le sérum antitoxique est aussi préventif, c'est-à-dire qu'il est efficace contre le vibrion vivant introduit dans le péritoine. Celui des chevaux dont nous venons de parler protège, à l& dose de 1/150 de c. c., un cobaye contre l'injection par une dose de culture sûrement mortelle. Tous ces faits sont d'accord avec ceux que M. Ransom à pu- bliés : il n’est donc pas douteux que notre toxine cholérique soit la même que celle de ce savant. D'ailleurs, grâce à l’obligeance de M. Behring qui a bien voulu nous envoyer du sérum ,anti- toxique préparé par M. Ransom, nous avons pu constater que celui-ci était efficace contre notre toxine. L'existence d’un sérum cholérique : antitoxique ne peut donc êlre mise en doute. Les animaux immunisés par injection de vibrions tués, puis de vibrions vivants,donnent un sérum très efficace contre l'infection cholérique. C'est ainsi que M. Pfeiffer est arrivé à préparer un sérum de chèvre qui, en quantité véritablement infiniment petite, protège les cobayes contre la péritonite vibrionienne. Cependant ce sérum est tout à fait impuissant contre la toxine; mélangé avec elle, il n'atténue nullement ses elfets. L'immunisalion des animaux au moyen des corps microbiens 272 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. morts ou vivants produit un sérum tout autre que l’immunisa- tion par la toxine soluble. Toutefois, il est certain que le poison cholérique existe dans le corps des vibrions; pourquoi, injecté avec ceux-ci, ne donne- t-il pas d’antitoxine ? C’est sans doute parce que, dans ces condi- tions, il pénètre dans l'organisme fixé aux microbes et pour ainsi dire à l’état solide. Les vibrions introduits sont presque aussitôt englobés par les leucocytes qui les digèrent et en même temps la toxine qu'ils contiennent. Les injections successives de cul- tures sur gélose ne font qu'’exalter la fonction phagocytaire et aceoutumer les seuls leucocytes à la toxine. Celle-ci n'arrive pas jusqu'aux autres systèmes cellulaires; aussi, les cellules ner- veuses, celles du foie, celles du rein seront-elles sans défense contre la toxine dissoute et rapidement diffusible. L’immunité phagocytaire seule acquise dans ce cas, quelque forte qu’elle soit, sera insuffisante à sauver l’organisme. Un animal immunisé contre le microbe ne l’est point contre le poison à l’état soluble, aussi il ne donne pas de sérum auti- toxique, maïs un sérum préventif. Ce sérum est capable d’exciter la défense phagocytaire chez les animaux qui le reçoivent.et par conséquent il est efficace contre le microbe vivant, mais il est impuissant contre la toxine. Or, ilest évident que, pour combattre le choléra de l’homme, qui est un empoisonnement, il faut un sérum antitoxique et non un sérum antimicrobien. Que pourrait d’ailleurs celui-ci contre des vibrions développés dans l'intestin, et pour la ma- jeure partie, hors de l'atteinte des cellules? Mais c’est là un point qu'il ne suffit pas de soutenir par des raisonnements, il faut l’établir par des expériences directes, en essayantles effets du sérum préventif et du sérum antitoxique sur le choléra intes- tinal des jeunes lapins, qui ressemble absolument à la maladie humaine‘. 1. Le contenu intestinal filtré des jeunes lapins morts du choléra renferme une petite quantité de toxine soluble qui agit comme celle des cultures, mais avec moins d'intensité. TOXINE ET ANTITOXINE CHOLÉRIQUE. 273 AIT CHOLÉRA INTESTINAL ET SÉROTHÉRAPIE Les “expériences de M. Metchnikoff ont démontré que les petits lapins, encore nourris par la mère, prennent le choléra intestinal si on leur fait avaler des bacilles virgules. La maladie éclate bien plus sûrement si, en même temps que les vibrions cholériques, les jeunes lapins ingèrent certains microbes favo- risants. Pour éviter la complication d'une association micro- bienne, M. Metchnikoff a cherché un vibrion capable, à lui seul, de donner le choléra intestinal aux petits lapins. Il l’a trouvé dans un bacille-virgule isolé d’un cas de choléra humain étudié par M. Nicolle à Constantinople, en février 1895. Essayé en avril, deux mois après l'isolement, le vibrion détermine la maladie typique chez la grande majorité des lapins en lactation qui en avalent en petite quantité, et permet, ce qu'on n'avait pu obtenir jusqu'ici, de communiquer directement ‘le choléra de lapin à lapin par ingestion du liquide cholérique du cœcum. Les petits lapins qui avalent quelques gouttes de ce liquide aqueux, toujours très riche en vibrions, prennent le choléra et “meurent pour la plupart. Un grand nombre de passages directs, rarement interrompus par des cultures sur gélose, ont été ainsi réalisés. Au bout d’un an, après 50 passages, et malgré que le vibrion se fût adapté à la production du choléra intestinal, sa virulence, mesurée par la dose capable de donner aux cobayes une péritonite mortelle, était restée stationnaire. Il fallait un quart de culture fraîche sur gélose, injectée dans la cavité abdo- minale, pour tuer sûrement un cobaye d'environ 300 grammes, tout comme au début des expériences. Parmi les jeunes lapins qui avalent ce vibrion, si apte à pro- voquer le choléra intestinal, un certain nombre résistent. Sur 58 petits lapins qui, pendant les mois de février et de mars de cette année, ont absorbé le contenu du cœcum de lapins cholé- riques, ou encore des cultures récentes du vibrion de Constanti- nople (du 31 au 41 passage), 11 ont résisté définitivement, ce qui fait une proportion de 19 0/0 de survies. Il est arrivé une fois qu'une nichée toute entière a résisté, chacun des petits avait ingéré 4 gouttes du contenu cholérique du cœcum d’un lapin du 18 274 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. « 39° passage. Le plus souvent, les individus réfractaires ne se trouvent qu’en très petit nombre au milieu de frères sensibles au choléra. C’est ce vibrion qui a servi aux expériences destinées à éprouver l’action des sérums dans le choléra intestinal” Influence du sérum préventif sur le choléra intestinal. — Ge sérum est fourni parles animaux immunisés au moyen d’injections de vibrions cholériques vivants ou morts. M. Pfeiffer, qui a poussé très loin l’immunisation des chèvres par ce procédé, a obtenu un sérum d’une activité extraordinaire pour empêcher la péri- tonite cholérique expérimentale du cobaye. Nous ne saurions trop remercier M. Pfeiffer de l’amabilité qu'il a eue d'offrir de, ce sérum à l’un de nous, pour essayer son efficacité sur le cho- léra intestinal des jeunes lapins. Depuis l’automne de 1894, cette épreuve a été faite à diverses reprises avec plusieurs échantillons de sérum. Le premier était préventif à la dose de 3 milligrammes. Un autre plus actif était efficace au 1/8 de milligramme. L’injection, sous la peau des petits lapins, de 2 c. c. de ce dernier sérum, c'est-à-dire d’une quantité suffisante pour protéger 16,000 cobayes contre la péri- tonite vibrionienne, a été absolument sans effet contre le cho- léra intestinal. Cette maladie s’est déclarée chez les lapins traités” avant ou en même temps, ou quelquefois un peu plus tard que chez les lapins témoins, et elle a présenté, dans les deux lots, le même caractère de gravité. Les lésions intestinales étaient des plus typiques, le vibrion ne s’est généralisé ni dans le sang ni dans les tissus, qui étaient certainement bien préservés contre l'infection vibrionienne. Au mois d'octobre 1895, M. Pfeiffer fit parvenir obligeam- ment à M. Metchnikoff un peu de sérum encore meilleur que les précédents; il était préventif au 1/15 de milligramme . A deux jeunes lapins, on injecta dans le tissu sous-cutané 3 c. c. de ce sérum, et à un troisième, 1 c. c. seulement. Les premiers avaient reçu chacun une dose suffisante pour empêcher la péritonite cholérique chez 45,000 cobayes; 24 heures après la dernière injection vaccinale, ils absorbèrent ‘du vibrion cholérique de 1. 3 c.æ. de ce sérum, mêlés à la dose simplement mortelle de notre toxine cholérique n’ont montré aucune action antitoxique. Le cobaye qui a reçu le mé lange a succombé à l'empoisonnement cholérique. PP TS A PRE SEEN D ONE OP 7 ALES TOXINE ET ANTITOXINE CHOLÉRIQUE. 275 Constantinople (24° passage), en même temps que deux témoins de la même nichée, composée de cinq petits âgés de 6 jours. Un des lapins vaccinés par 3 c. c. de sérum a survécu; l’autre mourut du choléra typique un jour après un des témoins, et 24 heures avant l’autre. Le dernier des cinq lapins, auquel on avait donné 1 e. e. de sérum, périt aussi du choléra en même temps que le second témoin; bien qu’on ne lui ait pas fait avaler directement de vibrions, il s’est contagionné dans le nid en tétant lamère. Une dose de sérum préventive pour 15,000 cobayes ne l’a pas mis à l'abri de la contamination. Quant au lapin sur- vivant, il faut attribuer sa survie plutôt à une résistance indivi- duelle (qui d’ailleurs se rencontre 19 fois sur cent) qu’à l’action des 3 c. c. de sérum qu'on lui a injectés, car son frère, traité de même, a périavant un des témoins. Pendant l’hiverilfut impossible d’expérimenter sur les jeunes lapins; la dernière portion du sérum de M. Pfeiffer fut donc mise en réserve pour plus tard. Sa conservation était assurée par une proporiüon de 5 0/0 d’acide phénique ; mais, après deux mois, ce sérum étaitsi modifié qu’à la dose de 0,02 c. c. il ne pro- tégeait plus les cobayes contre la dose minimale mortelle de vibrion cholérique de Constantinople, tandis qu’au début il agissait au 1/15 de milligramme. En résumé, des sérums extrémement efficaces contre l'infection cholérique, c'est-à-dire contre l'envahissement du sang et des organes par le vibrion de Koch, sont impuissants contre le choléra intestinal des petits lapins. Influence du sérum antitoxique sur le choléra intestinal. — Le sérum provenait d’un des chevaux immunisés par la toxine cho- lérique soluble, et dont il a été parlé dans le cours de ce mémoire. Il a été utilisé cinq mois après le début de l’immuni- sation ; son pouvoir préventif vis-à-vis de la péritonite cholérique était compris entre 0,01 et 0,02 c.c. 3 c. c. de ce sérum neutra- lisaient quatre fois la dose mortelle de toxine soluble. Pour une seconde série d'expériences, le sérum fut retiré six mois après le commencement de l’immunisation du cheval; alors son pouvoir préventif était compris entre 0,01 c. c. et 0,005 c. ce. et il neutralisait une quantité de toxine quatre fois mortelle à la dose de 2 €. c. L'influence de ces deux échantillons de sérum sur le choléra 276 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. intestinal des petits lapins a été étudiée dans des conditions variées. Tantôt les injections vaccinales étaient pratiquées un ou plusieurs jours avant l'absorption du virus cholérique; tantôt l'injection du virus et l’ingestion des vibrions avaient lieu en même temps; quelquefois enfin, le sérum était injecté à des temps variables après l’absorption du choléra, à titre thérapeu- tique. Dans toutes les expériences, plusieurs petits lapins recevaient le sérum en injections sous-cutanées, tandis que plusieurs deleurs frères de la mème portée étaient gardés comme témoins. Traités et témoins ingéraient le virus dans des conditions identiques, soit à l’état de culture sur gélose, soit à l’état de liquide du cœcum de lapin cholérique. Exposons d’abord les essais sur l’action prophylactique du sérum. Peu de jours déjà après leur naissance, les lapins supportaient sans inconvénient les injections préventives : on pouvait leur injecter plusieurs €. c. à la fois du sérum préparé à l'Institut Pasteur, et qui ne contient aucune substance antiseptique. Ce traitement préventif était continué pendant plusieurs jours de suite, et quand les lapins atteignaient l'âge dehuit jours à peu près. ils avalaient le vibrion cholérique en même temps que les témoins. La quantité de sérum injectée à varié, suivant les expé- riences, de 4 c. c. à 8 c. c. 5. Cette quantité de 8 c. c.5 aurait tout au plus suffi pour prévenir la péritonite cholérique chez 6,500 cobayes, ce qui esthien loin des 16,000 etdes 45,000 cobayes qui auraient pu être préservés par les doses du sérum de M. Pieiffer utilisées dans les essais précédents. Et cependant tandis que ce sérum préventif si puissant de M. Pfeiffer n’a pas empêché le choléra intestinal des petits lapins, le sérum anti- toxique de notre cheval a produit un effet manifeste. Presque dans toutes les expériences, les lapins traités par ce sérum antitoxique ont pris le choléra plus rarement que les témoins, et, chez ceux qui l’ont contracté, la maladie est surve- nue plus tardivement. Sur 64 lapins qui ont été utilisés en dix expériences, 27 ont été traités, 15 ont survécu; sur 37 témoins des mêmes nichées, 6 seulement n’ont pas pris le choléra. La proportion est donc de 56 quérisons sur 100 traités: et de 16 guérisons sur 100 fémoins. TOXINE EP ANTITOXINE CHOLÉRIQUE. 277 Parmi les lapins morts du choléra malgré le traitement, plu- sieurs ont pris la maladie très tardivement et ont succombé 1, 8, 4, 11, et même une fois 13 jours après l'injection des vibrions. Les témoins mouraient en général beaucoup plus vite : un seul a pris le choléra 8 jours seulement après le repas infectieux. Beaucoup de ces morts tardives doivent être aitri- buées à ce que les injections de sérum cessant à partir du moment de l'absorption des vibrions, l'influence du sérum avait déjà disparu au bout de quelques jours. L'effet du sérum a été encore favorable lorsqu'il a été injecté au moment de l’ingestion des vibrions. Sur 39 petits lapins de 6 nichées, 18 ont reçu le virus cholérique en même temps qu’on leur injectait des doses de sérum variant de 2 c. c. à 9 c. c.; 8 seulement ont survécu. 21 lapins témoins des mêmes nichées n’ont donné que 5 survi- vants. C'est-à-dire que les lapins traités ont résisté dans la proportion de 45 0/0 et les lapins non traités dans celle de 2% 07/0. L'action bienfaisante du sérum, dans ces deux séries d’expé- riences, ne peut être altribuée qu’à ses propriétés antitoxiques, car des doses considérables de sérum de cheval neuf ou de lapin normal données préventivement à des petits lapins n’ont eu aucune action prophylactique. Le sérum employé dans quelques expériences était addi- tionné d’un demi pour cent d'acide phénique, il a donné des résultats moins satisfaisants que le même sérum sans anti- septique utilisé d’ailleurs dans la très grande majorité des cas. Le tablean suivant résume les expériences que nous venons d'exposer et qui ont porté sur 103 petits lapins : LAPINS TRAITÉS LAPINS NON TRAITÉS A —— ES Morts. Survivants. Morts. Survivants. Avant l’ingestion du virus. Injection du sérum faite au moment de linges- tion du virus 278 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Un simple coup d'œil jeté sur ce tableau montre l'efficacité du sérum antitoxique pour prévenir le choléra intestinal, il fait voir aussi combien est meurtrier le choléra donné aux petits lapins, puisque les témoins ont succombé dans la proportion de 81 0/0. Quant aux tentatives de traitement pratiquées après le début de la diarrhée, ou même 24 heures après l’ingestion des vibrions alors que les lapins ne manifestent aucun signe de maladie, elles ont échoué. Cela tient probablement .au faible pouvoir anti- toxique du sérum employé; il y a lieu d'espérer que les chevaux plus fortement immunisés par la toxine soluble donneront une antitoxine plus efficace. Les expériences seront reprises à ce moment, celles qui précèdent permettent cependant de conclure que le sérum anticholérique, préparé d'après le principe de M. Behring, empêche le choléra intestinal des petits lapins. APPENDICE Voici, à titre de renseignement, l'observation de cobayes qui ont reçu dans le péritoine, les uns des sacs ensemencés, les autres des sacs ne contenant que du bouillon. EXPÉRIENCE. — Le 20 septembre 1895, un cobaye de 450 grammes, dont la température est de 380,6, reçoit dans le péritoine un sac de collodion, d'une capacité de 2 c. c. environ, rempli aux deux tiers d’eau peptonisée à 2 0/0, ensemencée avec des vibrions cholériques. L'opération est faite le matin à 9 heures : immédiatement après l'animal est un peu abattu et sa lempérature descend jusqu'à 36°,2. Le ventre est un peu ballonné et sensible à la pression. A midi la température est de 382,2; à 6 heures de 380,8 : l’animal est tout à lait remis. — Le 21 septembre à 8 heures du matin, température 40°,2; à 6 heures du soir 400. Etat général excellent. — Le 22 septembre, l'animal est un peu abattu, le ventre est faiblement ballonné et sensible à la pression: 9 heures du matin, température 390,8; 6 heures du soir, température 380,6. — Le 23 septembre.le cobaye ne mange plus, il a le ventre distendu et douloureux, il est dans un état de prostration marquée: 9 heures malin, température 360.4; 6 heures du soir, 340,2. I] meurt dans la nuit, — A l'au- topsie, on trouve le sac enveloppé dans l'épiploon qui est congestionné. L'intestin grêle, rouge, est rempli d'un liquide diarrhéique. Dans la cavité abdominale il y a une faible quantité de liquide, clair, un peu rougeàtre. Le foie, les capsules surrénales sont congestionnés. Les reins sont pâles. Rien dans les poumons. Le liquide péritonéal renferme très peu de leuco- cytes, il ne contient pas de microbes. L'exsudat péritonal et le sang du cœur, ensemencés en grande quantité, ne donnent aucune culture, DUR DES BOT ME TOXINE ET ANTITOXINE CHOLÉRIQUE, 279 EXPÉRIENCE. — Le 20 septembre 1895, on introduit dans le péritoine d’uue cobaye de 410 gr. un sac contenant 2 c. c. d'eau peptonisée stérile. Au moment de l'opération, à 9 heures du matin, la température est de 39, Après l'opé- ration elle descend à 35°,6. À midi, la température est de 370,8. L'état géné- ral est bon, le ventre est un peu ballonné et douloureux. A 6 heures, la température est de 390,2, le cobaye est rétabli. — Le 21 septembre, 8 heures du matin, température 380,8; 6 heures du soir, température 390, — Le 22 septembre, 8 heures du matin, température 390,2; 6 heures du soir, tem- pérature 590,0, — Le 23 septembre, 8 heures du matin, température 380,4; 6 heures du soir, 38°, 8. — Le 24 septembre, 8 heures du matin, tempéra- ture 390,4; 6 heures du soir : 390, L'animal reste bien portant pendant un mois, puis il maigrit et meurt le cinquantième jour après l'opération. A l’autopsie on trouve le sac très adhérent à l'intestin grêle, dans une sorte de magma qui accole plusieurs anses de l'intestin, qui sont pâles et vides : il n y a pas d’autres lésions. I! semble que la mort soit due aux troubles diges- tifs causés par les adhérences de l'intestin. EXPÉRIENCE. — Le 14 novembre 1895, on introduit dans la cavité abdo- minale d’un cobaye pesant 270 grammes un sac de collodion contenant 2 c. 1/2 d'eau peptonisée, ensemencée avec l’exsudat péritonéal d'un cobaye mort à la suite de l'injection de 1/80 d’une culture sur gélose âgée de 24 heures. — Au moment de l'opération, à 9 heures 1/2 du matin, la température est de 390,2. — Immédiatement après l'opération, à 9 h. 50 elle est de 359,9. Le cobaye est encore sous l'influence de l’éther. A 1 heure après-midi, la température est de 380,4; à 6 heures, température 39%: Le cobaye est rétabli. — Le 15 novembre, 9 heures matin, température 390 : 6 heures soir, température 400,6. — Le 16 novembre, 9 heures matin. température 409; 6 heures soir, témpérature 360,8. — Le 17 novembre, 9 heures matin 290,8. Ventre ballonné, douloureux, prostration profonde: midi, température 280; { heure après-midi, 260,6; mort à 2h. 1/4. — A l’autopsie, congestion de l'intestin grêle qui renferme un liquide diarrhéique. Pas de microbes dans l’exsudat péritonéal, qui ne donne pas de culture à l'ensemencement, non plus que le sang du cœur. ExPÉRIENCE. — Le 14 novembre 1895, un cobaye du poids de 295 gr., reçoit dans la cavité abdominale un sac de collodion contenant 3 €, ec, d’eau peptonisée stérile. Au moment de l'opération : température 380,8. Immédiatement après l'opération, à 9 h. 10 du matin, température 360,4. A une heure de l’après- midi, température 390,8; à 6 heures du soir, température 390, — Le 45 no- vembre, 9 heures du matin, température 380,8. Ce cobaye est tout à fait bien, portant. 6 heures du soir, température 390,2 — Le 16 novembge, 9 heures du matin, température 390. 6 heures du soir, température 380,4, — Le 17 novembre, 9 heures du matin, température 380,8; 6 heures du soir, température 380,9, — Le 18 novembre le cobaye est en très bon état de santé. Deux mois et demi après il est toujours vivant et a beaucoup aug- menté de poids. ExPÉRIENGE. — Le 14 novembre 1893, dans l'abdomen d'un cobaye de 340 grammes, on place un sac de collodion contenant 2 c. c, 1/2 d’eau pepto- 280 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. nisée dans laquelle on a délayé les vibrions d'une culture et demie sur gélose âgée de 24 heures. Les microbes ont été tués par les vapeurs de chloro- forme. Au moment de l'opération, à 10 heures du matin, la température est de 390,4. Après l'opération elle est de 360,4; à 2 heures de l'après-midi, température 390,8; à 7 heures du soir 400,2. Le 15 novembre, 10 heures du matin, température 390,4; à 7 heures du soir température 390. — Le 16 novembre, 10 heures du matin, température 380,8; 6 heures du soir, tem- pérature 390. — Le 17 novembre 10 heures du matin température 380,6 ; 6 heures du soir 390,2. — Le 18 novembre 10 heures du matin, température 39; 6 heures du soir 380,8. — Le 23 novembre le cobaye pèse 312 gram- mes. Il reste bien portant dans la suite. MARCHE DE LA TEMPÉRATURE DANS L'INTOXICATION PAR LE POISON CHOLÉRIQUE SOLUBLE Toxine retirée d'une culture dans la solution de peptone 2 0/0, gélatine 2 0/0, sel marin 1 0/0, ensemencée avec le contenu d'un sac, resté 48 heures dans le péritoine d’un cobaye. Culture filtrée le 3e jour. Cobaye A. Poids 250 grammes. Cobaye B Poids 250 grammes. Cobaye C. Poids 285 grammes. ce de toxine sous la peau. 2ec sous la peau. ace sous la peau. HEURES TENP, HEURES TEMP. HEURES TEMP, Injection 2h. apr.-m. 3508 Injection 2h. apr.-m. 3804 Injection 2 h. apr.-m. 3902 — 2 h. 30 — 3702 — 2 h. 30 — 3706 — 2 h. 30 — 3608 — 3 b. — 3700 — 3 h. — 3702 — 3 h. _— 3600 — 3 h. 30 — 3508 — 3 h. 30 — 3508 — 3 h. 1/2 — 340% — 4 D. — 3502 — % h. — 3309 D 4 h. 3305 — 5 h. — 3406 = Dhh: — 3005 — 5 h. — 2906 — 6 h. — 3104 — 6 h. — 280% — 5 h. 25 — mort. — 7 h. 1/2 — 3000 — 7 h. 172 — 2506 — 9 h. 1/2 — 2808 . — 8 h. — mort. — 10h. 1/2 — 2406 — 10h. 45 — mort. Cobaye D. Poids 220 grammes. Cobaye E. Poids 45) grammes. 1/2cc sous la peau. (Toxine 3 jours.) Acc sous la peau. (Toxine 3 jours.) HEURES TEMPÉRATURE HEURES EMPÉRATURE Injection 4 h. 35 après-midi 3604 Injection 3 h. 8 après-midi 3808 — 4 h. 45 — 370% — 3 h. 13 —— 37°2 — 2 h — 3704 — 3 h. 18 — 3782 — 3 h. = 3700 — 3 h. 30 — 360% — 4 h. — 3606 — 4 h. — 3504 — 4 h. 45 — 3506 — 4 h. 15 — 3408 — 5 h. 3/4 — 3504 — 4 h. 30 — 3400 Meurt dans la nuit. — 4 h. 38 — mort. Cobaye T. Poids 350 grammes, Cobaye V. Poids 370 grammes. (2cc toxine sous la peau.) . (fee toxine sous la peau.) HEURES TEMPÉRATURE HEURES TEMPÉRATURE Injection 4 h. après-midi 3902 Injeclion 10 h. matin 3806 — 4 h. 30 — 3800 — 10 h. 1/4 — 380 — 5 h. — 3608 — 40 h. 172 — 3708 — 5 h. 30 — 3404 — 40h42 — 3706 — 6 h. _ 340 — 2 h: après-midi 3606 — AR: — mort. — 4 h. — 3406 — 6 h. 30 — 3100 6 h. 10 -— mort. LAPIN F, POIDS 1,000 GRAMMES. 6Ct SOUS LA PEAU. HEURES TEMPÉRATURE HEURES TEMPÉRATURE Injection 2 h 10 après-midi 3907 2 nov. 95 9h. matin (diarrhée) 3500 4er nov. 95 6 h. — (diarr.) 4000 — midi — 3200 = 8 h. 1/2 ENS 02 = 2 h. = 3108 — 10 h. 1/2 — — 3804 — 3 h 15 mort. F2 minuit = — 3800 TOXINE ET ANTITOXINE CHOLÉRIQUE. 281 TOXINE CONCENTRÉE AU 1/5 DE SON VOLUME DANS LE VIDE A 400 Cobaye H. Poids 320 grammes. 4cc{/> péritoine Mort instantanée. Cobaye G. Poids 295 grammes. Ace dans le péritoine. Mort en 7 minutes. Cobaye I. Poids 280 grammes. 3/4cc dans le péritoine. Mort en 22 minutes, Cobaye K. Poids 272 grammes. 4ce1/2 sous la peau. Mort en 16 minutes. . COMPARAISON DE LA TOXINE NON CHAUFFÉE ET CHAUFFÉE Toxine non chauffée. Toxine chauffée 6 h. à 650. Toxine chauffée 1/4 d’h. à 100. Cobaye L. Poids 230 grammes. Cobaye M. Poids 230 grammes. Cobaye N. Poids 240 grammes. {ce sous la peau. ice 1/2 sous la peau. 4ce 1/2 sous la peau, HEURES TEMP. HEURES TEMP. HEURES TEMPS Injection 11 h. 5 matin 3806 Injection 3 h. apr.-m. 3806 Injection 3 h. 30 apr.-m. 3808 — 4 h. apr.-m. 3606 — 5 h. — 3700 — 5 h. — 400 — Ah. — 3406 = rie — 3206 — 7 b. — 3500 Mort dans la nuit. — 9 h. 30 — 2700 — 9 h. 30 — 2604 — A10h.15 — 2408 —. 10 h. — 2302 Mort dans la nuit. Mort à 10 h. 1/4, ACCOUTUMANCE A LA TOXINE Le 20 août 1895, un cobaye n° 50, du poids de 500 grammes, reçoit dans le péritoine un sac de collodion contenant 2tt d’eau peptonisée, ensemencée avec un vibrion de passage, mortel à la dose de 1/30 de culture sur gélose. Le 21 août à 8 h. 1/2 du matin 3800. nn: du soir 3606 malade. Le 22 août à 9 h. du matin 3800. 6 h. du soir 3900. Le 93 août à 9 h. du matin 3706. 6 h. du soir 3702, Le 24 août à 9 h. du matin 3708. 6 h. du soir 3708. Le 29 août à 9 h. du matin 3808, poids 480 grammes. soir 3808. Le 2 septembre. Poids 440 grammes. Le 10 septembre. Poids 480 grammes. Le cobaye reçoit sous la peau 3° de toxine en même temps qu'un + cobaye témoin du poids de 750 grammes. Ce cobaye énorme, quatre heures après l'injection, a une température de 3406, et meurt en seize heures environ. Le cobaye n° 50 éprouve une baisse de température jusqu’à 3602, 12 h. après l'injection, et remonte ensuite le lendemain à 3808. Ce même cobaye n° 50 reçoit des doses croissantes de toxine et le 10 novembre on lui injecte d’un seul coup 10ct d'une toxine, ce qui repré- sente la dose 16 fois mortelle, eu égard au poids du cobaye. La température partie de 3902 monte jusqu’à #10 et est normale 12 heures après. 282 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ACTION ANTITOXIQUE DU SÉRUM D'UN CHEVAL, SIX MOIS APRÈS LE DÉEUT DE L'IMMUNISATION ET APRÈS QU'IL A REGU 990€ DE TOXINE : Cobaye P. Poids 230 grammes. (Toxine 1cc 1/2, sérum {cc'sous la peau.) HEURES TEMPÉRATURE Injection 10 h. matin 3902 — 11 h. — 3904 —- midi — 3806 — 29h: après-midi 3808 =; 4 h. — 3904 et, 6 h. —— 390% — 9 h. — 3908 Reste bien portant. _ Cobaye R. Poids 295 grammes. (Toxine 4ec, sérum 2e sous la peau.) HEURES TEMPÉRATURE Injection 10 h. 10 matin 3900 — AO: — 3804 — midi — 3606 —— UE après-midi 3604 — 4 h. — 3802 — 6 h. — 3908 — 9 h. — 3908 — le lendemain matin 4004 —= — soir 3906 Reste bien portant. Ld L Cobaye Q. Poids 250 grammes. = (Toxine {ce 1/2 sous la peau.) HEURES TEMPÉRATURE Injection 10 h. matin 3900 — 11 h. — 3802 _ midi — 3608 _ 2 après-midi 350% == 4 h. — 3406 — 6 h. = 3208 = 9 h. — 2902 ne — 10 h. 35 — mort. Cobaye S. Poids 318 grammes. (Toxine 4cc sous la peau.) HEURES TEMPÉRATURE Injection 10 h. 20 malin 3808 — Ah — 3608 — midi —— 3200 % — 2h. après-midi 280% — 2 h. 40 — mort. F < 4 Le we » ESSAIS DE DÉSINFECTION PAR LES VAPEURS DE FORMALDÉHYDE PAR MM. G: Roux ET-A. TRILLAT. Tous ceux qui, par état, sont appelés à diriger des services de désinfection publique, savent quelle distance il y à parfois entre ce qu'un désinfectant promet dans le laboratoire et ce qu'il lient dans la réalité. De là, pour eux, l'obligation de ne jamais conclure sur un procédé qu'après l’avoir éludié en grand, et dans les conditions de la pratique. C’est ce que l’un de nous a voulu faire au sujet de la méthode de désinfection de M. Trillat. Une première déception avec les lampes à capillarité qu'il avait étu- diées avec M. Foley' l'avait rendu un peu sceptique au sujet de l’action des vapeurs d’aldéhyde formique. Les conditions dans lesquelles, en collaboration avec M. Trillat, il s’est placé pour étu- dier en grand l'action de ces vapeurs, se sont trouvées défavo- rables à la production de leur maximum d'effet. On va voir pour- tant qu'elles se sont tirées à leur honneur de cette épreuve, et que par leur puissance anliseptique, par leur diffusibilité, par la facilité avec laquelle on les manie, par le caractère en quelque sorte mécanique de leur emploi et de leur action, elles peuvent devenir un des agents les plus précieux de la désinfection publique. Dans les expériences qui vont être décrites, nous avons em- plové pour produire les vapeurs de formaldéhyde deux genres d'appareils : l'appareil à oxydation d'alcool méthylique déjà décrit par M. le D' Bardet?, et l’auloclave formogène, dans le- quelles vapeurs de formaldéhyde sont produites en chauffant la solution de formaldéhyde du commerce, en présence d'un sel neulre *. DESCRIPTION DE L'APPAREIL ET MODE OPÉRATOIRE L'appareil se compose d'un autoclave en cuivre, non émaillé, 1. Dr Gas. Roux, nr Thèse de Foley. Faculté de méd. de Lyon, 1895. 2. Journal de Thérapeutique, 45 mai 1895. 3. Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 1896, 284 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. dont la forme est un peu plus allongée que celle des modèles ordinaires, et qu'on chauffe au gaz ou au pétrole. À la partie supérieure du couvercle se trouvent fixés un. | manomètre, une soupape de sürelé, une ouverture destinée à l'introduction du liquide dans l'appareil et le tube de dégage- ment de la vapeur de formaldéhyde. Le diamètre intérieur de ce tube est de 3 millimètres ; il est mis en communication avec l'autoclave au moyen d’un robinet. Pour faire fonctionner l'appareil, on introduit dans l’inté- rieur de l’autoclave la solution de formaldéhyde additionnée de 4 à 5 0/0 d’un chlorure neutre ou d’un sel soluble avide d’eau. Cette manipulation demande quelques précautions quand on emploie le chlorure de calcium : il faut avoir soin de broyer préalablement ce sel; la dissolution se fait en ajoutant peu à peu le chlorure, afin d'éviter une brusque élévation de tempéra- ture. Cette opération doit être faite sous une hotte munie d’une bonne cheminée de tirage. Si l’on ajoute le chlorure directement dans l’autoclave avec l’aldéhyde, il faut que le chauffage ait lieu avec de grandes pré- cautions, sans quoi le liquide s'échauffe considérablement, mousse et ne tarde pas à venir obstruer les orifices du mano- mètre et du tube de dégagement. L'’autoclave ne doit jamais être rempli qu'aux 3/4 avec le mélange de formaldéhyde et de chlorure de calcium. On a soin, lorsque l’autoclave est chaud, de resserrer les boulons afin de ne pas être incommodé par les fuites. Lors- qu'on a atteint la pression de 3 atmosphères, on ouvre avec beaucoup de précaution le robinet de dégagement: les vapeurs d'aldéhyde se dispersent rapidement dans l'atmosphère. On peut constater que ces vapeurs sont sèches en plaçant un linge sur la trajectoire du jet. Après dix minutes, les vapeurs ont déjà atteint les points extrêmes du local à désinfecter. La durée du fonctionnement de l’appareil est naturellement proporlionnée à la grandeur de ce local et aussi à la pression. En un temps donué, la quantité de vapeur produite varie avec cette pression. La pression ordinaire ne donne qu'un dégage- ment lent; d'autre part, l’emploid’unehaute pression présente des inconvénients nombreux. Une pression de 3 atmosphères à3 atmo- sphères et demie nous a paru suffisante pour le but proposé. a . DÉSINFECTION PAR L'ALDÉHYDE FORMIQUE. 285 L'augmentation du nombre de jets multiplie la production de vapeur de formaldéhyde et diminue la durée de fonctionne- ment. Dans ce cas, l'intensité du chauffage doit être augmentée. Un autoclave formogène muni de quatre jets fournit, en une heure, la quantité de vapeur nécessaire à la saturation d’un local de plus de 500 mètres cubes. L'autoclave formogène peut indifféremment être placé soit dans l'intérieur, soit à l'extérieur du local à désinfecter. D'une manière générale, 1l est préférable que l’appareil soit placé en dehors du local. On peut plus facilement le manier, le surveiller sans s’exposer aux vapeurs d’aldéhyde, et éviter les pertes provenant des rentrées et des sorties de l'opérateur dans le local saturé de ces mêmes vapeurs. L'appareil, dans ce cas, se place à 10 centimètres en dehors de la porte d'entrée de la maison ou du local à désinfecter. Au moyen d'un petit orifice de 4 millimètres de diamètre, on fait passer le tube de dégagement de la vapeur. On peut, pour éviter l'inconvénient de ce forage, placer le tube de dégagement dans l’espace vide d’une serrure préalablement déplacée. Pour éviter tout dégagement d’odeur dans le voisinage, il est bon de coller le long des joints de la porte des bandes de papier. Lorsqu'il s'agit de la désinfection d’un local de petite capa- cité, comme, par exemple, d’une chambre de 40 à 60 mètres cubes, l'opération est très simplifiée; on porte l’autoclave à une température nécessaire pour que sa pression atteigne 3 ou 4 atmosphères. Il est ensuite directement placé dans l’intérieur de la chambre. On l’y abandonne, après avoir eu soin d'ouvrir le robinet de dégagement. Après vingt-cinq minutes, l'appareil est retiré el peut être utilisé pour d’autres opérations. La porte _est soigneusement fermée et ses orifices bouchés soit par de la ouate, soit par des bandes de papier. On peut, pour combattre l’odeur des vapeurs de formaldéhyde, employer de l’ammonia- que, placée dans un récipient plat. Cela posé, voici le résumé de nos expériences. Première expérience faite avec l'appareil à combustion dans une salle de T8 mètres cubes. Dimensions de la salle: hauteur, 4,18; largeur, 4,11; longueur, 4,44, Une porte, deux grandes baies fermant mal. On 286 À ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. y dispose, sur le sol, sur les parois, etc., du papier, du linge, des draps, du bois, de la ficelle, de la paille de bois, de la bourre à matelas, des poussières, qu’on contamine avec les germes. suivants: B. pyocyanique, pyogène, charbon sporulé, prodigiosus, col. L'appareil est laissé en marche pendant 8 heures et brule 5 litres d'alcool méthylique. Deux prises ont été faites, l'une 6 heures après la mise en marche, l'appareil étant en plein fone- tionnement; l’autre le lendemain, 24 heures après le début de l'expérience, 14 heures après l’arrêt. Avec ces prises, on à ensemencé des bouillons de culture qu’on a examinés à des intervalles divers. Voici les résultats obtenus : Première prise, l'appareil fonctionnant. ° Après Après Après 7 jours. 13 Jours. 30 jours. Charbon'sur/pabier 4-2 Le Rien. Rien. Rien. COL OTAD: SP re RE NE Lee » » Fertile. Pyo0cvanIMUe PAPE rc ecrit » » Rien. Col AA a ER Eee Proks en » » Fertile. Evocyanique papier Mere » » Rien. Pyagyanique, OISE ME LEE ) » » GhäThONe SDADIER LEE ST am tt rez » » _Fertile. Après Après Après 4 jours. 12 jours. 30 jours. Charbon, papier, (plafond)............. Rien. Rien. Rien. Pyocyanique, papier, (plafond)......... » Fertile. Fertile. Prodigiosus, bois, (même hauteur)...... ) Rien, Rien. Pyocyanique, papier, (même hauteur) » ) » Charbon, papier, (même hauteur)...... » » » Gharbon- papier {(S01) "RM RERRE ER" ) » » Pyocyanique, papier, (sol)............. ) » » Pyocyanique, papier, (sol)....:..,..,,. » » » Pyocyanique, papier, (table)........... OR » » Charbon, papier. (able) Here » » » Pyocyanique, papier, (tiroir)........... » » » Charbon, papier, (botte de paille)...... » » moisissure Prodigiosus, bois, ficelle, (caisse à char- DONS ue RE RS re » ) Rien. Pyocyanique, papier, (dans un matelas). Fertile. Fertile, -_ Fertile: Pyocyanique, bois, (placard)...,..... ; Rien. Rien. Rien. Pyocyanique, bois, (doublure de gilet).. Fertile. Fertile. "*Fertile. Pyocyanique, éloffe, (sous une pile de VERS PAPA ERA ue. | Fertile: Fertile. Fertile. a 4 DÉSINFECTION PAR L'ALDÉHYDE FORMIQUE. 987 Deuxième expérience avec autoclave dans une salle de 370 mètres cubes. Dimensions de la salle: hauteur, 3",50; largeur, 7"; lon- gueur, 45,0; cube total, environ 370 mètres cubes. Salle située au premier étage d'un chalet abandonné. Les deux grandes parois sont composées de baies vitrées. Joints imparfaitement bouchés; six portes d'entrée. Nature des objets contaminés : papiers, linges, bois, ficelle, bourre de matelas, poussières. Nature des germes : pyocyanique, pyogène, charbon spo- rulé, prodigiosus, coli. Durée de marche de l'appareil : 3 heures et demie. Formaldéhyde employée : 3 litres. Prélèvement fait dans la même journée. Après 4 jours. Après 11 jours. Après 30 jours. Charbon, papier. ...…..... Rien. Rien. Rien, Pyocyanique, linge.......... » » » MORE ee ee: » » » GS ATARI RTS ce deme u ) » » Pyocyanique, papier........ » ) » Charbon, papier. 43.7... ) » » Lt OBSERVATIONS. — Dans toutes ces cultures, les semences ont été lavées à l'eau ammonjacale pour être débarrassées du formol qu’elles auraient pu contenir. Prélèvement après 14 heures. RE EU : Après 3 jours. Après 10 jours, Après 30 jours. . Pyogène, intérieur d'un HMPIAS Eten Rien. Rien. Rien. Pyocyanique, drap... » » » Gohpabier. 1:12. » » S Pyocyanique, papier... ) » » Charbon, papier....... ) » » Pyocyanique, papier... » » » . DO: OTARESE ALL T N. » ») » Pyogène, linge. -...:.. » » » Coli, drap Abo ENG . ») ») » Pyocyanique, papier... ; » » » Pyocyanique, papier... » ) » Prodigiosus, bois...... » » » Charbon, papier...... k » » » 288. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. La moitié des semences a été lavée à l’eau ammoniacale. La Stérilisation des germes pathogènes a été absolue. Troisième expérience avec l'autoclave dans une salle de 1,400 m. c. Dimensions de la salle: hauteur, 6 mètres ; largeur, 10 mètres; longueur, 20 m. 10. Les deux longues parois sont formées de baies vitrées fermant mal. Six portes d'entrée : dans une deuxième pièce voisine d'environ 200 mètres cubes communiquant avec la première par une porte, quatre portes d'entrée. Durée de marche de l’appareil : 5 heures; formol employé : 9 litres. L'appareil est en A (fig. 1). Fig. 1. — Local de 1,400 mèt. cubes et disposition de l'appareil. Prélèvement après 36 heures. Après 2 jours. Après 10 jours. Après 30 jours. Pyocyanique, papier. Rien. Rien. Rien. Pyogène, toile... » » » , Charbon, papier... » » ) Charbon, papier... » » » Prodigiosus, bois... » ) ) Charbon, papier... » » » B. Kiel, papier... ... » » » CoHAdERp Are » » » Col. drap tee. » DÉSINFECTION PAR L'ALDÉHYDE FORMIQUE. 289 La moitié des prises a été lavée à l’eau ammoniacale. La stérilisation a été absolue, malgré la grandeur du local. ANALYSE ET NUMÉRATION DES COLONIES DE L'AIR AVANT ET APRÈS LES EXPÉRIENCES Jusqu'ici on n’avait pu déterminer jusqu’à quel point il était possible d’obtenir la stérilisation de l’air par les vapeurs de for- maldéhyde. Nous avons cherché à éclairer ceite question, et, dans ce but, nous avons fait trois séries d'expériences. Au moyen d’une pompe, dont le corps pouvait être de 3 à 4 litres, nous avons puisé l’air directement au milieu du local soumis à l’expérimen- tation en le faisant passer dans une certaine quantité de bouillon contenu dans un récipient étroit, de manière à ce que les bulles d'air eussent un contact prolongé avec la couche liquide. Les expériences ont été faites sur 50 litres d'air chaque fois. Dans ces expériences, on a toujours eu soin de neutraliser avec une solution ammoniacale les pelites quantités de formaldéhyde qui auraient pu subsister et apporter dans les milieux de culture un élément stérilisateur. Pour plus de sûreté, on s’est assuré des propriétés fertilisatrices de ces milieux restés stériles, en les ense- mençant plus tard avec des bactéries de nature variée. Première expérience. Numération pratiquée avant la désinfection par l'appareil à oxydation sur 90 litres d'air. ; 1,320 liqué ; Après 3 jours d'incubation : 49,400 bact. par m. c. | Chaueantés 0 moisissures. Numération pratiquée après la désinfection sur la même quantité d'air. 0 liquéfiantes. 80 moisissures. 20 liquéfiantes. 160 moisissures. Après 5 jours : 40 bact. par m. c. Après 30 jours : 40 bactéries par m. c. On a été obligé, lors de cette expérience, et pour des motifs divers, d'ouvrir à plusieurs reprises la porte qui faisait communi- quer le local à désinfecter avec un corridor extrèmement passa- ger et exposé aux courants d'air. C’est très probablement à cette 19 Æ 290 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR: parücularité qu'il faut attribuer l'apport de moisissures qui n’exis- aient pas auparavant dans l'atmosphère de la pièce. et peut-être aussi quelques-unes des bactéries. Mais, même en repoussant. celte interprétation et en ne tenant pas compte (ce qui très impor- tant) de l'énorme disproportion entre les deux périodes d’incuba- üon des germes sur les milieux nutritifs avant et après la désin- fection, nous constatons néanmoins que l'air n'a conservé vivant qu'un demi 0/0 environ de ses bactéries primitives, ce qui ‘est un excellent résultat. Deuxième expérience (salle de 370 mètres cubes). Numération pratiquée avant la Numéralion pratiquée après la désinfection sur 50 ht. d'air. désinfection sur 50 lit. d'air. TE D — Bactéries. Moisissures, Bactéries. Moisissures. Après 3 Jours 120 0 0 0 Après 10 jours 520 240 0 0 Après 30 jours 0 0 Troisième expérience (salle de 4,400 mètres cubes). Dans une /roisième expérience (salle de 1,400 m. c.), on n’a pas pratiqué la numéralion avant l'expérience; mais, après la désinfection, on n’a trouvé, après une observation de 30 jours, que 25 bactéries el pas de moisissures. Le succès opératoire &« donc élé absolu pour la deuxième expérience exécutée dans la salle de 400 m. ce. [l peut être con- sidéré comme quasi absolu pour l'expérience dans la grande salle de 1,400 mètres cubes. NUMÉRATION DES COLONIES PROVENANT DES POUSSIÈRES RECUEILLIES SUR Î DÉCIMÈTRE CARRÉ DU SOL ET DES PAROIS Prenuère expérience (appareil d'oxydation, salle de T8 m. €.). SOL Poussières prises sur { déc. carré Poussières prises sur un déc. carr du sol avant la désinfection, du sol après la désinfection. a OS D Bactéries, Moisissurces Bactéries. Moisissures. \ quelques moisissures quelques Hquéfiantes Après 30 jours 2.300 100 Après #4 jours 13,890,000 ravÉ ES CPE: DÉSINFECTION PAR L'ALDÉHYDE FORMIQUE. 291 PAROIS Poussières prises sur 1 déc. carré Poussières prises sur 1 déc. ca:ré d’une paroi, avant la désinfection. d'une paroi, après la désinfection TE To —— Bactéries. Moisissures, Bactéries. Moisissures, Après # jours 65.000 0 Après 30 jours 0 0 Les résultats obtenus, malgré les défectuosités déjà signalées à propos de l'analyse précédente et l'écart entre les deux périodes d'incubation des germes, toutes circonstances qui n'ont pu qu'amoindrir la valeur du gain enregistré, sont ici cependant meilleurs encore, puisque les poussières du sol, très riches en germes bactériens avant l'opération, n’en ontconservé dé vivants, une fois la désinfection terminée, que 0,016 010 (les moisissures ayant très probablement été apportées du dehors pendant les manipulations), et que celles des parois verticales se sont mon- trées radicalement et complètement stérilisées. Deuxième expérience (autoclave formogène, salle de 370 m. c.). SOL Poussières prises sur | déc. carré de Poussières prises sur 1 déc. carré de plancher, avant la désinfection. plancher, après la désinfection. I" I ©" Bactéries. Moisissures, Bactéries. Moisissures. Après 4 jours 30.000 90.000 0 0 Après {1 jours 50.000 150.000 200 (]) Après 30 jours 70.000 150.000 800 0 PAROIS Poussières recueillies sur 1 déc. carré Poussières recueillies sur { déc. carré d’une paroi, avant la désinfection. d’une paroi, après la désinfection. TT — a _ — F Bactéries. Mo'sissures. Bactéries. Moisissures. Après 11 jours 0 3.000 (] 0 Après 30 jours (Ù 3.000 0 0 De ces diverses analyses, nous devons conclure que les germes accolés aux parois verticales sur du papier de tenture et qui consistaient surtout en moisissures, ont été complètement détruits par les vapeurs de formaldéhyde. Une très faible proportion de bactéries du plancher, soit 1,13 010, a résisté. En général, les bouillons qui ont cultivé présentaient le voile superliciel du subtilis. La présence du mesentericus a été constatée dans 2 bouillons. 292 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. EXPÉRIENCES D INTOXICATION Dans la première expérience ci-dessus relatée, el pratiquée avec l’appareil à oxydation, une prise d’air spéciale a été faite” dans la salle afin d'étudier sa toxicité sur les animaux au point de vue de l’oxyde de carbone. Au moyen d'un appareil à déplacement porté directement au milieu de la pièce, 8 litres d’air ont été puisés. Pour dépouiller cet air des vapeurs de formaldéhyde qui pouvaient le rendre irrespirable chez les animaux, nous l’avons, par un procédé semblable à celui indiqué plus ee lavé succes- sivement par l’ammoniaque et l'acide sulfurique, opération qui n’a aucune action chimique sur l’oxyde de carbone. Cet air ainsi dépouillé a été introduit sous une cloche d'une capacité de 16 litres, mélangé à un volume égal d’air ambiant. Sous cette cloche, nous avons introduit un cobaye et nous l'avons abandonné pendant deux heures. Au bout de ce laps de temps, non seulement le cobaye n'a pas présenté des phénomènes d'intoxication: mais, mis en observation pendant 68 heures, il n’a rien présenté d’anormal, ni alors, ni depuis, pas plus qu'un cobaye de même poids, placé à titre de témoin sous une cloche semblable renfermant de Fair ordinaire. Cette expérience, qui a été répétée plusieurs fois, démontre donc bien nettement que l’appareil formogène à oxydation, tel qu'il a été décrit', n’offre aucun danger d'intoxication. OBSERVATIONS DIVERSES Dans le courant de ces expériences, nous avons observé que les bouillons ensemencés, après chaque désinfection, par les poussières provenant d'un balayage, ne se sont troublés, en géné- ral, qu'après les bouillons ensemencés par les poussières du sol. Ceci nous amène à nous demander de quoi sont formées les poussières d'appartements. On reconnaît facilement à la loupe qu'il y a des parties plus lourdes et plus compactes, résistant à la pression du doigt et se désagrégeant plus ou moins dans un liquide, et des parties plus légères, duveteuses, déchets des diverses opérations du ménage. Les premières sont évidemment 4. Banver, Journal de thérapeutique, 15 mai 1895. sE DÉSINFECTION PAR L'ALDÉHYDE FORMIQUE. 293 plus difficiles à stériliser que les secondes, parce qu'elles sont plus impénétrables aux vapeurs antiseptiques. Voici qui le prouve : sous une cloche de 10 litres, on place une capsule plate, contenant du formol, et, à la même hauteur au-dessus du liquide, deux échantillons de poussière prove- nant des balayures d’un appartement. Au moyen d'une toile métallique, les parties les plus grossières ont été séparées des parties les plus fines, celles-ci restant sur la toile métallique mélangées avec des fibres et divers matériaux organiques très légers qui les englobent. De chacune de ces deux parties, on a prélevé 1 centigramme qui a été placé sous la cloche. Les ensemencements ont été faits dans du bouillon peptonisé et placé dans une étuve à 32 degrés. Durée de lexposition eee, 2 jours. Température de l’intérieur de la cloche, 12 à 16 degrés. a) Partie grossière : bouillon trouble après 50 heures. b) Partie houppeuse : bouillon clair après 3 semaines. Cette expérience en petit a été confirmée par les observations que nous avons faites dans l'expérience en grand ci-dessus relatée. Influence de la température. L'action de la température sur la stérilisation des poussières est facile à constater par des expériences faites sous une cloche. Pour l’étudier nous nous sommes servis d’un appareil qui consiste en un flacon laveur disposé dans un bain-marie, dans lequel on place 100 centimètres cubes de la solution commer- ciale de formol. Ce flacon laveur est relié d’une part avec un appareil à déplacement permettant d'y faire passer 50 litres d'air; de l’autre côté, il est en communication, au moyen d'un tube de caoutchouc, avec une cloche d’une capacité de 10 litres, dans laquelle on place les poussières à désinfecter. On fait passer les 50 litres d’air dans le flacon laveur, dont la température doit êlre maintenue fixe au moyen d’un bain-marie. L'air se sature de vapeurs d’aldéhyde et arrive ensuite dans la cloche, d’où il sort par l’orifice de dégagement. On peut considérer que pour deux opérations successives, la quantité de vapeurs intro- duites dans la cloche est la même, si l’on opère dans les mêmes 294 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. conditions. La cloche est ensuite exposée soit dans le laboratoire ou à l'extérieur, soit dans l’intérieur d’une étuve. Au lieu d’une cloche, on pourrait aussi employer un flacon à large ouverture. L’échantillon de poussière soumis à l'expérience provenait d’un râclage fait sur le plancher d’un corridor. Il a été divisé en deux parties égales, et chaque portion placée successivement sous la cloche. Après y avoir fait passer 50 litres d’air saturé de vapeurs de formaldéhyde, la cloche a été abandonnée à une température déterminée pendant le même laps de temps. Première Deuxième experience. expérience. POUSSIÈLES Ce CURLIdOP ES Ne 1 centig. 4 centig. Litres d'air saturés de formol introduits. .... 50 litres. 50 litres. Température de la solution de formol....... 14 degrés. 14 degrés. Durée d'ex DOSITION RES ANNEES ne 2 jours. 2 jours. Température de la cloche pendant l'exposition. 10 à 13 degrés. 20 degrés. Résultats : après 24 heures, les bouillons ensemencés avec chacune des épreuves de ces expériences étaient troubles. Dans de nouvelles expériences on a augmenté la quantité de formol, la température et la durée d'exposition ainsi qu'il suit. Troisième Quatrième experience. expérience. POTSSIBERS ea MO OS d 08e MU 1 centig. 1 centig. Litres d'air saturés introdæits 22,4. 4,500, 50 litres. 50 litres. Température dela Solthione 64e 25 degrés. 14 degrés. DURÉE AELNO SION SE ARR 4 jours. 4 jours. Température de la cloche pendant l'exposition. 0 à 15 degrés. 30 degrés Résultats : après quarante-huit heures, le bouillon correspon- dant à l'essai fait à la température de 0 à 45 degrés s’est troublé. Dans la quatrième expérience, daus laquelle la température de la cloche atteignait 30 degrés, les poussières ont été complè- tement stérilisées. Ce résultat confirme les expériences très nettes que M. Potte- vin avait faites, et dans lesquelles le Batillus subtilis avait élé stérilisé par l’action des vapeurs de formol, à une température élevée, alors que la stérilisation à basse température n'avait pas pu être obtenue ‘. 4. Annales de l'Institut Pasteur, 1894. DÉSINFECTION PAR L'ALDÉHYDE FORMIQUE. 295 Expérience de désinfection totale des poussières. L'expérience a eu lieu dans une maison eubant 400 mètres cubes et formée d'un rez-de-chaussée et de deux étages. L’étage supérieur constituait une espèce de grenier et présentait beau- coup de défectuosilés au point de vue de l’étanchéité. Cette expérience a eu pour but de rechercher si, par une action prolongée du contact des vapeurs de formaldéhyde, on pouvait atteindre d’une façon absolue les germes et champi- gnons des poussières d’un appartement habité, et si l’action des vapeurss'exerçaithien partout,aussi bien en hauteur qu’enlargeur. La poussière provenait d’un balayage d'une maison habitée. Elle à été tamisée et ensuite répartie dans douze flacons disposés dans les différentes parties de la maison. L’autoclave formogène a été placé en dehors de la maison, sur le sol, à 20 centimètres de la porte d'entrée. Par un pelit orifice de 5 millimètres de diamètre pratiqué dans un des panneaux de la porte, une communication entre l’autoclave et l’intérieur de la maison fat établie au moyen d’un pelit tube de cuivre de 40 centimètres de longueur. La quantité de formol employé a été de 10 litres; la durée de fonctionnement de l'appareil: 4 heures. Les prises ont été faites 50 heures après; la température moyenne a été de 20 à 25 degrés; la moitié des épreuves ont subi le lavage à l’eau ammoniacale. Rez-de-chaussée. — Quatre épreuves : deux bouillons se sont troublés après 48 heures. Chambre (la plus éloignée). — Trois épreuves : tous les bouillons sont restés clairs. Chambre (premier étage)— Une épreuve: tous les bouillons sont restés clairs. Chambre (deuxième étage). — Quatre épreuves : tous les bouillons sont restés clairs. Le fait que 2 épreuves disposées sur le rez-de-chaussée ont donné des cultures n’a rien d’anormal. Ces 2 épreuves avaient été disposées sur le sol à environ 50 centimètres de la porte, dont la partie inférieure joignait très mal. Il en est résulté un courant d'air dont l’action a dû se manifester dans le voisi- nage immédiat de la fissure. 296 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Quant aux 2 autres épreuves disposées à 2 mètres de la porte et sur le sol, les poussières ont été totalement stérilisées. La conclusion de cette expérience est que les vapeurs de for: mol peuvent, lorsqu'elles sont produites en abondance, stériliser tota- lement les poussières fines provenant du balayage d'une maison habitée. Puissance de pénétration des vapeurs d'aldéhyde formique. Il serait très utile de pouvoir mesurer, autrement que par l'évaluation de la puissance antiseptique, la puissance de péné- tration des vapeurs de formaldéhyde dans diverses conditions, et de la rendre, pour ainsi dire, visible directement. On peut y arriver en profitant de la propriété qu’a le formol de se combiner avec diverses matières albuminoïdes et d’insolubiliser la gélatine, ou bien encore de l’action exercée sur les matières colorantes :. Action sur les matières albuminoïides. — T. Sous une cloche, on place une capsule contenant quelques grammes de la solution commerciale de formol. Dans une autre capsule, on place de l’albumine provenant d’un œuffrais. Après dix jours, l’albumine se transforme, en une masse vitreuse extrêmement dure, inso- luble dans l’eau et dans la plupart des réactifs. IL. Dans un verre à pied, on verse une solution formée, en parties égales, d’eau et de gélatine. Si l’on ajoute quelques gouttes de formol, la solution se prend instantanément en une masse transparente et insoluble. III. On étend une solution de formol du commerce à 10 fois sou volume et l’on y plonge un fragment de peau fraiche. Après trois à quatre jours, on peut constater, au moyen de l’eau d’ani- line, que l’aldéhyde a été entièrement absorbée. IV. Dans deux tubes à essai, on verse quelques centimètres cubes de sérum provenant du sang de bœuf. Dans l’un de ces deux tubes, on verse deux gouttes de la solution d’aldéhyde à 40 ‘/, et, après avoir bien agité, on le porte, ainsi que l’autre tube, dans de l’eau bouillante. Ce dernier ne tarde pas à se coaguler, dès que sa température dépasse 70°. Le tube contenant le formol ne coagule pas. Bien plus, il peut supporter l'ébullition directe sans qu’il y ait de transformation apparente. 4. Ces actions ont déjà été signalées par l’un de nous. (Comptes rendus de l'Ac. des Sc., 1892 ct 41893.) DÉSINFECTION PAR L'ALDÉHYDE FORMIQUE. 297 Action sur certaines matières colorantes. — D'une manière générale, les couleurs qui subissent des transformations appar- tiennent à des groupes amidés dans lesquels un ou plusieurs atomes d'hydrogène sontlibres, exemple : lafuchsine, lasafranine. Il se forme une condensation avec élimination d’eau, et le résidu méthylénique vient se substituer à la place des hydrogènes. La transformation a pour résultat de bleuter les matières colo- rantes rouges et de les nuancer de gauche à droite dans la dis- position des raies du spectre : ce n’est donc pas une dégrada- tion de couleurs, mais, au contraire, un renforcement avec modification dans la teinte. Ces diverses réactions peuvent devenir précieuses pour étu- dier et suivre la marche d’une désinfection. 19 Emploi de la gélatine. — On fait une dissolution d’une partie de gélatine dans une partie d’eau et, au moyen d’un pin- ceau, on badigeonne des petits carrés de verre de 3 à 4 centi- mètres de côté. Ces petits carrés sont disposés dans les diverses parties d’un local : au rez-de-chaussée, dans les étages supérieurs, soit librement exposés à l’action des vapeurs, soit renfermés dans des placards ou sous des obstacles. On reconnait que les vapeurs d’aldéhyde formique ont atteint la gélatine en ce que celle-ci est devenue insoluble ; pour le voir, il suffit de plonger les petits carrés de verre dans l’eau bouillante. La pellicule se détache dans le cas d’insolubilisation. 2° Emploi de la fuchsine. — On teint, dans une dissolution de fuchsine, une petite bande d’étoffe de soie et on la coupe en carrés de 1 centimètre. Comme précédemment, ces échantillons sont placés dans différentes conditions et en divers points de l’en- droit dans lequel on expérimente. La transformation de la teinte rouge en une teinte bleu-violet sera la preuve que les échan- tillons auront subi le contact des vapeurs aldéhydiques. 3° Emploi combiné de la fuchsine et de la gélatine. — On fait, comme dans le premier cas, une dissolution d’une partie de géla- tine dans deux parties d’eau et on l’additionne de quelques gouttes d’une solution de fuchsine. Pendant que le mélange est encore chaud, on le coule dans un cylindre de verre de 5 à 6 cen- timètres de diamètre et d’une hauteur égale à ce diamètre. Le bloc de gélatine coloré en rouge est retiré du cylindre; une fois refroidi, il peut servir pour les expériences. Si l’on soumet ce 298 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. bloc à l’action des vapeurs d'aldéhyde formique, ses parties extérieures ne tardent pas à subir la transformation en violet- bleu. Cette transformation est d'autant plus profonde que la. durée d’action des vapeurs aura été plus longue et plus intense. En pratiquant des coupes dans le cylindre, la circonférence de démarcation entre les deux teintes donnera une indication claire et précise du degré de pénétration des vapeurs. On peut, par ce procédé, en disposant plusieurs bloes dans différentes parties d’un local, étudier si l'intensité d’action des vapeurs de formal- déhyde est la même partout, et c’est parce que cette méthode peut rendre des services que nous avons tenu à la décrire ici. aux expérimentateurs. CONCLUSIONS Les expériences de désinfection avec les vapeurs d’aldéhyde formique produites par l'appareil à oxydation ou par l’autoclave formogène, ont porté sur des locaux dont la capacité variait de 70 à 1,400 m. e.. et ont été exécutées en se plaçant dans des con- diions absolument pratiques. La destruction des germes pathogènes soumis à nos expé- riences a été absolue même dans un local d’une capacité de 1,400, lorsque ces germes étaient librement exposés aux va- peurs de formaldéhyde. La stérilisation des poussières de l’air et de celles des parois des locaux soumis aux expériences peut ètre considérée comme à peu près absolue. L'action des vapeurs aldéhydiques s'exerce pour ainsi dire immédiatement et simultanément dans tous les points d’un local. La désinfection par les vapeurs d’aldéhyde formique au moven des procédés décrits ci-dessus ne peut donner lieu à aucun danger d'intoxication par l’oxyde de carbone. Ces vapeurs étant extrêmement irritantes, il faut, dans la pratique, prendre les précautions nécessaires pour éviter leur dégagement dans Île voisinage. ESSAIS DE DÉSINFECTION PAR LES VAPEURS DE FORMALDÉHYDE au moyen des procédés de M. TRILLAT > Par Le Dr F.-J. BOSC Agrégé à la Faeulté de Montpellier (Rapport adressé à la Cominission des Hospices de Montpellier.) Les essais de désinfection pratique, avec les vapeurs de for- maldéhyde, ont été effectués à l'Hôtel-Dieu Saint-Éloi subur- bain de Montpellier, dans l’un des pavillons des contagieux. Le milieu à désinfecter comprenait une grande salle en ogive sur laquelle s’ouvraient deux petites salles où annexes. La grande salle mesurait 17 mètres de large à sa base et 15 mètres de long; chacune des deux salles annexes mesurait 5 mètres de long sur 3,45 de large et 3",90 de hauteur. Le cube total à désinfecter était de 737%°,550. L'appareil générateur des vapeurs de formol est installé par nous et M. Trillat dans une petite salle extérieure en A (fig. 1) attenante aux pièces à désinfecter. Il est mis en marche à 9 heures du matin et porté rapidement à une pression de 4 atmosphères. On laisse échapper les vapeurs sèches, dans la grande salle, à l’aide d’un tube en cuivre de petit diamètre qui, parti de l au- toclave, traverse une porte vitrée. Les vapeurs se dégagent en abondance et la saturation de la grande salle et des annexes est oblenue vers 10 heures du matin. L'appareil continue à fonctionner jusqu'à midi. À ce moment, on l’arrête et on constate qu'il reste encore dans l’autoclave 2 litres de formaldéhyde. On a donc usé 4 litres de la solution. Avant la mise en marche de l'appareil, les ouvertures exté- rieures des salles avaient été fermées, comme d'ordinaire, sauf dans les points où il existait des jours trop considérables; ces derniers avaient été bouchés. De plus, on avait disposé dans les trois salles des petits carrés 300 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. de toile, de 2 centimètres de côté environ, préalablement stéri- lisés, puis ensemencés avec des cultures jeunes et virulentes de divers microorganismes : 1° Staphylococcus aureus, 2° Bacillus coli communs : 3° Bacille de la diphtérie ; e Q [@ QG Fig. 1. Salle des contagieux à l'hôpital suburbain de Montpellier. 4° Bacille de la morve; 5° Bacillus anthracis sporulé; 6° Bacillus pyocyanicus : 1° Choléra des poules : 8° Spores d’aspergillus jeunes ; 9° Spores de tricophyton. On dissémine sur le sol, en &, b, c, sur les lits, les rideaux, divers échantillons de chacun de ces microorganismes. On en dispose, en outre, tout le long d’une bande allant du plafond au ras du sol. DÉSINFECTION PAR L'ALDÉHYDE FORMIQUE. 301 Des carrés ensemencés sont placés encore dans le tiroir d’une table de l’annexe en d et en e; sous des draps amoncelés dans la grande salle, dans la poche d’un habit, dans l'intérieur d’un matelas non défait et sous un matelas replié sur lui-même. On place également en divers points de la grande salle des poussières recueillies dans le laboratoire d’Anatomie patholo- gique, de la terre prise devant le pavillon des contagieux, et des crachais de tuberculeux, vérifiés au microscope, desséchés sur un linge, où mélangés à du sable stérilisé, ou bien éfalés, humides et formant une couche de 41 millimètre à 2 millimètres, sur des carrés de toile. Les échantillons ensemencés et disséminés comme nous venons de l'indiquer ci-dessus étaient les uns secs, les autres à peu près secs, d'autres enfin étaient humides, et ces derniers con- tenus ou non dans des tubes laissés ouverts. Des spores d’asper- gillus avaient été laissées dans un flacon débouché, et on avait exposé encore une ancienne culture desséchée d’aspergillus sur carotte, de même qu'une culture de tricophyton sur gélose. Le dégagement des vapeurs de formol s’est donc fait de 9 h. 1/2 du matin à midi, soit pendant 2 h.1/2. L'appareil étant éteint, on laisse agir le gaz désinfectant jusqu'au lendemain 1% mars, à9 heures du matin, c’est-à-dire pendant près de 24 heu- res. À cemoment, les salles sentaientencore fortement l’aldéhyde. Mais déjà à 5 heures du soir, c'est-à-dire environ après 6 heures d'action, nous avions fait une première prise, en entrant dans la salle avec précaution, de façon à ne faire pénétrer du dehors que la plus petite quantité d’air possible ; nous avions, avec des pinces flambées, porté divers petits carrés de toile dans des flacons à large ouverture stérilisés. Une deuxième prise a été faite le lendemain, à 9 h. du matin. Résultats de la première prise. Après 6 heures d'action des vapeurs de formol, on a retiré, dans cette première prise, des échantillons de staphylocoque, de colibacille, de B. de la diphtérie, de la morve, de charbon sporulé, des spores d’aspergillus et de tricophyton : on a retiré, en outre, deux échantillons de poussières du laboratoire. Tous ces échantillons, recueillis aseptiquement en vases 302 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. : Be slérilisés, ont été ensemencés 1 heure après sur bouillon pepto- nisé alcalin et sur gélose, el portés à l’étuve à 37°. Quinze jours après, les milieux de culture étaient demeurés stériles.- Examinés 1 mois après, rien encore. Ces échantillons étaient les uns secs, les autres à peu près secs. Les spores d’aspergillus et de tricophyton exposées à l’état de poussières sur des carrés de toile n’ont pas poussé davantage sur les milieux les plus favorables : gélose et bouillon maltosés ou glucosés. Les poussières du laboratoire ont donné, dès le lendemain des cultures de B.subtilis dont les spores ont une énorme résis- tance. D'ailleurs le B. subtilis n'a aucune importance au point de vue de la désinfection pratique, car il n’est point pathogène. On peut donc conclure, des résultats de cette première série, qu'une durée d'action de 5 heures des vapeurs de formol, à saturation, est suffisante pour tuer les microbes pathogènes, y compris le charbon sporulé, en échantillons secs ou à peu près secs. Résultats de la deuxième prise. 4 Le lendemain. à 9 heures du matin, les salles sont trouvées encore remplies de vapeurs de formol, aussi bien les annexes que la grande salle. On recueille aseptiquement la grande bande qui porte des échantillons multiples étagés du plafond au ras du sol; on a à .# peine entr'ouvert la porte, de sorte qu'il n’y a pas eu conta- mination, étant donnée l’épaisse couche de vapeurs de formol existant entre la porte et la bande. On a retiré également les divers carrés de toile placés un peu partout, sur le sol, les lits, les rideaux; les spores d’aspergillus ' en flacon débouché; le staphylocoque et le coli-bacille enfermés dans la poche de l’habit, le staphylocoque placé sous un amon- cellement de draps, etc. Nous avons, en outre, recueilli des poussières sur les nrurs de la grande salle, à un mètre du sol, et des débris provenant duraclage de ces mêmes murs. Les échantillons dispersés dans les annexes en d, e : charbon sporulé, diphtérie, pyocyanique, staphylocoqueontété également DÉSINFECTION PAR L'ALDÉHYDE FORMIQUE. 303 recueillis, ainsi que des échantillons de terre pris devant le pavillon des contagieux. Ces divers échantillons étaient, comme les précédents, secs, presque secs ou humides. Les tableaux qui suivent donnent le résumé de nos opérations pour les échantillons secs ou à peu près secs : TABLEAU I. Echantillons pris sur la grande bande allant au plafond du ras du sol. Place sur la bande. ” Heure Milieu, temp. 370 de la prise. de l’ensem. Résultats. ms | eee | encens | | B. pyocvanique.... bas |1% mars,9 h. mat.|6 h. soir, 14 mars| bouillon pept. | Rien du 15 mars au 20 avril B.anthracis sporulé.| bas R. de la diphtérie .. bas Coli bacille bas B. pyocyanique....| milieu B. diphtérique milieu : bouill. et sérum Staphylocoque milieu Sp. de trichophyton.| milieu B, diphtérique sommet Colibacille sommet B. de la morve....,| sommet Staphylocoque sommet ” ° \ bouill, maltosé Sp. detrichophyton.| sommet et 5 gélose maltosée Spor. d'aspergillus . | sommet » Ce tableau nous montre qu'aucun des échantillons secs ou à peu près secs placés le long de la grande bande, et ensemencés sur les milieux les plus favorables, à la température de 37° C. n’a cullivé, non seulement dans les jours qui ont suivi l’ensemen- cement mais 15 jours et un mois et demi après. Il nous montre en outre que les vapeurs de formaldéhyde ont agi avec la même énergie dans les parties supérieures, moyennes et inférieures de grande salle, puisque les échantillons du sommet, du bas et du milieu de la bande ont été également désinfectés. Ces vapeurs ont agi encore avec une égale intensité dans tous les points de la saile considérée dans sa longueur (45 mètres) et dans ses annexes. Tous les échantillons dispersés sur les lits, le sol el les rideaux de la grande salle et des annexes sont en eflet demeurés stériles. Les spores d’aspergillus et de tricophyton ont été tuées 304 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR à l'état de poussières sèches dans un long flacon débouché. Il en a été de même pour des cultures de tricophyton sur gélose dans des tubes à essai débouchés: leur partie superficielle a été chitinisée, comme tannée, et la culture est devenue cassante. Ces parties superficielles ensemencées n’ont pas poussé, mais les parties profondes ont donné des colonies mycéliennes avec un retard appréciable dans leur développement. Il était pratiquement intéressant d'augmenter encore les obstacles au contact des vapeurs de formaldéhyde avec les échan- tillons à désinfecter. Pour cela faire, nous avons introduit des échantillons divers, secs ou à peu près secs, dans la poche d’un habit dont la patte a été rabattue, sous plusieurs draps froissés el mis en Las, dans l'intérieur d’un matelas non décousu, dans un matelas replié sur lui-même {tableau IT). TABLEAU Il. Position Heure Résultats. de dela 5 c nl ET l'échantill. | prise. | 50106 47 l'air ensi Rent 20 avril. ES | CS | RES | Es Staphylocoque. |dans poche! 1% mars | 14 mars |ri rien rien rien 9 h. mat.|7 h. soir. Colibacille . » » rien |rien |rien |rien | léger trouble au 5e jour. Pyocyanique...|sous draps ien |rien |rien |rien rien rien Staphylocoque. » ien |rien |rien |troub.| cult. très dével. les j. suiv. Charbon spor..| d. matelas ien |rien |rien |rien trouble, dépôt » ien |troub.| dépôt [dépôt | dépôt bl. abond. (streptoc.) Colibacille ....|d.mat.repl. i rien |rien |rien rien rien B. diphtérique.|d. un tiroir ien |rien |rien |rien rien rien Ces résultats nous paraissent d’un grand intérêt au point de vue pratique. Les vapeurs de formol ont un grand pouvoir de pénétration, puisqu'elles peuvent aller tuer du staphylocoque dans la poche d’un habit, et du colibacille dans un matelas replié sur lui-même. Mais on ne saurait compter sur une désinfection certaine si l'on tasse ou si l’on donne une trop grande épaisseur aux objets à désinfecter : les draps de lit mis en tas, les étoffes repliées plu- sieurs fois sur elles-mêmes ne seront pas atteintes. L'action des vapeurs de formol ne se fait pas sentir davantage au centre d’un matelas, et la laine de ce dernier non défait nous a donné des cultures vivaces de streptocoques. ] DÉSINFECTION PAR L’ALDÉHYDE FORMIQUE. 305 Les poussières sèches, même sur une certaine épaisseur, peu- vent être considérées comme désinfectées : les germes patho- gènes sont tués, et nous n’avons pu y décéler que du bacillus subtilis dont les spores présentent, comme l’on sait, une grande résistance. Les poussières prises sur les murs et les débris provenant du räclage de ces derniers ont laissé divers milieux complètement stériles, ou bien ont donné encore du subtilis ou du mesentericus. Tous les échantillons qui précèdent avaient été exposés aux vapeurs de formol secs ou à peu près secs. Nous avons voulu nous rendre compte du degré d'action des vapeurs de formol sur des échantillons humides exposés directement aux vapeurs soit sur des bandes, soit sur des lits, soit enfermés dans des tubes à essai débouchés: Ces échantillons consistaient en carrés de toile de 7 centimètres de côté, que l’on a plongés immédiatement avant de les exposer aux vapeurs de la grande salle, dans des cultures en bouillon, jeunes et virulentes. (Tableau II.) TagLceAu lIIL. Désinfection d'échantillons humides. Mars. Résultats, Position. Etat. er | ON dan ee 15 | 46 | 17 | 18 |Du IS au 31 mars. | Du 1er au 20 avril. PRENONS TRET US © CESENDERENNCT EN SENS APMROPAN PONMNGPN CREER PONS SERRES B. deladiphtérie.| sur bande | humide {rien Îrien |rien |rien rien rien Staphylocoques.| sur bande | humide |rien |rien |rien |rien rien rien Charbon sporulé.| sur bande » rien |rien |rien [rien rien ; rien B. de la morve..| sur bande » rien |rien |rien |rien rien rien Charbon sporulé.| en tube » rien |rien |rien |rien |trouble, cultive bien les jours suivants B.deladiphtérie.| en tube » rien |rien |rien |rien rien rien Colibacille...... en tube » rien |rien |rien |troub. cultive bien les jours suivants B. de la morve.. » » rien |rien |rien |rien » » B. pyocyanique. » » rien |rien |rien |rien » » Le bacille tuberculeux, exposé dans des crachats étalés et des- séchés sur toile aux vapeurs de formol, a été tué, de même que les bacilles tuberculeux des crachats triturés avec du sable fin stérilisé, le mélange ayant été ensuite desséché à l’air. Il nous 20 # 306 * ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. paraît intéressant de signaler les expériences que nous avons failes avec des crachats tuberculeux contenant de nombreux bacilles de Koch, étalés en couche de 1 à 2 millimètres sur des carrés de toile, et exposés tout frais aux vapeurs de formol dans. la grande salle. A la fin de l'expérience, leur surface était durcie, * de même que l'intérieur, mais le raclage de la toile permettait de les enlever facilement et de constater qu'ils étaient encore humides. Ces crachats, injectés sous la peau de trois cobayes en divers points du corps, et en quantité considérable, n'ont produit qu’une inflammation passagère aux points d'inoculation. Deux mois après, les cobayes, sont parfaitement sains et ne présentent aucune trace de l’inoculation. On pourrait objecter aux résultats ci-dessus que les vapeurs de formol ont adhéré énergiquement aux échantillons et ont pu empêcher le développement des microbes. Dans les expériences des tableaux Let II, nous avons placé ces échantillons dans des flacons de 200 grammes à large gou- lot, de sorte que les ‘vapeurs de formol encore adhérentes pouvaient se répandre dans l’air du flacon, d'autant plus que l’ensemencement n’a été fait, de parti pris, que 9 à 10 heures après la prise. . D'autre part, les échantillons qui ont donné lieu à des cul- tures avaient, aussi bien que ceux qui n’ont rien donné, été expo- sés aux vapeurs et avaient pu en conserver sur eux au même titre, au moment de l’'ensemencement. Mais, pour répondre d’une façon plus précise à cette objec- tion réellement sérieuse, nous avons, d’un côté, placé des échan- üllons désinfectés dans la grande salle dans des flacons stérilisés de 400 c. c., et, d’un autre côté, nous avons lavé des échantillons du même genre dans de l’eau ammoniacale. (10 gouttes pour uu litre) avant de les ensemencer dans les milieux nutritifs. Ils sont demeurés stériles. CONELUSIONS Les résultats qui se dégagent de ces expériences sont les suivants : i . [ — Les vapeurs sèches de formaldéhyde, à saturation, DÉSINFECTION PAR L'ALDÉHYDE FORMIQUE. 307 détruisent, au bout de 5 heures d'action, les germes pathogènes sur des carrés de toile secs et bien exposés à ces vapeurs. IL. — Les échantillons à peu près secs sont également tués, dans les mêmes conditions. IIT. — Ces germes sont détruits dans tous les points de la salle dans laquelle les vapeurs sont projetées, ainsi que dans les salles qui communiquent avec elle, malgré leur cubage consi- dérable (737 mètres cubes). IV. — Les spores de champignons pathogènes sont détruites au même titre que les microbes lorsqu'elles sont sèches et même sous une certaine épaisseur. Les poussières des salles et les murs sont désinfectés et, dans les poussières du dehors, provenant du laboratoire ou du sol, nous n’avons vu persister que des spores du Z. subtilis et B. mesentericus v., ce qui est de nulle importance au point de vue de la désinfection pratique. V. — Les points nettement en contact avec les vapeurs do formol sont bien désinfectés; lorsque le contact est difficile, le résultat est plus précaire : ainsi, sur les deux échantillons placés dans la poche d’un habit dont la patte avait été rabattue, l’un a été tué (staphylocoque), mais l’autre (B. coli) a résisté et a donné lieu à une culture maigre au 5° jour. Le staphylocoque, placé sous l’amoncellement des draps, a résisté, de même que le charbon placé au centre d’un matelas non défait; la laine de ce dernier, prise au centre, a donné des cultures de streptocoques. Au contraire, l'échantillon placé dans un matelas simplement replié sur lui-même a été tué. VI. — Les échantillons humides ont été tués au même titre que les échantillons secs ou à peu près secs, lorsqu'ils étaient exposés de toute part aux vapeurs de formol; mis en tubes à essai ouverts à un bout, certains de ces échantillons ont été tués, d’autres ont résisté. VI. — Le bacille de la tuberculose a été tué dans les crachats secs ou dans les crachats triturés dans du sable stérilisé et desséchés ; mais même des crachats humides, récents, étendus sur des carrés de toile en couches de 12% à 4m" 1/2 ont été désinfectés. VII. — Ces faits nous amènent à cette conclusion que, pour que la désinfection soit efficace, il faut que les vapeurs de formol 308 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. puissent aborder le plus largement possible tous les points de l'objet. On devra done éviter les amoncellements de draps ou d'objets qui se tassent; étendre les linges et les habits sur des cordes ou sur le sol; on retournera les poches des habits et on éventrera les matelas pour en étendre la laine. Après la désin- fection, on ménage des courants d’air dans la pièce, el on peut y rentrer après 1/4 d'heure, les fenêtres étant ouvertes. Après 2 jours de ventilation, il n’y reste aucune odeur, lorsque l’on ferme. VII. — Je dois ajouter enfin que les vapeurs de formol n’ont détérioré aucun des objets, de toute nature et de toute couleur, placés dans le milieu à désinfecter, et que toute l’opération m'a paru facile, courte et demandant peu de surveillance. REVUES ET ANALYSES FALSIFICATIONS DES SUBSTANCES ALIMENTAIRES REVUE CRITIQUE I LES SELS DE CUIVRE Je concluais dans ma dernière Revue que tant que des questions de santé publique n’entrent pas en jeu, tant qu’il s’agit seulement d’addi- tions frauduleuses d’eau au vin ou au lait, l'intervention de l’État dans le commerce des matières alimentaires est aussi nuisible qu’utile; il vaudrait mieux y renoncer et laisser le consommateur, suffisamment averti, débattre ses intérêts vis-à-vis du producteur. Il en est tout autrement quand la marchandise est atteinte d’un vice caché pouvant ne se révéler que lorque l’aliment a été consommé et a produit un effet nuisible. Ainsi, la loi et la police ont raison de défendre et d’empècher l'introduction dans les substances alimentaires de produits toxiques, tels que les sels de plomb, de mercure ou d’arsenic. Mais que faut-il faire en présence de corps dont le caractère toxique est moins accusé, tels que les sels d’étain, de zine, de cuivre, ou encore l’acide salicylique, l’acide benzoïque, etc.? Sur ces points, la jurisprudence a beaucoup varié, et on ne peut pas dire qu'elle soit encore assise. A propos des sels de cuivre, par exemple, à la prohibition absolue dont ils ont été l’objet jusqu’en 1889, a succédé, après de longs débats, un régime de tolérance que la fatigue seule, à défaut d'arguments, a fait accepter par les pouvoirs publics. C’est une assiette médiocre pour une question de cette impor- tance, et c’est pour cela que je me propose de l’examiner à nouveau, sans avoir du reste l'intention de raviver une lutte assoupie entre les intéressés, car ma conclusion revient à accepter, sauf quelques modifi- cations, lerégime de tolérance en vigueur aujourd’hui. Ce sont les savants, cependant, qui ont été battus dans cette affaire, et cela est juste, parce que en France, du moins, c’étaient eux qui avaient commencé. C’est en 1860 qu'une Commission du Comité consultatif d'hygiène, composée de MM. Bussy, Ville et Tardieu, demanda 310 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. d'étendre à toute la France une ordonnance de police datant du 28 février 1853, et prohibant l’emploi des vases et des sels de cuivre dans la préparation des aliments. : On peut dire sans irrévérence que la question avait été engagée passablement à l’étourdie. Il y avait des siècles que les vases de cuivre étaient en honneur dans les cuisines de France, sans que leur emploi ait donné lieu à aucun inconvénient sérieux. Les ménagères savaient qu'il fallait les tenir propres et s’y employaient de leur mieux. Elles savaient pourtant que, pour certains usages, il était bon de ne pas trop les nettoyer. Ainsi, les légumes verts conservaient mieux leur couleur quand on les cuisait dans des vases de cuivre non récurés, les cornichons ne vendient'bien que dans ces condilions. Quant aux con- serves de fruits et aux confitures, la bassine de cuivre était de tradition pour cet usage, et on sait que, si bien nettoyée qu'elle soit quand elle entre en fonctions, elle est encore plus éclatante quand elle en sort. C'est qu’une partie de sa matière est entrée en solution et intervient pour conserver aux légumes ou aux fruits leur couleur naturelle. On ne sait trop par quel mécanisme. Tschirsch a cherché à l’expliquer en admettant une combinaison entre le cuivre et l’acide phyllocyanique de la chlorophylle. Cette combinaison est un corps bleu ayant un pou- voir tinctorial considérable, et qui, en se superposant à la couleur jaune du végétal cuit, donne du vert. Ce phyllocyanate de cuivre est soluble dans l’alcool, mais non dans l’eau et les acidestétendus : c’est ce qui explique qu'il reste adhérent aux légumes qu'il revêt, et ne passe pas dans le liquide qui les baigne. Si intéressantes que soient ces observations, elles n’expliquent certainement pas tout. D'après les observations de Tschirch lui-même, les pois frais ne contiennent pas, par kilogramme, plus d’un décigramme de chloro- phylle, et comme la combinaison de cette chlorophylle aveg le cuivre ne contient que 9, 2 0/0 de cuivre, la quantité maximum de cuivre qui pourrrait entrer en combinaison avec la chlorophylle de 4 kilo- gramme de pois verts serait tout au plus de 10 milligrammes. Or, nous verrons bientôt qu’un kilogramme de pois verts peut retenir, à l’état insoluble, des quantités de cuivre vingt à trente fois plus considérables. Il est probable que le cuivre introduit par diffusion dans les cellules y forme, avec la matière albuminoïde, ce coagulum que Ritthausen a précisément proposé de faire servir à la précipitation et au dosage de la caséine dans le lait. Appelons, si on veut, ce coagulum «albuminate de cuivre », comme le font les chimistes fervents. Toujours est-il qu'il est insoluble dans l’eau, même acidulée, et il diffère du phyllocyanate de cuivre en ce qu’il est insoluble dans l’alcool. C’est à cet état que semble retenu, dans les légumes verdis par + + 1] REVUES ET ANALYSES. au les sels de cuivre, la presque totalité du cuivre qu'ils contiennent. Car l'industrie s’est emparée de cette notion. Pour donner aux légumes conservés la couleur verte qui peut les faire prendre pour des légumes frais, elle a même eu l’idée d’accélérer la dissolution des parois du vase de cuivre, et il existe un brevet, pris en 1890 par des fabricants de Strasbourg, dans lequel ce vase est en contact avec le pôle négatif d'une dynamo, qui sert à envoyer pendant une minute à une minute et demie un courant de 5 ampères dans la masse. Une plaque de cuivre qui sert d’électrode positive sert à fournir le métal. Mais une solution plus facile du problème consiste à mettre tout sim- plement du sulfate de cuivre dans le liquide de cuisson. Si on n'en met pas trop, les légumes, pois, haricots, précipitent et emmagasinent tout le métal : il n’en reste plus dans le liquide. Le cuivre se fixe à l'extérieur du légume, à l’état de couche colorante, ce qui serait un argument en faveur de l’opinion de Tschirch, si le petit caleul que nous avons fait plus haut pouvait la laisser debout. Du reste, s’il y a combinaison de la matière albuminoïde avec le cuivre qui a pénétré par diffusion dans le légume, c'est aussi à la surface, ou dans son voi- sinage immédiat, que ce cuivre doit être retenu. Quoiqu'il en soit, c’est cette pratique de teinture par les sels de cuivre que le Comité consultatif d'hygiène condamnait en même temps » que l’antique usage des vases de cuivre dans la cuisson des légumes. À ce moment, cette pratique était déjà ancienne et n'avait donné lieu à aucun accident. Pour la condamner, le comité n’arguait que de la « qualité éminemment toxique des sels de cuivre ». On croyait en effet alors, je n’ai pas réussi à savoir pourquoi, que le euivre pouvait s'accumuler dans l'organisme à l’égal du plomb, qu'il y avait une colique de cuivre comme il y avait une colique de plomb chez les personnes soumises à l'absorption des sels de ces métaux par petites» doses, et qu'à doses plus fortes, le cuivre pouvait déterminer des accidents graves .et même mortels. L’attention que les ménagères mettent d'ordinaire à tenir leurs vases propres était d'accord avec cette doctrine. Enfin, il y avait des cas de coliques, de diarrhées et même d’empoisonnements véritables qu’on avait rapportés à l'emploi de vases de cuivre mal nettoyés : un peu arbitrairement, il semble, car d’après les symptômes, nous rapporterions de préférence aujourd’hui _ces accidents à des empoisonnements par des ptomaïnes résultant * d’une digestion défectueuse. | Tout cela était un peu vague pour motiver une interdiction pareille. et troubler les pratiques d’une industrie qui rendait des services. Ce qu'on a le drait de reprocher à la Commission de 1860, ce n’est pas d’avoir soulevé la question, c’est de l’avoir fait. sans enquête, sans 312 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. expériences, sans autres arguments que cette notoriété publique de la toxicité des sels de cuivre, notoriété, comme on le woit, bien mal établie et bien contradictoire. Ces expériences que la Commission - n'avait pas faites, c’est le D’ Galippe qui “eut l'honneur de les inau- gurer, et il faut d'abord voir dans quel sens elles concluent, avant de pousser plus loin l'historique de la question. Il Les premières expériences de Galippe ‘ ont été faites sur des chiens, à qui on faisait ingérer des doses massives de sels de cuivre, ou des doses faibles répétées à des intervalles réguliers pendant plusieurs jours. Les seuls effets produits furent des vomissements quand la dose était forte, ou une diarrhée légère, mais aucun trouble perma- nent de la santé. Encouragé par ces premiers essais, l’expérimenta- teur se soumit lui-même à l'expérience, ainsi que sa famille, et conclut à l’innocuité absolue des sels de cuivre. Plus tard, en 1878 *, il reprit la question de la cuisson des aliments dans des vases de cuivre ou en présence des sels de cuivre. Il voulait montrer, dit-il spirituellement, non pas que la cuisine faite dans le cuivre est supérieure à toutes les autres, mais seulement qu’elle est exempte des dangers qu’on lui attribue d’ordinaire. Pour cela, il se nourrit, lui et toute sa famille, pendant 14 mois, avec des aliments cuits dans du cuivre,et en variant son alimentation. Aucun trouble ne se manifesta chez lui, sa femme, ses enfants ou ses invités. Ces invités au moins devaient pourtant regarder sa cuisine avec quelque appréhension. Les graisses se colorent en vert quand on les laisse dans un vase de cuivre; les légumes, à force d’y séjourner, prennent parfois une petite saveur métallique. Mais une expérience n’est pas toujours un régal, et le D' Galippe avait la foi. Un commissaire américain, à l'Exposition de 1878, M. Jenkins, ayant exprimé l'opinion que les glycérophosphates acides du jaune d’œuf pouvaient former avec le cuivre un composé toxique, Galippe fit dans un vase de cuivre un mélange d’œufs et de lait qu'il chauffa et amena à consistance de crème, et conserva ensuite 25 heures. Au bout de ce temps, la portion en contact avec le métal était verte, par uite de l’action de l’air et du lait aigri sur le cuivre. L'aspect général du brouet était peu séduisant et sa saveur l'était moins encore. Néan- moins, il fut avalé sans aucun mauvais résultat. Je dois dire que les conclusions du D' Galippe furent accueillies avecun certain scepticisme, de même que son affirmation sur la nocivité des sels d’étain employés à l’étamage, qu'il estimait supérieure à celle 1. Étude toxicologique”sur de Cuivre et ses composés. Paris, 1875. 2. Ann. d'Hyg. publ. 4878. REVUES ET ANALYSES. 313 des sels de cuivre. Tout cela était pourtant exact et a été confirmé plusieurs fois depuis. Dans une réunion tenue à Regensburg par l'Association libre des représentants bavarois de chimie appliquée, Lehmann ! raconte qu’il a fait des expériences sur ce sujet avec un de ses amis. Ils ont mélangé des quantités de sulfate de cuivre équivalentes à 75,120 et 127 milli- grammes de cuivre à des pois ou des haricots, qu’on a mis à cuire dans des vases émaillés, et mangés en 2 fois le matin et le soir. Le goût métallique, absent au début, ne tardait pas à apparaître et ren- dait la saveur répulsive. Avec 200 grammes de pois contenent 127 mil- ligrammes de cuivre mangés en une fois, et seuls, il n’y eut d’abord aucune sensation désagréable; mais, au bout d’une heure, il y eut un sentiment d'indisposition qui aboutit, au bout de deux heures et demie. à de violents vomissements. Le soir, il ne restait aucune trace de malaise. Quand on descendait au-dessous de 100 milligrammes, l'effet était nul. On n’en a pas observé davantage en ingérant pendant un mois des doses journalières de cuivre commençant par 20 milligrammes et montant jusqu’à 30, pris dans la bière, sous forme d’acétate ou sous forme de sulfate. Des animaux reçurent de même pendant des mois des doses journalières de 10 à 100 milligrammes par jour, sans effet appréciable. On peut donc conclure que, contrairement à l’opinion commune, le cuivre est, comme le disait Galippe, un métal absolument inoffensif, lorsqu'on le prend à faibles doses. Lorsqu'on exagère la ration, on en est quitte pour un vomissement ou tout au plus une colique légère. Nous voilà loin des opinions que traduisait en prohibi- tions le Comité consultatif d'hygiène en 1860. Il est vrai qu'il pouvait citer des précédents, et à ce sujet, on trouve dans le Traité de Chimie, de Chaptal (1796) les curieuses lignes suivantes, qui traduisent bien les idées et l’esprit de l'époque : « Nos ustensiles de cuisine sont en cuivre, et malgré le danger où nous sommes Journellement d'être empoisonnés, malgré limpression délé- tère et lente que doit opérer ce métal sur nos individus, il n’est que peu de maisons d’où on ait banni ce métal. Il serait à désirer qu'une loi en défendit l’usage parmi nous comme on a fait en Suède, à la sollicitation de Schôüffer, auquel la reconnaissance publique a élevé une statue du même métal. 1! est permis au ministère de vio- lenter le citoyen lorsqu'il est question de son propre intérét; il n'y a pas d’années ou plusieurs personnes ne soient empoisonnées par des jam- bons ou autres viandes qu'on laisse séjourner dans des marmites de 1. Ber, bayr.' Vertreter angew. Chemie , 1892, T, I, p. 46. 314 ANNALES DE L'INSTITUT PASBEUR. cuivre. » En violentantle citoyen dans ce qu'il croyait son intérêt, le Comité d'hygiène ouvrait la question du cuivre. * II É , Je n'ai pas l'intention d’entrer dans le détail de la discussion à laquelle cette question a donné lieu, discussion qui a duré plus de 30 ans. Elle a été très animée. D’une part, en effet, l'Administration, croyant voir en jeu une question de santé publique, et n’osant pas choisir entre les affirmations contradictoires de divers savants, demandait avec persistance à ses Conseils et Comités d’hygiène de dire par oui ou par non si les sels de cuivre étaient dange- reux. Comme il arrive toujours en pareilecas, les Conseils et Comités, embarrassés, nommaient uñe Commission, qui nommait un rapporteur, qui faisait tout le travail. Ce rapporteur rapportait des conclusions, en général siennes, d'autant plus dubitatives qu'il était plus habile, qu’il se rendait mieux compte des difficultés de la question ; et cette réponse, transmise au gouvernement, ne pouvait satisfaire personne. On la discutait et on la faisait suivre d’une question nou- velle, qui suivait la même filière, aboutissait encore à l’indécision et laissait tous les intéressés hésitants ou ennuyés. C'est ainsi que par trois fois en 1860, 1877, 1878, le Comité consul- tatif d'hygiène ‘ resta fidèle à ses anciennes conclusions. C'était Bussy qui était rapporteur des 3 Commissions, et il n'avait aucune foi dans les expériences de Galippe. En 1878, MM. A. Gautier et Bouchardat eommencent une réaction et proposent de tolérer un minimum de cuivre dans les conserves de légumes. Une nouvelle Commission du Conseil d'hygiène, dont faisaient partie MM. Brouardel, Riche et Magnier de la Source, reconnaîtnettement que le cuivre à la dose où on le ren-. contre dans les conserves n'est pas un danger pour la santé publique. La même année, une autre Commission, composée de MM. Pasteur et 3rouardel, conclut qu’on peut tolérer le verdissage artificiel des légumes à la condition que chaque boîte porte, imprimé d’une façon lisible, le nom de l'agent employé pour cette opération. Cette condition fit pousser les hauts eris aux fabricants. « Mais nous employons pour cela, tous ou presque tous, dirent-ils, le sulfate de cuivre, et c’est vouloir nous ruiner etruiner notre industrie qui occupe 20,000 ouvriers, que de nous forcer à mettre sur nos boîtes pois verds aux sels de cuivre. Le public, qui a le préjugé que ces sels sont dange- reux, ne voudra plus de nos produits. » Il y a des candeurs qui 4. Consulter, pour toute cette discussion, lé Recueil des travaux du Comité consultatif d'hygiène publique, et les Annales d'hygiène publique, années 1878 et suivantes. “ REVUES ET ANALYSES. 315 désarment : ainsi, ces négociants demandaient à continuer à vendre au public une marchandise dont ils avouaient quelle public n'aurait plus voulu s’il avait su ce qu’elle contenait! Heureusement, il y avait en faveur de leurs pratiques d’autres raisons que cet argu- ment. vraiment misérable. La cause des sels de cuivre était presque gagnée devant le Conseil d'hygiène. Seul, le Comité consultatif d'hygiène publique résistait encore au nom des principes. A la suite d’un nouveau rapport fait par M. Gallard, ce comité déclara que, dans l’état actuel de la science, il n’était pas prouvé que le werdissage des conserves alimentaires par les sels de cuivre fût tout à fait sans danger, et que, par suite il n’était pas utile de lever la prohibition. Sur ce, la Chambre syndicale des fabricants de con- serves alimentaires de Paris protesta devant le ministre du Commerce et de l'Industrie, et, pour en finir, demanda des poursuites dans le cas où on jugerait les sels de cuivre dangereux pour la santé publique : « Si nous sommes des criminels, qu’on nous juge sérieusement! » C'était une mise en demeure catégorique, et il est certain que le régime hybride sous lequel vivait cette industrie des conserves ali- mentaires avait trop duré. Il y avait une loi prohibant les sels de cuivre, mais elle restait lettre morte, et quand on avait commencé des poursuites, elles avaient étévarrêtées par de savants avis comme ceux que nous avons relatés plus haut, disant que les sels de cuivre n'étaient pas dangereux. La besogne de conciliateur échut à M. Grimaux qui, dans un rapport au Comité consultatif d'hygiène daté du 15 avril 1889, fit accepter la conclusion que « dans l’état actuel de nos connaissances sur les effets toxiques des sels de cuivre, il n’est pas nécessaire d'interdire le verdis- sage au moyen de ces sels ». C’est sous ce régime de tolérante que nous vivons aujourd'hui. Comme modus vivendi, la solution ést acceptable et semble acceptée. La question ne s’est plus présentée depuis sept ans devant les Conseils et Comités. Elle s’est réveillée un instant lors de l'emploi de plus en plus fréquent de la bouillie cuprique pour combattre les maladies de la vigne et de divers végétaux : on s’est demandés'ilne restait pas de traces dan- gereuses de ce cuivre dans le vin. Mais ces préoccupations ont été levées de suite. La question que nous avons à nous poser, c’est si l'hygiène doit se déclarer aussi satisfaite de cette solution que l’industrie ou l’admi- nistration. N'oublions pas, en effet, que c'est au nom de lhygiène qu’on a posé le problème, et que même ceux des hygiénistes qui acceptent le statu quo ne le font pas sans quelques réserves, formel- lement.visées, par exemple, dans le dernier rapport de M. Grimaux. 316 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR IV Je ne ferais aucune objection à la tolérance pratiquée vis-à-vis des sels de cuivre s’il m'était démontré qu’ils sont absolument inoffensifs. Je dirais alors très volontiers à leur sujet ce que je disais dans ma dernière Revue au sujet des additions d’eau et des soustractions de crème : « Tant que l'acheteur n’est pas menacé par un danger qu'il ne peut connaître, abstenez-vous d'intervenir entre lui et le vendeur. Vous êtes des gardiens de la paix publique, vous n’êtes pas des cour- tiers. » Je tiendrais même d'autant plus volontiers ce langage; que le public trouve évidemment plus agréables à l’œil les légumes verdis, et que c’est quelque chose de donner à un aliment, quel qu'il soit, une physionomie qui plaise. Après tout, il y a peu de bonheurs réels; presque tous sont des bonheurs d'imagination. Si les pois verts mettent quelques âmes en joie, il faut les leur accorder, même au prix d’un léger sacrifice. Mais il ne faut pas qu’il y ait péril, et à cet égard, je trouve qu’on va trop loin en admettant l’innocuité des légumes verdis aux sels de cuivre. Je ne conteste pas, bien entendu, les résultats de M. le D'Galippe, que je erois très exacts; mais ceux de Lehmann le sont aussi, et nous avons vu plus haut que passé une certaine dose, les sels de cuivre amènent des troubles digestifs qui, sans être graves, ne sont pas de ceux auxquels on aime à être exposé. Or, les quantités de cuivre qui ont provoqué des vomissements chez Lehmann et chez son ami sont voisines de celles que le long procès dessels de cuivre a fait découvrir dans certaines boîtes de légumes conservés. Pasteur a trouvé 100 milligrammes de cuivre par kilogramme ; Carles, de Bordeaux, 210, et Gallard, 270 milligrammes dans des boîtes de petits pois provenant d’un des plus grands fabricants de conserves de Paris. Ce ne sont pas encore les 127 milligrammes de cuivre dans les 200 grammes de petits pois qui ont incommodé M. Lehmann, mais la distance n'est pas bien grande, et il faut en outre tenir compte de ce fait qu’on oublie, c’est que toutes les digestions ne se ressemblent pas, et qu’il ne suffit pas que cent personnes tolèrent le cuivre dans leur alimentation pour que la cent unième se comporte de même. De ce que mon voisin fume avec plaisir, il ne s’ensuit pas que j’en fasse autant et que la fumée ne m’incommode. Tous les faits particuliers qu’on pourrait réunir dans cet ordre d'idées n’ont donc qu’une signification restreinte. Les partisans du cuivre ne s’y sont pas trompés et ont cherché des arguments d’ordre général. « Comment voulez-vous, ont-ils dit, que le cuivre du végétal verdi fasse mal : il est à l’état insoluble dans l’eau; il est en combinaison REVUES ET ANALYSES. 317 avec la matière albuminoïde? » Mais les sels de mercure forment avec la matière albuminoïde des combinaisons encore plus insolubles. Tout le monde sait pourtant qu'ils sont toxiques au premier chef. L’argu- ment ne vaut donc rien, êt puis, cecomposé, insoluble au moment où on l’avale, pourrait être solubilisé dans le travail de la digestion et mettre du sel de cuivre en liberté juste là où son absorption est facile. Ce point de vue mériterait d’être étudié de plus près qu'il ne l’a été jusqu'ici. Il y a bien à ce sujet quelques expériences de Gley, mais elles n’ont-pas été faites dans cette direction et ne sont en outre pas bien probantes. Dans un premier essai, Gley a essayé l’action du suc gastrique. Mais ce suc ne peut rien sur la cellulose des pois. Dans une seconde expérience, on a essayé une digestion de fibrine dans du suc gastrique additionné de 2 0/0 de sulfate de cuivre, et on a constaté que la fibrine se dissolvait. Le résultat démontre que le sulfate de cuivre n'empêche pas l’action de la pepsine, ce qu'avait fait voir Petit ', mais l'intérêt eût été de chercher comment s’attaquait de la fibrine ayant fixé du cuivre à l’état insoluble, et si ce cuivre était à l’état soluble après digestion. Ogier a vu de son côté qu’il n’y avait aucune différence bien sensible dans la digestibilité des légumes verdis et non verdis, mais n'a pas cherché davantage si le sel de cuivre était devenu soluble et dialysable. La question reste donc ouverte. Il faut bien remarquer, d’ailleurs, que tous les végétaux verdis au cuivre ne contiennent pas le métal à l’état insoluble. On m'a servi un jour, dans une petite ville de l'Isère, des cornichons qui laissaient des dépôts de cuivre sur le couteau qui servait à les couper. Je crus devoir, au sortir de table, attirer l’atten- tion de la maîtresse d'hôtel sur le danger qu'elle faisait courir à ses clients; elle me répondit sèchement que, depuis un temps immémorial, on n'avait rien changé à la préparation des cornichons dans son hôtel, et que personne nes’en était jamais plaint. Si on y avait regardé de près, on eût peut-être trouvé quelque chose, et il existe justement, dans la bibliographie ? du sujet, un exemple de mort attribuée à des cornichons verdis au cuivre par un conseil de santé de Brooklyn. Je ne le donne pas comme démontré, car rien n’est difficile comme de remonter d’un empoisonnement à sa cause. Je le donne comme douteux, mais possible. J'en rapprocherai le cas observé à Treuchtlingen d’un individu mort quelques heures après avoir mangé une soupe grasse qui avait séjourné dans un vase de cuivre. Dans ce cas, il peut y avoir beau- coup de métal entré en dissolution, et Hilger en a une fois trouvé 4 gr. 630 par kilogramme. 4. Recherches sur la pepsine, Paris, 1880. 2. Annual report of Brooklyn Board of Health, 1885, 140. * 318 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. V Il y à enfin un dernier argument, tout aussi peu prôbant, en faveur de l’innocuité des sels de cuivre, c’est qu’on en trouve dans un grand _ nombre d'animaux et de végétaux. En 1858, Dupré et Odling en ont cherché et trouvé dans beaucoup de substances alimentaires, mais toujours en petites quantités. Sur 22 échantillons de pain, 21 en conte- naient; 20 échantillons de farine en contenaient tous, et il en a été de même de 43 échantillons variés, comprenant du froment, de l’orge, du maïs, de la paille, des betteraves et autres racines alimentaires. Les quantités trouvées s’élevaient au maximum à 5 milligrammes par kilo- gramme ; 29 échantillons de substances animales fournirent aussi du métal : le foie humain, 2 milligrammes par kilogramme; le foie de mouton, 50 milligrammes; le rognon, 10 milligrammes. Mayrhofer a trouvé des chiffres du même ordre :* FOIE DE MONLOR EE NE AA AERT Re 18 millig. par kilogr. EOIENTTOIDO RE SAN AUS SPACE EE RARE D _ Rognons de porc, de mouton, de lapin 3,8 à 8,0. POLE LP VEAUÉ TARN ARR 48 Foies de chien et de chat ........... 10 à 12 Une douzaine d’huîtresest donnéecomme contenant des quantités de cuivre comprises entre 356 et 108 milligrammes, ce qui donne comme maximum 2 grammes par kilogramme, et on songe tout de suite, en présence de ce nombre, que les Conseils et Comités qui avaient défendu le verdissage par les sels de cuivre allaient peut-être clôturer leurs travaux par un diner fin, où une seule huïître contenait plus de cuivre qu’un kilogramme de pois verdis. Hilger a aussi trouvé, dans certains Tuniciers, 200 milligrammes de cuivre par kilogramme. Enfin, il faut citer ici le fait curieux dé- couvert par A. H. Church en 1869". Les plumes de l'aile de plusieurs espèces de {uraco sont colorées par un pigment rouge contenant 6 0/0 de cuivre, dérivant évidemment de la nourriture de l'animal. Il faut donc que celle-ci en contienne, ce qui conduit à donner au cuivre un caractère physiologique comparable. à celui que Raulin a découvert chez le zinc pour l’aspergillus niger. Je ne fais aucune difficulté à admettre que le cuivre est peut-être un des éléments physiologiques de certains tissus. J'en fais encore moins pour admettre que certains tissus animaux ou végétaux peuvent s’accommoder de son existence, en d’autres termes, que ce n’est pas un poison violent; mais la question n’est pas là, elle est de savoir si des doses supérieures à ces doses physiologiques ou à ces doses sup- 4, Chemical News, Amer. Rep.1869,t. V, p.61 ;et Chem. Neivs. 1899, t. LXV, p. 218, + LE) RE dé REVUES ET ANALYSES. BAT portables sont bien supportéesaussi, et partoutlemonde et par tous les tissus. Il est très remarquable que les organes où on en rencontre le plus, chez les grands animaux, sont le foie ou le rein, c'est-à-dire les émonctoires. Cela veut dire que l'organisme cherche à se débarrasser de son cuivre, ce qui ne prouve guère en faveur du rôle physiologique de ce métal. Somme toute, je crois qu'on peut conclure que, pour de faibles proportions et dans la grande majorité des cas, le cuivre est inoffensif, mais qu’il peut devenir dangereux lorsque sa proportion atteint une certaine limite variable avec les estomacs, très élevée pour la-plupart, beaucoup plus faible pour d’autres non moins respec- tables que les premiers. VI d + Les lois ne doivent évidemment pas être faites pour les exceptions, mais elles ne doivent pas les oublier, et c’est précisément ce qui a lieu dans la question du verdissage par les sels de cuivre. Il vaudrait mieux que cette question n’eût pas été soulevée, et que la Commission de 1860 eûteu moins de zèle. Les fabricants de conserves auraient continué de verdir au sulfate de cuivre comme ils le font aujourd’hui, mais on serait armé vis-à-vis d’eux du droit commun, et si, comme il est possible, une de leurs boîtes avait produit un empoisonnement plus où moins aigu, on aurait pu se retourner vers eux et leur demander répa- ration du préjudice causé. Tandis que, maintenant, ils sont couverts. De ce qu'après leur avoir refusé l’autorisation, on la leur a rendue après une série d'enquêtes, ils peuvent conclure que la policeet l’admi- nistration ont reconnu l’innocuité des sels de cuivre, et autorisé leur emploi. Telle est la fâcheuse posture dans laquelle se sont mis les -hygiénistes en soulevant maladroitement cette question. Il a fallu qu’un Conseil d'hygiène se résolve, de guerre lasse el pour avoir mal engagé la lutte, à dire, en somme, qu’on avait le droit de tromper le public et de lui faire consommer des sels de cuivre qu’il ne demandait pas. Je voudrais que les hygiénistes se dégagent de cette fausse situation en disant deux choses. D’abord, qu'ils déclarent au public que, pour sa sécurité absolue, il vaut mieux qu’il renonce aux légumes verdis par les sels de cuivre, et accepte la couleur qu'ils prennent naturelle- ment quand on les fait cuire. Esthétiquement, le jaune vaut le vert, et physiologiquement, le jaune est moins dangereux. Après avoir ainsi prémuni le public contre un danger qu'ilägnore et contre lequel il se croit garanti par l'autorisation donnée aux fabricants de con- serves, je voudrais que les hygiénistes obtiennent, des pouvoirs publics, un arrêté conçu dans ces termes, ou dans des termes équiva- lents : « Les sels de cuivre sont trop peu dangereux pour qu'on puisse 320 ANNALES. DE L'INSTITUT PASTEUR. en interdire l’emploi, mais les fabricants qui s’en servent le font sous leur responsabilité, et tous les accidents qui seraient imputables à leurs produits sont à leur charge, même lorsqu'il serait démontré que la boîte qui les a produits ne contiendrait pas plus de cuivre que d’autres boîtes restées inoffensives. » Ceci est destiné à laisser les exceptions dans le droit commun. De ce que jai le canal digestif plus sensible que mon voisin, il ne s’ensuit pas que vous ayez le droit de me vendre, sans me le dire, des aliments contenant des substances qui leur sont étrangères, et qui me font mal. Vous m'avez fait du tort : vous devez le réparer. J'ai tenu à aller jusqu’à cette conclusion, parce que c’est une con- clusion de principe qui en contient une foule d’autres. Je n’en citerai qu'une qui est en situation : elle est relative à l’acide salicylique. Chose singulière, il semble que les légumes dans lesquels on à introduit du sulfate de cuivre se conservent, à égalité de traitement, mieux que ceux qui n’en ont pas reçu, de sorte qu’il faut se demander si, outre la coloration qu’il donne, le sulfate de cuivre ne serait pas un antiseptiqueà la façon du tannin sur les peaux, en rendant inso- lubles et stables des substances facilement putréfiables. Ce qu'il y à de sûr, c’est que là où on ne trouve pas de sulfate de cuivre, par exemple dans les légumes dits « au naturel », on rencontre très fréquem- ment de l’acide salicylique ou un autre antiseptique quelconque. Il est clair qu’il n’y a rien de moins naturel que la présence de ces corps dans les légumes, et le consommateur, qui, par principe, voudrait fuir les légumes verdis au cuivre, serait exposé à tomber du mal dans un pire. Pour l'acide salicylique, la ‘jurisprudence est établie et conforme à la règle que j'ai posée plus haut. Dans un grand nombre de cas, il est inoffensif. Seules, les personnes qui ont les reins en mauvais état souf- frent de son usage continu, et même de son usage intermittent. Du moment qu'il peut être nuisible à quelques-uns, on a bien fait d'en interdire l’emploi. Il est vrai que cette interdiction a à peu près le même sort que celle qui était relative au cuivre : elle reste le plus sou- vent lettre morte. Mais au moins laisse-t-elle le fabricant sous le coup de l’action pénale, si ses produits causent quelque accident. Je ne demande pas autre chose pour les sels de cuivre et les autres corps, dont les fabricants croient pouvoir se permettre l’introduction dans les substances alimentaires, sans que le consommateur soit prévenu et ait la moindre raison d’entrer en défiance ou en défense. E. DucLaux. Le Gérant : G. Masson Sceaux. — Imprimerie Charaire et Cie. 10me ANNÉE JUIN 1896 N° 6. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR LA PNEUMONIE DES CHÈVRES D'ANATOLIE (4% MÉMOIRE) Par Les Dr's M. NICOLE REFIK-BEY Directeur de l’Institut Impérial Bactériologi que Préparateur. de Constantinople. Nous avons eu l’occasion d'étudier dans ces derniers mois une affection commune en Auatolie, la pneumonie des chèvres, affection qui se rapproche à certains égards de la pleuropneu- monie des veaux, mais qui en diffère cependant par des carac- tères importants et constitue bien une espèce morbide dis- tincte !. Treize animaux, morts ou gravement atteints, nous ont été apportés par notre ami Haïdar Bey, vétérinaire militaire, inspecteur à la préfecture de Constantinople. Ils provenaient de diverses localités de la côte d'Asie, situées au voisinage de Kartal et de Mal-Tépé, c'est-à-dire près de l’entrée du golfe d'Ismidt. Nous sommes heureux de remercier ici Haïdar Bey de son aimable concours. HISTOIRE DE L'ÉPIZOOTIE. — SYMPTOMES La pneumonie des chèvres est rare dans les localités actuel- lement infectées, mais elle est fréquente dans les parties plus éloignées de l’Anatolie. On l'y désigne depuis très longtemps sous le nom de Kara-Salkem (grappes noire), probablement 1. Il semble bien que ce soit cette même maladie que les chèvres d’Angora ont importée au cap de Bonne-Espérance, où les vétérinaires anglais l’ont signalée. 322 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. d’après l’aspect que présentent les poumons hépatisés. Au dire des bergers, elle aurait été importée vers le commencement de l’année par des troupeaux malades venant de l’intérieur. Nous avons pu contrôler nous-mêmes la vérité de cette assertion. Symptômes. — L’aflection débute par de la fièvre, accom- pagnée de perte de l’appétit. Puis la toux apparaît, avec un jetage simplement muqueux. Les animaux malades présentent une dyspnée intense et ne peuvent suivre les autres quand le troupeau est en marche. A l’examen physique on constate de la matité, du souffle-tubaire et des râles crépitants et sous-crépi- tants. L’affection dure plus ou moins longtemps, selon les cas, une dizaine de jours en moyenne. Quand elle se prolonge un peu, des paralysies se manifestent parfois dans les quatre ou cinq jours qui précèdent la mort. Le pronostic est fort grave; d’après les bergers, 1/4 à 1/5 seulement des animaux guériraient, et souvent ces animaux conserveraient de la toux pendant un certain temps. Les chevreaux sont plus sensibles que les chèvres adulles; mais ces dernières meurent cependant en grande quantité. La maladie amène assez fréquemment lavortement. Elle ne s'accompagne pas en général de signes d’entérite. Ni les veaux ni les moutons des mêmes troupeaux ne sont alteints. LÉSIONS MACROSCOPIQUES ET MICROSCOPIQUES Il s’agit d’une véritable preumonie lobaire, tantôt unilatérale, tantôt bilatérale avec prédominance constante d'un côté. Cette pneumonie siège sur les lobes inférieur ou moyen, qu'elle envahit plus ou moins complètement. Le poumon est augmenté de volume, dense, rouge brun et ne crépite plus. A la coupe, les parties malades offrent un aspect marbré allant du rouge violacé au gris rosé. La surface de section est sèche et granuleuse; le tissu se déchire aisément et plonge de suite dans l’eau quand on : l'y jette. Les bronches ne semblent pas atteintes; elles contien- nent une spume incolore; quelquefois on y rencontre de petits moules fibrineux. La plèvre est tapissée de fausses membranes au niveau des lobes hépatisés. Sa cavité contient une sérosité citrine, généra- lement liquide et peu abondante, quelquefois coagulée et formant une couenne plus ou moinsépaisse qui recouvre la région malade. PNEUMONIE DES CHÈVRES D'ANATOLIE. .. 323 Les ganglions bronchiques ne sont pas augmentés de volume. Les viscères n’offrent rien d’anormal. Comme on le voit, les lésions rappellent absolument celles de la pneumonie de Laënnec. Au microscope, on trouve, suivant les points, les caractères habituels de l’hépatisation rouge (dilatation des capillaires alvéo- laires, et exsudat fibrineux pauvre en leucocytes dans les alvéoles) ou de l’hépatisation grise au début (disparition de la congestion vasculaire ; aspect granuleux de la fibrine épanchée; abondance des leucocytes, dont une partie est dégénérée). Les bronches et les vaisseaux sont indemnes, mais les gaines bron- cho-artérielles sont infiltrées de globules blancs. La plèvre fait corps avec l’exsudat fibrineux qui la tapisse, exsudat où les leucocytes sont modérément abondants. En somme, l'examen histologique indique, lui aussi, la plus grande analogie avec la pneumonie humaine. Chez une des chèvres, qui a succombé deux mois après le début de l'affection, nous avons observé un mode curieux de terminaison de la maladie, la nécrose en bloc des parties hépatisées. Le lobe moyen du poumon gauche était converti, dans sa moitié ‘antérieure, en une masse caséeuse, molle, de couleur mastic. flottant dans une cavité un peu plus grande qu’elle, remplie d’un liquide trouble. Cette cavilé, formée en avant par la plèvre épaissie, en arrière par ume sclérose du parenchyme pulmonaire, offrait une paroi tomenteuse, hérissée de saillies framboisées et recouverte çà et là de dépôts jaune clair, rappelant ainsià beaucoup d’égards la cavité d’un abcès froid. Quant au bloc nécrosé, à peu près lisse dans la face correspondant à la plèvre, il présentait au contraire un aspect spongieux dans les parties regardant le poumon. Nous ne faisons que mentionner en passant la fréquence des lésions de strongylose dans les-poumons de nos chèvres. C'est là une affection banale ici, et que nous avons retrouvée au même degré chez des animaux indemnes de toute affection pul- monaire. COCCO-BACILLE DE LA PNEUMONIE DES CHÈVRES. — MORPHOLOGIE Dans les poumons hépatisés, nous avons constamment isolé sans difficulté le cocco-bacille qui représente l'agent de la maladie. 324 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. x Il existait tantôt à l’état de pureté, tantôt associé à d’autres microbes (le plus souvent le coli-bacille; deux fois le pyocya- nique). Toutes les fois que l’autopsie a pu être faite immédia-" tement après la mort, nous n'avons rencontré que le cocco- bacille. | Dans les viscères et dans le sang du cœur il faisait toujours défaut; de même dans le foie d’un fœtus que renfermait l'utérus d'une des chèvres. L’affection naturelle n'a donc point le caractère septique. Avec le jetage d’un des animaux nous avons obtenu facile- ment des cultures en nous servant du sérum coagulé. On pourra donc, croyons-nous, faire rapidement le diagnostic des premiers cas, lors d’une épidémie, en ayant recours à la méthode clas- sique de MM. Roux et Yersin, sans être obligé d’abaitre les chèvres suspectes. Morpnorogie. — Comme l'indique son nom, le cocco-bacille est essentiellement polymorphe. Il appartient par sa forme et par ses aulres caractères à la famille des « bactéries des septicémies hémorrhagiques » dont le microbe du choléra des poules est le type. $ | Dans les cultures en liquides (le sérum excepté), c’est tantôt un diplocoque, tantôt un organisme lancéolé, rappelant par son. aspect et ses dimensions de pneumocoque de Talamon-Fränkel. Quelquefois il forme de véritables chaînettes. D'une façon gé- nérale, plus la culture est abondante, plus la forme est ronde et les chaïînettes, fréquentes. Dans le sérum liquide, l’aspect do- minant est celui d’un diplobaëcille (Voir planche Il). Dans les cultures sur les milieux solides, on a affaire d’'habi- tude à un vrai bacille. Dans les anciennes cultures (liquides ou solides), les organis- mes se transforment en grosses sphères qui perdent peu à peu leur colorabilité etrappellent l'aspect connu des vieilles cultures cholériques ou des granules de Pfeiffer. Dans les humeurs ou la pulpe des organes des animaux ino- culés, c'est Lantôt une forme, tantôt une autre qui prédomine (coccus, bactérium, bacille), sans qu'il soit possible de formuler une règle à cet égard. Le plus souvent, mais non constamment, la brièveté est en rapport avec l'abondance des organismes. Dans le froltis du poumon hépatisé, la forme bactérium est la + + PNEUMONIE DES CHÈVRES D'ANATOLIE, 328 * plus répandue; le microbe se présente alors d'ordinaire en amas. A l’aide de la méthode à la thionine, inventée par l’un de nous, on colore facilement le cocco-bacille dans les coupes d'organes des animaux inoculés ; les images observées rappellent de tout point celles qu'on obtient avec le choléra des poules. Dans les coupes des poumons hépatisés, le microbe est au contraire difficile à trouver; fait qui semble tenir à sa distribu- tion exclusive sous forme d’amas (comme le bacille d’Eberth dans la rate des typhiques). C’est là un point sur lequel nous reviendrons plus tard, car il ne peut être élucidé qu'en faisant de très nombreuses coupes dans les diverses régions des pou- mons malades. Le cocco-bacille est immobile, sans spores, et se décolore par le procédé de Gram. La thionine phéniquée lui communique un aspect ennavelte, le violet de gentiane phéniqué le teint unifor- mément. CULTURES. — BIOLOGIE Bouillon. — Développement rapide; le milieu se trouble uni- formément, mais la culture reste peu abondante. Le milieu s’aci- difie plus ou moins vite selon sa constitution (élément fort varia- ble, comme on sait). * Milieu 0‘. — Mèmes caractères, mais pas d’acidificalion. Bouillon-Sérum *, (bouillon 1/3, sérum 2/3; d’après Mar- morek). — Culture peu abondante. Pas d’acidité. Bouillon O-sérum (parties égales). — Culture un peu moins abondante que dans le bouillon. Pas d’acidité. Sérum (liquide). — Culture assez abondante ; pas ‘d’acidité. Eau peptonisée à 1 0/0. — Culture maigre. Pas d’acidité, pas d'indol, 1. C’est le milieu dont nous nous servons pour la préparation de la toxine diphtérique. Il est ainsi constitué : LA POS PER ESS OUT TANT RENE dE e On ee 1.000 ÉORORP ER SR euh. PRET Ne LOS ADS DATA + 20 \ SORA ID en nie se RE HN AC RL mere 5 Phosphate ee DR RS TEE SA Tee 2 ASDATAO TE sua ne ao 2 2 Me MR Ca ER NET 2 \ Lactate d’ ammoniaque. MAO dont goi0 5 © Que bn 0 SO 3 2. Nous avons toujours fait usage du sérum 4 cheval chine à 55, 326 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Eau peptonisée à 2 0/0, lactosée à 3 0/0. — Culture très mai- gre.-Pas de fermentation. Pas d’acidité. Lait. — Culture maigre, pas de coagulation. Gélose, en strie. — Enduit blanc, humide, moyennement abondant. Gélose, en plaques. — Colonies isolées en goutte de rosée : un peu plus grandes et moins transparentes, que celles du pneumo- coque. Sérum coaqulé. — Mêmes caractères que sur gélose. Gélatine (par piqûre). — Culture pauvre sous la forme d’une ligne blanchätre continue s’étendant tout le long de l’ensemence- ment. Le développement est lent (3-4 jours). La gélatine n’est pas liquéfiée. Pomme de terre. — Pas de développement. 7) Influence de la température. — La température optima corres- pond à 35°-37°. Une culture en bouillon, contenue dans une ampoule de verre complètement remplie et scellée, est tuée au bain-marie à 58° après un quart d'heure. Influence de l'air. — Le coceo-bacille pousse rapidement à l'abri de l'air, mais les cultures sont maigres. Vütalité. — Le microbe ne se conserve à la température ordi- naire que pendant un temps assez court si l’on emploie les milieux habituels. Dans le milieu O-sérum, et à la glacière, au contraire, on peut le maintenir vivant plus longtemps. Virulence. — Les cultures perdent rapidement leur virulence dans les milieux ordinaires, même dans ceux qui ne s’acidifient pas sous l’influence du cocco-bacille. Il est donc indiqué d’avoir recours à l’addition de sérum préconisée par le D' Marmorek (d’où l'emploi courant que nous faisons de notre milieu O-sérum). INOCULATIONS Souris. — C'est l’animal le plus sensible. Une très petite quantité de culture inoculée sous la peau amène la mort en 10-12 heures avec seplicémie. Pigeon. — Avec 2 c. c. de culture active en milieu O-sérum, on tue le pigeon en une journée par septicémie. On peut le tuer à plus forte raison par inoculation dans le péritoine et dans les PNEUMONIE DES CHÈVRES D’ANATOLIE. 327 veines. Dans ce dernier cas, 1 c. c. de culture est largement suf- fisant. ’ Lapins. — 2 e. c. de la même cullure injectée sous la peau tuent le lapin en 8 jours, avec abcès local à pus épais, et générali- sation. La mort n’est plus qu'une question d'heures si on inocule dans le poumon. On trouve alors à l’aultopsie un épanñchement pleural abondant et de la splénisation pulmonaire. Cobaye. — 1 c. c. de culture active dans le milieu O-sérum amène la production d’un abcès qui s'ouvre après quelques jours, et laisse à sa place une large ulcération dont la cicatrisation marche vite. 2 c. c. dans le péritoine tuent l’animal en 10-12 heures avec épanchement abondant et généralisation, même s’il s’agit d'un cobaye de 600 grammes. 2 c. c. dans le poumon amènent une septicémie encore plus rapidement mortelle (avec épanchement pleural et splénisation). On peut tuer les animaux précédents en leur injectant, au lieu des cultures, des émulsions de poumon hépatisé ou divers produits pathologiques (épanchement péritonéal de cobaye ou de lapin, etc...) C’est, bien entendu, une simple affaire de viru- lence et d'abondance du virus. Chèvre. — Elle se montre plus résistante que les animaux de laboratoire. Voici le résumé des inoculations pratiquées sur celte espèce. INOCULATIONS SOUS- CUTANÉES. — Chevreau de 18 kilos. — Inoculé avec 2 c.c. de culture active en milieu O-sérum. Mort après quatre semaines. Pas de réaction locale ni générale. Émaciation. Dans les derniers jours, paralysie des quatre membres. A l’autopsie : un peu de congestion pulmonaire; rien dans les viscères. Cocco-bacilles dans fous les organes. Chèvre adulte. — Inoculé avec une émulsion de poumon hépatisé. Nodule local. A résisté. Chèvre adulte. — Inoculée avec 5 ec. c. de virus actif en bouillon. Les iours suivants, un peu de fièvre et de diarrhée. Pas d’altération de l’état général. — Réinoculée, un mois et demi après, avec une émulsion de poumon hépatisé. Pas de réaction, ni locale, ni générale ; simplement un peu d’éma- ciation. Un mois après, apparition d'une paralysie des quatre membres et mort en cinq jours. À l’autopsie : pas de lésions spéciales des viscères, à l'œil nu. Cultures négatives avec les viscères et la moelle épinière. Conclusions. — 1% L’inoculalion sous-cutanée, même avec un virus virulent, n’amène la mort qu’à la longue et engendre dans ces cas des paralysies. 2° Une chèvre qui a supporté une pre- 328 ANNALES.DE L'INSTITUT PASTEUR. mière inoculation montre un certain degré de résistance qui se traduil.par l'absence d'accident locallors d'une seconde injection avec le virus naturel (lequel donne toujours cet accident local). - INOGULATIONS INTRAPULMONAIRES. — Chevreau de 10 kilos. — Inoculé avec 2 c. c. de virus actif en bouillon. Pas de réaction. — Réinoculé un mois après, sous la peau, avec une émulsion de poumon hépatisé. Mort en 7 jours. A l'autopsie : ecchymoses sous-pleurales et pulmonaires; un peu d’épanche- ments pleural et péricardique; rien dans les viscères. Aucune lésion répon- dant à la première inoculation. Cultures positives avec tous les organes. Chèvre adulte. — Inoculée avec 5 c. c. de culture active en bouillon. Pas de réaction. — Réinoculée 17 jours après dans l’autre poumon avec la même dose additionnée de 2 gouttes d'acide lactique au cinquième. Mort en un mois. Paralysie des quatre membres dans les 15 derniers jours. Pas de troubles de l’état général, sauf un peu d’émaciation. A l’autopsie : lésions de pleurésie avec atélectasie pulmonaire répondant à la seconde inoculation; lésions de péricardite; rien de spécial à l'œil nu dans les vis- cères (au microscope : altérations marquées du foie et du rein). Cultures positives avec le.poumon malade seulement. Chevreau de 12 kilos. — Inoculé avec 5 c. c. de culture active en bouil- lon, additionnée de 3 gouttes d'acide lactique au cinquième. Mort en 6 heures avec phénomènes d’asphyxie aiguë et hémoptysies. A l’autopsie : ecchymoses sous-pleurales et pulmonaires ; épanchement abondant et trouble dans les plèvres. Microbes excessivement abondants dans les viscères et dans l’épanchement. Chevreau de 13 kilos. — Inoculé avec 4 c. c. de l’épanchement péri- tonéal d’un cobaye. Mort en 24 heures. Mêmes phénomènes et lésions que le précédent. Chèvre adulte. — Inoculée sous la peau avec une émulsion de poumon hépatisé. Nodule local, mais pas de réaction générale. Réinoculée trois semaines après avec 2 c. c. de l’épanchement péritonéal d’un cobaye. Mort en 6 heures avec les mêmes phénomènes et lésions que les deux animaux précédents. Au niveau du nodule local, on a trouvé un petit abcès à pus épais très riche en cocco-bacilles. Chèvre adulte. — Inoculée avec 2 c. c. de culture active en bouillon. Pas de réaction générale. Après 5 jours, tuméfaction du genou gauche. On tue l'animal le 10e jour. A l’autopsie : un peu d’épanchement péricar- dique avec quelques fausses membranes; arthrite du genou avec liquide trouble et fausses membranes épaisses. Cultures positives avec les viscères et les liquides péricardique et articulaire. Conclusions. — 1° On n'obtient la mert rapide des animaux qu’en additionnant les cultures d'acide lactique ou en se servant de liquides pathologiques très virulents (épanchements périto- néaux de cobayes). 2° L’inoculation intrapulmonaire chez un PNEUMONIE DES CHÈVRES D’ANATOLIE. 329 animal jeune n’empêche pas la mort par inoculation ultérieure du virus naturel sous la peau. 3° [’inoculation de poumon hépatisé sous la peau ne protège pas une chèvre adulte contre l’inoculation d’un virus actit dans le poumon. 4° L’inoculation intrapulmonaire chez un animal adulte peut donner une certaine résistance contre la réinoculation des cultures additionnées d'acide lactique; la mort est alors plus lente et des paralysies peuvent apparaître. 5° L’inoculation intrapulmonaire chez un animal adulte peut donner les localisations articulaires. Inoculation intratrachéale. — Nous avons inoculé sans aucun résultat 5 c. c. de culture active dans la trachée. La même expé- rience, répétée avec 5 c. c. d’exsudat péritonéal de cobaye, n’a pas mieux réussi. Inoculation intrapéritonéale. — Un chevreau de 18 kilos a été inoculé dans le péritoine avec 2 c. c. de culture active en bouil- lon additionnés de 2 gouttes d'acide lactique au cinquième. Il est mort en 7 jours avec péritonite purulente, ecchymoses sur les organes abdominaux et septicémie générale. Inoculation intraveineuse. — Un chevreau de 23 kilos, qui avait résisté à une inoculation intrapulmonaire de 2 c. c. de culture, est mort en quelques heures par injection intraveineuse de 5 c. c. de culture en milieu O- sérum. Les organes ont tous donné des cultures positives. En résumé. — D'une façon générale, la chèvre est peu sensi- ble à l’inoculation du cocco-bacille; pour vaincre sa résistance, il faut faire usage de virus très actif à dose élevée ou de cultures additionnées d’acide lactique. Les animaux se montrent d’au- tant plus réceptifs qu’ils sont plus jeunes. Lorsque la mort sur- vient après plusieurs semaines, on peut voir apparaître des phé- nomènes paralytiques, analogues à ceux que présente la maladie naturelle. Enfin, le virus injecté dans le poumon peut donner des déter- minations articulaires précoces. Veau. — Nous avons inoculé sans résultat 5 c. c. de culture active dans le poumon d’un veau. Un autre veau a succombé en 24 heures à l'injection intrapulmenaire de 5 c. c. d’épanche- ment péritonéal de cobaye. A l’autopsie, nous avons constaté de la splénisation pulmonaire et un épanchement trouble du côté inoculé; les viscères n'offraient aucune lésion appré- 330 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ciable à l'œil nu. Les organes ont donné des cultures positives. Chien. — Un jeune chien a été inoculé dans le poumon avec 5 c. c. de culture active. Il s’est montré absolument réfractaire." Par contre, nous avons tué facilement 3 chiens en leur inoculant l’exsudat péritonéal d’un cobaye. Voici le résumé de ces expériences. Petit chien de A ATO grammes. — Inoculation intrapulmonaire de 2 c. c. d’exsudat; mort en moias d’une nuit avec épanchement pleural hémorra- gique modérément abondant, et léger œædème pulmonaire du côté inoculé; hypertrophie énorme de la rate; cultures positives avec le sang et Îles organes. Chien de 3,370 grammes. — Même mode d'inoculation; même dose. Mort dans le même délai sans autres lésions qu'une tuméfaction de la rate très- marquée; cultures positives avec le sang et les organes. Chien de 4,850 grammes. — Inoculé comme le précédent, mais avecaddition de 3 gouttes d'acide lactique (au cinquième). Mort dans le même temps. Epanchement pleural bilatéral rosé et très abondant; œdème énorme des deux poumons; foie décoloré et un peu graisseux (préparations à l'acide osmique); reins pâles; hypertrophie splénique encore plus acc entuée que dans les deux cas précédents. Cultures positives avec le sang et les organes: RAPPORT DE LA PNEUMOMIE DES CHÈVRES AVEC LA PLEUROPNEU- MONIE SEPTIQUE DES VEAUX. La description que nous venons de donner montre que la pneumonie des chèvres® doit être classée bactériologiquement parmi les septicémies hémorragiques, tout auprès de la pleuro- pneumonie septique des veaux. Or on sait que, pour certains vétérinaires, celle dernière maladie pourrait atteindre le chevreau (forme maligne) et mème la chèvre adulte (forme bénigne). Nous ne pensons point cependant que l'affection étu- diée par nous soit identique à la pleuropneumonie septique et cela pour les raisons suivantes. Malgré le nombre et la gravité des cas observés chez les chèvres, les veaux n'ont jamais été atteints spontanément dans les mêmes troupeaux. Les chèvres adultes se sont montrées très sensibles à l'infection naturelle et sont mortes en grande quantité. Chez la chèvre, qui est certainement plus réceptive que le veau (puisque ce dernier n’a pu être tué qu'expérimentalement et avec une forte dose de produits très virulents),#da maladie n'affecte nullement le caractère septique ; les lésions pulmonaires sont PNEUMONIE DES CHÈVRES D’ANATOLIE. 391 nettement preumoniques ; enfin il n'y a point d'ordinaire de loculi- “sations intestinales. Dans l'affection des veaux, au contraire, il y a septicémie, lésions plutôt péripneumoniques (Galtier) et enté- rite. Cette dernière manifestationest bien une des caractéristiques de la maladie, puisqu'on la retrouve aussi chez les porcelets; animaux moins sensibles que les veaux. D'autre part, la pneumonie des chèvres s'accompagne volon- tiers, en tant qu'affection naturelle et en tant qu’affection expérimentale, de paralysies des membresqui fonttotalement défaut dans la pleuropneumonie septique des veaux. Nous pourrions ajouter encore d’autres caractères différen- tiels : par exemple, notre virus (contrairement à celui de la pleuropneumonie) ne tue pas facilement le veau et la chèvre dans le poumon; il est au contraire bien plus actif vis-à-vis de la souris. Le cocco-bacille ne se développe jamais sur pomme de terre, tandis que celui de la maladie des veaux y pousse aisé- ment, etc... Mais ces dernières données ont beaucoup moins de valeur à nos yeux que celles qui sont tirées de la nosologie. Ce qui précède ne nous empêche nullement de reconnaître combien est séduisante l'hypothèse développée par MM. Nocarde et Leclainche au sujet des « septicémies hémorragiques » d Hüppe, affections que ces auteurs envisagent comme dues à des adaptations variées d’un microbe unique, la bactérie ovoide. Maïs, en attendant que quelque auteur patient ait institué pour les « bactéries à espace clair » des recherches analogues à celles de M. Pfeiffer pour les vibrions, il nous semble prudent de continuer à noter loutes les différences que peuvent offrir les types morbides observés. EXPLICATION DE LA PLANCHE II Fig. 1. — Pulpe de rate de souris. Bactériums et bacilles (navettes). Fig. 2. — Sang du cœur de pigeon. Fig. 3. — Exsudat pleural de cobaye. Fig. 4. — Exsudat pleural de veau. Fig. 5° — Pus d'abcès local de chèvre inoculée avec le poumon hépatisé. Fig. 6. — Frottis de poumon hépatisé de chèvre (maladie naturelle). Amas de bacilles et de bactériums en navette. 332 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Fig. 7. — Culture jeune sur gélose. Bacilles. Fig. 8. — Culture jeune dans le"milieu O-sérum. Formes Pr et lancéolées. Quelques chaïinettes. Fig. 9. — Culture jeune dans le bouillon. Diplocoques en chaïînettes abon= dantes. Fig. 10. — Culture ancienne sur sérum coagulé. Sphères prenant mal la coloration. Tous ces dessins ont été faits avec le microscope Leitz. Oculaire 3 Objectif I. H. 1/2. PRÉPARATION DE LA TOXINE DIPHTÉRIQUE Par M. NICOLLE Directeur de l’Institut Impérial de Bactériologie de Constantinople, Ba publication de M. Spronck, dans un des derniers numéros de ces Annales, nous engage àfaire connaître les procédés quenous avons mis en œuvre ici depuis plusieurs mois, danslebut de rendre plus certaine, plus rapide et pius économique la préparation de la toxine diphtérique. Après de nombreux essais, qu’il est inutile de relater, nous avons trouvé qu'on obtient {oujours une toxine active en ense- mençant le bacille de Lülfler dans un bouillon que nous composons comme il suit : Nous achetons de la viande de bœuf tué le matin même, nous la hachons et nous la faisons macérer une nuit à une température de 10 à 12° (500 grammes de viande par litre d’eau). La macé- ration, additionnée de 2 0/0 de peptone et de 0,5 0/0 de sel, est portée à l’ébullition, filtrée, alcalinisée assez fortement, et chauffée 10 minutes à 120°; puis filtrée à nouveau et répartie dans des vases quelconques, à raison d’un à deux litres par vase. Le tout est stérilisé un quart d'heure à 115. L’ensemencement se fait avec une culture préalablement rajeunie. Nous nous servons d’une semence que M. le D' Roux a eu l’obligeance de nous donner, semence identique à celle qu’il a employée dans ses travaux sur la sérothérapie de la diphtérie et qui lui sert encore couramment. Après 5 jours à.37°, sans courant d'air, la culture filtrée tue un cobaye de 500 grammes en un peu plus de 48 heures, à la dose de 1/10 de c. c. sous la peau. Après 7 jours, elle le tue en moins de 48 heures. Et cela constamment. Suivant le conseil donné par M. Spronck, nous avons fait du bouillon avec de la viande abandonnée à elle-même pendant _plusieurs jours, mais les résultats ont été moins satisfaisants qu'avec notre procédé habituel. 334 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Nous ne voulons pas aborder la question de savoir si c’est la présence ou l’absence de la glucose de la viande qui joue le rôle prépondérant dans la réaction des cultures, et, partant, dans leur abondance et leur toxicité. Il nous paraît inutile d’in- sister sur les avantages qu’on peut retirer de ce procédé si simple, si rapide et si peu coûteux dans la préparation en grand de la toxine diphtérique. Nichan-Tach, décembre 1895. EXAMEN BACTÉRIOLOGIQUE D'ANCIENNES DÉJRCTIONS CHOLÉRIQUES Par LE Dr ZIA BEY Préparateur à l'Institut Impérial de Bactériologie de Constantinople. Les selles que nous avons étudiées ont été conservées au Laboratoire dans des ampoules de verre scellées. Elles ont été soumises à toutes les variations de la température ambiante pen- dant un temps variant de 3 à plus de 22 mois. Les déjections les plus anciennes datent de mars 1894, les plus récentes d’octo- bre 1895. Dans toutes, le vibrion de Koch avait été jadis isolé. Nous ne l’avons pas retrouvé, ce à quoi nous nous attendions d'avance, connaissant les travaux de Karlinski, Abel et Claussen, Dunbar et autres. Notre but était d’ailleurs de rechercher quels microorganismes peuvent se conserver vivants, alors que les vibrions ont déjà disparu depuis longtemps. Pour résoudre cette question, nous avons ensemencé les selles dans l’eau peptonisée à 1 0/0; puis, avec les cultures en eau peptonisée, nous avons fait des isolements sur gélose après dilution. C’est là la méthode que nous employons toujours pour la recherche des vibrions dans les déjections cholériques. Le résultat de nos examens est consigné dans la liste sui- vante : | CORRE ne Pre 2 fois : SULEPLACOQUE No. 3 — a 99. à 8 ) : Selles de 22 à 25 mois... 8 cas PAGE no RE AE. OUR 2 — \ EXAMEN D'ANCIENNES SELLES CHOLÉRIOUES 339 CORNE AN PRES de 2 fois Selles de 21 à 99 mois....4 cas QUE MONO EP OÙ 5 2 OS TRS Te 1 Culturemnécative mers = = TOR TOMHONS TS CAS YU GO... He NAN NT ar 3 fois : J CON LR MIRE ENT ET 4 fois — 14 RE EE Et n°cRs | Coli et Streptocoquer 22.2: 1 — COURSE SRÉRRMARAMENTLTR TE 10 fois Culture négative. ............. À — | Coli et streptocoque........... 2 — E Mois ee che DEDePIOCOqUE Re PU 1 — Coliet bacillerno 2..........«. 4 — aie DOME ATEN ANT 4 — BACILIEPTORT ERNEST ES 1 — ETUI EN UP POSER PRE Le 1 = =. HANIOISR EM EREINS LCA OID Ans LE ee En 1 fois COURIR SAR M RER UE 4 fois — OMOISS EE LCA A DACINHenTO PAS rer VER 4 — è | SUEDE ES ne 1 — == MOIS. Prat. TACAS ES AO UD LLLES EUR ASE TNT RSI LS 4 fois f \ Golt et bacille no 2,::.:.....!. 4 fois — JIMOIS- ere de 2 cas ; / DONNER EE PALETTE JE 1 — COL AR VAETE CE R LTE Ne 22 fois (xStrentoeoque 2 ns 5 — Culture négative 222: 1702 4 — SUD ST RE PES RE RS ee 2 — Enrésume ZE Cas. 7 ae: Do Re ie Cols etestreptocoque- #720er 2 — BACIleMOR ER SNR l — BACUIERTOND EME RARE RS 1 — | Streptocoque et subtilis ....... A — NColrebiallemo peer etre 1 Les bacilles n° 1, 2, 3 et 4 sont des saprophytes dont l’étude ne nous a révélé rien d’intéressant. Il-nous a semblé inutile d'examiner systématiquement la virulence de nos 22 échantillons de coli-bacilles. Un seul, le plus ancien, datant du 18 mars 1894, à élé inoculé dans le péritoine d’un cobaye de 450 grammes, à la dose d’un douzième de cul- ture sur gélose (culture de 20 heures à 37°). L'animal est mort en unenuit avec péritonite et généralisation. Six échantillons de streptocoque ont été inoculés dans le poumon de lapins de 1,500 grammes à la dose de 3 centimètres 336 . ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. cubes de culture dans le bouillon (culture de 20 heures à 37°). Le lapin auquel nous avons inoculé le streptocoque le plus ancien (19 mars 1894) est mort en 18 heures avec lésions pleuro-pulmo- naires et septicémie. Les autres ont survécu. Nous croyons pouvoir tirer de nos recherches les conclusions suivantes : Les selles cholériques, examinées de 3 à plus de 22 mois après leur émission, se montrent rarement stériles. L'organisme qui s’y rencontre le plus souvent est le coli-bacille; le strepto- coque est moins fréquent; le subtilis et d’autres saprophytes sont plus rares encore. Après plus de 22 mois, le coli-bacille et le streptocoque des selles cholériques peuvent avoir conservé non seulement leur vitalité, mais encore un degré marqué de virulence. Rappelons en terminant que le streptocoque est assez com- mun ici dans les selles cholériques, mais en général non patho- gène ‘. 4. Voir M. Nicozze. Le Choléra à Constantinople depuis 1893, ces Annales. Nichan-Tach, février 1896. NOTE SUR UN DIPLOBACILLE PATHOGÈNE POUR LA CONJONCTIVITE HUMAINE PAR LE Dr V. MORAX. Travail du laboratoire du Dr E. Roux, à l’Institut Pasteur. L’inflammation aiguë de la muqueuse conjonctivale humaine est causée, dans la grande majorité des cas, par une infection microbienne d’origine extérieure. L'agent pathogène mis en con- tact avec la muqueuse se développe à sa surface ou dans ses couches superficielles, et se retrouve en plus ou moins grande abondance dans la sécrétion conjonctivale, où l'examen micros- copique et la culture en décèlent la présence avec la plus grande netteté. Différents microbes, aujourd’hui bien connus, peuvent provoquer les réactions pathologiques que l’on désigne sous le terme général de conjonctivites. L'aspect et surtout l’évolution clinique de ia conjonctivite sont en rapport intime avec l’espèce microbienne qui la détermine. Cependant, à côté des cas typiques où le diagnostic est pos- sible en l’absence de tout examen bactériologique, on rencontre un assez grand nombre de faits sur lesquels on ne peut se prononcer d’une manière précise sans le secours de cette bacté- riologie : c’est que la réaction inflammatoire causée par une même infection peut être très variable dans sa forme anatomique, son intensité et ses complications; mais comme ce qui com- mande le pronostic est avant tout l’agent causal, c’est-à-dire le microorganisme pathogène, il est de toute nécessilé de savoir reconnaître celui qui entre en jeu dans chaque cas particulier* Pour la conjonctive, cette recherche est d’autant plus facile qu'à l’état normal, la sécrétion lacrymale ne renferme qu'un très petit nombre de microorganismes, et que l’examen microscopique est le plus souvent négatif. A l’état d'inflammation aiguë, on ne retrouve guère dans la sécrétion que le microorganisme qui provoque læ réaction. ! Il en est ainsi dans la conjonetivite blen- norrhagique causée par le gonocoque, dans la conjonctivite aiguë : 99 338 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. contagieuse que provoque le bacille de Weeks, et dans une forme de conjonctvite légère causée par un diplobacille qui n’a pas encore été décrit, et qui fera le sujet de cette note. Fe Les caractères cliniques de cette conjonctivite, pour laquelle je propose la désignation de « subaiguë », sont assez nets pour la faire reconnaître. {Ce sont : sa bénignité, sa longue durée, sa bilatéralité et sa disparition rapide sous l'influence d’un traite- ment efficace. Ellerentre dans l’ancien groupe des conjonctivites catarrhales, mais j'ai déjà montré, à propos de la conjonctivite aiguë contagieuse‘, qu'on ne pouvait se baser, pour la différen- ciation des conjonctivites, sur le caractère objectif de la sécrétion conjonctivale. La conjenctivite subaiguë se développe sans causes appré- ciables. Un matin, au réveil, le malade constate que ses pau- pières sont agglutinées, et qu’une sécrétion mucopurulente légère s’est concrétée sur les bords palpébraux et dans l’angle interne. Limités, tout d'abord, à un œil, ces symptômes ne tardent pas à se manifester du côté opposé. Les troubles subjectifs sont peu marqués; on ne note guère que des fourmillements ou des démangeaisons au niveau du bord des paupières, un peu de pho- tophobie ou de difficulté pour le travail à la lumière. Parfois le malade n’accuse qu'un larmoiement incommode, mais tous ces troubles provoquent bien plus de gène que de douleur. Objectivement, on ne constate qu’une légère injection de la conjonctive tarsienne et bulbaire, et une teinte érythémateuse du bord palpébral. Get érythème peut être limité aux angles pal- pébraux et à la région de la caroncule. Pendant le jour, la sécré- tion conjonctivale estminime. Elle se concrète dans l’angleinterne en formant une petite masse mucopurulente grisâtre. Quelque- fois cependant, enectropionnantla paupière inférieure, on trouve quelques petits flocons fibrino-purulents. La conjonctivite subaiguë peut persister des semaines ou des mois, et, dans les observations que j'ai recueillies, sa durée a oscillé entre deux semaines et6 mois. Bien souvent, en effet, le malade n’attache aucune importance à l'affection dont il est atteint, et ce n’est que la persistance de l’agglutinement matinal des paupières qui le pousse à se faire soigner. J’ajouterai à cela 1. Recherches bactériologiques sur l’étiologie des conjonctivites aiguës et sur l’asepsie dans la chirurgie oculaire. Thèse, Paris, 1892... CONJONCTIVITÉ SUBAIGUE. 339 ‘que le traitement est toujours efficace, et que chez tous les malades que j'ai pu suivre, des instillations quotidiennes de collyre au sulfate de zinc au 1/49 ont provoqué la guérison complète en 5 à 8 jours. Lorsqu'on recueille un peu de la sécrétion conjonctivale dans le cul-de-sac, ou mieux au niveau de la caroncule lacry- male, et qu'on l’examine au microscope après l'avoir étalée sur des lames et colorée par une couleur basique d’aniline, on est tout de suite frappé de l'abondance des,bacilles qui y sont contenus. A côté de leucocytes polynucléaires et de cellules épithéliales desquammées en nombre très variable, on voit, formant des amas ou isolés, des bacilles assez volumineux, allongés et à extrémités arrondies. La forme la plus constante est la forme diplobacillaire ; il n'est pourtant pas rare de trouver des chaînettes plus ou moins longues. Les dimensions du bacille dans la sécrétion conjonctivale sont assez constantes. L'article isolé mesure de 2 à 3 & en longueur. Le diplobacille a de 5 à 64 de longueur sur 1 à 1,5 w de largeur. Il ressemble un peu au pneumobacille de Friedlænder, mais la forme bacillaire est plus nette et il ne possède jamais de capsule. Ces bacilles sont libres entre les cellules : on en trouve aussi dans le protoplasma des leucocytes polynucléaires et dans l'épaisseur des cellules épithéliales desquammées. Il est des cas, notamment les cas de conjonctivite peu intense et de date ancienne, où les leucocytes sont peu abondants et où tous les microorganismes sont libres et groupés en amas considérables. Ce diplobacille se décolore complètement par la méthode de Gran. Il prend facilement toutes les couleurs basiques d’aniline, et se colore uniformément. Il est des plus faciles à reconnaître dans la sécrétion conjonctivale par l'examen microscopique seul, et son abondance ne laisse jamais prise au moindre doute. Si l’on ensemence la sécrétion de la conjonctivite subaiguë . sur les milieux de culture habituellement employés : bouillon peptonisé, gélose ou gélatine peptonisée, le résultat est le plus souvent négatif : il se développe quelques rares colonies de cocei ou de bacilles, mais on n'obtient aucune colonie de diploba- cilles. Si, au lieu de se servir des milieux de cultures ordinaires, on utilise la gélose additionnée de sérum, et si l'on ensemence 340 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. en surface, le nombre des colonies augmente beaucoup, et la’ plupart d’entre elles sont constituées par le diplobacille. Le milieu gélose-sérum est fait d’après les indications de Wertheim, en remplaçant le sérum humain par du liquide d’ascite dont la composition est assez constante, et dont il est toujours facile de recueillir de grandes quantités aseptiquement. Je me sers de gélose à 2 0/0 avec 2 0/0 de peptone. Ce milieu doit être neutre, car l’addition de sérosité le rend toujours alcalin. La gélose est distribuée dans des tubes, stérilisée à 115°, puis, lors- que sa température s’est abaissée à 60° environ, on additionne chaque tube d’un tiers de liquide d’ascite, en imprimant au tube quelques mouvements d’inchinaison, pour que le mélange se fasse bien. On place les tubes sur un plan incliné ou on les laisse dans la position verticale, de manière à pouvoir faire les ensemencements en strie ou en piqüre. Lorsque la gélose est solidifiée, on place les tubes 48 heures à l’étuve, pour s’assurer qu'aucune impureté ne s’est introduite pendant la manipulation. On confectionne d'avance un grand nombre ‘de ces tubes de gélose-sérum qui se prêtent à la culture de nombreux micro- organismes humains (gonocoque, bacille de Weeks, etc.). Ensemencée en strie sur lestubes de gélose-sérum inclinés, la sécrétion de laconjonctivite subaiguë y provoque, après 24 heures de séjour à l’étuve à 35°, le développement de nombreuses colo- nies formant de petites taches grisâtres à peine visibles; ces colonies transparentes sont un peu plus opaques cependant que les colonies du pneumocoque de Talamon-Frænkel, avec les- quelles on pourrait les confondre. Les jours suivants, la colonie s'étale, et son diamètre peut atteindre 2 à 3 millimètres en 5 à 6 jours. Ces colonies étalées ont des contours festonnés et affec- tent souvent une disposition concentrique, assez irrégulière. Les bords en sont toujours plus transparents que le centre, dont la saillie n’est jamais très marquée. Dans tousles cas de conjonctivite subaiguë, il m'a été facile de, faire l'isolement du diplobacille par UE ensemencement en strie ; on peut d’ailleurs aussi recourir à la méthode'des plaques de gélose-sérum en suivant la technique indiquée par Wertheim pour le gonocoque. 24 heures après l'ensemencement, on distingue déjà des colo nies de profondeur formant de petits points opaques et des . CONJONCTIVITE SUBAIGUE. 341 colonies de surface étalées et transparentes. Examinées à un faible grossissement, les colonies de profondeur n’ont aucun caractère spécial : ce sont des disques brunâtres à contours réguliers. Les colories de surface se différencient à peine du milieu par leur coloration : elles sont finement granuleuses et présentent des contours vaporeux; elles ne sont pas sans analogie avec les colonies de surface du gonocoque. La température la plus favorable au développement du diplo- bacille est comprise entre 30 et 37°. A la température de la chambre, ou a l’étuve à 23°, le développement est nul, même après plusieurs jours. J'ai dit que, sur gélose ordinaire, le diplobacille ne se déve- loppait pas. Lorsqu'on repique une culture abondante et que l’on fait un large ensemencement, on peut observer parfois le déve- loppement de quelques colonies; mais ces colonies sont toujours maigres, leur vitalité est réduite, et il est impossible de les repiquer à nouveau sur de la gélose ordinaire. Par contre, il n’est pas absolument nécessaire d’incorporer le sérum à la gélose, il suffit de déposer une goutte de sang ou de sérosité à la surface de la gélose, pour que la culture du diplobacille y devienne facile et abondante. En outre, il n’est pas nécessaire de recourir au sérum humain : le sérum de lapin, de cheval, de cobaye, incor- poré à la gélose ou déposé à sa surface, convient presque aussi bien au diplobacille. Le mélange gélose-ascite reste cependant un peu supérieur au point de vue de l'abondance de la culture. Dans la gélatine ou le bouillon peptonisés, dans le lait, à la surface de la pomme de terre, le diplobacille ne se développe pas. L'addition de sérum ou de sérosité humaine ou animale au bouillon en fait un excellent milieu de culture du diplobacille. La proportion d’un tiers de liquide d’ascite pour deux tiers de bouillon donne les meilleurs résultats, mais quelques gouttes suffisent pour que la végétation devienne possible. Dans le sérum ou le liquide d’ascite non étendu, le développement est toujours moins abondant que dans ces mêmes milieux étendus de bouillon ou d’eau peptonisée. Le liquide se trouble uniformément en 24 heures à 35°, et prend par agitation un aspect moiré. Il se forme un dépôt qui va sans cesse en augmentant pendant 8 à 10 jours, puis, à partir de ce moment, la culture se rassemble au 342 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. , fond, et le liquide reprend sa limpidité sans modifications notables de la réaction. Lorsqu'on examine au microscope une culture en bouillon- ascite ou sur gélose-ascite de 24 heures, on constate des diplo- bacilles identiques à ceux que l’on trouve dans la sécrétion con- jonctivale. Ces diplobacilles sont immobiles, ne présentent pas de cils et se colorent uniformément. On observe aussi des chat- nettes de diplobacilles. À côté des formes habituelles, on remarque À des éléments plus allongés, parfois plus volumineux. Dans les cultures de 4 à 5 jours. ces formes volumineuses deviennent de plus en plus nombreuses : ce sont des formes involulives qui prennent inégalement la couleur et peuvent atteindre des dimen- sions considérables ; jamais on n’observe de formations sporulaires: Le diplobacille se comporte en culture comme un microbe aérobie. Dans les tubes de gélose-ascite ensemencés par piqûre, le développement se fait surtout à la surface et dans les parties supérieures du trait d'ensemencement. Dans le bouillon-ascite privé d’air, le diplobacille ne se développe pas. Lorsque les cultures en gélose-ascite ou en bouillon-ascite sont laissées à la température de 35°, le diplobacille peut s’y con- server vivant pendant plusieurs semaines. Il n’en est plus de même si, après le développement des colonies, on laisse les tubes à la température ordinaire. Dans ces conditions, le repiquage devient impossible après 48 heures. . Le diplobacille est peu résistant vis-à-vis de la chaleur. Une température de 58° maintenue pendant 15 minutes suffit pour le tuer. L'inoculation de culture du diplobacille sur la conjonctive des animaux ne provoque aucune réaction, même si les doses sont très considérables. Sur la conjonctive du singe, du chien, du lapin et du cobaye, le diplobacille ne se développe pas et, après 24 heures, il a complètement disparu du cul-de-sac. . L'inoculation de cultures en bouillon-ascite ou de cultures sur gélose-ascite faite dans le tissu cellulaire de la souris, dans la cavité péritonéale du cobaye, dans le muscle pectoral du pigeon, dans les veines ou sous la peau du lapin, ne produit chez ces différents animaux aucun trouble local ou général. Les animaux de laboratoire sont donc absolument réfractaires au développe- ment de cet organisme. CONJONCTIVITE SUBAIGUÉ. 343 Par contre, il suffit de déposer une goutte de culture dans le cul-de-sac conjonctivai de l’homme, pour voir le bacille s’ydéve- lopper et provoquer, après quelques jours, une inflammation en tous points identique à celle que l’on observe cliniquement. L'inoculation à l’homme a été pratiquée le 3 avril 1896. Le D' Clément (de Fribourg) a bien voulu se prêter à cette expérience et je l’en remercie : il n'avait jamais eu d'affection oculaire avant l’inoculation. Sans traumatisme aucun de la muqueuse, j'instille dans le cul-de-sac conjonctival inférieur de Tœil gauche une goutte d’une 5° culture de 24 heures en bouillon- ascite, 3 Jours après, notre confrère ressent quelques picote- ments du côté inoculé, mais on ne constate encore aucun trouble objectif. Le 8 avril, les paupières du côté gauche sont aggluti- nées au réveil. Dans la sécrétion lacrymale et dans le mucus de l'angle interne, on constate en assez grande abondance le diplo- bacille caractéristique, alors que. les jours précédents, l'examen microscopique avait été négatif. Par la culture sur gélose-ascite, on isole facilement le diplobacille, qui existe à l’état de pureté presque absolue et qui montre tous les caractères que j'ai décrits. La conjonctive est un peu injectée et le bord palpébral présente une légère teinte érythémateuse. Les jours suivants, la sécré- tion et l’agglutinement matinal s’accusent davantage, localisés à l'œil gauche jusqu’au 11 avril. À cette date, l'œil droit est atteint à son tour. Les troubles subjectifs sont analogues à ceux que l’on observe chez les malades atteints spontanément, et ce qui prédomine, c’est bien plutôt la gène que la douleur. Après 5 instillations quotidiennes de sulfate de zinc au 1/40, tout rentre dans l’ordre, et la guérison est complète le 17 avril. Celte expérience démontre nettement le rôle pathogène spécifique du diplobacille, et par conséquent la contagiosité de la conjonctivite subaiguë. J'ai eu, d’ailleurs, l’occasion d’en observer cliniquement un certain nombre de faits. Les caractères de faible résistance du diplobacille, ses conditions de culture, ses exigences au point de vue de la composition du milieu et de la température de culture, son innocuité pour les animaux, sa spécialisation à la conjonctivite humaine, sa disparition complète lorsque la muqueuse est revenue à l’état normal me font croire que la conjonctivite subaiguë est toujours le résultat d’une con- tamination direcle d'homme à homme. I] en est de même, ainsi 344 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. que je l'ai montré, pour la conjonctivite aiguë contagieuse, c’est-à-dire pour le bacille de Weeks. Si la contagiosité de la conjonctivite subaiguë ressort moins nettement des observations cliniques que celle de la conjonctivite aiguë contagieuse, cela tient surtout à la bénignité de l’affection et au peu d'intensité des phénomènes objectifs. Les malades ne viennent consulter que longtemps après le début de leur affection, et leurs souvenirs sont peu précis. La conjonctivite subaiguë est une affection fréquente : dans l’espace de 2 mois, j'en ai rencontré 15 cas sur un total de 600 malades qui se sont présentés à la clinique du D' Parinaud. L’étude de ces inflammations spécifiques des muqueuses me paraît digne de fixer l'attention, car il est probable qu’elles sont plus nombreuses qu'on ne le pense, et qu’à cet égard la muqueuse conjonctivale ne constitue pas une exception. Les organismes, qui les provoquent présentent des particularités intéressantes : le bacille de Weeks, le diplobacille de la conjonctivite subaiguë, par exemple, sont absolument inoffensifs pour les animaux, alors qu’il suffit d'en déposer des traces sur la conjonctive humaine pour provoquer une maladie typique : il s’agit donc d'organismes spécialisés à l’homme. Un autre caractère important de ces mêmes microbes réside dans la difficulté ou l'impossibilité de les cultiver sur les milieux ordinaires, alors que l’addition de sang, de sérum ou de sérosité humaine ou animale à ces mêmes milieux favorise la culture dans des proportions considérables. C’est un fait qui a été mis en évidence par Wertheim pour le gonocoque, par Pfeiffer pour le bacille de l’influenza, et dont {le diplobacille de la conjonctivite subaiguë nous fournit un nouvel exemple. 16 mai 1896. EXPLICATION DE LA PLANCHE III Fig. 1. — Sécrétion conjonctivale dans la conjonctivite subaiguë. Diplo- bacilles inclus dans un leucocyte polynucléaire. Fig. 2. — Diplobacilles libres dans la sécrétion conjonctivale. Fig. 3. — Culture pure en bouillon-ascite de 24 heures. Diplobacilles en chaïnettes et bacilles. ae n + “ L LA rite : + . « # + es « ; CONJONCTIVITE SUBAIGUE. 345 . - z Fig. 4. — Culture pure sur gélose-ascite de 10 jours. Formes involutives _ polymorphes prenant inégalement la couleur. | Fig. 5. — Bacilles de Weeks dans la sécrétion de la conjonctivite aiguë contagieuse; même grossissement, pour montrer leurs différences morpho- ni avec le diplobacille de la conjonctivite subaiguë. + » è é Li L * “ | , . K 4 + L LA . x . à , LA , x Ÿ Le + L x ) “ D 4 ? , L 1] | ” . 4 + À L “ : LU 4 D . 4 ve CONTRIBUTION À LA FABRICATION DU VIN D'ORGE Par M. E. KAYSER Depuis le jour où Pasteur, ensemençant dans un moût de bière une levure de vin, a obtenu une bière particulière, d’un goût vineux prononcé, et a montré ainsi qu'une partie au moins des qualités d’un liquide fermenté pouvaient dépendre des qua- lités de la levure, divers savants se sont efforcés d'obtenir au moyen de l'orge une boisson plus ou moins analogue au vin. M. Jacquemin, s'inspirant des travaux de Pasteur, Ordonneau, Claudon et Morin. a cultivé de la levure de vin dans du moût d'orge tartarisé : il a ainsi obtenu une boisson acidulée qui aurait davantage ressemblé à du vin si elle n’avait pas autant contenu de matières en solution: lextrait sec s’y élevait jusqu'à 60 gr. par litre. J'ai pensé qu’il était possible de diminuer ce chiffre, et de le ramener au voisinage de celui des extraits de vins espagnols et italiens, en brassant à 60°, de façon à augmenter autant que possible dans le moût la proportion de maltose, et en laissant en outre la diastase agir pendant la fermentation, ce qui, comme on sait, permet la saccharification d’une portion plus ou moins considérable de la dextrine produite pendant le brassage. Il faut pour cela, au lieu de cuire le moût et de le stériliser par la cha- leur, le stériliser par filtration au‘ travers d’une bougie Chamber- land. J'ai ensemencé.avec diverses levures un moût ainsi obtenu, et dont on trouvera la composition dans le tableau qui suit. Les 8/10 de l'extrait environ y étaient formés de mallose. Une levure de vin 1 a été ensemencée comparativement dans ce moût filtré à la bougie, et dans ce même moût stérilisé à 120°. On a étudié comparativement des levures de vin, de bière et de cidre. Voici les résultats obtenus : VIN D'ORGE. 347 Extrait sec. Maltose. Dextrine, Avant fermentation 78,6 gr. 61,7 gr — 1. Levure de vin 1. liq. filtré 1452 4,0 3,9 2 — 4. liq. ch. à 1200 27,8 8,D 14,9 3. Levure de vin 2. liq. filtré 13,4 4,2 4,2 4. Levure de cidre J — 135 4,4 4,0 ù. Levure de bière H — 8,2 20 454 On voit que le liquide 2, qui a été privé de diastase par l’action de la chaleur, a conservé plus d’extrait sec, de dextrine -etmême de maltose que l’autre. On voit aussi que les levures de vin et de cidre, habituées aux liquides acides, s’'équivalent à peu près, et restent inférieures à la levure de bière, qui pousse plus loin la fermentation et la diminution de dextrine et d'extrait. La stérilisation du liquide avec conservation de la diastase, telle que la permet l'emploi de la bougie Chamberland, n’est pas aussi pratique que la stérilisation par la chaleur. J'ai donc cher- ché s’il n’était pas possible de se contenter de filtrer une partie seulement du moût d'orge, qu'on mélangerait ensuite avec du moût bouilli. Il y avait chance que la diastase conservée dans la partie filtrée suffit à agir sur toute la dextrine du mélange. J'ai donc ensementé Ja levure de vin 1 et la levure de bière H dans des mélanges variés de moût filtré et de moût chauffé. Dans le tableau suivant, a se rapporte au moût chauffé, b à un mélange de deux parties de moût chauffé contre une de moût filtré, c à un mélange de parties égales des deux moûts, et d au moût filtré, sans mélange. Extrait sec. Maltose. Dextrine. Moût avant fermentation 45,6 36,0 — Levure de vin 1. Liq. a. 14,6 à,0 4,6 — — * D. 14,5 3,1 2,6 _ HE. 14,8 Er 11 Levure de bière H. Liq. «. 16,2 3.6 3,4 — — D. 13,4 3,2 0,9 — — C. 13,1 3,5 0,9 _ — d, 13,4 2,6 1,4 Ces nombres montrent que le mélange de un tiers de moût stérilisé par filtration a abaissé le poids de dextrine. Le bénéfice réalisé par ce moyen peut parfois sembler médiocre, mais il y a toujours intérêt à faire baisser, ne fût-ce que de très peu, la quan- 348 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. tité de matières dissoutes par litre, quand on veut arriver à se rapprocher, avec une bière, de la composition des vins. Voici un autre essai dans lequel on a opéré sur deux moûts; l’un, B, préparé à 60°, l’autre, A, préparé de 63° à 70°, et conte- nant proportionnellement plus de dextrine que l’autre. Le liquide D était une solution de dextrine dont le tableau donne la com- position. À Ces liquides ont été par moitié stérilisés à froid (A”, B”), et par moitié chauffés à 120° (A’, B’, D’), on les a ensuite mélan- gés en proportions variables et on les a fait fermenter avec la levure de bière H. Voici les résultats : Extrait sec. Maltose. Dextrine. Moût B avant fermentation 60,0 40,9 12,0 ANR = =? 102,2 ” 61,4 523 Dre = 46,8 » 40,15 4. Moût B’ stérilisé à 1200 21 ,4 4,5 9,6 2. — B' stérilisé à froid 11,5 34 0,3 3. — A’ stérilisé à 1200 39,6 7,6 24,3 4. — A stérilisé à froid 12,8 2,8 32 D. — 3/4 À' + 1/4 B" 155 3,4 3,4 6. — 3/4 A" + 1/4 B" 12,2 2,9 3,0 TNT 41/27B 4/2)" 20,5 0 10,9 Les nombres de ce tableau parlent dans le même sens que ceux qui précèdent en ce qui concerne la stérilisation à la bougie, com- parée à la stérilisation à chaud. En ce qui concerne le mélange du moût chauffé et du moût filtré, il est remarquable, en comparant les expériences 3 et 5, de voir qu'un quart de moûl non chauffé suffit à faire disparaître 80 0/0 de la dextrine du moût chauffé. Une boisson d’orge doit être nécessairement une boisson éco- nomique, et, dans cet ordre d'idées, il y avait lieu d'essayer de se servir d'orge au lieu de malt, toujours plus cher, et dont on n’ajou- terait que la quantité nécessaire pour la saccharification. Pour savoir ce qu’on pouvait obtenir par ce moyen, j'ai pris de l'orge moulu finement, que j’ai transformé en empois par un chauffage d'une demi-heure à 1209, puis refroidi à 60°, mélangé avec de l'extrait de malt, et maintenu à 60° jusqu’à saccharification com- plète. Ce moût, filtré dans des ballons flambés, a été ensemencé avec des levures de vin 1, 8,42. Voici les nombres avant et après fermentalion : VIN D'ORGE. 349 Extrait sec. Maltose. Dextrine. Avant fermentation. 91,4 60,7 2 Levure de vin 1 26,0 91 9,4 nn 8 19,9 D2 7,0 — 42 25,4 9,0 8,9 Ces vins d'orge avaient une saveur vineuse fraîche et agréa- ble, mais ils manquaient un peu d’acide et de piquant. Pour essayer de leur en donner, j'ai ajouté 2 0/0 d’acide tartrique à du moût de malt fait à 60°, je l’ai ensuite filtré à la bougie Chamberland, et ensemencé avec diverses levures. Voici les résultats obtenus : Extrait sec. Maltose. Dextrine. Avant fermentation. 48,8 44,2 — e Levure de cidre € 44,0 5,1 2,0 — de vin I 1752 3,1 2,6 — — 7 13,8 4,3 0,9 — — 8 14,2 DEN ( Ja — — 42 16,4 21 3,4 Levure de bière H 14,2 3,2 2,2 Ces vins étaient agréables à boire. On a augmenté leur valeur en les gardant en bouteilles bouchées, ce qui les avait rendus un peu mousseux. Malheureusement, leur richesse en alcool ne pouvait être que très faible, le moût initial ayant été trop étendu. J'ai donc fait un dernier essai avec du: moût concentré, pour lequel ÿ avais employé 2 de malt pour 3 d'orge moulu, et que j'avais acidulé avec du bitartrate de polasse à la dose de 1 gramme parlitre. Les chiffres ont été les suivants : Extrait sec. Maltose. Dextrine. Alcool en poids. Avant fermentation. 144,4 93,9 43,3 — Levure de vin 8 25,0 8,6 vit 52,0 — de bière H. 19,5 L,8 5,1 99,0 Les poids d'extrait sec par litre dans le liquide fermenté se rapprochent de ceux des vins. La boisson obtenue était agréable à boire, et je crois qu'elle pourrait entrer dans les habitudes, si elle était produite économiquement. Il faudrait se servir de farine d'orge grossièrement moulue, qu’on transformerait en empois dans des cuisèurs de distillerie. Le mélange refroidi à 60°, on y ajouterait du malt dans la proportion de 30 0/0 de 390 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. * l'orge; on laisserait la saccharification se faire à 60°. Puis, après soutirage et lavage des drèches, on ajouterait {À ou 2 grammes d'acide tartrique ou de crème de tartre, et on ensemencerait à * 20° avec une levure énergique. Ce vin gagne à être bu mous- seux à cause du piquant que lui donne l’acide carbonique. SUR LA VALEUR DES PULVÉRISATIONS DE SUBLIMÉ Par M. P. CHAVIGNY Médecin aide-major de 1" classe. (Travail du laboratoire de bactériologie au Val-de-Grâce.) Les recherches de Geppert ‘ nous ont appris que les anciennes expériences sur la valeur antiseptique du sublimé étaient viciées par une cause d'erreur. Les germes, qui, transportés dans un bouillon après qu'ils ont subi l’action de l’antiseptique, ne s’y multiplient pas, s’y multiplient au contraire très bien quand on les a débarrassés, au moyen du sulfhydrate d’ammoniaque, du bichlorure de mercure qu’ils apportaient avec eux dans le liquide nutritif. Ils n’ont donc pas été tués; ils sont seulement empêchés de commencer leur développement. Le mécanisme de l’action du bichlorure, dans ces conditions, ne laisse pas que de surprendre. Il semble, au premier abord, qu’il suffirait, pour rendre aux germes traités par le sublimé leur faculté de développement, de les ensemencer dans une dose de liquide suffisante pour que la dilution de l’antiseptique tombât au-dessous d’un certain niveau qui le rendrait inoffensif. L'expérience montre que cette conclusion n’est pas exacte. Voici par exemple M. Miquel? qui, après avoir introduil des pous- sières quelconques dans une solution de sublimé à 1/1000, prend à divers intervalles quelques gouttes de ce mélange pour les ensemencer dans un flacon contenant un demi-litre de bouillon, et les dilue ainsi au moins mille fois. La proportion d’antiseptique dans le milieu de culture tombe ainsi au moins au millionnième, c’est-à-dire à un niveau auquel l’antiseptique est à peu près sans action, et pourtant le bouillon reste stérile. M. Miquel en conclut que les germes ont été détruits par le sublimé. Mais il y a une autre façon de concevoir l'action de l’anti- septique, façon plus d’accord avec ce qu'on sait de général sur 4. Berli. Klin. Woch., 1889, n° 36, et 1890, n° 1. 2, Ann. de Micrographie, 1894. 352 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ces corps, c’est d'admettre que l’antiseptique s’est déposé par affinité capillaire, par une action de teinture, à la surface des corps des microbes ou de leurs germes, et forme ainsi une couche. superficielle qui, à cause de la coagulation du protoplasma ou pour toute autre cause, change les relations osmotiques de la cellule avec le milieu ambiant. Cette couche accompagne le microbe transporté dans le nouveau milieu nutritif, y est retenue à sa surface par les mêmes forces, à peine modifiées, et dès lors la dilution de l’antiseptique ne joue plus aucun rôle, et l’action empêchante ne varie pas, ou varie très peu. Un lavage au sulfhydrate d'ammoniaque fait disparaitre cette couche superficielle, et on constate en effet que l'expérience de M. Miquel ne réussit plus lorsqu'on intercale ce lavage entre la prise de semence et l’ensemencement. Dans huit expériences, j'ai toujours vu les poussières traitées par le sulfhydrate donner des cultures après 24 heures. Dans trois cas, cependant, la durée d'incubation a été de trois jours, ce qui prouve que la vitalité des semences avait été diminuée par l’antiseptique, mais aucune n’avait péri. I semble donc que le sublimé ne mérite pas la confiance qu'on lui accorde d'ordinaire. On sait qu'il est fréquemment employé en pulvérisations dans divers services publics d’anti- sepsie. Pourtant, il pouvait se faire qu’employé sous cette forme, il fût plus actif qu'à l’état de bain. C’est pour le savoir que, sur le conseil de M, le professeur Vaillard, j'ai entrepris les expériences suivantes. Pour me rapprocher des conditions de la pratique, j’ai pris, comme surface à désinfecter, celle d’un carreau de plâtre suffi- samment sec et stérilisé au four à flamber. J’y semais des pous- sières passées au tamis fin et provenant soit des salles d'hôpital, soit du laboratoire. Je pulvérisais ensuite pendant des temps variables, sur la surface, une solution récente de sublimé à 1/1000, additionnée de 1 gramme de sel marin et de 5 centi- mètres cubes d'acide chlorhydrique concentré par litre. La pulvérisation se faisait avec le petit modèle de Geneste et Herscher, et à une distance de 1,50. Elle durait de une à dix minutes, limites extrèmes d’une pulvérisation pratique. La pulvérisation terminée, les plaques étaient couvertes d'un papier stérilisé, et elles séchaient ainsi. Puis on grattait un PULVÉRISATIONS DE SUBLIMÉ. 303 point de la surface pour y recueillir les poussières. Sur un autre point, on versait quelques gouttes d’une solution de sulfhydrate d’ammoniaque stérilisée en pipettes closes. Ce sulfhydrate d’ammoniaque est lui-même un antiseptique. On pouvait craindre qu'il n’en arrivät un peu dans le liquide nutritif. J’ai jugé utile au début de l’éliminer en lavant à nouveau avecquelques gouttes d’eau stérile la place ou je l'avais fait agir. Mais les échantillons ainsi traités m'ayant constamment donné les mêmes résultats que ceux où je n'avais fait agir que le sulfhydrate, je ne les cite que pour mémoire. Cela posé, voici le résumé de mes expériences. Les tableaux qui suivent donnent, pour chaque durée de pulvérisation, et pour les poussières ensemencées avant et après lavage par le sulfhy- drate d'ammoniaque, les résultats négatifs ou positifs de l’exa- men de la culture après 24 heures et au delà de 48 heures. POUSSIÈRES DE L'HOPITAL (3 EXPÉRIENCES) Durée de la Etat Exp. L Exp. I “Exp. I pulvérisation. de la semence. 2% h.® 48h. 24h. 48h. 24h. 48h. 1/2 minute av. lavage. + +- + + + 1” — ap. lavage. == = => + + + 1 minute av. lavage. == == minutes av. lavage. + + — ap. lavage. + + — ap. lavage. + + 25 minutes av. lavage. — — 40 minutes av. lavage. — + — ap. lavage. + + — ap. lavage. + + 40 minutes av. lavage. — + 15 minutes av. lavage. 4e — ap. lavage. + + — ap. lavage. + + 55 minutes av. lavage. — — 30 minutes av. lavage. — + — ap. lavage. + + — ap. lavage. + : 4 heure av. lavage. — — 1 heure av. lavage. — — — ap. lavage. + ie — ap. lavage. ne dk 4 h.1/2 av. lavage. — + 2 heures av. lavage. — — — ap. lavage. + + — ap. lavage. — . 4 h. 3/4 av. lavage. — — 3 heures av. lavage. — — — apelavags. ue + — ap. lavage. — _ 2 heures av. lavage. — — 24 heures av. lavage. — — — ap. lavage. -— + ap. lavage. + + 24 heures av. lavage. — — | 48 heures av. lavage. — — _ ap. lavage. + 3e — ap. lavage. — L En comparant les premières lignes de ce tableau aux tableaux qui précèdent, on voit que les pulvérisations donnent à peu près les mêmes résultats que l’immersion dans l’antiseptique, bien que la quantité d’antiseptique mise à la disposition de chaque cellule soit beaucoup plus faible dans un cas. On pourrait croire qu’en s’évaporant à la surface de la cellule, après la pulvérisation, l’anti- septique s’y concentre, et qu'il se fait ainsi une compensation. Mais d’abord la concentration peut bien augmenter la proportion, mais non la quantité d’antiseptique. Puis je me suis assuré qu’on obtient à peu près les mêmes résultats quand on se contente d'immerger les germes dans une grande quantité de bain anti- septique ou quand on les introduit, pendant le même temps, dans 10 c. c. du même bain, placés dans une cupule, et dont on active l’évaporation en les mettant sous la cloche de la machine pneumatique. La concentration du sublimé n’a donc qu’un rôle négligeable, et, dans leur ensemble, ces conclusions sont d'accord avec notre interprétation, à savoir que la stérilisation apparente 396 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 8 est due à une couche d’antiseptique, déposée à la surface de la cellule germe, et modifiant ses relations nutritives avec le milieu ambiant. Les résultats consignés aux tableaux qui précèdent présen- tent encore, comme les premiers, quelques contradictions. Il arrive que dix minutes de bain antiseptique semblent produire moins d'effet que cinq. Nous avons attribué plus haut ces irré- gularités à des inégalités dans le degré de résistance des germes contenus dans un lot de poussières. Ce qui confirme cette manière de voir, c’est que les flacons fertiles, jusqu’à une heure ou deux de contact avec l’antiseptique, donnent des microbes variés, tandis que, vers deux heures de contact, les flacons fer- tiles ne montrent à la surface que le voile de bacillus subtilis. S'il en est ainsi, on devra voir disparaître ces irrégularités*en opérant non sur des poussières hétérogènes, mais sur des cultu- res pures d'espèces microbiennes déterminées. J’ai opéré : 1° sur le staphylocoque jaune, comme exemple de coccus ; 2° sur le bacille du charbon, comme exemple de bacille pathogène; 3° sur le bacille de la pomme de terre, comme exemple de bacille saprophyte. Chacun de ces échantillons était soumis comparativement aux effets de la pulvérisation et d’un bain d’antiseptique. Durée de Résultats. l’action Etat Pulvérisation. Ban. TS . Le antiseptique. dela semence. 24h. 48h. 24h. 48 h. Staphyl. aureus. 1/2 minute av. lavage. — ap. lavage. 1 minute av. lavage. — ap. lavage. 2 minutes av. lavage. — ap. lavage. > minutes av. lavage. — ap. lavage. 10 minutes av. lavage. — ap. lavage. Bact. charbonneuse. 2 minutes av. lavage. — ap. lavage. > minutes av. lavage. — ap. lavage. B. de la pomme de terre. 2 minutes av. lavage. — ap. lavage. 5 minutes av. lavage. — ap. lavage. 10 minutes av. lavage. — ap. lavage. TO ŸY — TZ 0 faste Rare ER EE sas | 1 rase op d En Eu PULVÉRISATIONS DE SUBLIMÉ. 357 On voit que ces résultats, beaucoup plus univoques que ceux qui précèdent, confirment toutes nos conclusions. On voit, en outre, que la bactéridie résiste mal. Le staphylococcus est plus résistant, mais je me suis assuré qu’il périssait quand on poussait au delà de dix minutes la durée de son contact avec l’antiseéptique. Quant au bacille de la pomme de terre, j'ai vu qu’on pouvait lui faire subir 48 heures d'immersion dans lanti- septique sans atteindre sa vitalité. Les essais qui précèdent ne visent que la désinfection des poussières. En soumettant à la pulvérisation prolongée d'une solution de sublimé des crachats tuberculeux étalés en couche mince à la surface des carreaux de plâtre, j'ai vu que tous les cobayes inoculés avec ces crachats sont morts tuberculeux au bout de six semaines à deux mois. CONCLUSIONS De tout ce qui précède, je crois donc pouvoir conclure que les pulvérisations au sublimé à un millième, prolongées pendant un temps supérieur à celui qu’on peut leur donner dans la pratique, sont incapables de détruire les germes microbiens et de dimi- nuer même leur virulence. La protection qu’elles confèrent vis- à-vis d’eux est temporaire et devient caduque Jorsque la couche protectrice d’antiseptique a disparu par un moyen quelconque, et que les communications du protoplasme avec le milieu ambiant sont rétablies. REVUES ET ANALYSES LA QUESTION DE L'ALCOOL REVUE CRITIQUE I . Voici une question quela nature avait faite simple, et que la malice des hommes a si bien embrouillée, en la mélangeant de considérations fiscales, morales et sociales, que beaucoup de bons esprits commencent à la croire inextricable. Peut-être n'est-il pas inutile d’essayer de la reconstituer et d’en reprendre le fil. Mais pour cela, il faut, comme toujours, revenir aux principes. L'alcool est, comme on sait, le produit principal de la fermentation alcoolique, accomplie par les levures. On ne sait pas bien s'il prend seul naissance pendant cette transformation du sucre. Cela est probable, bien que cela ait été souvent contesté. Pratiquement, d’ailleurs, la chose est sans importance, attendu que, lorsque la fermentation alcoo- lique est bien pure, la quantité d’alcool supérieur qu’on y trouve est tellement faible et tellement difficile à constater qu’on a le droit de Ja considérer comme nulle. Mais s'il n’y a pas d’autre alcool formé que l’alcool ordinaire, il y a d’autres produits volatils : de l’aldéhyde éthylique, des acides de la série grasse. Le végétal qui a fourni le sucre apporte en outre dans la liqueur quelques-unes des substances volatiles et odorantes qu'il contient. Le raisin et sa grappe fournissent des huiles essentielles. L’orge malté laisse dans la bière, en dehors de son odeur naturelle, un peu de furfurol, substance dont le nom hanterait moins la mémoire et l’imagination si on en traduisait le nom en français et si on l’appe- lait nuile de son. On la retire en effet du son en lui faisant subir une transformation analogue à la torréfaction superficielle qu’il subit pen- dant la préparation du malt. D’un autre côté, l'alcool formé se com- bine peu à peu lui-même aux acides fixes et volatils qu’il rencontre dans la liqueur et de là résultent des éthers variés, en général agréa- blement odorants. Si on soumet le liquide fermenté à une distillation simple, faite dans un alambic ordinaire, tous ces produits volatils vont passer avec l’al- REVUES ET ANALYSES. 399 cool dans le récipient, et on obtient une eau-de-vie plus ou moins par- fumée suivant la nature du végétal qui l’a fournie. L'eau-de-vie de vin se distingue très bien de l’eau-de-vie de cidre ou encore du kirsch; que caractérise, dans une certaine mesure, la petite quantité d'acide cyanhydrique qu’il contient: Mais ces eaux-de-vie si diverses auront bon goût si elles proviennent d’une fermentation alcoolique pure, pro- duite sous l’influence exclusive de la levure de bière Il en sera autrement, le plus souvent, lorsque d’autres organismes seront intervenus. Il est rare qu'industriellement une fermentation alcoolique soit pure. Même dans la cuve du vigneron, où l'opération semble pour ainsi dire marcher toute seule, l'examen microscopique révèle toujours la présence d’une foule de bacilles et de coccus. Relative- ment rares, par rapport aux globules de levure, dans la partie liquide, ils dominent le plus souvent dans Le chapeau de la vendange, et comme le liquide qui imprègne ce chapeau se mêle incessamment à la masse du vin, il y dépose constamment les produits qu'il contient. Les vins bien fermentés sont ceux où l’importance de ces fausses fermentations est minime, mais il n’y en a pour ainsi dire pas où la levure ait seule agi. ” Dans les bières, la fermentation se faisait autrefois beaucoup plus mal que dans les vins : elle se fait beaucoup mieux aujourd’hui. Toute la partie qui s’accomplit dans la brasserie est d'ordinaire pure : ce n’est que dans la fermentation secondaire, pendant les transports ou dans la cave du consommateur, qu’il y a chance de voir intervenir les microbes étrangers. * En revanche, les cidres résultent ordinairement de fermentations très impures. C’est encore pis pour les jus sucrés provenant de la betterave, de la pomme de terre, du maïs et des autres végétaux saccharifères ou saccharifiables utilisés dans l’industrie. Les êtres microscopiques qui s’y développent presque fatalement à côté de la levure de bière y fabriquent sait d’autres alcools que l’alcool vinique, soit des acides volatils plus odorants et en plus grande quantité que dans la fermentation normale, de sorte que, lorsqu'on distille, l'alcool obtenu contient une telle quantité de produits variés qu'il devient désagréable au goût et à l’odorat. L’eau-de-vie de cidre a déjà une saveur qui diminue le nombre de ses clients, mais qui, par contre, fanatise ses fidèles. Quant aux moûts fermentés de grains ou de betteraves, ils fourniraient, dans un alam- bic ordinaire, une eau-de-vie impossible à boire. Il faut soumettre ces flegmes à une rectification soigneuse dans des appareils spéciaux dont le maniement est délicat. L'opération cesse d’être une opération de ménage ou de ferme. Elle se fait dans une usine, où on fractionne ces flegmes en trois parties. La première et la dernière passée à la disti- 360 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. lation, ce qu’on appelle les alcools de téte et de queue. contiennent la presque totalité des produits autres que l’alcool. Au contraire, l'alcool de cœur comprend presque tout l’alcoolordinaire, mélangé d’une très faible quantité d'alcools supérieurs. Nous verrons bientôt en effet que cet alcool, dit alcool bon goût, et qui sort d’un liquide infect, est sou- vent plus pur, chimiquement parlant, que le meilleur alcool de vin, et à fortiori que l’alcool qui provient des vins malades ou altérés qu’on brüle dans les alambics ordinaires, lorsque leur vente est impossible. Il Voilà donc notre point de départ : ce n’est qu'au prix de précautions multiples et d'opérations dispendieuses qu'on obtient de l'alcool pur ou à peu près pur. La nature, abandonnée à ses seules forces, nous fournit toujours cet alcool mélangé à d’autres substances qui tantôt sont agréables et tantôt désagréables au goût, suivant, d’un côté, leur composition ou leurs proportions, et de l’autre, suivant l'impression du consommateur. C'est ici que ce consommateur intervient, et tout naturellement c’est pour embrouiller les choses. Il arrive, en effet, que cet alcool de fermentation exerce sur l’homme une attraction telle, que tous les peuples, à toutes les époques, l'ont avidement recherché. Profitant de ce penchant, les gouvernements l'ont frappé de taxes, et le côté fiscal de la question est né. Les droits n’ont pas empêché la consommation de s'étendre, et comme lalcool est une de ces substances dont la mine est inépuisable, attendu que le stock de sucre ou d’amidon qui le fournit se renouvelle chaque année sous l’action du soleil, son prix a diminué au fur et à mesure que se perfectionnait le mode d'extraction, de sorte que l’offre a toujours élé supérieure à la demande. De cet.ensemble de circonstances est née une question très différente de celle de l’alcoo!l, celle de l’alcoolisme. Celle-ci sort de mon cadre, et je n'ai aucune ambition de l’examiner. Je peux pourtant faireremarquer qu’elle est au premier chefune question sociale, et si elle semble urgente à résoudre, on ne peut évidemment arriver à ce résultat que par des moyens sociaux. On s’est pourtant imaginé un jour que ce problème social était un simple problème de distillerie. De très braves gens se sont figuré qu'il suffirait, pour le résoudre, de ne laisser entrer dans la consommation que de l'alcool pur. Celui-ci est pour eux l'alcool idéal, celui qu’ils qualifieraient volontiers d’hygiénique. Le Trésor ne perdrait rien à son introduction, et même y gagnerait, car on pourrait en boire davantage, et impunément. Je laisse de côté, dans cette vue générale, quelques considérations secondaires, les vignerons du Midi disant : «Il n’y a que nous qui puissions fournir naturellement cet alcool pur! » et les distillateurs du Nord répondant : « Mais vous REVUES ET ANALYSES: | 301 oubliez que nous savons corriger la nature! » Notre objet n’est pas de nous mêler à cette lutte d’intérêts, mais seulement de juger de la valeur des arguments scientifiques produits au débat. II Les partisans de l'alcool pur invoquent l’expérimentation. « Prenons séparément. disent-ils, et à l’état pur, chacune des substances, aldéhydes, essences, furfurol, alcools supérieurs, dont l’analyse nous a révélé la présence dans les vins, et, après les avoir diluées dans de l’eau pour les rendre acceptables, faisons-les ingérer à des animaux ou inoculons- les-leur dans leurs veines. L'expérience, vingt fois faite par des physiologistes méritant toute créance, montre que ces animaux se trouvent infiniment plus mal de ce traitement que si on s'était servi d'alcool pur, amené au même degré de dilution. Aux doses où cet alcool passe inaperçu, les autres amènent des désordres profonds et variés, des crises épileptiformes, et parfois la mort avec des phénomènes nerveux qui rappellent ceux des morts par l’alcoolisme. Nous sommes donc autorisés à voir dans ces produits les facteurs principaux des désordres qu’amène l'abus des alcools et à les considérer comme dangereux et toxiques. » « Nous pouvons même aller plus loin, et dresser l’échelle de leurs toxicités. Si, en effet, nous comparons les quantités de ces diverses substances nécessaires pour tuer dans le même temps des animaux de même espèce etde même taille, lorsqu'on les leur injecte tout doucement dans les veines, nous dresserons un tableau pour lequel MM. Joffroy et Serveaux ‘, qui ont très bien étudié ce sujet, nous donnent les chiffres suivants. Ce sont les équivalents toxiques, c’est-à-dire les poids, en grammes, de ces divers corps qu'il faut introduire dans les veines d’un lapin d’un kilogramme pour qu’il meure quelques minutes après l'injection. La dernière colonne donne les résultats obtenus en rap- portant le tout à l'alcool ordinaire, c’est-à-dire en cherchant combien de fois la dose mortelle d'un alcool quelconque est contenue dans celle de lalcool vinique : c’est donc l'échelle des toricités. » Noms des substances. Equivalent toxique. Toxicité relative. Alcool méthylique..2......... 25,25 0,5 MOI UINAITE ME 41,70 4,0 a DLOPYUIQUE ere 3,40 3,0 — isobutylique........... 1,45 8,0 AV IIQUE EEE 0. A 0,65 19,0 Aldéhyde éthylique........... 1,14 10,0 letiun!l 1 EU PE ARS 0,1% 83,0 AICÉTORE RE CRE ni de once ED DA 1. Arch. de méd. expérimentale, t. VIT, 1895, p. 569. 362 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. « On voit, par ce tableau, que seul l'alcool méthylique, qui estrare dans les boissons, est moins toxique que l’alcool ordinaire, et que les autres le sont davantage, d’autant plus qu'ils occupent un rang plus élevé dans la série. L'alcool amylique, par exemple, qui existe fréquem- ment dansles alcools de pommedeterre, estenviron vingt fois plustoxique que l'alcool ordinaire. Le furfurol l’est quatre-vingt fois plus, et il y en a dans beaucoup de rhums et d'eaux-de-vie. Comment dessubstances aussi terribles pourraient-elles être inoffensives dans nos boissons ? » On ne saurait méconnaître que ce raisonnement, basé sur des faits de laboratoire, et appuyé du souvenir des morts étranges infligées aux animaux d'expérience, à fait une profonde impression sur les esprits. On en trouve la trace dans les livres, dans les discussions devant les sociétés savantes ou les académies, jusque dans les projets de loi de la Chambre et du Sénat. Il est certain qu'il serait agréable à des législateurs que le problème de l’alcoulisme pût revêtir une forme aussi simple, et qu'il soit possible de le résoudre sans compromettre les ressources que le budget tire de l’alcool, et sans diminuer le nombre des électeurs influents qui en vivent ou le débitent. Ù IV Peut-être les physiologistes qui ont fait ces expériences auraient-ils dû, en les produisant, et au lieu d'’insister sur leur signification tragique, faire remarquer eux-mêmes qu'elles ne pouvaient servir à autre chose qu’à ceci : montrer que les diverses substances étudiées ne s’équivalaient pas au point de vue de leur action sur l’organisme, et que’quelques-unes pouvaient tuer, à faible dose, l’animal sur lequel on les essayait. Mais de là à conclure que, ingérées après dilution dans des boissons, elles peuvent être dangereuses, il y a loin, et la preuve, c'est que nous consommons tous les jours, sans trouble, et même avec quelque satisfaction, des substances qui nous tueraient si on les absorbait à l’état concentré ou si on les inoculait dans les veines. Il y a du poison dans notre thé, dans notre café, dans notre bouillon, d'où on peut retirer une substance, la peptone, qui devient mortelle quand on l’introduit dans la circulation générale. La viande, le poisson renferment des alcaloïdes dangereux, et on ferait fuir le physiologiste le plus convaincu en lui proposant de lui injecter dans les veines la quantité de vinaigre ou même d'huile qu’il consomme tous les jours dans sa salade. Il sait mieux que personne quelle est l'importance de la question de dose, celle de la porte d’entrée, et toutes deux se trouvent méconnues dans le raisonnement que nous venons de rappeler. Mais ceux qui l'ont fait méritent un autre reproche d'ordre plus REVUES ET ANALYSES. 363 général. Ils n'ont pas collationné les chiffres fournis par l'expérience, et ont aussi méconnu la disproportion énorme qu’il y a entre l’équi- valent toxique, tel que nous l'avons défini plus haut, et le poids de liqueur qui pouvait le fournir. Ils ont dit, par exemple : le furfurol est dangereux ; il y en à dans le rhum; donc le rhum est dangereux. Il aurait fallu y regarder de plus près. Dirait-on : l’acide carbonique est mortel à qui le respire; 1Üyena dans l'air; donc l’air est mortel? C’est pourtant le même raisonnement que pour le furfurol. On peut même le creuser davantage. D'après le tableau ci-dessus, la dose mortelle est de 0%,14 par kilogramme de lapin. En admettant que sa toxicité soit la même pour l’homme, il en faudrait 10 grammes environ pour un adulte de 70 kilogrammes. Admettons qu’ingéré par la bouche il soit aussi dangereux que par voie intraveineuse; il est loin d’en être ainsi, mais faisons la part belle au raisonnement que nous combattons. D'après M. X. Rocques, les rhums en contiennent des quantités variant entre 15 et 40 milli- grammes par litre. Prenons une richesse moyenne de 20 milligrammes. Pour trouver dans du rhum la quantité de furfurol nécessaire pour le tuer, un désespéré devrait donc en boire 500 litres, un demi-mètre cube! On m'accordera que, s’il y arrivait, il serait bien difficile de faire la part du furfurol dans son état. À ceux que ce raisonnement ne convaincrait pas, je peux le présen- ter sous une autre forme, en prenant cette fois pour exemple l'alcool amylique. Cet alcool est, nous l’avons vu, environ 20 fois plus toxique que lalcool ordinaire, de sorte qu’une eau-de-vie qui en contiendrait 1/20 aurait sur l’organisme une action deux fois plus puissante que l'alcool! pur. De même une eau-de-vie qui en contiendrait 1/100 aurait une action représentée par 6, lorsque celle de l’alcool pur serait repré- sentée par 5. Avec 1/1000 d’alcool amylique, ce qui est un chiffre supé- rieur aux chiffres réels, les nombres seraient 51 et 50, c'est-à-dire que les effets enivrants ou toxiques produits par l’absorption de cette boisson seraient attribuables pour 50/51 à l’alcool pur, et pour 1/31 à l'alcool amylique. De quel droit charge-t-on celui-ci de tous les péchés, tan- dis qu’on innocente l’autre? Et ce raisonnement s’applique qu’il y ait abus ou non, et il montre, je pense, que cette terreur des alcools supé- rieurs et cette mansuétude pour l’alcool ordinaire sont toutes deux de véritables fantasmagories. V 2 Ceci nous amène à nous demander ce que vaudrait cet alcool pur qu'on nous préconise, et sur lequel on fonde sur le papier de si belles espérances. Je crois pouvoir affirmer que ceux qui en font l’éloge n’en 364 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ont jamais bu. Amené au degré de concentration des alcools ordi- naires, cet alcool est à la fois brûlant et plat: il laisse dans la bouche une impression de vide qui n'invite pas à récidiver. Ce seraitse faire, , je crois, une grande illusion que de tabler sur de fortes recettes bud- , gétaires avec un pareil alcool. Mais ce n’est pas seulement une impres- sion personnelle que j'émets. Là-dessus l’expérience a parlé, et d’une façon si claire qu’on est coupable de ne pas l'entendre. La Suisse a eu, il y a quelque dix ans, la noble ambition de lutter contre l’alcoolisme, et l'illusion de croire qu’elle pourrait y arriver au moyen de l’alcool pur. Elle a donc pris les dispositions législa- tives nécessaires pour qu'aucun alcool n’arrivât au consommateur qu’amené au maximum de pureté industrielle. Je me trompe pourtant. On ne rompt pas subitement en visière avec des droits acquis et des habitudes prises. Il a bien fallu accepter le kirsch, le quetsch et les autres liqueurs parfumées provenant de la distillation des fruits. C'eût été une barbarie que de les dépouiller de ce qui fait leur saveur et leur mérite, et, d’ailleurs, elles étaient couvertes en partie par leur réputation de boissons hygiéniques. D'un autre côté, les absinthes, les bitters et autres préparations, qui ne passaient pas précisément pour être des boissons inoffensives, se défendaient par le nombre de leurs clients. Là aussi, et sous l’influence des, idées que je combattais tout à l'heure, toute la clameur de haro s’est portée du côté des alcools d'industrie, qu’on à purifiés le mieux possible. C’est alors que le public est intervenu. « Votre alcool purifié, a-t-on dit, nous n’en voulons plus boire, depuis que vous l’avez privé de cette saveur d'alcool amylique, de fusel, que nous aimions. Rendez-nous-le, si vous comptez sur notre argent. De quel droit d’ailleurs nous enlever notre boisson favorite, alors que vous la laissez aux buveurs de kirsch ou d’absinthe? » Il a fallu faire droit à ces réclamations, et rouvrir le robinet du fusel au nom des intérêts du Trésor, après l'avoir fermé au nom de l’hygiène. Pourquoi une expérience commencée avec tant d'ardeur géné- reuse a-t-elle fini par échouer ? Parce qu’elle était en désaccord avec des lois naturelles. La Suisse avait oublié, comme l’oublient tous les partisans de l’alcool pur, que cet alcool est insipide précisément parce qu’il est peu dangereux, et que les alcools ou produits divers qui l’accompagnent d'ordinaire ne sont dangereux que parce qu’ils sont -sapides. Du moment qu’une substance, quelle qu’elle soit, réveille sur son passage la sensibilité de quelques groupes de cellules de la pointe de la langue, du palais, ou de l’arrière-gorge, elle est capable de leur nuire si sa proportion devient trop forte, ou son usage trop long- temps continué. Du moment qu’arrivée dans l’estomac et emportée dans le torrent circulatoire, elle donne une surexcitation passagère CE L2 PP E TT Ce 7 bo e déni LES éd ns es, 1 ÉD, ds es ééiadésts PRE LL, Dés sgh LS ÉÉé EEELS t ” | REVUES ‘ET ANALYSES. 369 aux cellules de certaines glandes, du foie, du rein, à celles du tissu ner- veux, elle est capable de les anesthésier ensuite et même de les atro- phier, si à l’usage succède l'abus. Toute substance qui caresse le goût, l’odorat, une quelconque de nos sensations internes ou externes est une substance toxique dans une certaine mesure, et tout plaisir est le commencement d’un danger. C'estici que nous retrouvons les expériences des physiologistes que nous visions en débutant, et que nous découvrons leur véritable signification. Eh oui! ellesnous disent que tous les alcoolssont toxiques, qu'ils le sont inégalement, et que si le goût ne nous avertissait pas de leur présence, il faudrait se garer de quelques-uns d’entre d'eux. Mais le goût est là, en sentinelle avancée, aux portes de l'organisme. Bien entendu, l'échelle de ses appréciations n’est pas l'échelle des toxicités. Il préfère d’ordinaire le rhum avec son furfurol à l’alcool d'industrie avec son alcool amylique, et le kirsch, malgré son acide cyanhydrique, au tord-boyaux qui n’en contient pas. Mais un méca- nisme physiologique, relativement très sûr quand il n'a été ni usé ni faussé, fait qu’une susbtance nocive prévient d'ordinaire de son entrée en mettant en insurrection les premières cellules atteintes. Et voilà pourquoi les substances sapides sont aussi en général des substances dangereuses, et pourquoi la Suisse a eu tort de faire son expérience, et pourquoi on aurait tort de la recommencer. Mais il y a plus, et notre façon de voir comporte encore une con- clusion, c'est que du moment que toute substance sapide est ou peut devenir une substance dangereuse, il doit y avoir des produits nocifs dans toutes les boissons, même les plus hygiéniques. Or, rien n’est plus exact que cette conclusion, c’est ce qu’a démontré M. le D' Daremberg ‘. Il a fait voir que les vins, les eaux-de-vie, les liqueurs dans lesquelles le public avait le plus de confiance ne se comportaient pas autrement que les boissons les plus communes, lorsqu'on les inoculait dans les veines des animaux d’expérience. Quand il publia ces faits, il excita, je ne sais pourquoi, une surprise générale, et tout le monde erut qu'il. se moquait. Il eût pu, en effet, faire de ses résultats une spirituelle critique de la méthode opératoire qui les lui fournissait : « Vous croyez, aurait-il pu dire, pouvoir juger de la valeur hygiénique d’une boisson par le sort d’un animal à qui vous l’inoculez dans les veines. Eh bien, voici des vins authentiques qui,introduits par cette voie, sont plus toxiques que des solulions d’alcool pur au même degré de concentra- tion. Voici un vieux bordeaux rouge qui tue un lapin à la dose de 15 c.c., alors qu’il faut 20 c. c. d’un de ces vins communs achetés au litre chez le marchand de vins. Voici un vieux cognac, payé 60 francs la 1. Archives de méd. expér., t. VII, 1895, p. 719. 366 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. bouteille, qui est plus toxique qu'un cognac d'estaminet. Quand une expérience donne des résultats aussi paradoxaux, il faut se méfier de la façon dont on la fait ou dela facon dont on l'interprète. » En fait, convenablement interprétée, l'expérience reste logique : elle montre à sa façon que l’on peut s’enivrer à des prix différents, mais qu’au fond, on s’enivre toujours par le même mécanisme. VI J'ai d’ailleurs, en faveur de ma thèse, d'autres arguments que l’in- terprétation, toujours un peu incertaine, des expériences sur les ani- maux. On peut doser chimiquement les produits qui accompagnent l'alcool, et savoir ce qu’il y en a dans des eaux-de-vie authentiques et comparativement dans celles du commerce courant. Voici à ce sujet quelques chiffres que nous empruntons au travail de M. Daremberg, et qui donnent les poids par litre des divers éléments visés. Vieux cognac Cognac Armagnac Armagnac Rhum de la Rhum naturel. artificiel. de 3 ans. factice. Jamaïque. factice. Ge OR 0,600 0,060 0,468 0,684 41,224 0,384 Aldéhydes........ 0,106 0,001 0.063 0,031 0,154 0,018 RUTÉUT QE EEE 0,006 0,000 0,007 0,002 0,021 0,002 Ethens ec 0,422 0,080 0,360 0,088 3,080 0,194 Alcools supérieurs 0.800 0,05% 0,810 0.021 0,653 0,058 1,934 0,175 1,708 0.226 5,132 0,656 Je pourrais multiplier beaucoup ces exemples et ces citations, on y lirait toujours la même chose. Peut-être même a-t-on le droit de trouver trop expressifs les chiffres qui précèdent, et de dire qu’à force .de vouloir trop prouver, ils ne prouvent rien. On y voit que les eaux-, de-vie artificielles sont toutes beaucoup plus pauvres en substances toxiques que les cognacs et rhums naturels. Dire qu’il en est toujours ainsi serait un paradoxe.Il est certain qu’on pourrait trouver, et qu’on trouverait sans peine dans le commerce, à bas prix, des eaux-de-vie communes, faites avec des alcools mal rectifiés provenant de chez F les bouilleurs de cru, et plus chargées d’impuretés que des cognacs : authentiques. Pourquoi ai-je pris les chiffres ci-dessus ? Parce qu’ils sont d'accord avec la vérité générale. Il nous disent que les alcools de cœur, qui servent habituellement à la fabrication des liqueurs communes, sont plus purs que les eaux-de-vie naturelles, distillées dans un alambic et non soumises à la rectification, et cela est vrai. Ils nous® disent que les rhums d’origine, provenant en général de fermentations très impures, sont plus chargés de produits volalils que les cognacs, et cela est vrai. Ils nous disent qu’une bonne eau-de-vie, qui est préci- * sément celle qu’on laisse vieillir, s'impurifie peu à peu pour le chimiste, REVUES ET ANALYSES. 367 en même temps qu’elle se bonifie pour le consommateur, et nous savons maintenant que ces deux termes ne sont pas contradictoires. Ils nous permettent aussi de nous demander en terminant ce que peut bien signifier le mot hygiénique, si fréquemment employé. Le vin, la bière, le cidre sont dits hygiéniques, les alcools ne le sont pas. Un bon bourgogne est hygiénique pour tout le monde, un vin de cou- page est hygiénique pour le négociant de Bercy qui le fabrique, ne l’est pas pour un vigneron du Midi. Je voudrais bien que quelqu'un me donnât la définition de ce mot. En attendant que je la trouve, ce qui sera peut-être long, tout ce que je peux conclure de l'exposé que je viens de faire, c’est que s’il y a des boissons hygiéniques et d’autres qui ne le sont pas, c’est cer- tainement pour des raisons indépendantes de leur richesse en pro- duits autres que l’alcool, car non seulement elles en possèdent toutes, mais celles qui sont dites hygiéniques en contiennent plus que celles qui ne le sont pas. Peut-être pourtant y aurait-il une autre conclusion à tirer, qui n’est pas moins d'accord avec ce qui précède, et qui pénètre encore plus intimement dans la vérité des choses, c’est que les seules boissons hygiéniques sont celles dont on n’abuse pas. E. Ducraux. INSTITUT PASTEUR Personne morte de la rage après traitement. LABAT (Pierre), 37 ans, préposé des douanes à Bordeaux. Mordu dans la nuit du 21 au 22 février, traité à l'Institut Pasteur du 25 février au 16 mars. Mort de là rage le 24 mai à l'hôpital Saint- André, à Bordeaux. Labat avait été mordu au pouce gauche et à la tête. Sur la face postérieure de la première et de la deuxième phalange du pouce sié- geaient deux morsures linéaires, présentant une longueur totale de 3 centimètres, pénétrantes. La morsure de la tête siégeait sur le pariétal gauche, elle était longue de 4 centimètres et avait déterminé une hémorrhagie abondante. Les lèvres de la plaie étaient retenues par 8 points de suture, * Les blessures avaient été touchées au fer rouge 2 heures après Paccident. Le chien mordeur qui s'était enfui ne put être retrouvé. 368 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. INSTITUT PASTEUR STATISTIQUE DU TRAITEMENT PRÉVENTIF DE LA RAGE JANVIER, FÉVRIER ET MARS 1896 À B C M à la têt impl 2 a! | 6! orsures à la tête { simples... ..| 7» LUE | »| 6); et à la figure multiples... .[ »| 21 ° | » |16 20| ,| 6 |12 Cautérisahons/efficuces eee 0e 2100 SAS nIE0 me — inLIRCUCES. TRE: 2|» | » 51F LENOIR Pas echuULEMSAN on. 1 NME NAN 210 41022145] 54] 1» 19) | » 1 USM DIESEL »| T'opl » 1591 »|35 LORS ES NES RUE à multiples... .| »|13\ 9 » [4O! 99! ,|47152 Cantérisahions efficaces MEN | 2 (EI DE 2 LS De UE De ER EX) RE DES — INCTNCACES SRE NET. À Co DE SEE D LS © à DE) PES EF EE ES Pas deïcautérisaion.r. 1 RER. : 7: 12] » | » | 65] 5 | » 134! » | » Morsures aux mem- | simples.....|»|3}] » [82 »|18) bres. et au tronc multiples. . . .| »| 7 (20 » [27ç 59 | ,/231#1 Cautérisations efficaces . "2: . .:. ;'; 0» ,|[01!» | s 10/21 - INPI NCACES EN AE LT D" |A LOS) OUR ENMIS | RENES Pas décautérisation.. "2 EL: 3] » | » | 349 » | » 123] » |» HAS éChires Re COR EPA Eee DA» |» 1245165187 180/haIb MONS UTES DU ER NANEN RCA 5|.v |» | 44] » |» [A1] » |» Morsures multiples en divers points du >» [50 » COT DS rc PE eu OR AR HONOR »| 4/14 Cautérisations efficaces . . . . . . A0 Aa 1 ATOS ES MATE _ INEINCACES EE OA E Obs "0 > 1» Jo lo Pastde Cautérisatinn. a Up CU A SE ES ECS PR Se TEE 5 Habits déchirés Es en eue e bras Me RU SRE DE 0! » » 0 » » U! » » MO nSUTeS At MY ueS UT Mere LS Din rs ll MAO | go! Français et Algériens. . 28) 155) Hotauz Etrangers NC EN CIE GI2É 95] 180 7 L108 A B C mm" TOTALIGÉNÉRAL SN ee ONE 320 La colonne À comprend les personnes mordues par des animaux dont la rage est reconnue expérimentalement; la colonne B, les personnes mordues par des animaux reconnus enragés à l’examen vétérinaire; la colonne CG, les personnes mordues par des animaux suspects de rage. - : Les animaux mordeurs ont été : vaches : 3 fois; chats 5 fois; chiens : 312 fois. Le Gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie Charaire et Cie. V_ Roussel lith. ' s au La à ME «< A “ DT LE A AT Te MER NOR. D: G. Pilarski, 15 : . 1 r 2 + . © « cf 4 £’ + a ” » ” La . Ca a ” rue Morére, Pa lis \. Burais, phot. à 4 1% 10me ANNÉE JUILLET 1896 No 7. ANNALES DE : L'INSTITUT PASTEUR SUR LE MÉCANISME DE L'IMMUNITÉ CONTRE LA SEPTICÉMIE VIBRIONIENNE Par FÉLix MESNIL (Travail du laboratoire de M. Metchnikoff, à l'Institut Pasteur). On ne conteste plus guère le rôle prépondérant que joue la phagocytose dans l’immunité naturelle. Il n'en est pas encore de même en ce qui regarde l’immunité acquise. Tout le monde admet bien que les phagocytes ont un rôle dans la défense de l’organisme rendu réfractaire ; mais, pour certains savants, ce rôle est tout à fait secondaire ; ce sont des influences humorales qui détruisent, transforment ou atténuent les microbes, c’est-à-dire les mettent au moins en “état d’infériorité marquée dans leur lutte contre l'organisme doué d’immunité. Dans ces dernières années, de nombreuses recherches ont porté sur la maladie septicémique produite par les inoculations intra-abdominales du vibrion cholérique, et ont conduit à des faits très intéressants. C’est ainsi que M. Pfeiffer ‘ a découvert ce phénomène si curieux, auquel son nôm restera attaché, d'une transformation rapide en boules des vibrions cholériques, en dehors des cellules, chez l'animal immunisé. C'est ainsi que MM. Gruber et Durham * ont insisté sur la grande généralité de ce fait, déjà découvert par plusieurs savants, que le sérum des vaccinés a, vis-à-vis du vibrion cholérique qui a servi à : 1. R. Preirrer. Zeitschr. f. Hyg. 1894, t. XVIII, p. 1. 2. Grüger et Durnam. Voir surtout Wiener med. Woch., n°° 11 et 12, 1896. 24 370 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. l’immunisation, un pouvoir immobilisant et agglutinant tout à fait caractéristique. Ces savants ont voulu déduire, des faits observés, deux- catégories de conséquences : 19 Un moyen de diagnostiquer la valeur cholérigène d’un vibrion par une réaction très simple ; 2° Une explication purement humorale de l’immunité active et de l’immunité passive des animaux contre le vibrion cholé- rique. La première conséquence a été examinée avec soin et criliquée par plusieurs savants, en particulier par M. J. Bordet ‘. Quant à la question de l’immunité, les tentatives d’explica- tion de M. R. Pfeiffer, d’une part, de MM. Gruber et Durham de l’autre, sont basées sur des expériences faites dans le péritoine, c'est-à-dire dans un milieu très spécial, où il existe un liquide avec beaucoup de globules blancs, et où les circonstances les plus diverses peuvent influer sur le nombre et l'état de ces cellules. Avant de tirer des conclusions doctrinales des faits observés dans le péritoine, il est donc nécessaire de rechercher leur degré de généralité. — M. Metchnikoff ? a déjà nettement précisé les conditions très spéciales dans lesquelles se produit le phénomène de Pfeiffer, et réduit à sa juste valeur son importance. Je me suis proposé d’étudier la maladie septicémique pro- duite par les vibrions cholériques en faisant des inoculations + sous-cutanées, afin de rechercher quels étaient, dans la réaction de l’organisme, les phénomènes communs avec ceux observés dans le péritoine, en d’autres termesles phénomènes qui doivent avoir une grande importance pour l'immunité. J’ai choisi les inoculations sous-cutanées, car le virus est ainsi introduit en des points où il n'existe normalement ni humeurs ni leucocytes, ni rien qui vienne troubler les résultats. Des recherches semblables ont déjà été faites pour le vibrion cholérique et les vibrions voisins, tels que le V. Metchnikowi, par un certain nombre de savants. Le caractère particulier des miennes est que je me suis surtout attaché à mettre en 4, J. Borper. Ces Annales, juin 1895 et avril 4896. 2. Mercanixorr. Ces Annales, juin 1895. - MÉCANISME DE L'IMMUNITÉ. 371 lumière les phénomènes qui précèdent l’englobement des microbes par les leucocytes, puisque, pour MM. Pfeiffer, Gruber et Durham, ce sont ces phénomènes-là qui importent. Le vibrion qui m'a servi est le V. Massaoua. Dans le péri- toine, il tue,un cobaye de 400 à 500 grammes, à une dose d'environ 1/8 d’une culture sur gélose nutritive âgée de 18 à 24 heures. Ce vibrion tue aussi le cobaye par injection sous- cutanée. J'ai bien réussi à tuer quelques gros cobayes, mais les résultats obtenus n'étaient pas constants. Au contraire, les jeunes cobayes de moins de 150 grammes mouraient à coup sûr par l'injection d’une dose variant de 1/3 à 1,2 culture. Mon cher maître, M. Metchnikoff, m'a dirigé dans ces recherches, et ses excellents conseils m'ont été d’un grand secours. Qu'il reçoive ici l’expression de ma très vive recon- naissance. L. — Jmmunité passive. A. CHEZ LES JEUNES COBAYES. — Je préparais les cobayes en leur inoculant, 15 à 18 heures avant l'introduction du vibrion, 1c. c. de sérum actif. L'inoculation était faite, en général, sous la peau du dos {c’est-à-dire en un point assez de de celui par où devaient être introduits les vibrions) ; quelquefois aussi dans le péritoine, parfois même sous la peau du ventre, au même point que le choléra. Le sérum antimicrobien employé provenait de cobayes vaccinés contre le Massaoua par des inocu- lations intrapéritonéales de vibrions vivants. Son activité était telle que 1 centigramme, souvent même 1/4 de centigramme, protégeait un cobaye de 400 à 500 grammes, contre une dose mortelle intra-abdominale de vibrions. Naturellement, ce sérum possédait, vis-à-vis du V. Massaoua, un pouvoir agglutinant très actif et très rapide. Les cultures de choléra sur gélose nutritive étaient diluées dans la solution physiologique de sel marin ; je m’arrangeais de façon à ce que chaque cobaye reçût 4 c. c. de dilution. Les cobayes témoins mouraient en moins de 24 heures. Dans l’æœdème formé, les vibrions restaient isolés et mobiles en grande partie ; il y aun commencement de phagocytose. . L'animal succombe avec généralisation du vibrion dans tous 372 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. les organes. Le sang du cœur, ensemencé sur gélose, donne toujours une abondante culture. É Dans le cas général, qui est en même temps le cas moyen ‘.. oh observe chez le cobaye traité la formation d’un œdème au point d’inoculation. Cet œdème ne contient d'abcrd que du liquide fibrineux et quelquefois des globules rouges. Il y a dilution des microbes dans ce liquide. Ils restent isolés. Une partie demeure mobile, mais la majorité s’immobilise peu à peu. Jamais on n’observe de phénomène de Pfeiiter. Les microbes immobilisés se colorent bien et ont conservé tout leur pouvoir de multiplication; une goutte pendante, mise à l’étuve ou laissée dans Je laboratoire à 20°, se peuple de vibrions très mobiles ; 6 à 8 heures après l’inoculation, les leucocytes font leur apparition et englobent aussitôt des vibrions, A leur intérieur, on voit la majorité des microbes ayant conservé la forme vibrionienne et d'autres en ‘boules. A partir de ce moment, la phagocytose se fait peu à peu ; 24 heures après l’inoculation. il existe encore quelques microbes libres, isolés, mobiles ou immobiles ; — 48 heures après, ils ont tous disparu. Néanmoins, on obtient d’abondantes cultures en goutte pen- dante avec l’exsudat pris 2 et même 3 jours après l’inoculation?, et on a encore des colonies sur gélose 6 ou 8 jours après l’ino- culation. J'ai répété un grand nombre de fois l'expérience et j'ai obtenu des résultats la plupart du temps tout à fait semblables, quelquefois légèrement différents. | J'ai ainsi noté que, dans quelques cas, la mobilité des microbes, dans les 10 premières heures, était aussi grande chez le témoin que chez le vacciné *: — d’autres fois, chez les cobayes en expérience, témoin et traité, il y avait une diminution notable de la mobilité. Très fréquemment, l'exsudat sous-cutané des témoins morts, lors même qu’il était retiré au moment de la mort, montrait des vibrions parfaitement isolés, mais en grande majorité 1mmobiles. 4. Voir l'expérience I de lappendice. 2. Chez certains cobayes, j'ai observé, avec la plus grande netteté, ce déve- loppement intracellulaire des bactéries englobées, Certaines cellules avaient triplé de volume, et on voyait leur contenu composé uniquement de vibrions très serrés, 3. J'ai pu suivre, chez certains de ces microbes, toutes les phases de la divi- sion transversale : allongement, forme en S, puis rupture, MÉCANISME DE L'IMMUNITÉ. 373 Dans un cas, chez un cobaye traité, il y avait non-seulement immobilisation des microbes, mais encore un commencement d'amoncellement; cette réunion des microbes en amas était, à la vérité, bien incomplète, et nullement comparable à celle que l'on observe in vitro. Je suppose que, dans cette expérience, une petite quantité du sérum, injecté la veille, avait pu agir directe- ment sur les microbes. Mais je n’ai pu la reproduire. D'ailleurs, cet amoncellement des microbes n’a pas persisté et le cobaye a réagi exactement comme les autres traités. — [1 m'a semblé que chez les cobayes préparés par injection intra-abdominale de sérum, les microbes conservaient mieux leur mobilité, et que la réaction phagocytaire commencait plus tôt. Certaias faits sc dégagent de cette étude : 1° À aucun moment, il n'apparaît de phénomène de Pfeiffer sous ka peau; les boules sont même rares dans les leucocytes. Il est certain queles microbes sont englobés à l’état de vibrions et que généralement ils dégénèrent dans les cellules en conservant leur forme vibrionienne ; 2° Le cobaye traité et le témoin présentent les mêmes phéno- mènes dans les premières heures qui suivent l'inoculation. Tout au plus peut-on noter une immobhilité relative des microbes chez le vacciné. Mais il est impossible d’attacher de l'importance à ce phénomène d’immobilisalion des microbes, puisqu'il se produit également, quoique plus rarement, ehez les témoins, et que chez les väccinés il ne se présente pas avec une grande constance : * 30 À moins d'action directe dusérum injecté sur les microbes, on n'observe jamais d’amas sous la peau, rien qui rappelle ce phénomène de l’amoncellement si net dans les réactions in vitro. Pourtant, l’exsudat paraît bien être quelquefois capable de produire le phénomène, car des gouttes pendantes, ne renfermant que des microbes libres isolés, donnent des cultures en amas: 4 Les microbes libres et immobiles ne paraissent nulle- ment affectés dans leur faculté de croissance. Quelques heures à 99° ou un plus long séjour à 20° donnent un abondant dévelop- , pement dans les gouttes pendantes ; 5° Il est incontestable que les microbes englobés le sont à l’état vivant. Les gouttes pendantes contenant des phagocytes donnent, à 35°, des cultures très abondantes, d'énormes colonies 374 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. formées de microbes pressés les uns contre les autres; 6° Enfin notons que les microbes, après leur englobement, peuvent encôre vivre longtemps. Alors que l’englobement est complet 2 jours après l’inoculation, il y a encore des microbes vivants au bout de 8 jours. En résumé, pour expliquer l'immunité conférée par le sérum actif aux jeunes cobayes inoculés sous la peau, il semble difficile de faire intervenir une action directe du sérum sur les microbes. On est amené à expliquer leur immunité par une action plus énergique des leucocytes. B. Copayes ApuLTEs. — J'ai fait un certain nombres d’expé- riences d'immunité passive avec des cobayes de 300 à 500 gram- mes,préparés 24 heures auparavantavec0,75 c.c.ou 1c.c. desérum, et auxquels j’inoculais des doses variant de 1/3 de culture à une culture. J’ai observé les mêmes phénomènes que chez les jeunes cabayes. Mais, dans ces expériences, une partie seulement des témoins mouraient; la dose de vibrions inoculés n’était pas sûrement mortelle. J’examinerai dans un autre paragraphe comment se comportaient les cobayes qui survivaient. Les résultats de quelques expériences, faites dans des con- ditions spéciales, sont intéressants à noter. Dans un cas, j'ai inoculé le sérum 3 minutes seulement avant les vibrions, et en un point assez voisin. J’ai pourtant observé les phénomènes précédemment décrits. Dans d’autres cas, je faisais in vitro un mélange de vibrions cholériques avec 1/2 c. c. de sérum ‘actif, et je l’inoculais aus: sitôt. Le sérum produisait naturellement un amoncellement très net et très accusé des vibrions *. Il semble qu’en se plaçant dans ces conditions très favorables pour l’action directe du sérum surles microbes, on doive diminuer fortement l'intervention phagocytaire. Au contraire, cette action paraît plus rapide que dans les premières expériences relatées. La présence du sérum au point d’inoculation semble attirer les leucocytes, et cette manière de voir paraîtra fort vraisemblable si j'ajoute que, au point d'inoculation du sérum seul sous la peau, on trouve le lendemain beaucoup de leucocytes. Quand les leucocytes sont arrivés au point d’inoculation, il semble que les conditions soient très favorables pour la mani- 4. Voir l’expérience II de l’Appendice. MÉCANISME DE L'IMMUNITÉ, 375 festation du phénomène de Pfeiffer. Or les boules extra-cellu- laires sont aussi rares que dans les cultures injectées. Au con- traire, dans les leucocytes, elles sont beaucoup plus nombreuses que les formes vibrioniennes. Ce phénomène de Pfeiffer, qui ne se produit pas sous la peau, se manifeste avec la plus grande netteté dans une goutte pen- dante retirée de l’œdème 2 heures 1/2 après l’inoculation, et qui contient quelques leucocytes. C’est une confirmation très nette des vues de M. Metchnikoff sur ce phénomène. Dans l’exsudat retiré 7 heures après l’inoculation, le nombre des vibrions isolés, faible dans les premières heures, a augmenté notablement. On peut penser qu'il y a là l'indice d’une adapta- tion du microbe au milieu de l’exsudat. Enfin remarquons que les vibrions en amas se développent bien, ne semblent pas gravement atteints dans leur vitalité. J'ai d’ailleurs noté, dans une expérience, que les vibrions englobés par les leucocytes étaient doués d’une grande vitalité. Dans une goutte pendante où il n’existait pas de vibrions libres (vérification par une préparation colorée), après 20 heures à 35%, on avait de nombreux amas de microbes, et entre eux des vibrions libres et isolés. C. Jeunes Lapins. — À propos de ces,expériences d’immunité passive, je dois encore signaler que j'ai expérimenté aussi sur de jeunes lapins de 300 grammes. J'ai noté la même mobilité des microbes chez le témoin et le lapin traité. Je puis donc généraliser la notion qui découle si nettement des expériences sur les cobayes de 100 grammes et déclarer que : Dans limmunité passive, quelle que soit la manière dont cette immunité est conférée, les animaux traités résistent par le processus phagocytaire ; c’est là leur mode de résistance essentiel, tout à fait prépondérant. L'analyse des phénomènes empêche d'accorder un rôle dans l'im- munité à l'immobilisation, à l'amoncellement et à la transformation en boules des microbes. IT. — Jmmunité aciive. Je crois devoir diviser les expériences en deux catégories, ‘suivant qu'elles ont porté sur des animaux faiblement immu- nisés (capables de résister à la dose minima mortelle intra-abdo- 316 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. minale), dont le sérum a un faible pouvoir agglutinant, — ou sur les cobayes solidement immunisés, dont le sérum a un pouvoir préventif tel que 1 centigramme et quelquefois même 1/4 de- centigramme suffisent à protéger un cobaye de 400 à 500 grammes. La description minulieuse que j'ai faite de la marche de la maladie dans l’immunité passive me permet d’être très bref. Quand il s’agit de cobayes ayant une faible immunité, les phénomènes que j'ai notés avec soin chez les jeunes cobayes traités par le sérum se présentent. Les microbes demeurent isolés; on ne constate jamais même cet amoncellement faible que le sérum de ces cobayes est capable de produire 2n vitro. La mobilité diminue tantôt comme chez le témoin, tantôt plus fortement; mais il n’y a jamais immobilité complète. Chez les cobayes bien vaccinés, on constate une formation d’amas microbiens dans l’œdème, surtout dans les premières heures qui suivent l’inoculation. Mais il n’y a là rien de compa- rable, surtout comme intensité, aux phénomènes qui se passent in vitro : lamoncellement est toujours incomplet; il reste une proportion assez forte de microbes isolés, voire mobiles : les amas sont souvent mal délimités, petits; quelquefois ils persistent dans les préparations colorées; d’autres fois, l’étale- ment de la goutte suffit à détruire les amas. Quelques heures après l’inoculation, le nombre des amas diminue; les microbes isolés deviennent plus nombreux en pro- portion des agglomérés, et aussi en quantité absolue. Il semble donc qu'il y ait adaptation du microbe au milieu où il se trouve. Si on retire une goutte d’exsudat un petit nombre d'heures, deux par exemple, après l’inoculation, on constate que dans cette goutte in vitro, il y a d’abord augmentation notable du nombre et de la grosseur des amas; ce n’est que plus tard que le nombre des vibrions isolés et mobiles augmente. Des phagocytes entrent très 1ôt en action: ils englobent les microbes à l’état de vibrions (il n'y a jamais de boules extracel- lulaires), et une partie de ces vibrions se transforment bientôt en boules dans les cellules. 24 heures après le commencement de l'expérience, quelquefois même plus tôt, l’englobement est com- plet; 48 heures après, généralement tous les microbes sont; détruits. MÉCANISME DE L'IMMUNITÉ. 377 Dans les cas d'immunité active, on est encore obligé de recon- naître que le principal rôle est dévolu aux phagocytes qui exercent leur double pouvoir d'englober et de détruire les microbes plus rapi- dement que dans les cas d’immunité passive. Que le faible amoncellement des microbes qu’on observe dans l’exsudat des animaux bien vaccinés, aide à leur destruction, cela est possible ; mais la part qui revient à cette action directe des humeurs sur les vibrions, dans le mécanisme de l’immunité, est incontestablement bien faible vis-à-vis de la part de la pha- gocytose. HE. — Immunité naturelle, — Immunité artificielle non spécifique. S'il existe une explication générale de l’immunité des ani- maux réfractaires à la septicémie vibrionienne, elle doit s’appli- quer aux cas où on ne leur a pas conféré une immunité spéci- fique. | Il est donc intéressant de voir ce qui se passe chez un animal qui résiste naturellement à l'introduction du vibrion. Un certain nombre des cobayes adultes que j’employais comme témoins dans mes expériences d'immunité active ou passive ont résisté. Ceux qui succombent meurent avec vibrions généralisés dans tous les organes. C’est une maladie identique à celle provoquée par l'injection intra-abdominale. Les vibrions libres sous la peau et dans la cavité abdominale sont nombreux. Dans le sang, il ne m'est pas arrivé de déceler leur présence à l’examen microscopique, mais l’ensemencement donne loujours un gazon uniforme de choléra. Si la mort est rapide, la réaction phagocytaire est nulle ou à peu près. Si la mort a lieu en 20 heures et plus, les phagocytes renfermant des microbes sont assez nombreux sous la peau et dans le péritoine. On a tous les degrés entre une réaction nulle de la part des phagocytes et une réaction très notable, quoique insuffisante pour protéger l’animal. Mais cette réaction peut aussi être suffisante ; alors l'animal survit et il y a une destruction complète des microbes à l’in- 378 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. térieur des leucocytes. Pourtant iln’y a eu aucune action directe des humeurs sur les vibrions ; là il est impossible de nier que la destruction ne soit due uniquement à une action phagocytaire. Notons que l’englobement et la destruction des vibrions se font moins vite que chez les animaux ayant l’immunité spéci- fique ; cela est surtout net quand on compare la marche de la réaction chez un cobaye immun activement et chez son témoin. Chez la poule qui a l’immunité naturelle contre le vibrion cholérique, chez la tortue et chez la grenouille à qui on inocale des doses non mortelles, je n’ai jamais constaté de phénomène d'amoncellement. La destruction des microbes a lieu nettement par le processus phagocytaire. Mes essais d’immunisation par des cultures stérilisées de bacille rouge de Kiel et de M. Prodigiosus ont été peu heureux ; les jeunes cobayes sont extrèmement sensibles aux toxines de ces microbes. . Chez un cobaye de 165 grammes qui avait recu, 18 heures avant l’inoculation du Massaoua, 1/6 de culture de Kiel de 2 jours stérilisée à 74°, j'ai noté, 6 heures après l’inoculation, que la mobilité des vibrions avait simplement diminué et, 24 heures après, que les rares vibrions libres étaient tous isolés et parfaitement mobiles (ils ont donné d’ailleurs une abondante culture de vibrions extrêmement mobiles). Je ne suis pas arrivé à préserver d’une façon certaine les jeunes cobayes en leur inoculant à l’avance du bouillon ordinaire de culture. Souvent, j'avais une survie très nette (le témoin mou- rait en 18-20 heures, le traité en 48); un cobaye qui avait reçu la veille 2 c. c. de bouillon très frais dans le péritoine a résisté à une dose mortelle de vibrions sous la peau ; d’autres qui avaient reçu jusqu'à 3 inoculations de bouillon, à un jour d'intervalle, ont également résisté. Chez tous ces cobayes traités par le bouillon, quel que soit le résultat final, j'ai observé soit une grande mobilité des microbes injectés, soit une immobilité partielle, mais jamais d'amas. . Un cobaye qui avait reçu 3 injections de bouillon sous la peau du ventre, et où il s’était formé un œdème avec beaucoup de glo- bules blancs, a montré une réaction phacocytaire très rapide et très intense : l’englobement était complet,8 heures après l’inocu- lation. MÉCANISME DE L'IMMUNITÉ. 379 J'ai eu un résultat semblable chez un cobaye qui avait reçu sous la peau du flanc ! c. c. de sérum actif, un peu contaminé. Dans les deux cas, au moment de l’introduclion des vibrions, il y avait déjà de nombreux leucocytes au point d'inoculation: Le 1° stade de la réaction leucocytaire était done supprimé. Dans ces œdèmes préformés, il ne s’est pas produit trace de phénomène de Pfeiffer. * Les expériences exposées dans ce paragraphe nous montrent avec la plus grande netteté que, dans les cas d'immunité non spécifique, la réaction de l’organisme est étroitement liée au pouvoir phagocytaire. IV. — Expériences dans la chambre antérieure de l'œil. J'ai expérimenté sur de jeunes et de gros lapins à qui j’ino- culais une émulsion très dense de vibrions dans la chambre an- térieure de l’œil. Certains de ces lapins avaient reçu, la veille de l'inoculation, 3/4 ou 1 c. c. de sérum actif sous la peau; les autres étaient des lapins neufs. Quoique je n’aie pas réussi à tuer les témoins, les faits observés offrent quelque intérêt. Quand l'inoculation est bien réussie, la destruction des microbes dure toujours plus longtemps que sous la peau. Les leucocytes apparaissent plus tard et pendant longtemps sont en nombre assez restreint. Le premier jour, il se présente quelquefois dans la chambre antérieure une immobilisation plus ou moins complète des microbes, voire un amoncellement partiel... Mais ces changements sont peu profonds (quelques heures à 35° dissocient partiellement les amas dans les gouttes pendantes, et donnent de nombreux microbes mobiles) et assez fugaces. Le 2° et 3° jour, les microbes redeviennent isolés et assez mobiles, et c’est à cet état qu'ils sont englobés. Une expérience faite dans des conditions un peu particulières me paraît digne d'appeler l'attention. Il s’agit d’un jeune lapin de 365 grammes à qui j'avais ino- culé, dans la chambre antérieure, une émulsion de vibrions dans. du sérum actif. 380 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 2 heures 1/2 après l'inoculation, une goutte pendante montre de nombreux amas, très gros, et entre eux quelquesrares vibrions isolés et mobiles. Cette goutte, à 35°, donne le lendemain une belle culture; on a toujours des amas, mais moins séparés, et un grand nombre de microbes libres, très mobiles. 4 heures 1/2 après l'inoculation, on observe encore des amas, mais moins gros que précédemment; le nombre des microbes libres, en revanche, a augmenté. Quelques rares leucocytes sont déjà présents; mais la phagocytose ne paraît pas avoir com- mencé. — La goutte pendante, à 35°, montre le lendemain une belle culture; les microbes isolés, très mobiles, sont nombreux. 10 heures après l'inoculation, des préparations colorées mon- trent que la phagocytose a commencé; un certain nombre de leucocytes sont bourrées de microbes, de forme vibrionienne. Tous les microbes englobés se colorent bien. Ils proviennent évidemment de microbes isolés, car ils sont les seuls qui se colorent bien’ A côté des leucocytes, on voit de nombreux petits amas de microbes prenant mal la couleur, boursouflés; il s’agit probablement de microbes tués par le sérum! bactéricide qui, dans le milieu très restreint de la chambre antérieure de l'œil, a eu le temps d'agir avant l’arrivée des humeurs et des leuco- cyles. ; Ici nous voyons avec la plus grande netteté que les leuco- cytes englobent de préférence des microbes vivants, délaissant les microbes morts. J'ai d’ailleurs pu constater directement que les leucocytes étaient faiblement attirés par les microbes morts, en injectant sous la peau d’un cobaye des microbes tués par un séjour de 4 heure à 74°; l’arrivée des leucocytes a été très tardive. Cette observation corrobore pleinement celle déjà ançienne de M. Lubarsh' qui a vu, en injectant des bactéridies charbon- neuses par la veine abdominale d’une grenouille, que l'englobe- ment était beaucoup plus rapide quand les bacilles étaient vivants que quand ils étaient morts. . Le lendemain et le surlendemain de l’inoculation, on avait un grand nombre de microbes isolés et mobiles; le nombre est resté à peu près le même durant ces 2 jours. On se rend faci- 4. Lusarsa. ÆXorischr. d. Med., 6, 1888, p. 121-130. MÉCANISME DE L’IMMUNITÉ. 381 “lement compte qu’il ya eut, d’une part, culture des vibrions dans la chambre antérieure, et d’autre part, englobement d’un certain nombre de microbes par les phagocytes. Ce n’est que 3 jours après l’inoculation que la phagocytose est complète. En résumé, dans les expériences dans la chambre antérieure de l'œil, il y a un retard dans la destruction des microbes; on peut ainsi apercevoir nettement une adaptation du vibrion aux humeurs de l'organisme inoculé. L'immobilisation et l’aggluti- nation qui ont pu se produire au commencement de l'expérience disparaissent ; et l'organisme a à lutter contre des microbes jouissant de leur mobilité et de toutes leurs propriétés vitales. C'est à ce moment que les leucocytes entrent en jeu. Dans les expériences sous la peau, j'ai déjà noté une sem- blable adaptation des vibrions, mais la phagocytose, commençant très tôt, empêche de bien saisir la suite des phénomènes. Ces constatations' m’autorisent, ce me semble, à affirmer avec plus d’autorité que l’action directe que les humeurs peuvent exercer sur les microbes, se traduisant parfois par l'immobilisa- ton, parfois même par un amoncellement, d’ailleurs toujours partiel, ne joue pas un rôle essentiel dans la résistance de l’orga- nisme au microbe envahisseur. Gette action complique simple- ment l'interprétation des phénomènes. V. — Caractères de l'immunité vibriomenne. L'étude complète et attentive des différents cas d’immunité contre la seplicémie vibrionienne montre, avec la plus grande netteté, qu'un seul et unique processus intervient dans ous ces cas: c’est le processus phagocytaire. Les leucocytes, plus ou moins tôt suivant les cas, arrivent sur le champ de bataille et débarrassent l'organisme de ses envahisseurs. A la suite os inoculations sous-cutanées ou intra-oculaires, les microbes extra cellulaires conservent toujours leur forme vibriouienne. Je n'ai jamais observé, dans ces conditions, de phéno- mène de Pfeiffer. L’immobilisation et l'agglutination des microbes ne se présentent que dans ‘des cas restreinis; ces phénomènes ne se manifestent avec aucune régularité. Il est donc impossible de . 382 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. supposer qu’ils sont de quelque importance pour la résistance des* l'animal. D'ailleurs, les microbes immobilisés ou en amas con- servent leur Pure de multiplication et donnent d’abondantes cultures soit en goutte pendante, dans l’exsudat du cobaye, soit sur gélose nutritive. La réaction leucocvtaire commence au bout d'un temps variable. Elle marche surtout vite chez les cobayes ayant une forte immunité active, moins vite chez les cobayes ayant seule- ment l’immunité passive, et enfin encore plus lentement chez les cobayes ayant l’immunité naturelle. Les microbes sont englobés vivants et avec leur forme vibrio- nienne. Dans l'intérieur des leucocytes, une partie de ces vibrions se transforment en boules tout à fait semblables*aux boules extracellulaires de Pfeiffer. J’ai remarqué que ce phéno- mène se produisait avec d'autant plus de fréquence que la phago- cytose commençait plus tôt après l’inoculation des microbes. Ainsi, Chez des cobayes bien vaccinés, la grande majorité des microbes englobés était en boules. En revanche, chez les lapins inoculés dans la chambre antérieure de l'œil, les boules étaient très rares. Il y a là sans doute une question d'adaptation du microbe aux humeurs de l’animal. Alors que la phagocytose est complète, on obtient encore d'abondantes cultures en mettant à 35° des gouttes pendantes faites avec l’exsudat; et si l’on a soin de ne pas laisser la goutte pendante trop longtemps à 35°, on constate un abondant déve- loppement dans les leucocytes qui, plus tard, trop gonflés, éclatent et donnent un gros amas de vibrions. Les cultures sur gélose réussissent encore plus longtemps et j'ai noté que, chez de jeunes cobayes, il se faisait au point d'inoculation une sorte d’abcès où quelques vibrions pouvaient résister à l'influence bactéricide du protoplasme cellulaire jusqu’au 7° ou 8e jour après l'inoculation. C’est là un fait analogue à celui observé par M. Metchnikoff‘ avec le hog-choléra. Comment devons-nous concevoir le rôle du sérum chez les vaccinés ? Nous avons éliminé l'influence directe des humeurs, plus ou moins chargées de substance immunisante, sur les microbes. Nous pensons que l'action, importante pour la résistance de 1. Mercanixorr, Ces Annales, mai 1892. MÉCANISME DE L’'IMMUNITÉ. 383 ’ l'animal, est surtout celle qui porte sur le système phagocytaire. Il y a tous les degrés possibles entre la résistance d’un cobaye succombant à la septicémie vibrionienne, celle d’un cobaye ayant l’immunité naturelle, et celle d’un autre à qui on a conféré artificiellement l’immunité. Si la dose inoculée à un cobaye neuf est énorme, il succombe en un pelit nombre d'heures sans ia moindre réaction phago- cytaire. Si la maladie dure 20 à 24 heures, les phagocytes inter- viennent nettement; mais leur intervention est insuffisante pour protéger l'animal. Un cobaye neuf qui survit ne diffère du précédent qu’en ce que les phagocytes, ayant a%aire à un moins grand nombre de microbes, réussissent à venir à bout de tous leurs ennemis, ou bien en ce que la défense s’accomplit avec plus d'énergie. S'il s’agit d’un animal immunisé activement ou passivement, les phénomènes semblent indiquer que les phagocytes ont acquis une plus grande énergie pour la lutte contre les microbes. La comparaison entre un cobaye bien, vacciné et un animal neuf de même poids qui résiste plaide en faveur de cette manière de voir. J'arrive ainsi à la notion d’une excitation cellulaire, déjà mise en avant par M. Metchnikoff ' en 1892, développée par M. Roux*° au congrès de Buda-Pesth en 1894, et qui depuis a été acceptée par certains, critiquée par beaucoup. Mes expériences ne me permettent pas de me prononcer nettement sur le point de savoir s’il y a attraction plus forte et plus rapide des leucocytes (certains faits observés chez des cobayes immunisés activement sont en faveur de ceite manière de voir, mais je n'ai pu en constater la généralité); — ou bien si l’englobement se fait plus facilement; — ou enfin si les leucocytes des animaux immunisés ont un protoplasma plus énergiquement bactéricide par le fail mème de leur immuni- sation. — Les faits très intéressants observés in vitro par M. J. Bordet plaident, il me semble, en faveur de cette dernière manière de voir. Paris; 28 juin 1896. * 1. Mercuxikogg. Ces Annales, mai 1892. 2. Roux. Ces Annales, octobre 1894. 384 _ ANNALES DE L'INSTITUT»+PASTEUR. APPENDICE L: Détail d'expériences d'immunité passive sous la peau. «L’expérience I porte sur un cobaye préparé la veille de l’inoculation ; l'expérience II, sur un cobaye qui 4 reçu un mélange de vibrions et de sérum. EXPÉRIENCE I. — Le 7 mai, à 4 heures du soir, un cobaye de 100 grammes reçoit sous la peau du flanc droit 1 c. c. de sérum. Le 8 mai, à 10 heures du matin, ce cobaye et un autre dela même portée reçoivent 1/3 d’une culture sur gélose de 18 heures. A 11 beures 3/4 (soit L'heure 3/4 après l’inoculation), les 2 cobayes ont un œdème déjà bien marqué. Les gouttes pendantes, faites avec l’exsudat retiré de l’ædème, montrent chez les deux des microbes très nombreux, parfaitement isolés et mobiles. À 4 heures 1/2 (soit 6 heures 1/2 après l’inoculation), l'œdème a beaucoup augmenté chez les deux cobayes; il est un peu plus gros chez le cobaye qui a reçu du sérum. Chez le cobaye traité, on retire un exsudat faiblement rosé conte- nant des globules rouges, quelques rares globules blancs (leucocytes polynucéaires) et beaucoup de microbes (il y en a beaucoup moins que dans la prise précédente). Tous ces microbes sont isolés, il y en a de mobiles, mais la majorité sont immobiles. Une préparation, colorée au bleu de méthylène, montre les microbes libres prenant fortement la couleur bleue, ayant tous conservé la forme vibrionienne; on ne ren- contre pas une seule boule extracellulaire. Les rares leucocytes de la préparation sont bourrés de microbes, se Colorant encore bien et ayant généralement conservé leur forme; néanmoins, il existe un certain nombre de microbes en boules dans les cellules. Après une nuit passée à 20°, la goutte pendante faite avec l’exsudat de ce cobaye montre une culture abondante; la mobilité a beaucoup augmenté; il y a aussi une culture très nette de microbes dans les leucocytes. Chez le témoin, le tableau est sensiblement le même que chez le cobaye traité, avec cette différence que la grande majorité des micro- bes paraît mobile. A partir de ce moment, la maladie évolue différemment chez les deux cobayes. Le fémoin succombe dans la nuit avec généralisation du vibrion cholérique.L'exsudat péritonéal (très peu abondant) et le sang du cœur donnent, sur gélose, un 0 uniforme de Massaoua. Le 9 mai, à 11 heures du matin (soit 25 heures après l'inoculation) je retire de l’œdème du cobaye traité un exsudat clair, rosé, avec glo- DA, D e, 7 Ep MÉCANISME DE L'IMMUNITÉ. 385 bules rouges, globules blancs assez nombreux, microbes libres parais- sant à peu près tous immobiles (on arrive difficilement à en voir 1 ou 2 de mobiles). Une préparation colorée révèlela présence de microbes libres, isolés, encore assez nombreux, ayant tous gardé la forme vibrionienne, et se colorant bien. Parmi les leucocytes, il y en a beaucoup qui sont bour- rés de microbes, la plupart en vibrions, quelques-uns en boules peu neltes. Les microbes de la goutte pendante ont gardé un grand pouvoir de multiplication, car un séjour de 4 heures à 35° donne un dévelop- pement très abondant ; la grande majorité des microbes est mobile; on n’observe pas d’amas. Le 9 mai, dans la soirée, le tableau reste le même. 1e 10 mai, à 11 heures du matin, l’œdème a diminué, est devenu plus dur. J'en retire une goutte d’exsudat assez clair; elle contient une grande majorité de globules blancs et, en goutte pendante, je ne distingue pas un seul microbe libre. Une préparation colorée montre de très rares microbes libres, mais ils peuvent fort bien provenir de globules éclatés, assez communs dans la préparation. On voit encore beaucoup de leucocytes contenant à leur intérieur des microbes; mais ces microbes commencent à dégénérer; néanmoins on voit peu de boules. Un ensemencement sur gélose donne un gazon presque uniforme de choléra. La goutte pendante, mise à l’étuve, donne le lendemain d’abondantes colonies provenant évidemment de microbes intracellu- laires, avec amas mal limités ; tous les microbes sont immobiles. Les amas sont peu consistants, car l’étalement de la goutte sur une lamelle suffit à les dissocier; et une préparation colorée montre des vibrions se colorant bien et nettement séparés. Le 11 mai, à 3 heures du soir (soit TT heures après l’insculation), l’exsudat est trouble à cause du nombre de globules blancs. La pha- gocytose paraît presque terminée; on ne trouve, dans une prépara- tion colorée, que de rares cellules contenant quelques microbes se colorant mal. L’ensemencement donne de nombreuses colonies se touchant. Une goutte pendante, laissée 20 heures à l’étuve, montre de nombreuses colonies rondes, de grosseur tout à fait variable, bien compactes. Le12 et 13 mai, l’ensemencement de l’exsudat donne de nombreuses colonies. Le 14 et le 16 mai (soit 6 el 8 jours après l'inoculation), j'obtiens encore une dizaine de colonies en ensemençant sur gélose une goutte d’exsudat. Enfin, le 18 mai, l’ensemencement est négatif. Expérience II. — Le 2% mars, un cobaye de 260 grammes reçoit 25 386 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sous la peau du ventre un mélange de 1 c. c. d’émulsion de vibrions, (soit 1/3 de culture) et de 4/2 c. c. de sérum. 3/4 d'heure après l’inoculation, l'œdème est déjà bien développé. Les microbes sont presque tous réunis en amas; il n'existe que de rares vibrions mobiles. Le lendemain, dans la goutte pendante placée à 55°, les amas ont augmenté, se sont plus ou moins enchevêtrés; mais ce sont toujours des amas de microbes immobiles; entre eux, sur les bords, on voit des microbes parfaitement mobiles. Entre 1 heure et 2 heures après l’injection, l’œdème augmente notablement. 2 heures 1/2 après l'inoculation, il contient toujours des amas ; entre eux, quelques rares vibrions mobiles. Les leucocytes sont encore peu nombreux. Une préparation colorée montre que les amas sont formés de vibrions normaux et que les boules y sont tout à fait exceptionnelles. Les leucocytes ont commencé à englober les microbes; et à côté de microbes intracellulaires de forme vibrionienne, il existe de très nom- breuses boules. La goutte pendante, laissée deux heures à l’étuve, montre beau- coup de vibrions libres redevenus mobiles, et aussi un grand nombre: transformés en boules; il y a eu, in vitro, phénomène de Pfeiffer très net. En maintenant la goutte 24 heures à 350, il reste encore des amas; mais il n’y a plus de boules; on voit de nombreux microbes mobiles et une culture très nette dans les leucocytes. 1 heures après l’inoculation, on trouve toujours des amas, mais moins nombreux. Entre eux, beaucoup de microbes isolés, bien plus que dans les prises précédentes. Les leucocytes sont très nombreux; la phagocytose est déjà très intense. A l’intérieur des leucocytes, il y a surtout des boules et quelques vibrions. 2% heures après l’inoculation, la phagocytose est complète. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES ASSOCIATIONS BACTÉRIENNES DANS LA DIPHTÉRIE Par MM. es D'S L. pe BLASI er G. RUSSO-TRAVALI [. — L'importance des associations bactériennes dans la diphtérie à été originairement signalée par MM. Roux et Yersin, qui ont vu l'infection diphtérique s’aggraver par l'association du streptocoque. Von Schreider a vu ensuite que les toxalbumoses précipitées par l'alcool d’une culture mélangée du bacille de Lüffler et du streptocoque de Fehleisen étaient plus virulentes que celles d’une culture du bacille seul. Myer a trouvé que l’in- fection amenée chez le cobaye par le bacille diphtérique seul est moins grave que celle que provoque l’injection simultanée de bacille diphtérique et de streptocoque. IL a observé aussi, en collaboration avec M. le D' Giarré, que le cobaye adulte, ordinai- rement réfractaire à l'infection pneumococcique, périt d’une septicémie si on l’infecte simultanément avec une culture diphté- rique et des matières pneumococciques. Barbier d’abord, et Martin ensuite, ont séparé les angines diphtériques accompagnées parlestreptocoque de celles qu’accom- pagne le staphylocoque. Plus récemment Bernheim, étudiant au moyen des cultures les membranes diphtériques, a trouvé un streptocoque court et un long, trois variétés de staphylocoques, et un bacille pseudo- diphtérique, différant du bacille de Lôffler par ses caractères de culture et son défaut de virulence. En comparant les résultats bactériologiques et cliniques pour ces affections mixtes, ilaconclu qu'il n’y avait aucune relation entre l’association bactérienne et l’intensité de l'infection, ayant trouvé les mêmes êtres dans des cas très graves et très légers ‘. Etudiant ensuite la symbiose entre le bacille de Lôüffler et ses associés dans les membranes diphtériques, il a vu que, dans 1. Zeitschr, f. Hyg., t. XNIIT, fasc. 3, 1894, 388 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. le bouillon, il y aantagonisme entre cebacille et les streptocoques, mais non avec le staphylocoque. Traitant ensuite les cobayes avec des cultures, filtrées ou non, de streplocoques et de slaphylocoques, et injectant ensuite tantôt simultanément, tantôt après un certain temps des bacilles diphtériques, il a vu que l'infection mixte avec le streptocoque est bien plus grave qu’avec le streptocoque ou le bacille seul. Enfin Bernheim a vu que le bacille de Lüffler se développe vigoureusement et augmente de virulence quand on l’ensemence dans des cultures filtrées de streptocoques ou de staphylocoques. En même temps qu'il établissait les caractères définitifs de la diphtérie, Bretonneau admettait l'existence de laryngites pseudo- membraneuses indépendantes de cette maladie. Dans son excellent travail sur l’étiologie de la diphtérie, Lôüffler fait des réserves sur la spécificité du bacille, et les fonde en partie sur ce qu'il ne l’a pas rencontré dans tous les cas diagnostiqués comme diphtériques. Wurtz et Bourges ont fait voir qu'il y a, dans la scarlaline, des angines pseudo-membraneuses dues, non au bacille de Lôüffler, mais à un streptocoque analogue à celui de la suppuration. MM. Roux et Yersin, Martin, Ménétrier, Morel, Netter, Bourges, Baginski, Loir, Ducloux, Veillon, ete., ont mis hors de doute l’existence d’angines pseudo-membraneuses, non scarla- tineuses et non diphtériques, et dues pour la plus grande partie au streptocoque pyogène, moins fréquemment au pneumocoque, et plus rarement encore au staphylocoque (Veillon). Dans un cas signalé par Boulloche ‘, le streptocoque était associé au B. coli commune. Dans un autre cas de Teissier*, on n’a trouvé que l’Oidum albicans dans l’exsudat d'une angine diphtérique chez un syphilitique. IT. — Le but de cette courte communication est de rapporterles résultats obtenus dans l’examen bactérioscopique de 234 pseudo- membranes, qui nous ont fourni l’occasion d'étudier clinique- ment et expérimentalement l'association du bacille de Lôüffler avec le colibacille, association qui, à notre connaissance, n'avait pas encore été constatée. 1. Les angines à fausses membranes, Bibl. Charcot-Debove. 2. Arch. de méd. exp., mars 1895. CUS, + 6 dits Sr ASSOCIATIONS BACTÉRIENNES DANS LA DIPATÉRIE. 389 A la suite de la communication de Roux au Congrès de Buda- pest. et des mémoires de Roux et de ses collaborateurs, parus dans ces Annales, d’où sortait une confirmation si éclatante et une utilisation si pratique des résultats de Behring et Kitasato, l'honorable maire de Palerme eut la louable pensée de se pro- curer du sérum de Behring, préparé à Hochst. Les résultats de l'injection dans les vingt premiers cas ont été publiés par un de nous, en collaboration avec M. le D' Caruso Pecoraro’. Depuis, à la suite d’une augmentation des cas de diphtérie dans notre ville, l’administration municipale a créé un hôpital spécial, dirigé par M. le D' Caruso, où nous sommes chargés des recherches bactériologiques utiles au diagnostic. Voici le résultat de nos examens :. I. Absence de bacilles de Lôffler; présence de staphylocoques, strepto- coques, pneumocoques, coli-bacille, 26 cas; Mortalité 2, dont iül faut exclure un cas de décès par méningite, soit une mortalité FOR RER DRASS APR PET See nehe ee . 3,84 0/0 IT. Bacille de Lôffler, forme pure, 102 cas; mortalité 28, soit., 27,45 0/0 IT. Bacille de Lôffler et staphylocoque pyogène, 76 cas; mortalité 25, SOLE Ste à 0e PU id AE Le Dane inieye LÉ des ee te OI U/D IV. Bacille de Lôffler et slreptocoque pyogène, 29 cas, 6 morts, SORT nn PR PT ES NOR sers eve ee RER à de 30 0/0 V. Bacille de Lôffler avec pneumocoque et streptocoque, 7 cas, 3 morts, CURE RO PURE RER APT EEE FRERE NUE CR CRE RE RER 43 0/0 VI. Bacille de Lôffler et coli-bacille ; 3 cas, 3 morts, soit....,.. 199 0/0 Nous avons employé dans ces recherches la méthode recom- mandée par MM. Roux et Yersin. Mais, dans cette étude minu- tieuse des associations bactériennes, pour isoler mieux Îles germes, nous avons employé parfois, en outre des stries en tubes, des cultures sur gélatine en boîtes de Pétri. Même nous ajouterons que dans un cas où lestubes de gélose n'avaient 4. Cette statistique comprend tous les examens des pseudo-membranes qu’on nous aenvoyées de l’hôpital. Mais on comprend que la statistique clinique rela- tive à l'influence excercée par l’inoculation du sérum Behring soit tout autre, car il faut exclure les malades qui n’ont pas reçu linjection, pour être arrivés trop tard à l’hôpital, et ceux qui, ayant reçu linjection, sont morts moins de 24 heures après leur entrée, et n’ont pu subir l'influence du sérum. Suivant une statistique publiée par MM. les D: Caruso, Castiglia et Perricone, on a injecté 448 personnes, dont 74 affectées d’angines et de laryngites diphtériques pures, et 74 d’angines et de laryngites poly-microbiennes, Lalmortalité a été de 29, soit 19 0/0. 390 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. pas révélé l'existence du bacille de Lüffler, on l'a trouvé sur Îles , plaques de gélatine. Nous n’avons pas à nous étendre sur les caractères du bacille de Lüffler. Pour le coli-bacille, en outre des observations micro- scopiques et des cultures sur pommes de terre, gélose et gélatine, soit en surface, soit par piqûres, nous avons utilisé la réaction de l'indol, la coagulation du lait, la fermentation des lactoses, et la réaction rose que prennent les milieux de culture à réaction neutre quand on y met de la phénolphtaléine. AIT. — Voulant d'autre part savoir ce qu’il fallait penser decelte association avec le coli-bacille, etle nombre de nos cas cliniques étant trop faible pour nous en donner une idée, nous avons eu recours à l’expérience. | Avant tout nous avons eu soin de déterminer la virulence de notre coli-bacille. Avecdes cultures de 48 heures dans du bouil- lon alcalin, tenu à l’étuve à 350-370, le degré de virulence peut être fixé à 0,3 c. c. pour 100 grammes de cobaye. En faisant l’inoculation de cette dose dans la cavité abdominale, la mort survenait en 24 heures ; avec 0,2 c. c. on avait la mort en 5 jours; avec 0,1 c. c. l'animal résistait, après avoir présenté un peu d’abattement et d’amaigrissement. L'injection de culture de 48 heures filtrée, par voie peritonéale, à la dose de 1 c. c. par 100 grammes d'animal, ne donnait pas la mort. L'animal était abattu et perdait de 1/7 à 1/5 de son poids initial. Il en était de même pour une injection à la même dose répétée cinq jours de suite, et pour des cultures filtrées d’un mois, gardées à 35-379. D'une culture assez virulente de bacille diphtérique, nous avons reliré unetoxine qui, àla dose de 1/15 de c. c. par 100 gram- mes d'animal, et en injection sous-cutanée, le tuait en 40 heures ; 1/25 de c. c. le tuait en 2 jours; 1/30 de c. c. le tuait en à jours, et 1/35 en # jours. a) Ces données établies, nous avons inoculé à 6 cobayes 1/5 de c.c. de culture de #8 heures de bacillus coli dans la cavité péritonéale, et 1/40 de c. c. de toxine diphtérique sous la peau de la paroi abdominale : ces quantités, bien entendu, se rappor- tent à 100 grammes du poids de l’animal, dontle poids variait de 500 à 700 grammes. Deux cobayes reçurent aux mêmes doses, l'un la culture, l’autre la toxine. Sur8 animaux ainsi traités, 6sont morts en moins dé 24 heures. ASSOCIATIONS BACTÉRIENNÉS DANS LA DIPHTÉRIE. 391 Celui qui avait étéinoculé avec la culturede bacillus colisurvécut ; celui qui avait reçu la toxine mourut après T jours. On constata de l'hyperémie péritonéale avec léger épanchement séreux, de l'hyperémie du foie, de la rate et des reins. Cette uniformité des résultats nous a engagés à répéter l’ex- périence avec des doses plus faibles : 1/10 de c. c. de culture de 48 heures et 1/10 de c. c. de toxine diphtérique. Sur six cobayes ainsi traités, 2 sont morts en 48 heures, un en 6 jours, un autre en 7 jours. Deux ont survécu: Deux animaux témoins ayant recu les mêmes doses, l’un de culture, l’autre de toxine, ont sur” vécu aussi. Il semble donc que l'injection simultanée de culture et de toxine accélère la mort de l’animal, en superposant les deux virulences, insuffisantes séparément. b) Quatre cobayes furent inoculés avec 1/10 de c. c. d’une cul- ture de 48 heures de coli-bacille, et deux jours après avec 1/50 de c. ce. de toxine diphtérique; quatre autres reçurent, à ce mo- ment, seulement 1/50 de c. c. de la même toxine. Tous ces ani- maux moururentau bout de 4 à 5 jours de l’inoculation toxique, sans différences notables entre le premier et le second groupe. c) Les cultures filtrées de coli-bacille dont nous nous ser- vons ne tuent pas les animaux à doses élevées, mais produisent une diminution considérable du poids. Ces conditions nous ont ‘paru bonnes pour rechercher si la diminution de résistance vitale produite par cette toxine rendrait l'organisme plus sensible à la toxine diphtérique. Quatre cobayes de poids à peu près égal ont reçu en cinq jours, dans le péritoine, chacun 5 c. c. d’une culture filtrée de coli-bacille, âgée de45 jours. Au bout de ces 5 jours, ils avaient perdu de 1/6 à 1/8 de leur poids. Le 7° jour, ces 4 cobayes et 2 cobayes témoins ont reçu 1/25 de c. c. de toxine diphtérique. Ils sont tous morts en #0 ou 60 heures. La même expérience a été recommencée dans les mêmes con- .ditions, avec 5 c.c. de culture par jour, et1/50 de c. c. de toxine diphtérique le T° jour. Les 6 animaux sont morts en 4 à 5 jours. Une nouvelle expérience faite de même avec 1 c.c. par jour de culture de coli-bacille et 1/60 de c. c. de toxine diphtérique a donné de même 6 morts en 4-5 jours. L’inoculation de la culture filtrée du coli-bacille semble 392 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. donc n’avoir aucune influence sur l’action de la toxine dipthéri- que, tandis que l’inoculation du coli-bacille en à une. Le domaine pathologique du bacillus coli s'étend de plus en plus. Après avoir été considéré comme un microbe banal, ce bacille nous apparaît comme un ennemi intime, prêt à profiter” de toutes les défaillances, et à jouer un rôle dans les affections les plus variées des organes. L'équilibre ordinaire se romptsou- vent à son profit, et il se renforce, soit à l'intérieur, soit à l’ex- térieur de l'organisme. En ce qui regarde la bouche et le pharynx, dont il est l'hôte permanent, il a été donné comme cause de l’'amygdalite chronique (Lermoyez, Hélène, Barbier), de l’angine scarlatineuse (Bourges), des syphilides diphtéroïdes de la bouche (Hudelo et Bourges). Widal l’a trouvé associé au streplocoque, dans un abcès du pharynx. Mes expériences mon- trent qu’associé avec le bacille de Lüffler, il aggrave l'infection diphtérique; cette association, quand on la rencontre, aggrave donc aussi le pronostic. Palerme, avril 4896. DEP EAIT CONGEIL.E Par E. DUCLAUX. Tous les moyens qui permettent de transporter, sans danger de le voir se détériorer, le lait à de grandes distances, et de le faire arriver ainsi des régions où il est abondant dans celles où il est rare, méritent d'arrêter l'attention du savant et de l’indus- triel. De cet ordre est la pratique nouvelle, qui commence à se répandre, et qui consiste à congeler le lait pour le faire voyager sous forme de glaçons. Si on n’est pas arrivé plus tôt à cette pratique, c’est qu’elle était défendue par un préjugé. On sait par l'expérience des pays froids, dans lesquels l'approvisionnement des villes se fait par des laitières venant le matin de la campagne, que lorsque le lait arrive gelé au consommateur, il a pris un goût et n’a plus sa saveur ordinaire. Souvent aussi, il donne moins de crème. Nous allons trouver dans ur instant la raison de ces défauts très réels. Mais il est heureux que l’industrie ne les ait pas crus inévitables et'ait essayé à nouveau le transport du lait congelé, à l’aide des machines réfrigérantes qui sont devenues si rapide- ment industrielles. La maison Gillay, de Lille, expédie par exemple à Paris des caisses simplement fermées par un couvercle, revêtues de fer- blanc à l’intérieur, de façon à être étanches, et contenant chacune des pains de laït congelé, en forme de tablettes plates. D'après les renseignements qui m'ont été très obligeamment communi- qués par M. Gillay, le lait est d'abord pasteurisé, puis envoyé dans un bain réfrigérant à 25°, dans une caisse métallique plate. La prise en masse se fait presque immédiatement. Des aiguilles cristallines s’implantent perpendiculairement sur les parois de la caisse et s'étendent de là jusqu’au milieu de la masse, de sorte que lorsqu'on retire la masse de son moule, on a une tablette résistante, plus friable sur son plan médian, c’est-à-dire sur la 394 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. surface où les deux assises de cristaux sont venues se rencontrer et s’enchevêtrer. Ces gâteaux sont pourtant très maniables ; on les range à côté les uns des autres et debout dans la caisse, en- les séparant par un certain intervalle pour qu'ils ne se touchent, el ne se soudent pas. Comme ils sont très froids quand ils y entrent, ils y résistent très. bien à la fusion, et le transport en chemin de fer se fait comme celui de corps solides. Il faut seule- ment avoir la précaution de placer toujours à plat, et sans jamais les renverser, les caisses qui les contiennent. Quelque temps après leur préparation, ces parallélipipèdes de glace subissent en apparence une transformation singulière. Ils étaient jaunâtres à l’origine ; ils blanchissent et nn plus transparents. La région par laquelle commence cette modi- fication est variable. Dans une des caisses que j'avais reçues de Lille, et qui était restée 24 heures à la glacière sans subir de fusion bien sensible, c’étaient les parties les plus hautes du pain qui étaient les plus blanches. La partie inférieure avait au con- traire conservé sa teinte normale. J'ai fait détacher dans le haut et le bas du pain deux ani de un kilo chacune que j'ai laissé fondre séparément, et que j'ai soumises à l’analyse en distinguant, conformément à la méthode que j'ai donnée :, entre les éléments en suspension et en solution. Voici quelques chiffres trouvés : PARTIE SUPÉRIEURE PARTIE INFÉRIEURE UE — PE LR a —, Eléments En En En en suspension, solution, suspension. solution. Matière grasse ,...... 9,13 — JT2 —— Suere de lait... — 4,19 ee 4,88 CASÉME RER 2,56 0,21 3,91 0,34 Phosphate de chaux... 0,17 0,12 0,24 0,16 Sels solubles ......... — 0,28 — 0,36 ),46 4,80 6,87 5,14 7 D EE Résidu totalis..,...: 40,26 42,61 En comparant en gros ces deux analyses, on voit tout de suite que le liquide provenant de la fonte de la partie inférieure du pain est plus riche que celui de la partie supérieure. Leur composition à tous deux est normale, mais l’un est plus dilué que le lait initial, l’autre est plus concentré. En se rappelant alors ce qui se passe dans la congélation des mélanges hétéro- 4. Le Lait. Paris, J. Baïllière et fils, 1894. SUR LE LAIT CONGELÉ. 395 gènes, on voit tout de suite la cause de ce phénomène. Ce qui s’est congelé est surtout de l’eau, dont les cristaux, en s’enche- vêtrant, ont retenu, à la façon d’une éponge, une dissolution plus concentrée des matières en dissolution et en suspension dans le lait. L'ensemble peut faire une masse assez solide pour être maniée; mais, en abandonnant au repos ce mélange hétéro- gène, ilse disloque, le liquide concentré des couches supérieures descend peu à peu dans les couches inférieures, et lorsqu'on fait fondre ces couches dont les unes sont appauvries et les autres enrichies, on trouve des différences comme celles que nous venons de relever. Voilà le gros du phénomène. Mais il présente dans le détail quelques particularités que nous devons noter. Ainsi la matière grasse n’a pas suivi dans son mouvement de descente le lait concentré qui imprégnait les cristaux. Le lait du bas est un peu moins riche en beurre que le lait du haut. C’est que les globules de matière grasse se sont solidifiés à la basse température à laquelle on les a portés, et se sont collés aux cristaux de glace, qu'ils ne quittent qu’au moment où ces cristaux fondent. C'est ce dont on s’apercçoit très bien quand on laisse les prismes de lait congelé se fondre dans la eaisse qui les contient. À mesure que la masse se désagrège et se ramollit, le lait concentré qu’elle contient l'abandonne et forme au fond de la caisse une couche que surnagent des glaçons de plus en plus transparents. Ces glaçons fondent naturellement de préférence par leur par- lie supérieure, et, à mesure qu'elle s’affaisse, on la voit se couvrir d'une écume de plus en plus épaisse, formée des globules gras, que le travail de fusion a remis en liberté. De là résulte que le lait n'a repris sa constitution initiale que lorsque tout le glaçon est fondu, et nous nous expliquons les changements de goût qu'on relevait parfois dans le lait congelé lorsqu'on allait le puiser dans des vases où la congélation avait été partielle. Ce qu'on retirait à l’état liquide, au début de la fusion, c'était du lait concentré et privé de matière grasse # ce n’était pas du lait normal. Ce qui restait et qu'on retrouvait, une fois la fusion terminée, était au contraire du lait moins concentré qui pouvait arriver à être de l’eau presque pure. Lorsqu'on laisse, au contraire, les glaçons se fondre complètement et qu'on brasse un peu la masse, de façon à en assurer l’homogé- 396 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR néilé, on ne trouve aucun goût particulier à ce lait congelé. La moindre pasteurisalion, même faite avec précaution et à aussi basse température que possible, change le goût bien davantage.” L'étude de la caséine et du phosphate de chaux couduisent aussi à une conclusion intéressante. Ces deux corps existent à l’état de suspension et à l'état de solution, mais la partie en suspension ne l’est pas à la façon de la matière grasse, etadhère plus fortement à l’eau qui l’entraine avec elle en se retirant. Le phosphate de chaux, à l’état d'éléments très fins et à peine per- ceptibles au microscope, Suit dans son mouvement la caséine dans laquelle il est englobé, et cela explique que les éléments en suspension, autres que le beurre, se comportent comme le sucre de lait ou les sels solubles. Il ne reste, en effet, presque aucune trace de caséine ni de phosphate de chaux dans les derniers glaçons qu'on trouve flot- tants à la surface du liquide quand celui-ci est aux 5/6 fondu. En les laissant égoutter pendant quelques instants, pour les débarrasser du liquide qui les baigne, puis en les faisant fondre, on obtient un liquide louche et ayant un peu l’aspect du lait parce qu'il contient une foule de globules gras. Mais ces glo- bules raidis ne passent pas à la filtration, et on en sépare facile- ment un liquide limpide, incolore. Un de ces liquides, étudié, avait la composition suivante : Matière grasse. LAC ERREURS 0,62 0/0 Caséine, sucre de lait...... 0,02 CENULES MAMELER! CARPE TE 0,01 c'était donc de l’eau presque pure, avec un peu de matière grasse en émulsion. IT Après avoir fait les constatations qui précèdent, je me suis demandé ce qui arriverait si on maintenait un de ces glaçons de Jait dans sa caisse, en le laissant s’égoutter et fondre lentement, et en séparant les divers liquides qui s'en écoulent. On devait avoir, à l’origine, un lait très concentré,'puis des laits de plus en plus’aqueux, jusqu’à de l’eau pure ou à peine troublée par des globules en suspension. C’est ce que j'ai fait sur un second envoi. J’en ai retiré, sitôt SUR LE LAIT CONGELÉ. 397 que je l’ai reçu, un glaçon du poids de 1 kilogramme environ, que j'ai mis dans uu vase de verre dont il ne touchait pas le fond, et que j'ai laissé enfermé dans la caisse, de façon à ce qu'il passe par toutes ses variations de température. Quand il y avait 200 à 250 c. c. de liquide, je le décantais, et j’ai ainsi obtenu 4 pro- duits de fusion dont voici l'analyse . {re PARTIE 26 PARTIE 3e PARTIE 4e PARTIE _ RS A, TT s Eléments En En En En En Snspension, en suspension. Solution. suspension. Solution. suspension. Solution. solution. Mat. grasse... 0,24 — 0,10 — 0,18 — — Sucre de lait. — 12,92 — 4,05 — 1,94 } 0.04 Castiner er 149 0,47 Baie 0,39 0,63 0,98 }) ? Ph. de chaux. 0,22 0,63 0,15 0,27 0,02 0,10 } 0.01 Sels solubles... — 0,78 — 0,25 — Don 7e 5,65 14,80 3,38 4,96 DOTE a — € D D 20,45 8,94 2,87 0,05 On voit que les liquides d'écoulement du glaçon étaient à l'origine du lait extrèmement riche, puis, de plus en plus appauvri, de façon à aboutir à de l’eau pure. L'étude de ces liquides est intéressante à divers points de vue. D'abord, on voit qu'ils sont tous très pauvres en matiè:e grasse. Toute celle qui était contenue dans la masse de lait soumise à l'expérience était, en effet, restée adhérente aux derniers glaçons fondus, el a été séparée par le filtre pour l'étude de la 4° partie, de sorte qu'on n’a pas cherché ce qu’il y en avait dans le lait originel. En admettant que, comme dans Je lait précédent, il y en avait autant que de caséine, on voit que les premières portions de liquide écoulé auraient contenu de 26 à 28 0/0 de matière solide, c’est-à-dire plus du double de ce que contien{ le lait normal. La congélation est donc un moyen de séparer d’un coup plus de la moitié de l'eau contenue dans le lait, et on pourrait facilement dépasser cette limite. Le sucre de lait, la caséine et le phosphate de chaux n'ont pas, dans les trois parties du lait analysées, la même loi de décroissance. En d’autres termes, et en ce qui concerne ces éléments, la seconde et la troisième partie du liquide ne peuvent pas provenir de la dilution de la première avec les eaux du glacon. De la première à la seconde, la caséine ne tombe pas à la moitié, tandis que le sucre de lait tombe au tiers. Le sucre 398 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. de lait s'était donc plus facilement séparé de la masse que la caséine, au commencement de la fonte. Il faut rapprocher cette conclusion de cette autre, mise en évidence dans les chiffres” relatifs au phosphate de chaux, que, dans tous les échantillons, la quantité de phosphate de chaux en suspension est plus faible que la quantité en solution. C’est l'inverse dans les laits normaux, où le phosphate en suspension dépasse toujours le phosphate, en solution, mais pour peu que le liquide soit acide, le rapport se renverse, et c'est ce qui était arrivé ici. Le lait avait été refroidi après un commencement d’altération qui, en outre, avait donné à la caséine une consistance plus grumeleuse et l'avait rendue plus adhérente aux glaçons. La distribution des matières entre. la partie liquide et la partie solide ne se fait donc pas toujours de la même manière, mais on voit que toujours, pour reconstituer le lait dans toute son intégrité, il faut attendre que tous les glacons soient fondus. A cette condition, la méthode est excellente. Le lait,parti en bom état, peut arriver en bon état à toutes les distances, et cette solution du problème est bien supérieure à la pasteurisation. I Ce n’est pas tout, et la question peut encore être envisagée à un autre point de vue. Nous venons de voir que dans du lait qu’on refroidit, ce qui cristaliise et se sépare à l’état solide, c’est de l’eau, pendant que tout ce ‘qui est en solution ou en suspen- sion dans le liquide se concentre entre les mailles du réseau cristallin. Ne serait-il pas possible de préparer de cette façon du lait condensé? | On sait que ce lait se prépare en ce moment en soumettant le lait à l’évaporation dans le vide..On sait aussi les difficultés nombreuses que rencontre cette évaporation, les appareils com- pliqués qu’elle nécessite, la saveur qu’elle communique au pro- duit. Il serait évidemment bien plus facile d’enlever l’eau par congélation. Un appareil réfrigérant, une turbine suffiraient à partager le lait en deux parties, une formée d'eau presque pure, une où se trouverait réunie toute la matière alimentaire. De plus, un calcul très facile à faire montre que, si on met en regard les calories négatives nécessaires à la congélation à —— 10° ou — 15° SUR LE LAIT CONGELÉ. 399 et la force consommée par le turbinage d’un côté, de l’autre les calories positives nécessaires pour évaporer le lait dans le vide fourni par les machines industrielles et la force consommée par ces machines, l’économie est dans la première combinaison. Il y aurait donc un intérèt industrie} à enlever l’eau par la congélation au lieu de Ja distiller, comme on le fait dans la fabrication du sucre ou du lait condensé. Pour le lait, il est mème facile, avec ce que nous savons des propriétés générales du lait, et ce que nous venons d'apprendre dans les chapitres précédents, de dire à l’avance comment vont se comporter les principaux éléments du lait pendant la congélation et le turbinage. La matière grasse, nous l’avons vu, adhère facilement aux cristaux de glace. La partie restée liquide du lait, en filtrant au travers des mailles du réseau, devra évidemment y laisser quel- ques-uns de ses globules. De là, une perte d'autant plus fâcheuse que le beurre compte parmi les matériaux du lait les plus estimés. Mais cet inconvénient est facile à éviter en sou- mettant le lait, avant ia réfrigération, à l’écrémage centrifuge, qui n'y laisse qu’une quantité très faible de matière grasse qui n’est du reste pas totalement perdue. Une fois le lait amené par congélation au degré de concentration voulu, on lui restitue sa crème. La caséine est en partie en suspension, partie en solution. Ces deux parties se comportent de mème pendant la congélation, et se concentrent toutes deux dans la portion restée liquide. Les cristaux n’en retiennent que ce qu'un cristal retient toujours de son eau mère, c’est-à-dire très peu. On peut encore diminuer la perte provenant de ce chef en empêchant les cristaux de glace de s’enchevêtrer les uns dans les autres, en agitant par exemple le liquide pendant qu'ils se forment. Le sucre de lait se comporte comme la caséine. Les cristaux bien essorés n’en retiennent que des traces. Le phosphate de chaux en suspension suit’la caséine en sus- pension avec laquelle ilest émulsionné. Le phosphate en solution et les cendres solubles se comportent comme le sucre de lait. En somme on peut arriver, théoriquement et même pratique- ment, comme le montrent les analyses ci-dessus, à ne retirer du lait que de la glace presque pure, el ici la question se posait de 400 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. savoir s’il valait mieux turbiner la masse congelée ou la laisser s égoutter spontanément. Le second procédé est évidemment plus lent; mais il dis-- pense de l’emploi des turbines, instruments encombrants et toujours dangereux. La fusion superficielle que subissent les cristaux égouttés a l’avantage de produire un lavage spontané qu'on peut arrêter quand on veut, en surveillant la densité du liquide qui s'écoule, mais le rendement est-il aussi grand par cette méthode que par le turbinage ? Bien que Paris soit un milieu aussi hostile que possible aux études laitières. j'ai essayé de résoudre cette question avec l'aide d'un jeune ingénieur agronome de l'Institut agronomique, M. P. Pacottet, qui a fait son œuvre avec beaucoup de soin et d'intelligence. Nous n’avions malheureusement à notre disposi- tion qu’un cryogène Cailletet, où il fallait abandonner la congé- lation à elle-même, sans agiter le liquide, et une petite turbine à main, dont la vitesse maximum restait très éloignée de celle des turbines industrielles. On a opéré sur du lait, acheté et payé comme pur, mais sûrement écrémé, et dont on a fait l’analyse. Deux fractions à peu près égales de ce lait ont été ensuite sou- mises ensemble dans le cryogène à la congélation. L’une de ces deux masses de glace a été broyée grossièrement, de façon à former une masse sableuse qu'on a turbinée et partagée ainsi en deux parties égales, l’une de lait concentré, l’autre de glace laiteuse. La seconde masse de lait congelé a été broyée de son côlé et laissée à égouiter jusqu'à ce qu’elle ait donné la moitié environ de son poids de liquide. Comme l'opération a été faite en juin, il v a eu un peu de fusion des cristaux, dont l’eau a servi au lavage de la masse, Voici les résultats de l’analyse, faite par M. Pacottet, du lait initial et des deux parties soumises à la con- gélation. Lait d'expérience. 500 c. c. Lait turbiné. 550 c. c. Lait égoutté. EE A L. concentré Résidu L. concentré Résidu 250 c.c. 250 cc. 250"c. c. 300 c. c. Dénsite. RER 1033 1056 1010 1062 1012 Matière grasse... 2,100/0 3,26 0,93 2,81 0,90 Caséine......... 3,14 D,24 2,26 5,09 0,20 Sucre de lait..... 3,80 6,40 1,60 6,30 1,40 Phosphate de chaux. 0,37 0,60 0,13 0,58 0,28 Autres sels...... 0.39 0,60 0,18 0,42 0,32 Extrait total... 10,40 15,80 5,10 18,70 3,10 SUR LE LAIT CONGELÉ. 401 Envisagés en gros, ces chiffres appellent une observation. Ils témoignent d’un rendement industriel tout à fait insuffisant. On ne pourrait pas laisser dans les résidus des quantités de matières aussi grandes, comprenant entre le 1/3 etle 1/5 des éléments du lait, c’est-à-dire, en tenant compte de la dilution, du 1/6 au 41/10 de la totalité des matériaux contenus dans le lait soumis à l'expérience. Mais il faut remarquer que nous n'étions pas dans les conditions industrielles. Notre turbine était très faible, les cristaux soumis à l’essorage ou à l’égouttage étaient insuffisam- ment broyés, et les portions les plus compactes s’essoraient ou s’égouttaient plus lentement et plus difficilement que les autres. Il ne faut donc pas demander à ces nombres la solution de la question industrielle, mais seulement une comparaison entre les effets de l’essorage et de l’égouttage sur un même lait. C'est à ce point de vue que nous allons nous placer pour les envisager. Les chiffres correspondants aux deux laits congelés ne sont pas immédiatement comparables, le lait égoutté n’ayant pas été partagé comme l’autre en deux parties égales. C’est à cela qu'il faut attribuer la forte proportion de caséine dans les égouts du lait abandonné à lui-même. Mais en remarquant que le résidu du lait égoutté, bien que comprenant une plus forte proportion de la masse que dans le cas du lait turbiné, est pourtant plus pauvre, on conclut, même de cet essaiimparfait, que l’égouttage est supérieur au turbinage. Sur deux points cependant, le lait turbiné l'emporte. Le phosphate de chaux et les sels restent plus abondants dans le résidu du laitégoutté. La raison dece faitm'échappe. Au sujetde la matière grasse, on peutremarquer queles chiffres, dans les deux fractions du lait égoutté, sont tous les deux inférieurs aux chiffres correspondants du lait turbiné. Il y a donc une perte, qui tient à ce que les globules de beurre restent plus adhérents aux cris- taux de glace, quand ils n’en sont pas chassés par le turbinage, et y formentcettesorte de crème que j'ai signalée plus haut, qu'on trouve à la surface du glaçon quand il se fond. Cette perte est facile à éviter par un écrémage préalable à la centrifuge, comme je l'ai indiqué. En somme, la meilleure pratique, et la plus économique quand on veut obtenir du lait concentré par congélation, est donc de laisser égoutter, en les abondonnant à eux-mêmes, les gla- 26 402 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. çons du lait réfrigéré. Il n’a pas à craindre l’action des microbes pendant cette opération, à cause de sa basse température. On. peut à chaque congélation enlever à l’état de glace à peu près pure la moitié de l’eau que contient le lait, et, par conséquent, en 2 opéralions successives, obtenir du lait condensé au quart de son volume initial. C’est à peu près le degré de concentration industrielle. Le liquide qu'on obtient ainsi est sirupeux et même visqueux. Sa saveur sucrée est extrèmement accusée, à cause de la concentration atteinte par le sucre de lait. 1l est inutile de l’additionner de sucre, car il supporte bien la stérilisation et se conserve ensuite sans s’altérer. Il forme après chauffage une masse un peu plus pâteuse, très facile à délayer dans l’eau. L’in- dustrie du lait condensé pourra peut-être trouver son profit à connaître ces détails, et c’est pour cela que je les publie. LETTRE DE M. ARMAND GAUTIER au sujet d'une Revue critique de M. E. Duclaux parue dans les Annales de l'Institut Pasteur (25 avril 1896). Dans une Revue critique, publiée dans ces Annales (25 avril 1896), M. E. Duclaux, examinant les diverses méthodes destinées à déceler les falsifications des substances alimentaires, arrive à formuler son avis sur la règle que j'ai donnée comme un précieux indice pour déceler l’addition d’eau aux vins rouges. Après avoir dit (comme des autres méthodes, du reste, qui toutes ont la mauvaise fortune d’encourir sa désapprobation), que cette règle ne mérite aucune confiance, il ajoute (page 250) : « Elle table, en effet, sur un état moyen pour un vignoble déter- miné, et ne tient compte ni des crus, ni des cépages, ni des différences de maturité au moment de la vendange... Je n’insiste pas sur cette cri- tique qui prend, sans que je le veuille, un air cruel. Je ne peux pour- tant pas ne pas dire les défauts des méthodes auxquelles on accorde trop souvent une aveugle confiance et qui ont servi à motiver des mil- liers de condamnations dont un grand nombre sûrement étaient immé- ritées.… Ne vaut-il pas mieux dire honnétement au public : Nous ne répondons de rien, nos méthodes pour nous renseigner sont trop imparfaites? » Ainsi, de par l’autorité de mon excellent confrère de l’Académie, me voici pris en flagrant délit de paternité d’une prétendue règle manifestement bâtarde et fausse, et qui, pis est, responsable de mil- liers de condamnations imméritées. Cette sévère censure est-elle justifiée? La règle à laquelle il est ici fait allusion est celle dite de la somme alcool-acide: elle a trait à la recherche très délicate de l’addition d’eau ou mouillage des vins. La voici telle que je la donne dans mon petit Ouvrage :-Sophistications et analyse des vins (4 édition, p- 153) : D 40% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. « Pour les vins rouges les plus différents d’origine et de cépage, la somme des poids de l'alcool et de l’acidité totale (calculée en SO‘H?), ne varie que dans limites très étroites. En effet, si l’on additionne, pour un vin, le chiffre indiquant son titre alcoolique centésimal et celui qui donne, par litre, le poids en acide sulfurique de son acidité totale, on obtiendra toujours pour les vins rouges non additionnés d’eau un nombre égal ou supérieur à 13 et dépassant rarement 17. Cette règle est très générale; elle ne comporte que peu d’exceptions pour les vins de certains cépages assez rares, et que nous indique- ons. » De telle sorte que, sauf quelques cas dont je parlerai plus loin, si cette somme alcool-acide est inférieure à 12,5, le vin, s’il est nouveau (car l'alcool et l’acide disparaissent en partie par vieillissement en s’éthérifiant mutuellement), sera généralement mélangé d’eau. Cette règle adoptée aujourd'hui, avec ces réserves, à la fois par les Conseils du ministère du Commerce, par tous les experts aux tribu- naux, par les marchands de vins bien décidés à se défendre, et par les chimistes qui les conseillent, me semble tirer une certaine force de cet unanime assentiment d'intérêts contradictoires, et je pourrais m'en tenir à cet argument. Mais il ne me parait avoir beaucoup frappé M. Duclaux, et s’il peut être convaincu (Pourquoi pas?), les chiffres suivants l’y aideront certainement. Voici un tableau où, dans la 3° colonne, je donne la moyenne de la somme alcool-acide, non pour un cépage ou un cru déterminé, mais pour tous les vins, d'origines les plus diverses, dont j'ai pu me procu- rer des analyses complètes. Cette 3° colonne, colonne des moyennes, en résume des centaines, des milliers peut-être, Dans chacune des séries d'analyses que résume cette 3° colonne, J'ai pris ensuite celui de tous les vins analysés où la somme w/cool-acide était minimum, et j'ai formé de ces minimums la 4° colonne du tableau. S'il y a des exceptions à ma règle, si le chiffre a/cool-acide s'abaisse quelquefois pour les vins naturels nouveaux au-dessous du chiffre 12,5, ces exceptions se trouveront inscrites dans la 4 colonne du tableau suivant. LETTRE DE M. ARMAND GAUTIER. 405 . TABLEAU RELATIF À LA RÈGLE @lcool-acide. MOYENNES DE LA SOMME MINIMA AUTEURS alcool-acide DE LA SOMME ORIGINE DES VINS d’après len- alcool-acide DES ANALYSES semble d'après ces des analyses [mêmes analyses. connues, M RS Eee ù Vins français. Vins ordinaires du Médoc, ..… Houdart. 14,1 12,50 Vins ordinaires de la Gironde, |Laborat. municipal. (Documents 1885.) 14,9 13,56 Vins de Bordeaux (grands crus ARABAEANS) REA EE ee id. 13,4 19,44 1 Vins de Bordeaux (grands crus, vins âgés de plusieurs années). Fauré. 195 Vins de Bordeaux (entre-deux| Gayon, Blarez et IMETS MUOUES) LL À Dubourg. 14,64 19,9 Vins de Bordeaux (entre-deux . IDE CS AP ALUS) LE A LOTS NAREE id. 15,78 13,3 Bourgognes (moyenne de MOTO SICLUS) RSR Le Le PIC Vergnette-Lamothe. 15,6 13,0 Bourgognes ordinaires, ....... Laborat. municipal, 13,2 12,45 Bourgognes ordinaires, autre STATE PEUR —SRPÈI RRSS id. 14,7 13,0 Vins de l'Hérault (vins com- muns A#élangés d'Aramon). id. 12,4 11,38 Vins de l'Hérault (ordinaires, sans ou peu d’Aramon)...... ide 14,0 12,9 Vinstle Aude EN e id. 14,7 19,49 NATISEONLE GAL UE RENE EURE id. 14,0 12,40 MNins de la Loiret re ne id. 15,6 11,40 4 VINS AU IG erS ER TERRE id. 14,0 MINSIAAISACEMAR ER NE ES Goppelsræder. 3,9 13,8 Vins étrangers. NATURES TR ENT Goppelsræder. 16,0 15,4 Vins de Margraviat,.... Ses RE id. 13,1 19,9 VINS SUISSES A de dope id. 1575 12,8 MARS ALATERS LPUMRRE.E "CNRT Fausto Sestini. 16,0 12,16: 5 Minside Sardaigne 7.40 0" id, 15,6 16,5 Vins de Crimée ST ER OR R Salomon. 172 13,0 1. Vins âgés de plusieurs années auxquels la règle alcool-acide ne s'apptique plus. 2. Même observation. 3. Les vins mélangés d’Aramon ne répondent pas, ainsi qu'on le verra plus loin, à la règle, alcool-acide. 4. Prosablement, un vin analysé tel qu'on le consomme, c’est-à-dire après quelques années,# quand l'alcool et l'acide s'étaient éthérifiés. LENS Vin du Haut-P6, âgé de plus d’un an, envoyé à l'Exposition de Vienne. 406 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. Ainsi, sauf le cas des vins vieux de Bordeaux (et la règle alcool- acide ne s’applique qu'aux vins de l’année) et celui des vins mélangés d'Aramon auxquels la règle ne s'applique plus, ainsi que je l'ai fait observer avec insistance dans mon ouvrage, la moyenne de la somme alcool-acide ne s’abaisse jamais au-dessous de 13, fait déjà important à constater. Mais ce qui est plus instructif encore, c’est que si l'on prend l’ensemble des centaines, des milliers peut-être d'analyses de vins authentiques que représente ce tableau, les cas où le minimum de ‘cette somme «alcool-acide tombe au-dessous de 12,5 sont d’une rareté extrême. En effet, si de la 4€ colonne de notre tableau, nous distrayons le chiffre 12,1 relatif aux grands crus de Bordeaux généralement analvsés tels qu'on les consomme, c’est-à-dire de 4 à 8 ans, et ceux de 11, 3 et 12,40, relatifs aux vins de l'Hérault et du Gard, mélangés d'Aramon, deux cas auxquels ma règle ne s’applique plus, comme jel’ai remarqué expressément dans mon Traité des Sophistications (4° édition, p. 157), il reste le chiffre 12,45, minimum présenté par quelques bourgognes, chiffre qui se rapproche singulièrement de 12,50, et le chiffre 11,40 donné par un vin de la Loire, le seul qui sorte franchement de la règle, mais sur lequel je n’ai pu avoir de renseignements précis, et qui était très probablement un vin vieux. Ainsi, sur ces milliers d'analyses de vins de tout cépage, de tout pays, de tout état de maturité, on ne peut citer que quelques raris- simes analyses faites dans des conditions mal déterminées, peut-être sur des vins vieux, comme des exceptions douteuses à ma règle. On voit combien est mal fondée l'observation de mon honorable contradicteur, lorsqu'il éerit : « Cette règle table sur un état moyen, pour un vignoble déterminé; elle ne tient compte ni des crus, ni des cépages, ni des différences de maturité. » Si avant de critiquer avec cette assurance un de ses confrères et de lui rappeler ce qu’il devrait dire, suivant lui, honnétement au public, M. Duclaux avait Ju la page 154 de mes Sophistications, il eut vu que le tableau que jy donne, était, comme le précédent, établi non sur des moyennes, sur des vins d’un cru, d’une contrée déterminée, mais unique- ment sur des cas particuliers fournis par le hasard des analyses sur les crus, les cépages, les contrées les plus variées, françaises ou étrangères. Du reste, un seul mot suffirait pour établir que je n’ai jamais voulu donner cette règle comme une loi sans appel. À la page 161 de mon petit Traité, Je dis à propos de cette règle : « Il ne faudrait pas considérer les indications de cette règle comme absolues, mais comme très probables. Il est bon de confirmer ce précieux indice, surtout dans È LETTRE DE M. ARMAND GAUTIER. 407 les cas limites, par une analyse approfondie des vins, et par les consi- dérations ci-dessus indiquées qu’on tire de cette analyse. » Ce serait donc bien malgré moi, et malgré mes conseils, qu’on aurait accordé à cette règle une aveugle confiance, et l’on me repro- cherait à tort avec mon distingué confrère qui, sans doute, ignorait ces textes et en a quelque regret, des milliers de condamnations dont un grand nombre étaient imméritées. J'ai indiqué la somme alcool-acide comme un précieux indice du mouillage, etje crois avoir ainsi bien mérité des commerçants hono- rables qui ont tous accepté cette règle, et des chimistes experts, qui, avant qu’elle ne fût connue, ont pu être conduits quelquefois à con- clure à l'addition d’eau d’après le faible poids d'extrait sec comme on le faisait autrefois. Loin d’exposer à des condamnations imméritées, cette règle permettrait aux fraudeurs (si l’on ne corroborait cette précieuse indication par les autres déterminations analytiques) de bénéficier des cas nombreux où la somme «alcool-acide dépasse nota- blement le chiffre 13. Mais je n’ai jamais dit ou pensé que cette règle ou toute autre, fût une preuve sans appel. Je suis plusieurs fois revenu dans monlivre des Sophistications sur ce principe qu’on ne doit jamais conclure à la fraude d’après un caractère unique, fut-ce la règle alcool- acide, malgré sa très grande généralité. A la p. 217 de mon Ouvrage, Je dis à ce sujet : L’expert ne doit jamais déclarer qu’un vin est fraudé d’après l'absence ou la constatation de l’un des caractères ci-dessus. Il devra se garder d’affirmer l’addition de telle ou telle matière, sur une réaction unique, fut-elle donnée comme caractéristique. » Aux Annales de l’Institut Pasteur, M. Duclaux s’est particulièrement réservé la critique. Il laisse les savants français ou étrangers faire paraître dans cet excellent Recueil leurs travaux originaux, leurs découvertes ou leurs méthodes. A son tour dans ses Revues fort instructives, pleines de faits, M. Duclaux fait passer à la filière de son esprit subtil les travaux des autres. On vient de voir qu’il ne réussit pas toujours. Pour jouer ce rôle, il faut l'autorité qu’il a, mais il faut aussi une certaine bienveillance ; et je serais presque tenté de me rappeler ce mot de La Bruyère : « La critique souvent n'est pas une science; c’est un métier où il faut plus de santé que d'esprit, plus de travail que de capacité, plus d’habileté que de génie. » Mais mon excellent confrère est une intelligence fine et cultivée; il ne lui manque ni l'esprit, ni la capacité, et il n’est pas besoin de lui rappeler ses classiques. | ARMAND (GAUTIER. RÉPONSE À M. ARMAND GAUTIER Je suis désolé que mon excellent confrère, M. le Prof. Armand Gautier, se soit senti atteint par ma critique, car, en vérité, je ne l'avais pas visé. J'avais pris soin de dire en général que je rendais toute justice « aux savants qui s'appliquent à endiguer le torrent des falsi- fications ». J'avais ajouté que sa méthode « était une des meilleures parmi celles qu'on pouvait employer ». Seulement je la trouvais en même temps insuffisante et dangereuse, et je lai dit tout haut, sui- vant mon habitude, et à mes risques et périls. Cette confession faite, il m’est impossible de ne pas remarquer que mon excellent confrère aurait pu se dispenser de me répondre, car il me donne raison sur tous les points. J'avais dit que sa règle « ne tenait compte ni des crus, ni des cépages, ni des conditions de matu- rité ». Au sujet des crus, J'ai son aveu que la règle ne s'applique qu'aux vins jeunes de Bordeaux; au sujet des cépages, j'ai son aveu relatif aux vins mélangés d'aramon. Il est vrai que mon éminent con- frère ajoute de suite que les exceptions provenant de ce fait sont «ra- rissimes ». Pour qui sait la place que l’aramon tient dans le vignoble de l'Hérault, il paraîtra difficile qu’il y ait si peu de vins mélangés d'aramon. Et, en effet, M. A. Gautier n’a qu'à se rapporter aux tableaux analytiques publiés en 1890, à Montpellier, par MM. Roos, Giraud et David, pour se convaincre que les vins mélangés d’aramon sont en majorité. Ces savants se sont proposé de donner la composition chimique des vins qu'on récolte en grand, dans l'Hérault, et se sont adressés pour avoir des échantillons, non aux vins d’exposition, toujours un peu cuisinés, mais aux échantillons fournis par les comices agricoles et viticoles. Ils ont analysé ainsi 104 vins rouges et 13 vins blancs, parmi lesquels les vins d'essais (hybridations des vignes américaines avec des cépages français) étaient en petit nombre, 5 ou 6 au plus. Les autres étaient des vins de fabrication courante. Or, sur ces 104 échantillons de vins rouges, il n’y en a pas moins de dix qui n'obéissent pas à la règle de M. A. Gautier, et 4 sur 13 vins blancs. Les voici avec leurs numéros : . RÉPONSE A M. ARMAND GAUTIER. 409 VINS ROUGES Numéros. Cépages. Alcool. Acide, Somme. sl Piqgpoul (Hyb. Bouchet s. Amèr)...., 5,8 5,2 11,0 41 SITES AUV EU EE ER en ce eee 7,5 4,6 42 1 62 Aramon sur Jacquez et Riparia..... 7,6 4,5 12,1 63 Divers sur Jacquez et Riparia. ...... 7,0 4,2 11,2 6% — = » 2 AÉORe 7,8 4,2 12,0 66 APAIDONDESURIRIDATIE eee re ess sc cree 7,0 4,9 11,9 T0 DIVETS SUTARIPATIA. = PE nee 8,3 4,1 19,4 71 ATNO Ee NAENT ER SEC UNS 7,4 4,3 41,7 103 Aramon (submergé)............... LEA T6 4,9 11,7 10% Aramon alic. Bousch. sur Riparia... 7,0 5,4 42,4 VINS BLANCS 416 HerretBonreMdinectee RE ee 8,0 22051025 412 Bigpoutdirecerr ve. RERO 8,9 3,2 11,8 113 I AE ee NS MR. PSN Re 8,0 32) 11,3 114 Terre BOouret directe A MM 5,8 3,9 12,3 Je remarque en outre que tous les vins qui n'obéissent pas à la loi sont des vins pauvres en alcool, provenant de m'oûts peu riches en sucre, et cette remarque suffit pour mettre en jeu les différences de maturité que j'avais relevées dans ma critique. De sorte que je demande à mon tour : que vaut une règle qui expose à se tromper dix fois sur cent pour les vins rouges, et encore plus pour les vins blancs? Et ne vaut-il pas mieux, comme je le proposais, que l’administration qu'on a chargée de réprimer les fraudes dise honnêtement au public : « Vous me croyez armée? il n’en est rien. Protégez-vous vous-même » Je sais bien que M. A. Gautier a toujours dit que sa règle ne méri- tait pas une confiance absolue. C’est à quoi je faisais allusion, dans mon article, en disant que « les chimistes auteurs de ces règles pratiques ne les avaient présentées qu'avec des réserves que les experts et les tribunaux n'avaient pas comprises ou acceptées ». M. A. Gautier insiste à nouveau sur ces réserves, et demande qu’on corrobore la règle, quand on reste indécis, par « les autres déterminations analytiques ». Mais lesquelles? Voici « la meilleure » des règles de jugement qui se trompe dix fois sur cent: Combien de fois se tromperont les autres? Combien faut-il de mauvais arguments pour en faire un bon? et combien d'incertitules pour constituer une certitude ? | Quant à l'argument tiré par M. A. Gautier de ce que sa règle est adoptée généralement par les intéressés, je reconnais qu'il est très heureux qu’il l’ait posée, car on pourrait en voir de plus mauvaises, mais en fait elle n'a que la valeur d’une convention. « Vous voulez que les vins que nous lançons dans le commerce obéissent à la loi de M. A. Gautier, disent les grands négociants, qu'à cela ne tienne! Nous 410 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. avons aussi nos chimistes, et nous sommes outillés pour vous fabri- quer le type que vous voudrez, quel qu’il soit. Vous n'avez qu’à par- ler! Vous avez fait de nous des pharmaciens : nous ne vous demandons qu'un Codex : fiez-vous à nous pour la préparation de nos drogues. Mais si vous vous plaignez, n'oubliez pas que c’est vous qui l’avez voulu. Nous vous donnerions des vins authentiques de Bordeaux, âgés de trois ou quatre ans, ou encore, à meilleur marché, les vins authentiques de l'Hérault analysés plus haut, que les tribunaux nous condamneraient. Alors, nous faisons de la cuisine. » Car voilà à quoi on arrive pour le vin comme pour le lait : la malice des hommes est telle que l’organisation faite pour réprimer la fraude orga- nise la fraude et la rend légale. Beau résultat, ma foi, et qui vaut la peine qu'il donne! En terminant je voudrais répondre un mot au reproche final ‘que me fait mon éminent confrère de manquer de génie et de bienveil- lance. Les génies sont rares : M. Gautier le sait aussi bien que moi. Au sujet de la bienveillance, distinguo, comme on disait dans l'école. Je ne crois pas avoir jamais manqué, en dix années de critique, à la bienveillance envers les personnes. Quant à la bienveillance envers les idées, j'avoue que je ne sais ce que c’est, ni comment elle pourrait : s’accorder avec le progrès scientifique. Noùus sommes obligés, pour avancer, de marcher sur les plates-bandes les uns des autres, et tout ce à quoi on est astreint, en pareille occurrence, est de demander pardon de la liberté grande. Ainsi fais-Je. E. DucLaux. REVUES ET ANALYSES BÉGESRIONSANS MIOROBES REVUE CRITIQUE J'ai déjà signalé aux lecteurs des Annales (1895, p. 896) les curieuses expériences de MM. Nuttall et Thierfelder, qui ont réussi à faire vivre pendant quelques jours de jeunes cobayes, extraits asepti- quement de l’utérus de la mère, à l’aide d'aliments stérilisés, dans des conditions de milieu qui éliminaient la présence des germes, de sorte que, pour la première fois depuis que le monde existe, il se faisait chez eux üne digestion purement physiologique et sans intervention micro- bienne, Les animaux ainsi élevés ne se sont pas montrés notablement inférieurs aux animaux nés et élevés dans les conditions ordinaires, ont augmenté de poids, et, de cela, MM. Nuttall et Thierfelder con- cluent avec raison que l’organisme suffit à son propre travail digestif. On m'a souvent attribué l’opinion,contraire, je ne sais pourquoi. Je m'étais borné à montrer, après avoir prouvé que les diastases digestives ne donnent jamais ni la leucine, ni la tyrosine ou les autres produits aromatiques qu'on rencontre dans les excréments, qu'il fallait admettre, pour les expliquer, une action microbienne intense, que je mettais, d’après quelques expériences, au niveau de la digestion phy- siologique normale. Je n’ai jamais dit qu’elle se substitut à celle-ci. J'ai donc pu saluer sans arrière-pensée l’intéressant travail de MM. Nuttall et Thierfelder. En voici un autre, qui conduit aux mêmes conclusions sur un animal nourri d’une façon différente. Les cobayes des premières expériences ne buvaient que du lait stérilisé. Cet aliment ne suffit que les deux ou trois premiers jours. L'animal semble alors éprouver un véritable besoin d’une nourriture solide, qu’il fallait essayer de lui fournir stérilisée. On ne peut pour cela recourir aux racines qui forment son aliment ordinaire. On ne peut les stériliser qu’en les chauffant, et alors le cobaye n’en veut plus. 4. Nurrazz et THiERFELDER, Vie animale sans bactéries dans le canal digestif. Zeitschr. f. physiologische Chemie. T. XXII. 1896. 412 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Ü On s’est arrêté à l'emploi d’un biscuit anglais, que le jeune cobaye a consenti à consommer en l’absence d’aliments verts, et qui conte- nait environ 7 0/0 de substance azotée, 9 0/0 de matière grasse, 17 0/0 de sucre, 58 0/0 de matière non azotée et 0,2 0/0 de cellulose. Diverses modifications ont été apportées à l’appareil dont nous avons donné en gros la description. On se rappelle que l'animal était placé dans une cloche stérilisée, dans laquelle cireulait un air débarrassé de germes. On y mettait l'animal, une provision de biscuit, de la ouate, destinée à former litière. Un large gant de caoutchoue, passant par une large ouverture latérale, permettait de faire à l’inté- rieur de cette cloche les manipulations nécessaires sans y faire entrer de germes. Le lait était fourni de l'extérieur et arrivait stérilisé à une tétine de caoutchouc que l'animal avait la complaisance de prendre pour une vraie tétine. L’expérience, qui consistait en un repas donné environ toutes les heures, était assez fatigante. En dehors de celles qui ont été coutrariées par des accidents, MM. Nuttall et Thierfelder en citent trois ayant porté sur cinq animaux. Je ne citerai à mon tour avec détails que la dernière, la mieux réussie, bien qu’elle n'ait pas été la plus longue. Trois cobayes ont été extraits par une opération césarienne. Ils étaient à peu près de même grosseur, et pouvaient être considérés comme étant de nfême poids. L’un a servi d'animal de contrôle. Les deux autres ont été mis chacun dans un appareil et ont commencé à boire du lait 10 heures après, 26 heures après à manger du biscuit. L'expérience a bien marché : les cobayes sont restés vifs, et les précau- tions prises les ont maintenus secs. On a interrompu l'essai à la fin du dixième jour. Le premier animal avait consommé 710 grammes de lait et pesait 953,6 ; le second avait consommé 422 grammes de lait et pesait 835',5. L'animal de contrôle, pesé au moment de la sortie de l'utérus, et après s'être séché, pesait 72£r,5. Conservé 10 heures sans nourriture, il était tombé à 6785. Tel était sans doute le poids des animaux d'expérience quand ils ont commencé à s’alimenter, et on peut admettre que le premier avait gagné 28 grammes et le second 16 grammes. Pour tous deux, le canal intestinal et les excréments étaient sans microbes. Du moins, on en à vainement cherché au microscope et dans des cuitures aérobies et anaérobies. A l’autopsie, l'intestin grêle a élé trouvé vide, contenant seulement un peu de mucus. Le gros intestin contenait une masse pâteuse jaune. Le cœcum était rempli d’un liquide brun, coagulé à la façon du fromage. Il avait une réac- tion fortement alcaline. La réaction da gros intestin était faible- ment acide. Le contenu de l'intestin grêle l'était fortement. REVUES ET ANALYSES. A13 Les auteurs ont donc le droit de conclure que « des animaux peu- vent vivre et croître sans bactéries dans le canal intestinal ». Ils ne veulent pas dire que les bactéries n’interviennent pas d'ordinaire, mais seulement qu’elles peuvent ne pas intervenir. Encore ont-ils soin de remarquer, comme je l’avait fait, que la cellulose, pour laquelle on ne connaît pas de suc digestif physiologique, ne peut se dissoudre, quand elle le fait, que sous l’action des bactéries. L'augmentation de poids des animaux d’expérience reste inférieure à celle des animaux nés ou élevés dans les conditions ordinaires. Pen- dant les 10 jours qu'a duré l’expérience, des animaux normaux aug- mentent de 30 à 50 0/6 de leur poids au moment de la naissance : les deux animaux de l'expérience ci-dessus n’ont augmenté que de 15 à 30 0/0. On ne peut évidemment pas demander à des animaux dont la naissance et l'éducation sont aussi artificielles de se comporter en tout comme des animaux nés à lerme et nourris normalement. MM. Nuttall et Thierfelder se sont assurés directement que la substi- tution du biscuit aux racines, celle du lait de vache au lait naturel, avaient une influence fâcheuse sur la croissance, de sorte qu’en fai- sant la compensation, ils seraient disposés à conclure que labsence des bactéries dans le canal intestinal serait plus utile que nuisible. Je ne suis pas éloigné de croire qu'il en est ainsi, et j'en ai dit les raisons dans mon premier article sur ce sujet. Avec des sécrétions digestives normales, on sait où s’arrête le travail d'élaboration de l’aliment dans les intestins : on ne le sait plus quand les microbes interviennent, et une digestion laborieuse est d'ordinaire une digestion toxique. Il reste un dernier point à vider. J’ai dit (/. c.) les conclusions de Baumann au sujet des acides sulfo-conjugués et de l'acide hippurique de l'urine. Baumann les considère comme provenant de la putréfaction intestinale, tandis qu’il considère les oxyacides aromatiques de lu- rine comme provenant de l’activité physiologique des tissus. Il est cer- tain que la vie cellulaire de nos organes donne des produits analogues ou identiques à ceux des cellules de microbes. Les produits microbiens de la digestion s’évacuent surtout par les fèces lorsqu'ils sont insolubles ou peusolubles (tyrosine), mais peuvent aussiêtreabsorbéset pénétrer dans l'organisme. Ceux de l’organisme s’en vont par l’urine, mais il yen a de déversés dans l'intestin par le foie, le pancréas et les glandes. Il sem- ble donc bien difficile d’en faire le départ, et c’est précisément ce qui m'avait empêché de conclure nettement au sujet de l’importance rela- tive de la digestion normale et de la digestion microbienne, Du quantum de leucine et de tyrosine trouvés dans les excréments, je n’a- vais pu déduire le quantum d’action microbienne. Dans les cas de digestion sans microbes de MM. Nuttall et Thiexfelder, la question était A14 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. curieuse à reprendre. Ils n’ont eu qu’à évaporer l'eau qui, pendant la durée de l’expérience, avait reçu l’urine et les excréments de leurs ani- maux, et à y rechercher, par les mêmes procédés que Baumann, les oxyacides aromatiques. Ils en ont trouvé. À cause de la faible quan- tité d’urine dont Us disposaient, ils n’ont pas pu les identifier, et savoir quels ils étaient. Mais il y en avait, et ils ne provenaient ni du lait, ni du biscuit, ni d’ailleurs. Cela témoigne que, comme l’avait pensé Bau- mann à la suite d’une expérience sur un chien dont il avait stérilisé le canal intestinal au moyen de calomel, ces acides aromatiques sont formés dans les tissus et peuvent exister en dehors de toute putréfac- tion intestinale. En revanche, ils n’ont pu trouver, dans les déjections de leurs animaux, ni phénol, ni crésol, ni indol, ni scatol, ni pyrocaté- chine comme on en rencontre avec les animaux nourris dans les condi- tions ordinaires. Gest une preuve nouvelle de l’ingérence des actions microbiennes dans le phénomène ordinaire de la digestion. Le degré d'importance de cette digestion microbienne, par rapport à la digestion normale, reste encore à trouver.Ilest probable qu’il est variable, mais il serait intéressant de savoir jusqu'à quel chiffre il monte ou s’abaisse dans les cas extrêmes. MM, Nuttall et Thierfelder, qui annoncent l’inten- tion de poursuivre ces recherches, auront peut-être l’occasion d’exami- ner et de résoudre cette question. EH. DucLAUX. E. Gopzewskr. Sur la nitrification. (Anzeiger der Akad. d. Wüssens. in Krakau, juin 1895.) M. Godlewski avait montré en 1892 que toute nitrification s’arrête dans une solution d’un sel ammoniacal ensemencée avec la nitromo- nade de M. Winogradsky, lorsqu'on ne laisse arriver au contact de la liqueur que de l’air débarrassé de son acide carbonique par un lavage dans de la potasse, et cela malgré le carbonate de magnésie qu’on est obligé d'introduire dans la liqueur, à la fois pour donner à la monade un aliment dont elle a besoin, et pour maintenir le liquide au voisinage de la neutralité nécessaire. De cela, il avait conclu que les carbonates étaient incapables de fournir au microbe le carbone qu’il fait servir à la construction de ces tissus, et que ce carbone pouvait être fourni par l'acide carbonique de l'air. Cette affirmation avait surpris; on s'était demandé pourquoi l’acide carbonique, qui se dégage constamment du carbonate de magnésie décomposé par les acides provenant de la ni- trification, est incapable de faire ce que fait l’acide carbonique de l'air, alors que tous les deux doivent se mélanger dans le liquide que baigne REVUES ET ANALYSES. 15 la nitromonade. L’on s'était demandé s’il n’y avait pas dans l'air quel- que substance carbonée, par exemple quelque aldéhyde, absorbable par la potasse comme l'acide carbonique, et qui serait capable de fournir au microbe la petite quantité de carbone dont il a besoin. Pour éviter cette objection, M. Godlewski recommence aujourd’hui son expérience dans un vase complètement clos, où il peut mesurer à la fin de l'opération les changements survenus, à la fois et corréla- tivement, dans l’air et dans le liquide. Quelques expériences préliminaires dans cette direction avaient confirmé les premiers résultats, et montré en outre un fait nouveau, c’est que, pendant le travail de la nitrification, une petite partie de l’a- zote ammoniacal passe à l’étatd’azote libre. Pour étudier avec précision ce phénomène important et complexe, M. Godlewski à imaginé un ap- pareil clos, tout en verre, dans lequel il fait des cultures de nitromo- nade en présence d’un air tantôt chargé, tantôt débarrassé d’acide car- bonique, et dont il connaît, à quelques centièmes de c.c. près le volume total. On fait l’analyse eudiométrique de l'air au début et quand la culture est terminée; on peut donc savoir ce qu’il y avait, au commencement et à la fin, d’oxygène, d'acide carbonique et d’azote. Une nitrification aux dépens de l’oxygène de l'air comportait une diminution de volume et de pression qu'un manomètre permettait de surveiller; en fait, il n'y en a pas eu dans l’appareil rempli avec de Pair pur. Un accident a empêché d'analyser l’air. Mais on n’a trouvé aucune trace de nitrification dans le liquide. De cela, Godlewski con- clut que, contrairement aux résultats de Winogradsky, le carbonate de magnésium ne peut pas servir de source de carbone pour la nitromo- nade. Il faudrait voir. 11 se peut que l’acide carbonique de l'air soit nécessaire pour amorcer la nitrification, c’est-à-dire pour laisser se former les premières cellules qui vont attaquer le carbonate. Mais, à partir du moment où ce carbonate commencera à fournir de l'acide carbonique, on ne voit pas pourquoi cet acide du carbonate, dissous dans le liquide de culture, ne pourrait pas servir d’aliment au même titre que l'acide carbonique de Pair. [l y a pourtant une autre explication qu'il ne faut pas repousser 4 priori. Nous commençons à voir maintenant que l'identité absolue des molécules chimiques d'un même corps, qui était au fond de toutes les conceptions chimiques il y a vingt ans, nest pas une chose aussi assurée qu'on le croyait, et qu'entre les molécules d'un corps et celles de ce même corps insolé, par exemple, il y a des différences au point de vue de la stabilité. C’est la notion qui expliquele mieux les opé- rations photographiques, où elle est pourtant rendue un peu confuse par la multiplicité des actions en jeu. Elleest beaucoup plus simple avec 416 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. l'acide oxalique qui peut, comme je l’ai montré dans ces Annales (t. X), une fois insolé, acquérir et conserver des propriétés nouvelles qui, sans rien changer à la composition de la molécule chimique, en affectent da structure ou au moins la stabilité. Pourquoi l’acide carbonique de Pair, constamment insolé, ne serait-il pas plus instable et plus facile à dé- composer que l'acide carbonique des carbonates? C’esl une question qu'il vaudrait la peine d’étudier, et que je me permets de recomman- der aux savants outillés pour ces recherches. Quoi qu’il en soit, tandis que la culture au contact de l'air privé d’acide carbonique ne commence pas, celle qui se fait en présence de l’air mélangé d'un peu de ce gaz marche d’une façon régulière, et comme la nitrification se fait en vases clos, on peut considérer comme démontré que l'acide carbonique peut être l'unique source de carbone de la nitromonade. C’est un point dont on pouvait, en se montrant pointilleux, il est vrai, douter à la suite des expériences de Wino- gradsky. Godlewski confirme les résultats de son prédécesseur en ce qui concerne la production exclusive d'acide nitreux, sans acide nitrique, par la nitromonade. Enfin il confirme en outre son ancienne observa- tion au sujet du dégagement constant d’une petite proportion d'azote, proportion variable, suivant les circonstances, de 2 à 16 0/0 de l'azote ammoniacal transformé. Il est probable que ce dégagement d'azote résulte de la réaction mutuelle de l’ammoniaque et de l’acide nitreux pendant la courte période pendant laquelle cet acide nitreux reste libre, avant d’avoir trouvé le carbonate de magnésie qui doit le satu- rer. Cette explication est d’accord avec certains résultats de Schlæsing et Muntz. Dx. 10me ANNÉE AOÛT 1896 N°78. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR MÉCANISME DE LA COMBUSTION DES CORPS TERNAIRES PAR UN GROUPE DE MICRUBES AÉROBIES A Par M. A. PÉRÉ Pharmacien-major de 1re classe PREMIER MÉMOIRE Travail du laboratoire de Chimie biologique de la Sorbonne, à l’Institut Pasteur Quels sont les procédés mis en œuvre par les microbes aérobies pourmaccomplir la combustion des corps ternaires ? Il est bien vraisemblable que cette combustion ne s'effectue pas en une seule fois, par une oxydalion intégrale et soudaine qui réaliserait d'emblée toute l'énergie accumulée dans la ma- tière alimentaire. Nous comprenons mieux qu’elle s’effectue plutôt par une série d’oxydations plus ou moins profondes, ramenant graduellement le corps ternaire à des formes inter- médiaires de plus en plus simples, pour aboutir enfin aux corps brûlés. Ce que nous savons des mucédinées ‘ milite en faveur de cette opinion. Bien que ces êtres soient, à juste titre, regardés comme des çcomburants énergiques, ils ne brülent jamais d’un seul coup les corps ternaires : ils produisent toujours, durant cette combustion, un corps intermédiaire, l’acide oxalique, qui est brûlé à son tour lorsqu’'a disparu ou est devenu plus rare le sucre générateur. 1. Ducraux : Chimie biologique, page 219. , A18 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Si les mucédinées, les mycodermes et les levures ont fait, l’objet d'études approfondies, dans l’ordre d’idées qui nous occupe, il semble que l’attention. des biologistes se soit moins arrêtée sur les bactéries aérobies, capables de vivre à la manière des mucédinées et d'aboutir comme elles aux corps brûlés, grâce à l'intervention de l’oxygène de l’air dans les réactions qu’elles provoquent. La queslion n’est cependant pas secondaire. Nous sentons très bien que la découverte et l'étude des produits inter- médiaires formés dans le cours d’une combustion microbienne seraient parfois susceptibles de nous révéler le mécanisme mème de cette combustion et, par là, de nous initier, dans une certaine mesure, à la connaissance des phénomènes profonds de la vie cellulaire. Il yaplus : l'intérêt réel et intrinsèque d’une telle étude se double d’un certain intérêt philosophique lorsque, envisageant les réactions chimiques de la vie, non seulement chez les mi- crobes, mais chez tous les êtres, nous cherchons à rapprocher la combustion des corps ternaires par les microbes de leur synthèse par les végétaux. Sur cette dernière, bien rares aussi se font les notions con- crètes en regard des ingénieux aperçus de M. Bæyer. S'il est démontré par l'expérimentation que les plantes vertes absor- bent l’acide carbonique de l'atmosphère pour en retenir le carbone, si des arguments de fait représentent l’aldéhyde for- mique comme le premier échelon dans cette marche ascendante du carbone, les données nous font défaut pour suivre la trans- formation de cette aldéhyde en une hexose. Nous pouvons aussi bien supposer que cette transformation est le résultat immé- diat d’une polymérisation directe, englobant six molécules de formaldéhyde dans un mouvement unique de condensation; ou bien, qu’elle résulte d’une polymérisation en deux temps, qui produirait d’abord, à titre intérimaire, un sucre à trois atomes de carbone, isomérique de l’aldéhyde glycérique et de la dioxya- cétone. Tout donc, ou presque tout, est resté problématique dans l'histoire physiologique des corps ternaires naturels, dans le mécanisme de leur synthèse dans les végétaux et dans le méca- nisme de leur combustion par les microbes aérobies. Sans doute, le rapprochement établi ici ne saurait impliquer COMBUSTION DES CORPS TERNAIRES. ‘A9 l'idée d’une connexion très étroite entre les deux questions : je ne veux nullement dire que les plantes et les microbes aérobies, pour arriver à leurs fins opposées, suivent nécessairement une marche parallèle, et que les stades successits dans la voie syn- thétique soient identiques aux divers stades de la combustion, Néanmoins, il me paraît que la conception de M. Bæyer dans le domaine de la physiologie végétale suscite, dans le domaine de la microbiologie, les remarques et l'hypothèse suivantes : si le procès nutrilif des plantes vertes est tel que nous l'avons ima- giné, s'ilest vrai que ces végétaux font d’abord de l’aldéhyde formique, puis des trioses, pour arriver jusqu'aux hexoses et pour monter plus haut, ne devient-il pas vraisemblable que les microbes pourront aussi faire des trioses et de l’aldéhyde for- mique ? Non plus, sans doute, par un travail de construction qui accumulerait de l'énergie en partant des corps brülés, puisque ces êtres dépourvus de chlorophylle ne sauraient emma- gasiner l'énergie solaire, mais, au contraire, par des réactions dislocatrices et exothermiques qui aboutiraient aux corps brülés, en s’attaquant aux hexoses, ou, en général, aux corps ternaires complexes créés par les végétaux à titre de réserves ? Je voudrais essayer de mettre cette hypothèse en contact avec la réalité des faits. J’essaierai. de montrer que non seule- ment les microbes dont il est question font un sucre à 3 atomes de carbone, mais encore que ce sucre représente un terme de passage inévitable où tous les corps ternaires complexes, hydrates de carbone et alcools polyatomiques, viennent se ren- contrer fatalement dans leur mouvement régressif de com- bustion. Mais s'ils suivent la même voie, ces corps ternaires complexes y débouchent par des moyens différents, suivant la constitution chimique qui leur est propre : les hydrates de carbone complexes sont préalablement dédoublés en hexoses, par l’action des dias- tases hydratantes; tandis que les alcools polyatomiques, subis- sant d’abord une oxydation ménagée, sont transformés en sucres, aldoses ou cétoses, construits sur le même nombre d'atomes de carbone que l’alcool générateur. Puis, tous ces sucres, quelles que soient leur origine, leur constitution chi- mique et leur structure moléculaire, sont invariablement rame- . nés sous la forme d’un sucre à 3 atomes de carbone, unique pour 420 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tous, qui fait tourner vers la gauche le plan de polarisation. Enfin, ce sucre est lui-même brûlé, mais non sans que nous ne puis- sions observer la formation concomitante d'aldéhyde formique; comme produit transitoire. Si bien que l'étude biologique de ces microbes aérobies nous mettra en situation de suivre, étape par étape, la marche rétrograde du carbone organique depuis les corps complexes synthétisés par les végétaux, tels que l’amidon et la mannite, jusqu'aux corps brûlés, en passant par les corps aldéhydiques en C‘?, en C‘, en C* et en C‘': marche rigoureu- sement parallèle à celle que nous altribuons au carbone inorga- nique, lorsqu'il est puisé dans l'atmosphère et mis en œuvre par les végétaux. Avant d'entrer dans le détail de ces expériences, je dois dire un mot des microbes étudiés et des liquides de culture que j'ai employés. 1° Tyrothrix tenuis. — Les spores de ce microbe, que je con- serve depuis plusieurs années dans des ampoules scellées, me venaient des laboratoires de l'Institut Pasteur. Je me suis assuré que le microbe possédait bien les caractères extérieurs et les propriélés biologiques que M. Duclaux lui à reconnus : en particulier il m'a donné de l'acide valérianique, aux dépens de la caséine du lait, qu'il avait, préalablement précipilée, puis dis- soute et digérée. 2° Bacillus mesentericus vulgatus. 3° Bacillus subtilis. J’ai isolé ces deux microbes des macérations de foin, par le procédé classique. Ils présentaient les caractères de forme et de culture sous lesquels on les a décrits. Ces trois microbes se développent, comme on sait, à la surface des liquides de culture, sous la forme d'un mince voile, ou d'une membrane plus ou moins épaisse. Ils sont réputés aérobies. Les propriélés comburantes du premier vis-à-vis des malières albuminoïdes ont été déjà mises en évidence par M. Duclaux. Daus le cours de ces expériences, ce n'étaient pointles spores, mais les individus adultes qui étaient introduits dans les liquides à étudier. Les spores étaient ensemencées dans du bouillon de viande qui fournissait, après 4 jours d'incubation, le microhbe originel. COMBUSTION DES CORPS TERNAIRES. 491 Le but visé dans ces recherches, qui était de découvrir les corps intérimaires, m'obligeait à recourir à des liquides de culture dans lesquels la combustion des corps ternaires füt très ménagée ; d'autre part, pour arriver à la combustion totale et intégrale de ces mêmes corps, il me fallait employer des liquides favorisant l’action comburante des microbes. J'ai rempli cette double indication en employant l'azote ammoniacal lorsque je procédais à la recherche des corps intéri- maires d'un édifice moléculaire élevé, et l'azote organique lorsqu'il s'agissait d'arriver à la combustion complète. Liquide de culture à azote ammoniacal. Phosphate d’ammoniaque pur......... Anse | pour Sulfate d'ammoniaque pur............ 0,50 { 400 c. c. ÉRoSnha te dE pDOtAsSe te eh 0,20 \ Dans ce liquide, addilionné du corps ternaire à étudier, les microbes poussent très bien à la condition qu’il soit bien neutre; si la réaction était légèrement acide après la stérilisation à l’autaclave, il suffirait d'ajouter une ou deux gouttes d'ammo- niaque :un léger excès de cet alcali ne nuit pas. Liquide de culture à azote organique. Ce liquide est du bouillon de viande, fait avec 1 partie de viande pour 2 parties d’eau. Les cultures se faisaient à 34-35°. Parmi les corps ternaires naturels, les alcools polyatomiques sollicitaient l'attention à un titre tout particulier, pour cette raison que leur constitution chimique les éloigne davantage des corps brülés, et par conséquentles rend plus aptes que les autres corps ternaires à fournir, par oxydation, des termes de passage avant leur combustion complète. Nous savons d’ailleurs que les agents d'oxydation ménagée les transforment en sucres, aldoses ou cétoses, qui leur corres- pondent exactement, et dérivent d’eux par la transformation, soit de l’un des groupements alcooliques primaires en un groupe- 422 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ment aldéhydique, soit de l’un des groupements alcooliques secondaires en un groupement cétonique. Il était donc indiqué d’éclaircir à ce point de vue l’action. oxydante de nos microbes. Par le fait, la science connaît la for- mation de la lévulose aux dépens de la mannite, signalée par M. Brown‘, et vient d’enregistrer le cas intéressant d’un alcool polyatomique, la sorbite, qu’un microbe transforme en sorbose*. Voici comment j'ai pratiqué cette étude sur la mannite. Le liquide de culture avait la composition suivante : Mannitempure 4 RECENSE 20 gr. Solution de sels ammoniacaux................ 200"c.«c: Les microbes étant ensemencés dans cette solution neutre, les ballons étaient maintenus pendant 30 jours à l’étuve. Je distillais, en substituant l’acide citrique à l'acide tartrique habituellement employé pour retenir lammoniaque et mettre en liberté les acides volatils. Le résidu de la distillation était évaporé à sec, au bain-marie, puis repris par 60 c. c. d’eau distillée. Cette solution ainsi que le liquide passé à la distillation étaient étudiés au point de vue de la présence des corps aldé- hydiques. Voici les résultats observés : pour les trois microbes, la solution du résidu réduit la liqueur de Fehling et est optique- ment active ; mais tandis que le Tyrothrix tenuis et le Bac. mesen- tericus vulg. laissent un corps dextrogyre, le Bac. subtilis a laissé un corps lévogyre : Déviations observées au tube de 20 c. e., avec la sol. du résidu. TUMOUATÉTITONUIS AR NET OR TT Te , «= +104 Bac MES ERLUS OUT NAPPES x — + 1012 BACS SUITE CREER ER A Nos microbes ont donc formé des sucres fixes aux dépens de la mannite; les deux premiers, probablement la d. mannose, et le troisième, probablement la lévulose; ces deux sucres étant ceux qui prennent conjointement naissance lorsqu'on oxyde ia mannite par le brome ou par l’acide azotique. L'action de la phénylhydrazine acétique confirme ces vues. 1. Voir Ferxsacx, Revues el analyses, dans ces Annales, 1888. 2. M. Berrrann, Communication à l’Académie des Sciences, 20 avril 1896. COMBUSTION DES CORPS TERNAIRES. 423 Avec les solulions dextrogyres, j'ai obtenu, à froid, bien que lentement et en petite quantité, un précipité cristallisé d'hydrazone, ce qui est un caractère de la mannose; et à chaud, une osazone cristallisée dont le point de fusion est très voisin de 2100. É Avec la solution lévogyre fournie par le bac. subtilis, je n’ai pas obtenu de précipité à froid; mais, à chaud, il s’est formé un faible précipité cristallisé dont le point de fusion est voisin de 205. ‘ Mais ce n’est pas tout, et l'étude du liquide passé à la distil- lation n’est pas moins intéressante. . Avec les cultures des trois microbes, le liquide distillé, qui est acide, réduit fortement la liqueur cupro-sodique et dévie à gauche le plan de rotation. Si on le distille une deuxième fois, après neutralisation par le carbonate de chaux. il fournit un pro- duit neutre qui possède les propriétés réductrices et le pouvoir optique du précédent. Angle de déviation des liquides distillés. À Aveecle TYrOUMTIEAENUIS SR LENS x — — 2028" — Bac. mesentericus vulgatus ....... x —= — 2016 RDC SUN S ANNE TE RAR œ — — 10107 Il s’est donc formé aux dépens de la mannite, en même temps que les hexoses, un corps aldéhydique volatil dont la molécule est dissymétrique. Fait qui éveille au plus haut point attention, les solutions de cette aldéhyde, à l'inverse des solutions d’aldéhydes simples, ne colorent pas la solution sulfureuse de fuchsine : d'où naît cette présomption que l’aldéhyde en question est à fonction complexe, et pourrait bien renfermer dans sa molécule asymé- trique le groupement mixte CH.OH — CHO, tout comme les aldoses également asymétriques et également indifférentes vis- à-vis du réactif précité. En somme, nos microbes ont produit aux dépens de la man- nite deux corps réducteurs et optiquement actifs : une hexose, qui est dextrogyre ou lévogyre suivant le microbe mis en jeu; et un Corps aldéhydique volatil, lévogyre, quel que soit le microbe générateur, et qui possède les propriétés générales des aldoses. Nous en ferons plus loin une étude plus complète. 424 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Les petiles quantités de sucres fixes retrouvées dans les liquides de culture, l'apparition dans ces liquides d’un corps aldéhydique volaul, donnent à penser que les hexoses entrent elles-mêmes en réaction sitôt formées, et, de plus, que l’aldéhyde volatile ne proviendrait nullement de l’attaque directe de la mannile, mais plutôt de l’altaque directe des hexoses : que ces hexoses, en un mot, conslilueraient des produits transitoires. Si cette manière de voir est exacte, il se peut que, dans des conditions de culture tout autres, la mannite soit détruite sans que nous puissions retrouver les hexoses qu’elle engendre. C’est ce que l'observation vient démontrer. Si nous substituons le bouillon de viande à la solution des sels ammoniacaux sans modifier en rien, par ailleurs, les conditions de culture, nous ne trouvons plus de sucres fixes dans le résidu de la distillation; mais par contre, Je produit de la distillation est réducteur et lévogyre, comme dans l’expérience précédente. Après 30 jours d'incubation : Liquide distillé. Avec ile TUYTOLATITÉERUS NRA me Mo44t , = Mesentericus Tu1g. 5: RENNES CROSS LS 4 AD UD SUDUUISE ANR EMRTSRAA ARR a — — 1012 Rien ne montre plus clairement combien impôrtent les con- ditions de culture et particulièrement la composilion du milieu autrilif dans l'étude des produits intérimaires :puisque celte dernière expérience tendrait à nous suggérer que la formation de l’aldéhyde volatile marque le premier stade de la combustion de la mannile, alors que ce premier stade est marqué par la formation des hexoses. Remarquons que l'apparition de ces sucres dans le liquide minéral implique l'intervention de l'oxygène de l'air, ainsi qu'un dégagement de chaleur. La chaleur de combustion de la man- nile étant de 728.5 calories, el celle des hexoses de 673 calories, la réaclion qui donne naissance aux hexoses peut être figurée par les expressions suivantes : H H OH OH H H OH OH Ex LPS ap | IQU CH2O0H — 6 — CG — CG — CG — CHOH + 0 — H20 + CH2OH — C — CG —C — C — CHO + 55,5 cal, Sen 7 LE 0e OH OH H H OHROHP 2H. CH d. mannite. d. mannose COMBUSTION DES CORPS TERNAIRES. 425 et pour la lévulose : He HAUE NET À d. mannite + O — H20 Æ CH20OH — C — CO — C — CO — CHOH — 55,5 cal. Ier OH OH H Ainsi le carbone est respecté, l’atome d'oxygène qui inter- vient se porte sur l'hydrogène exclusivement, soit que cet hydrogène appartienne au groupement alcoolique secondaire, d’où la production de lévulose, soit qu'il appartienne au groupe- ment alcoolique primaire, d'où la production de mannose. + II Les relations de fonction et de structure qui existent entre la mannite et les sucres qui en dérivent, impriment, &@ priori, à ‘étude de l'érythrite et de la glycérine un intérêt marqué. Il est évident que l'oxydation ménagée, provoquée par nos microbes, de ces alcools inactifs par symétrie moléculaire, suffi- rait pour introduire la dissymétrie dans jeur molécule, et pour les transformer par conséquent en sucres doués du pouvoir rolatoire, construils sur # atomes et sur à atomes de carbone “comme les alcools sénérateurs. L’expérimeutlation ne vient pas confirmer ces vues, quant à l'érythrite naturelle qui, peut-être à cause même de sa structure, résiste à toute attaque. Dans la solution de sels additionnée d’érythrite, la semence n’a pu se développer; et dans le bouillon additionné d’érvthrite, le développement s’est fait aux dépens des éléments nutritifs du bouillon : même après 15 ou 20 jours de culture, je n'ai pu retrouver aucun corps réducteur, ni aucun corps opliquement actif. Il en est tout autrement avec la glycérine qui, elle, est atta- quée quelle que soit la qualité de l'azote alimentaire. J'ai agi sur 100 c. ec. de liquide renfermant 5 grammes de glycérine. Après 30 jours d'incubation, ces liquides, éludiés comme je l'ai indiqué pour la manuite, ne m'ont pas doné de sucre fixe, mais les liquides recueillis à la distillation étaient réducteurs et lévogyres : Bouillon glycériné à 5 */, avec le Tyrothrix benuist. x = — 1036" 4. Les liquides distillés provenant des cultures du Bac. mesentericus vulg. et du Bac. subtilis étaient aussi réducteurs et lévogyres, 426 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. J'ajouterai que ces solutions aldéhydiques sont sans action sur la solution sulfureuse de fuchsine. Il nous est donc permis de conjecturer, d’une part, que ee corps réducteur volalil et lévogyre est identique à celui que fournissent les cultures avec la mannite; d’autre part, qu'il joue vis-à-vis de la glycérine le rôle de la mannose vis-à-vis de la mannite : nous serions ainsi en présence d’un sucre à 3 atomes de carbone doué du pouvoir rotatoire, la glycérose aldéhydique lévogyre. C’est là un point qu'ilimporte évidemment d’éclairer de très près. Et comme, ainsi qu’on le verra plus loin, je n’ai pu isoler ce corps à l’état de pureté absolue pour déterminer directement son poids moléculaire; comme, de plus, les composés bydrazi- niques qu'il m’a donnés ne se prêtent pas à l'analyse, j'ai cher- ché des documents dans l'étude des corps fournis par les agents de réduction et les agents d’oxydation., Je suis parti parallèlement des solutions pures ‘ d’aldéhyde fournies par l’action du Tyrothrix tenuis sur la mannite et sur la glycérine : disons tout de suite que ces solutions se sont con- duites de même. Si on les traite par l’amalgame de sodium à 1 0/0 en pré- sence de traces d'acide chlorhydrique, l’on observe que leur pou- voir optique diminue à mesure que diminue leur pouvoir réduc- teur : si bien que l’inactivité optique est acquise lorsqu'ont disparu leurs propriétés réductrices. Il s’est donc formé un alcool ou des alcools dont la molécule est symétrique. Le liquide neutre est distillé au réfrigérant ascendant, et le produit, qui représente 10 0/0 du liquide total, est étudié au compte-gouttes de M. Duclaux. Voici les résultats : Alcool en volume Nombre de gouttes déterminé par la méthode du flacon à 150 2 0/0 126 1/2 Ce chiffre se rapproche du chiffre spécifique de l'alcool iso- propylique (122); mais l'écart, qui est notable, vu la sûreté de la méthode, faisait soupçonner un mélange et prescrivait une étude 4. J'entends par solutions pures d’aldéhyde celles qui proviennent d’une double distillation des cultures : la première après addition d’acide citrique pour retenir lammoniaque; la deuxième, après neutralisation au carbonate de chaux pour retenir les acides volatils qui sont passés à la première. COMBUSTION DES CORPS TERNAIRES. 427 plus complète. J'ai donc réduit et distillé comme ci-dessus de nouvelles quantités de solution aldéhydique, et les diverses frac- tions recueillies étant réunies, j'ai saturé par le carbonate de potasse sec. J'ai pu séparer ainsi environ 2 c.c. 1/2 d’un liquide à odeur alcoolique et éthérée, rappelant celle de l’acétone pure. Distillé au bain-marie, dans un tube à essais muni d’un ther- momètre, ce liquide passe à 86°-87°, et laisse des traces d’un résidu liquide qui dégage l'odeur piquante et alliacée de l'alcool allylique. | Enfin, le produit rectifié est dilué à 40 c.c.; une partie de ce mélange est directement traitée par l’iode et le carbonate de soude, suivant les indications de M. Müntz; il se forme des traces à peine sensibles d’iodoforme qui troublent très faiblement le liquide après refroidissement, mais que le microscope permet de reconnaître; la deuxième part du liquide, égale à la première, est distillée après addition de bichromate de potasse et d'acide sulfurique en proportion très faible ; et cette nouvelle liqueur est traitée par le procédé de M. Müntz : j'ai obtenu cette fois, à chaud, un abondant précipité d'iodoforme qui témoigne de la formation d’acétone par l'oxydation de l'alcool étudié. Dès lors nous som- mes complètement fixés puisque toutes ces indications conver- gent : la réduction du corps aldéhydique a fourni de l'alcool iso- propylique mèlé d'une faible quantité d'alcool allylique et de traces d’acétone. Ce renseignement est incomplet el incertain, puisque aucune aldéhyde dissymétrique ne saurait correspondre directement à ces alcools ; mais sa signification n’en est pis moins précieuse. Il est infiniment probable que notre aldéhyde est construite sur 3 atomes de carbone comme les alcools qui en dérivent; et de plus que ceux-ci résultent d’une réduction trop profonde : il devient, par suite, probable aussi que l'alcool correspondant à notre aldéhyde, s’il n’a pas été complètement entraîné par le mouvement de réduction, doit se retrouver dans le liquide qui n’a pas traversé le réfrigérant pendant la distillation. Les résidus de ces distillations sont donc réunis, puis complè- tement évaporés dans le vide sec. Il reste des cristaux de chlorure de sodium que je lave avec un mélange à parties égales d’alcool et d’éther anhydres. Par évaporation à une douce chaleur, ce mélange abandonne en pelite quantité un sirop soluble dans 428 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. l'alcool, insoluble dans l’éther, et qui fournit, par distillation sur l'anhydride phosphorique, de l’acroléine facile à reconnaître à ses caracières si marqués el à ses propriétés réductrices. Le liquide sirupeux était constitué par de la glycérine. Voici que nos présomptions s’affirment et se précisent, puis- qu'à la glycérine correspond une aldéhyde dissymétrique. Voyons maintenant où vont nous conduire les agents d’oxy- dation. Par distillation des solutions lévogyres avec le bichromate de potasse et l'acide sulfurique, j'ai obtenu uniquement des corps optiquement inactifs, parmi lesquels l'acide formique et des traces d'une aldéhyde simple. Par l’oxyde d’argent, à la température de 80°-90p, j'ai obtenu un sel cristallisé facile à déterminer : Poids du sel = 0,1212. Argent obtenu : 0,0786 soit : 64,70 0/0 Calculé pour C? H$ Ag0? — 64,67 0/9 . Ces procédés d’oxydation trop énergiques disloquent donc la molécule; mais les résultats sont tout autres par l'emploi de l'acide azotique étendu. 100 c.c. de solution d’aldéhyde, produisant un angle de dévia- tion de 2°-3°, sont addilionnés de 5 c.c. d’acide azotique pur. On chaulle au bain-marie progressivement jusqu’à ce que la réaction commence, ce qui est rendu visible par la coloration verte du mélange etle dégagement de quelques bulles de gaz. On conti- nue l’évaporation sans dépasser 75° à 80°, en modérant au besoin ‘la réaction par de légères affusions d'eau froide. Lorsqu'il ne reste plus que 5 à 6 c.c. de liquide, l’évaporation est continuée dans le vide sec sur la chaux; et on chasse complètement l'excès d'acide azolique par deux additions d’eau (5 à 6 c.c.) suivies de concentrations dans le vide sec. Il reste un sirop de saveur acide franche dont les solutions sont dertrogyres et restent dextrogyres après neulralisation par les alcalis. J'ai préparé les sels de chaux, de baryte et de plomb : le premier réduit la ligneur de Fehling, ainsi d'ailleurs que le fait l'acide libre par une ébullition prolongée. Quant aux sels de plomb et de baryte, j'ai inutilementessayé de les obtenir sous la forme cristallisée par évaporation sous le dessiccateur. La solution plombique laisse bien se séparer d’abord COMBUSTION DES CORPS TE iNAIRES. 429 quelques grains cristallisés, durs et pesants, maïs bientôt Île liquide se prend en masse gommeuse. Si on reprend le mélange par l'eau froide en petile quantité, on arrive à séparer la poudre cristalline qui est peu soluble. Après dessiccation, le dosage du plomb a donné : Poids du sel — 0gr,032; sulfate de plomb obtenu : 0,022. Correspondant à Pb — 49,40 0/0; caleulé pour (C3 H$ 0) ? Pb : 49,64 0/0. Le sel de baryte n'a pas cristallisé sous le dessiccateur; sa solution aqueuse a donné, par l'alcool, un précipité en partie amorphe, eu partie cristallin dans lequel j'ai dosé la baryte. 1. Précipité cristallin qui s’est déposé sur les parois, après la formation du précipilé amorphe : Poids du sel — 0,026; sulfate de baryte obtenu : 0,0154. Correspondant à Ba : 40 0/0. Calculé pour (C% H$ 0*) ? Ba 39, 48 0/0. 2. Précipité amorphe immédiatement formé par l’alcool. Poils du sel lavé à l'alcool et desséché : 0,1016. Poids du sulfate de baryte obtenu : 0,0660. Correspondant à Ba — 39.83 0/0. Nôus avons bien affaire à l'acide glycérique droit. Notre aldéhyde prend doncsa place entre la glycérine etl’acide glycérique : en outre du groupemeut spécifique CHD, elle ren- ferme encore, comme la glycérine et l’acide glycérique, les groupements spécifiques des fonctions alcool primaire et alcool secondaire : c’est une aldose à 3 atomes de carbone. Remarquons en passant le cas curieux de cette aldéhyde déviant à gauche, qui correspond et aboutit effectivement à un alcool! optiquement inactif et à un acide déviant à droite. Nous relevons l’inactivité optique avec g' — g *, la transfor- mation du groupement aldéhydique en un groupement alcooli- que ayant ramené la symétrie dans la molécule : H CH:OH — À — CH3OH | g1— 31. OH. g2—=031 . et l’aldéhyde étant lévogyre avec g > g°: H CH?0H — l — CHO gi—3% OH g2=29 430 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Pacide devient dextrogyre avec g' < g° : H | CH20H — GC — CO.0H D SAR OEM, 02—'245 c'est-à-dire que l’interversion dans la valeur relative des deux groupements envisagés coincide avec l’interversion dans le sens du pouvoir rotaloire. Or ces coïncidences sont bien conformes, non-seulement aux idées actuelles sur les relations qui existent entre le pouvoir rotatoire et la présence du carbone asymétrique, mais aussi à l'une des notions que les recherches de M. Guye tendent à intro- duire dans la science ‘. Le mécanisme de la combustion des alcools polyatomiques se trouve singulièrement éclairé par ces recherches, tout au moins danssa première phase : ces corps sont transformés en sucres ren- fermant un nombre d’atomes de carbone égal à celui de l’alcool générateur, puis ces sucres sont eux-mêmes transformés en gly- cérose lévogyre. Il est est bien évident qu'avec la glycérine, les deux termes se confondent, puisque le sucre qui lui correspond est précisément cette glycérose. Il faut noter que notre étude s’est bornée à celle des alcools polyatomiques naturels qui renferment deux fois le groupement alcoolique primaire. Il serait éminemment intéressant de recher- cher ce qu'il adviendrait des alcools polyatomiques ne renfermant qu'un seul groupement CH*OH : nous sommes, en effet, en droit d'espérer que ces corps, tels que le butylglycol et le propyl- glycol, s’ils peuvent, au même titre que la mannite et la glycé- rine, entrer dans le processus nutritif de nos microbes, nous fourniront des corps aldéhydiques doués du pouvoir rotatoire, dont le premier, construit en C*, serait un stéréoisomère de l’al- dol de Wurtz; dont le second en C*, homologue inférieur du pré- cédent, correspondrait à un acide éthylidénolactique optiquement actif. Je pousse mes recherches dans cette voie. IIT Avant de revenir aux recherches biologiques, je crois devoir dire quelques mots des propriétés de cette glycérose. 4. Guxe. Sur le produit d'asymétrie. Thèse, 1892, COMBUSTION DES CORPS TERNAIRES. 431 Cette digression se justifie par ce fait que le caractère de stabilité ou d'instabilité de ce corps vis-à-vis des agents physico- chimiques pourra nous fournir quelques indications utiles sur le point de savoir s’il réagira, et comment il réagira, vis-à-vis des microbes qui lui donnent naissance. Les essais faits en vue de l'obtenir à l’état pur et sec n’ont pas complètement réussi. Il passe presque régulièrement avec l’eau dans la distillation; il se disloque lorsqu'on le distille sur le chlorure de calcium fondu, sans doute à cause de la faible alca- linité que possède souvent ce produit : les distillations fraction- nées ne nous sont d'aucun secours. L’éther ne l’enlève pas à ses solutions aqueuses; il ne forme pas de composés cristallisés avec le bisulfite de soude ou lammo- niaque, à l’inverse des aldéhydes simples que l’on peut, grâce à cela, isoler et purifier. Je me suis donc arrêté jusqu'ici au procédé suivant : les solutions pures de glycérose obtenues par la double distillation des cultures sont concentrées dans le vide sec, ce qui entraîne des pertes très notables. Lorsque ces solutions produisent un angle de déviation voisin de — 5°, je les additionne de carbonate de potasse sec : la glycérose se sépare lentement, en gouttelettes huileuses qui-se réunissent à la surface du liquide. Mais le produit n’est pas pur, comme l'indique sa réaction fortement alcaline : il retient une proportion quelconque d&e solution alcaline, sur laquelle on ne saurait le rectifier. Après décantation, j'ajoute, jusqu'à neutralisation exacte, de l’acide tartrique en solution alcoolique, puis un volume d’un mélange à parties égales d'alcool et d'éther anhydres. Après 48 heures de repos, il suffit de filtrer pour obtenir une solution neutre de gly- cérose, d’où l’on chasse facilement l’éther. Il est malheureuse- mentplusdifficile de chasserl’eauet l'alcool quis’ytrouventencore mélés : on observe en effet, lorsqu'on abandonne le mélange sous le dessiccateur, que le pouvoir rotatoire varie incessam- ment et n'arrive pas à la fixité, comme si la glycérose disparais- sait presque aussi vite que l'alcool et l'eau qu'elle renferme : mais il est permis de supposer que ce procédé me donnera un produit pur lorsque je pourrai disposer d'une quantité notable de malière. Aïnsi isolée, la glycérose constitue un liquide demi-sirupeux, L] 432 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. soluble dans l'alcool et dans l’eau, insoluble dans l'éther: sa saveur, d'abord chaude et un peu piquante, puis sucrée, rappelle la saveur de la glycérine. x La réaction de la phénylhydrazine, dans les conditions d'expérience où j’ai dû me placer, n'ariende caractéristique. Lors- qu'on ajoute à 50 c. c. d’une solulion pure el liède de glycérose marquant un angle de — 5°, des proportions convenables d’acé- tale de soude, d'acide acétique et de phénylhydrazine incolore, et que l'on continue à chautlfer au bain-marie, il se précipite en peu de Lemps un liquide huileux qui par le refroidissement se prend en masses cireuses. Maïs si on laisse agir la phénylhydra- zine à froid, il se produit un trouble laileux, et après 2 où 3 minutes, on voit se former sur les parois du vase des prismes transparents et incolores; quelques légères secousses imprimées au liquide suffisent alors pour provoquer une abondante cristal- lisation. Nous avons là une hydrazone cristallisée. Mais celle hydrazone s’altère rapidement. Elle jaunit déjà dans le sein du liquide où elle s’est formée, brunit fortement pendant les lavages et sous le dessiccateur, il arrive même, si on essaie de la pulvériser après dessiccation, qu’elle prenne en partie la consistance demi-visqueuse. Aussi les seuls ren- selsnements que je puisse donner sont que ses solvtions dévient à gauche, et que son point de fusion n’est pas éloigné de 75°, Nous sommes loin des résultats que nous pouvions espérer, d’après les résultats mêmes de M. Fischer. Je ferai seulement remarquer à ce sujet que j'ai agi sur des solutions de glycérose d’une concentration quelconque et sans doute encore très éten- dues; que cette glycérose est l’aldéhyde glycérique sous une de ses formes stéréoisomériques, laudis que la glycérose de M. Fis- cher est surtout constituée par la dioxyacétone; et enfin qu’il est bien possible que, malgré mes ellorts dans ce sens, je n’aie pas encore acquis l’habileté nécessaire pour dominer ces délicates réactions. Je tenais cependant à signaler toutes ces lacunes que je m'’efforcerai de combler, parce que leur disparition nous permet- trait de vérifier si cette glycérose d'origine microbienne pourrait se polymériser en une hexose, ou entrer en réaction avec la dioxyacétone pour donner naissance à la fructose de M. Fischer; nt de nus de ses ÊS dd LÉ ebiiedins COMBUSTION DES CORPS TERNAIRES. 433 pour vérifier aussi si la réaction de Kiliani-Fischer nous permet- trail la synthèse d’un sucre à 4 atomes de carbone en partant de ce sucre à 3 atomes. La glycérose possède un pouvoir rotatoire spécifique pour une même température : SÉRUBIO PIRE ER ES OL. 2.100, x —= — 4024 = OMOUROIG RS evene da x — — 2012’ — ADO RON ARC LA ee ne UN d— — 100: — ARTORO POESIE ACER RES ù = = (5) La glycérose réduit énergiquement la liqueur de Fehling, à chaud, ainsi que la solution ammoniacale de nilrate d’argent. Même à froid, elle réduit instantanément la solution alcaline d'iodure double de mercure et de potassium. Les alcalis ja brunissent et la détruisent rapidement, à une température peu élevée : chauflée vers 70° avec de la chaux, elle est presque instantanément et entièrement disloquée; le liquide renferme alors du formiate de chaux. Les acides minéraux, même très étendus, l’attaquent à chaud : la liqueur acquiert la propriété de colorer les solutions sulfu- reuses de fuchsine. La radiation solaire l’atteint rapidement : une solution dont l'angle de déviation se mesurait par 2° 40’, additionnée de quel- ques gouttes d’un lait de chaux, est devenue opliquement inac- tive après une journée d'insolation : le liquide renfermait du formiate de chaux. Bien plus, la dislocation se poursuit dans l'obscurité après que la lumière solaire l’a mise en train : la même solution que ci-dessus, après 2 heures d’insolation, marquait encore — 1° 50'; maintenue ensuite dans l'obscurité, son angle de déviation après 16 heures était descendu à 54°. Je dois mème dire qu'à cause de la petite quantité de chaux ajoutée, la solution était devenue neutre, et il est par conséquent très possible que l’inactivité optique eüt été atteinte ayec une plus forte proportion de chaux. Si nous remplaçons la chaux par du carbonate de chaux pour maintenir la neutralité du liquide, la dislocation ne s'effectue qu'avec une grande lenteur : 28 434 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 8 mai 1895. Angle de rotation initial....... x = — 2010" 23 mai — MR eue Me aœ — — 1042’ 15 juin = SR D PRE a — 1018 15 juillet gun = 5 Lt m1 2007 15 août — 2. | NOR 5 = ME 98! 15 septembre — ANRT x — — 30’ L'action comburante s’atténue considérablement à mesure que la dilution se prononce, si bien que nous ne pouvons atteindre l'inactivité optique. Il se forme ici de l'acide formique, mais aussi une aldéhyde à fonction simple qui colore fortement la liqueur sulfureuse de fuchsine déjà après le premier jour d’inso- lation. La persistance de la glycérose dans la liqueur ne nous a pas permis de déterminer cette aldéhyde qui est probablement l’aldéhyde formique. Ce que nous pouvons déduire de ces documents, c’est que la glycérose lévogyre possède une tendance très accusée à entrer en réaction surtout vis-à-vis des agents d’oxydation. Elle est peu stable, et sa dislocation fournit des corps en C’, l’aldéhyde ou l'acide formique. Ce sont des notions qu'il y aura lieu de se rappe- ler plus tard, lorsque nous étudierons l’action de nos microbes sur la glycérose. IV Les recherches antérieures sur les alcools polyatomiques nous conduisent naturellement à l'étude des hexoses; mais il est évi- dent qu'avec celles-ci viendra se confondre l'étude des hydrates de carbone supérieurs, tels que l’amidon et les bihexoses, si nos microbes sécrètent les diastases capables d'hydrater et de dédou- bler ces corps. L'expérience montre bien qu’il en est ainsi. Dans 100 c. c. de solution nutritive additionnés de 2 gr. de fécule de pomme de terre, le Tyrothrix tenuis s’est bien développé, et après quelques jours il était facile de constater les propriétés réductrices du liquide. Après 30 jours, l’amidon étant complètement dissous, le liquide de culture fournit à la distillation une solution réductrice et lévogyre : il s’est donc formé de la glycérose. Quant au résidu, il est réducteur et dextrogyre; et, de plus, bien que l’iode ne lui communique aucune coloration, il fournit par l'alcool un préci- LR Ée : sé de Enfin mt -2 dit ot he dites tint and dd COMBUSTION DES CORPS TERNAIRES. 435 pité que l'acide sulfurique dilué transforme à chaud en un corps qui réduit la liqueur cuprosodique. L'amidon a donc été transformé en dextrine, en sucres fixes et en glycérose. Si nous répétons l'expérience avec du bouillon additionné de 2 0/0 de fécule, l'étude du liquide, après 30 jours d'incubation, nous permet de retrouver encore la glycérose, mais non la dex- trine ni les sucres fixes. Tous ces corps ne se forment qu'à titre intérimaire et sont détruits pour aboutir à la glycérose. Le maltose est transformé en glycérose après avoir été au préalable dédoublé en glucose. L'examen d’un bouillon additionné de 10 grammes de maltose, que j'ai pratiqué après 20 jours de culture, a donné, le résidu de la distillation étant ramené à 100 e. c., volume initial du liquide: Déviation à 17° — 1314 correspondant à 2,761°,, de glucose. Dosage du sucreréducteur,par réduction —2,770°/,de glucose. Tout le maltese a subi le dédoublement diastasique. Quant au produit de la distillation, il est réducteur et lévo- gyre. L'étude du sucre de canne nous arrêtera un peu plus long- temps, parce que son dédoublement donnant naissance à deux sucres isomériques, il est intéressant d'examiner si les microbes font un choix entre les deux isomères. La solution de ce point exige quelques analyses des mélanges de sucres divers : saccharose, glucose et lévulose. Ces analyses ont été pratiquées à l’aide des procédés usuels; l'interprétation des données pour- suivie à l’aide des documents consignés dans la thèse substan- lielle de M. Grimbert ‘. Tyrothrix tenuis : dans 100 c. c. de solution minérale ren- fermant 5 grammes de sucre de canne. Après 30 jours d’incubation, le liquide distilié est réducteur et lévogyre : il renferme de la glycérose. 4. Grimserr : Fermentation anaérobie produite par le Bacillus orthobutylicus. Ces Annales, 1893. Pouvoirs rotatoires, Coefficienis saccharins. Saccharose : [æln + 67031 + 151620 Glucose anhydre : [œln + 52050 + 0,018796p + 0,000517p? + 2:065 Lévulose anhydre : [ain — 101938 — 0,56t + 0,108 (p—10) —1:"0719 + 0,0058t° 0,000038t2 436 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Résidu de l’évaporation à sec repris par 100 c. c. d’eau : Déviation en degrés saccharimétriques..... — 04,46 à 170 SUCLE TÉdUCIEUT RER NTI PRE AR ER LCR 2,05 0/ - _ après interversion......... 2,05 0/0 d’où nous tirons : SACCHALOSE ALES TAN CPAM ANA NTIC APM ER RE 0,90 GIUCOS EE LATE UE AE NOR AT AR STAR LE Tee 1.304 L'éVULOSE ASC RER LEE AU EL Le Le 0,746 Tyrothrix tenuis : dans 100 c. c. de bouillon et5 grammes de saccharose après 20 jours: liquide distillé réducteur et lévogyre. Résidu porté à 100 €. c. : DENON 152170 Pr Re AN A EN Ge ere + 14,10 SRereréducteur is PNA: ARE Re — 08r,454 9/0 — après interversion.......... — 0gr,454 0/0 d'où SACCNAFOSE LES TAN LE AE MEL AT ER SE CPE — 0gr,00 Ciucose LI UMASNEe, a NAMUR EE — 0sr,3715 LevUIDSes 2 2e PRE EU PM APN CRÉES — 0gr,0825 Tyrothrix tenuis : dans 100 c. c. de bouillon à 10°/, de sac charose après 30 jours : liquide distillé réducteur et lévogyre. Résidu de la distillation porté à 100 c. c. DéVIALON AUTEUR CES LR CARS A ES TOR — + 4d6 SUCPESTÉAUE LOUE LEE Re CRT net —= 3,18 0/0 ADrES INLeTVELSIONE CURE RME TE —= 3,18 9/0 D'où : Saccharose restant... ALAN SES TERRE = Ô GlaCoSe MeÉtan tres En OR NE Re = 2,71 LÉVDIOSC LENS Le RS PEN TON SA AIT EARSE — 0,47 Dans toutes ces expériences, le Tyrothrix tenuis attaque de préférence le lévulose, pour laisser un résidu de glucose. Passons au Bacillus mesentericus vulgatus. Dans 100 c. c. de bouillon à 10 °/, de saccharose après 45 jours : liquide distillé, réducteur et lévogyre. Résidu porté à 100 c. c. donne : Dériation à .200.: ER RME CSS RRRR . + 04,2 Suere réducteur. LS ARNO CR REP. 1,94 0/0 — après interversion ,........... 2,50 0/0 COMBUSTION DES CORPS TERNAIRES. 487 D'où : D'ACDHATOSERRES AREA Rae à à ea Ne LUE 0,532 0/0 CUCOS ERNEST NE MANS rem ne 0,985 LUE LAN EUR S ANR RES Vies ER ÈE 0,965 Après 25 jours : SAGDRADONCRPES DAME SEA 2 2e à at A NE 0 ÉHCOSES EM AR nt A 0,365 RÉVLO SENS PIN Me COL ace ef (ARR 0 Comme le précédent, ce microbe attaque de préférence le lévulose. Voyons s’il en serait de même avec le Bacillus subtilis. Après 15 jours : Dans 100 c. c. de bouillon renfermant 10 grammes de saccha- rose. PENTALTON ET ECTE ER LE RUE AR RAA Re. PT — 9d,0 DHCTENDEUUCIEUR RE UE Rte dns eee els Mad 3,509 0/0 _ apres INT Version: , 2.30 0 3,909 D'où : S'ACCITATOS Ce Se DS ROLL LOL E 0 HÉVUIOSCRTES TAN ER RP ER REPN T EE E nr o 1,958 FE LORS ER SAVE EL OP AR RG CN RE EN RR MER 0 LE 1,951 Après 25 jours : SACCNALOS CS RE RP CT RER ee EN Mn 0 MES ere tie RER TN TER 0,650 ÉTEDSTES PO R RE RE D RO NE 0,110 À l'inverse des deux premiers microbes, le subtilis attaque de préférence le glucose pour laisser un résidu de lévulose, et ainsi nous relevons une différence intéressante entre ces êtrès. Mais l'intérêt principal de ces observations resterait inaperçu, si nous ne les rapprochions des observations relatives à l’oxy- dation de la mannite. Or ce rapprochement met en relief cette singulière coïncidence : les microbes qui, dans le mélange des * deux sucres isomériques formés aux dépens du saccharose, atta- quent de préférence le lévulose pour laisser du dextrose, sont ceux-là mêmes qui, aux dépens de la mannite, nous ont fait de 438 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. la mannose, sucre aldéhydique dextrogyre comme ce dextrose ; et de même, le Bac. subtilis qui, dans cette expérience sur le sucre de canne, laisse un résidu de lévulose, est celui-là même qui nous a fait de la lévulose en partant de la mannite. * Aussi, notre interprétation relative à l'oxydation de la man- nite pourrait-elle être suspectée. Il se pourrait bien que nos mi- crobes, au lieu de faire chacun une seule hexose, mannose ou lévulose, fissent Chacun les deux sucres isomériques, dont l’un serait brûlé plus rapidement que l’autre. qui resterait comme résidu. Il y a plus : envisageant la combustion de la glycérine sous le même jour, nous devons nous poser la question de savoir si la glycérose aldéhydique lévogyre, reconnue dans le cours de ces recherches, serait bien le sucre unique issu de cette oxydation; ou s'il ne se formerait pas, concurremment à celui-ci, un sucre cétonique isomérique, Ja dioxyacétone. Comme on le voit, nous sommes irrésistiblement poussés, par la seule observation des faits, vers l’étude d’une des faces de ce problème posé par Pasteur : celui qui est relatif à la forma- tion des corps doués du pouvoir rotatoire, par l’action de la cellule vivante sur les corps inactifs par symétrie moléculaire. Ce sera là l'objet d’une étude spéciale. Ce qui ressort nettement de cette partie de nos recherches, c’est que les bihexoses et l’amidon sont ramenés sous la forme de sucres simples, aldoses ou cétoses, par l’action des diastases hydratantes ; et que ces sucres sont à leur tour transformés en glycérose. VE Nous voici arrivés au point culminant et critique de ces recherches. Tous les corps complexes, alcools polyatomiques et hydrates de carbone sont venus se rencontrer ici, et ont tous revêlu la forme plus simple d’un sucre en C*. Il s’agit de savoir si les microbes arrêtent ici leur travail de destruction, ou si ce sucre n'entrera pas en réaction, tout comme les sucres dont il dérive. Sur ce point, nous en sommes encore réduits aux conjectures. Aucune des expériences exposées jusqu'ici ne saurait être COMBUSTION DES CORPS TERNAIRES. 439 invoquée comme une preuve. Cependant le peu de stabilité de la glycérose vis-à-vis des agents physico-chimiques fait prévoir sa faible résistance vis-à-vis des cellules vivantes. L’expérimentation pourra facilement nous éclairer : il suffira de suivre, à l’aide du polarimètre, son apparition, son accumu- lation et sa disparition éventuelle dans les liquides de culture. I m'a paru qu'il y aurait intérêt à partir des aldoses, plus rapprochées des corps brûlés que les alcools ou les bihexoses : le bouillon qui favorise, comme nous l'avons vu, la combustion des corps ternaires, a été employé comme aliment azoté. Mais j'ai fait d’abord une première épreuve dans la solution des sels ammoniacaux additionnée de glucose, et j'ai pu constater, non seulement que ce mélange constituait un bon milieu de culture, mais encore que le liquide distillé à diverses époques renfermait de la glycérose. Tyrothrix tenuis dans 100 c. c. de solution ammoniacale à 5 0/0 de glucose. AIDES AD MIONRS RENTRER Men Re ete æ — — 32’ D TR ET A AE taes Sd ene vRS Gle æ — — 46’ SO RESTE PRÉ POS ANR TR PER ESS œ — — D0’ Le glucose est donc capable d'entrer en réaction de lui-même et pour ainsi dire de pied ferme, sans être entraîné par la réaction qui le produit dans le dédoublement du saccharose. Il est apte à fournir au microbe ses aliments de construction et d'entretien. Essayons à présent d'évaluer les proportions relatives de glycérose dissoutes dans les liquides distillés aux diverses épo- ques de la culture : ces quantités étant proportionnelles à l'angle de rotation pour une même température, je les indiquerai par la valeur de cet angle. Tyrothrix tenuis. Bouillon glucosé à 5 0/0, 100 c. c. Sucre restant. Sucre consommé. Angle de rotation. Après 15 jours de culture.. 1,2#7 75,06 0/5 a — — À2/ — 30 = .. 0,412 91,76 0/0 Hi—R— 1091 — 45 L. LE » 100,00 0/, x — — 38 L'épreuve est significative à divers titres : les 75 0/0 de glucose consommés pendant la première période ont produit une proportion de glycérose correspondant à un angle de — 42'; les 16,70 0/0 de glucose consommés du 15° au 30° jour ont 440 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. produit la proportion de glycérose relativement beaucoup plus élevée correspondant à un angle de — 20'; puis, le sucre géné- rateur ayant disparu ou étant devenu plus rare, la glycérose a été elle-même attaquée. Nous voyons ainsi se succéder trois modes de fermentation très différents dans une même culture, notion que les recherches de M. Perdrix ‘ et celles de M. Grim- bert ? ont déjà mise en lumière. Mais ce que je veux retenir, c’est que notre sucre à 3 atomes de carbone joue le rôle de pro- duit intérimaire. Répétons l'expérience avec la glycérine : Tyrothrix tenuis. — Bouillon glycériné à 5 0/0 : 400 c. c. ADrÉS MES OUrS. UECUIEUPE PO ACER ERA E RER ERR æ == — 406” — 30 PES EME SRE A RU UE à D LOU! — 45 — glycérine restant = 0,058 — x — — 208" Ici, la glycérose s’est accumulée incessamment dans le liquide de culture, si bien que, considérée isolément, cette expérience pourrait donner à penser que ce sucre est un produit ultime de la vie du microbe; d'autre part, les quantités de glycé- rose retrouvées après chaque période sont sensiblement plus élevées que celles constatées dans l'expérience précédente. Ne pourrions-nous expliquer ces différences par les diffé- rences qui existent entre la glycérine et le glucose en tant que générateurs de calorique? La chaleur de combustion du glucose étant de 673 calories pour un poids moléculaire de 180; celle de la glycérine étant de 392,5 calories pour un poids moléculaire de 92, il s’ensuit que la combustion totale de 5 grammes de glycérine dégage- rait 21,3 calories contre 18,7 calories que dégagerait un poids égal de glucose. Il est facile de concevoir que, par cela même, le microbe ne procède pas aussi rapidement à la combustion intégrale de la glycérine, et qu'il s'arrête plus longtemps sur les termes de passage tels que la glycérose, encore seusiblement endothermi- ques. Mais il suffit de l'expérience suivante pour nous convaincre 4. Ces Annales, tome V. 2. Ces Annales, tome VII. COMBUSTION DES CORPS TERNAIRES. AM que la glycérose est aussi bien attaquée dans le cas de la glycé- rine que dans le cas du glucose. Bouillon glycériné 100 c. 6e. — 2° passage. — Dans ce liquide, j'ensemence non plus le microbe originel tiré da bouillon, mais le microbe ayant déjà détruit de la glycérine, celui que l’on peut retirer du liquide de l'expérience précédente après 15 jours d’incubation. Voici les résultats : Après 15 jours de culture. Angle de déviation...... æ —= — 1046 — 30 — HE MER ES 0 a — — 1024 — 4 — es ONE Re æ = — 102’ Du 15° au 45° jour, les proportions de glycérose vont en diminuant; ce corps est attaqué par le microbe. Cette expérience donne à penser que nous pourrions arriver en peu de temps à l’inactivité optique, par une éducation appro- priée du microbe. Pour le vérifier, j'ai fait un deuxième passage sur le bouillon glucosé, en prenant la semence dans le bouillon glucosé du premier passage, après 15 jours de culture : Bouillon glucosé à 5 0/0 : 100 c. c.; 2° passage; semence tirée du 1° passage sur glucose après 15 jours d'incubation. Apres 15 jours, de-Culture 1401: 62000 a — — 104 — 30 SR RP REVERS PARA a — — 0’ — 45 RS NS ACTE CET Inactivité optique. Tous les groupements renfermant le carbone asymétrique, même celui qui résiste le mieux et persiste dans la molécule de la glycérose, sont entrés en réaction et ont subi une dislocation intégrale. Ce point acquis, je me suis demandé si le microbe ne pour- rait pas aboutir à la destruction complète du glucose, à la dislocalion intégrale de tous les groupements renfermant le carbone asymétrique, sans que nous voyions persister ce grou- pement plus résistant, et sans que nous puissions retrouver de la glycérose dans le liquide distillé. J'ai donc pratiqué une série de passages dans le bouillon glucosé; mais, afin de rendre plus saisissants les résullats que l’on peut espérer, j'ai expérimenté sur un volume plus considé- rable de liquide et forcé la proportion de glucose. 442 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 3° passage. — 200 c. c. de bouillon glucosé à 10 0/0. Semence provenant du 2° passage après 15 jours d'incuba- tion : Après 15 jours de culture : x = — 22’; sucre consommé : 15gr,94 4° passage. — Liquide de culture identique au précédent. La semence vient du 3° passage après 12 jours d’incubation : Après 10 jours de culture... & — —"8 — 20 — ui — 221" sucre restant: traces Il a été détruit, comme on voit, 20 grammes de glucose pour des quantités très minimes de glycérose retrouvées. 5° passage. — Mème liquide de culture. La semence est tirée du 4° passage après 10 jours d’incubation; mais, cette fois, l'expérience se fait à 38°-39° : Apres 8oursde culture. 200%. æ = — 0 — 15 Es TE Or @- = —20 — 20 Ra A EE frere x —= — 0 sucre restant : 0 Tout le glucose a été détruit sans que nous puissions retrou- ver les moindres proportions de glycérose. Faudrait-il donc croire que ce sucre ne se forme plus, que quelque rouage du mécanisme de la combustion à été changé? Nullement; car si, parallèlement à cette expérience à 38-39°, nous faisons une autre expérience à 23-24° dans des conditions par ailleurs absolument identiques, nous retrouvons dans Île liquide de ce 5° passage des proportions relativement élevées de glycérose pour des proportions relativement faibles de glucose détruites. Rien d’essentiel n’a été changé dans le processus nutritf des microbes; mais les phénomènes chimiques qui en sont l’expres- sion se précipitent avec une rapidité telle qu'il nous est impos- sible de les enregistrer, sinon dans leur résultat final : les termes intermédiaires passent inaperçus. La glycérose s'est donc for- mée, mais elle a été détruite dès sa naissance dans l’intérieur même du protoplasma. COMBUSTION DES CORPS TERNAIRES. 443 VI Lesnotions qui précèdent demandentunesanction. Que devient la glycérose? Est-elle directement et intégralement brülée, ou sa combustion se fait-elle en plusieurs fois ? On pourrait bien comprendre que la combustion fût directe, ce sucre ne représentant plus, en somme, un édifice bien élevé ni bien complexe. Cependant des considérations de l’ordre bio- logique et de l’ordre chimique font pressentir qu’un nouveau corps intermédiaire pourrait encore apparaître entre la glycérose et les corps brülés. Nous savons, en effet, que si les mucédinées font à titre intérimaire de l’acide oxalique, dans la combustion des corps ternaires complexes, cet acide oxalique se produit encore, au même titre, dans la combustion des corps ternaires relativement simples, tels que l'alcool et l'acide acétique ’, construits, comme l'acide oxalique même, sur deux atomes de carbone. De plus, nos recherches sur les propriétés de la glycé- rose ont mis en évidence ce fait que les agents physico-chi- miques d’oxydation, tels que l’oxyde d'argent, les alcalis, la lumière solaire, laissent tous un résidu, acide acétique, acide for- mique, ou corps aldéhydique à fonction simple, par leur action sur la glycérose. Mais une observation très simple nous met immédiatement sur la voie : si, dans les expériences que je viens de relater au sujet de l’accumulation et de la disparition ultérieure de la glycé- rose, nous étudions le liquide distillé au double point de vue de l’angle de rotation qu’il provoque et de son action sur la solution sulfureuse de fuch$ine, voici ce que nous remarquons : tant que s'accroît l’angle de rotation et même lorsqu'il commence à décroître, la solution de fuchsine n’est pas colorée, mais elle prend parfois une coloration rouge plus ou moins accusée, dès que Le liquide distillé est inactif ou voisin de l’inactivité optique. Gette coloration est l'indice de la présence, dans nos liquides de cul- ture, de traces d'un aldéhyde à fonction simple, dont l'apparition est postérieure à la destruction complète du glucose et coïncide avec la disparition des dernières parties de glycérose; de telle 1. Duczaux, Nutrition intra-cellulaire, dans ces Annales. 444 . ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sorte que nous pouvons reconnaitre avec justice des relations de cause à effet, entre ces deux phénomènes simultanés. Il s’agit de déterminer celte aldéhyde; mais ici, nous ne heurtons pas l'obstacle qui nous a empêché de déterminer l’aldéhyde formée par l’insolation de la glycérose en solution neutre, puisqu'il nous est toujours possible d'arriver à l’inacti- vilé oplique. Je suis donc parti de 160 grammes de glucose pur et anhydre, dissous dans 2 litres de bouillon de viande. Le liquide étant distribué entre 10 matras, j'ai ensemencé le Tyrothrix tenuis et tenu les cultures pendant 60 jours à l’étuve. L'étude de l’un des ballons m’ayant montré qu'il ne restait plus de glycérose et qu’une aldéhyde simple avait pris naissance, j'ai disullé séparément le liquide contenu dans les autres bal- lons, préalablement additionné de traces d’acide tartrique. Après examen, j'ai réuni tous ces liquides qui étaient inactifs, neutra- lisé par le carbonate de chaux et distillé une seconde fois. Le produit est addilionné de bichromate de potasse et d’acide sulfurique en solutions diluées : une troisième distillation, poussée presque à sec, nous fournit l'acide correspondant à l’aldéhyde. Après neutralisation exacte par la chaux, j'évapore à sec. [l reste 23 miligrammes d’un sel de chaux qui réduit la liqueur cupro-sodique, ce qui correspond à 9 milligrammes d’aldéhyde formique. Voilà donc tout ce que j'ai pu retrouver, sous la forme aldé- hydique, des 160 grammes de sucre aldéhydique mis en fermen- tation. Mais, si peu que cela soit, cela néanmoins suffit pour nous faire repousser l'hypothèse de la combustion intégrale et d’em- blée de la glycérose. La quautité si minime d’aldéhyde formique retrouvée dans cette expérience est peut-être la quantité maxkima qu'il soit possible de retrouver. Il arrive souvent que la solution sulfu- reuse de fuchsine ne révèle aucune trace d’aldéhyde dans des cultures d'où ont entièrement disparu le glucose et la glycérose ; il m'a paru que l’aldéhyde formique se rencontrait plus souvent dans les vieilles cultures où l’attaque de la glycérose et sa dispa- rition étaientrelativement lentes, et qu'on n’en trouvait pas le plus souvent dans les cullures où la glycérose n'apparaissait qu’en petite quantité, telles que celles des 2° et 3° passages. Dès lors, COMBUSTION DES CORPS TERNAIRES. 445 se présente la question de savoir si l’aldéhyde formique ne se formerait que pour être détruit, sitôt formé, tout comme la gly- cérose elle-même, et comme les hexoses issues de l’oxydation de la mannite. Je sais bien qu’une telle manière de voir ne saurait s’im- poser. Ceux des biologistes qui s’exagèrent peut-être l’antago- nisme existant, au moins en apparence, entre les deux notions de valeur alimentaire et de pouvoir antiseptique, souvent rappelées en biologie, n’attribueraient pas volontiers à l’aldéhyde for- mique la propriété d'entrer dans le processus nutritif des microbes. Il existe cependant un précédent qui, s'il ne peut être invo- qué dans ce cas particulier comme une preuve décisive, mérite d'être rappelé parce qu'il plaide chaudement ma thèse : je veux parler de l’expérience par laquelle M. Duclaux a démontré’ que l'acide formique, dont le pouvoir antiseptique n’est pas douteux, et qui, par ailleurs, serait de valeur alimentaire nulle pour de nombreux microbes, attendu que sa constitution chimique le rapproche des corps brûlés, est néanmoins susceptible de nourrir les microorganismes aérobies, grâce à l'intervention de l’oxygène de l'air. J'exposerai donc, avec quelques détails, l’expérience fort simple que j'ai entreprise, bien qu'elle soit calquée sur l’expé- rience dont je viens de parler, parce que, à mes yeux, ces résul- tats ne laissent subsister aucudu.note J'ensemence le Zyrothrix tenuis dans une série de ballons renfermant chacun 100 c. c. de bouillon de viande. Après 4 jours de culture, un beau voile de microbes s'étant formé dans tous ces ballons, j’injecte dans ces masses de liquide, au-dessous des voiles, les quantités respectives de 2, 5, 15 et 20 milligrammes d'aldéhyde formique. Ce sont là des doses puissamment anti- septiques, surtout les trois dernières; ce sont aussi des doses, même les plus faibles, qui, à cet état de dilution, impressionnent nettement, comme je m'en suis assuré, la solution de fuchsine sulfureuse. L'effet du toxique ne se fait pas longtemps attendre. Dans tous ces ballons, les voiles de microbes, après quelques instants, À. Ces Annales, tome VI : Sur l’action antiseptique de l'acide formique. 446 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. se disloquent, se détachent des parois et tombent au fond du vase. Puis, peu à peu, les microbes qui troublaient légèrement la masse des liquides se déposent en un sédiment; si bien. qu'après 48 heures, nous pourrions croire, faisant abstraction du dépôt de cadavres, que ces liquides viennent d’être filtrés à la porcelaine. Il semble que toute vie soit éteinte; mais ce n’est que l'apparence. Après un certain temps, variable suivant les proportions d’aldéhyde formique introduites, de nouveaux voiles de microbes reparaissent dans ces ballons : après 5 jours, 14 jours, 27 jours, dans les liquides qui avaient respectivement reçu 2, 5 et 10 milligrammes de formaldéhyde. Quant aux autres, ils sont restés limpides. Quelques microbes, dans le nombre, n’ayant pas immédia- tement succombé, se sont peu à peu accoutumés au milieu toxique, ont fait souche d'individus qui ont hérité de la résis- tance acquise par leurs ascendants, si bien que rien ne dis- tingue le voile qu'ils forment sur ce liquide primitivement empoisonné, du voile primitif que le toxique avait abattu. L’aldéhyde formique jouerait-elle à l'égard de ces microbes le rôle d’un corps inerte? Si nous distillons, après les avoir addi- tionnés de traces d’acide tartrique, ces liquides de culture 20 jours après la formation du 2° voile, il n’en est pas un, même celui qui avait reçu 10 milligrammes d’aldéhyde formique, qui im- pressionne à un degré quelconque la solution sulfureuse de fuchsine. Toute l’aldéhyde formique a disparu ‘. À plus forte raison, pourrons-nous admettre que dans les cultures sur le bouillon-glucose qui en sont exemptes, même après que le glucose et la glycérose ontété détruits, cette aldéhyde a pu être détruite au moment même de sa formation dans l’intérieur du protoplasma cellulaire. Et comme je n’ai pu retrouver aucune trace d'acide formique dans ces cultures d’où laldéhyde a dis- paru, l'interprétation presque forcée, c’est que cette aldéhyde a été brûlée, par une réaction inverse de celle qui lui donne nais- sance dans les feuilles vertes. Nous avons donc nettement aperçu les divers stades de com- 4. J'ai tenu à l’étuve, pendant deux mois, des ballons renfermant 100 e. €. de bouillon additionnés de 5 nulligrammes d’aldéhyde formique. Ces ballons bou- chés au tampon de coton, examinés après ce temps, n'avaient pas perdu leur aldéhyde. COMBUSTION DES CORPS TERNAIRES. 447 bustion, depuis la mannite et l’amidon jusqu'à l’anhydride carbonique et l’eau, en passant par des formes aldéhydiques de plus en plus simples. Tout le glucose générateur a-t-il subilacombustion complète ? Quelques molécules n’auraient-elles pu échapper à cette destruc- tion, ou n'auraient-elles pu suivre une autre voie ? Je rappellerai que les liquides de culture soumis à une première distillation fournissent un produit acide. Il se forme donc des acides gras aux dépens des corps ternaires; peut-être s’en forme-t-il aussi qui appartiennent à une autre série. Je reviendrai sur ce point dans un prochain mémoire. Nous voyons en résumé, que nos microbes revètent une phy- sionomie extrêmement originale, dont j'ai cherché à marquer les traits les plus saillants, par l’étude des corps intérimaires qu'ils forment dans leur combustion des corps ternaires. Sans doute, il nous est parfois très difficile de saisir au passage ces corps intérimaires dont la tendance est d'entrer en réaction, et de disparaître à mesure qu'ils se forment : il a suffi de substituer le bouillon à la solution des sels ammoniacaux pour que nous ne retrouvions plus les hexoses qui dérivent de la mannile; quelques passages dans le bouillon glucosé, une différence de 3 ou 4 degrés dans la température de culture ont permis au microbe de brüler son aliment ternaire, sans que la glycérose fût extravasée de la cellule dans le liquide de culture; quant à l’aldéhyde formique, rien ne nous semble plus difficile à préciser que les conditions qui favorisent ou empè- chent son apparition : tellement subtiles et puissantes sont les causes qui gouvernent les relations de la cellule vivante avec le milieu extérieur. L'étude biologique de ces microbes nous a permis d’aperce- voir, dans son ensemble, le mécanisme de la combustion des corps ternaires. Mais combien nombreux sont encore les points laissés dans l'ombre, et non des moins essentiels : les alcools polyatomiques sont transformés en aldoses ou cétoses par oxyda- tion ménagée, voilà qui est acquis: mais nous ne pourrions dire si chaque microbe fait un seul sucre, ou deux sucres isoméri- ques obéissant avec une vitesse inégale à l’action destructive du microbe. Les hexoses sont transformées en une triose, je crois 448 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. bien l’avoir démontré; mais le dédoublement qui semble expri- mer celle réaction, est-il apparent ou réel? et s'il est réel, engendrerait-il deux molécules identiques ou deux molécules isomériques en C®, dont l’une serait détruite plus facilement que l’autre, et celle-ci plus stable peut-être uniquement à cause même de sa forme stéréochimique ? Ce sont là des questions qu'il importerait de résoudre, et qui, même à distance, paraissent éminemment délicates. Mais il faut prendre son parti de ces deux difficultés, puis- que, de quelque côté que nous entreprenions les microbes, par quelque porte que nous essayions de pénétrer dans l'intimité de leur vie, il surgit devant nous, un premier pas franchi, quelque nouveau problème toujours plus ardu et plus complexe, mais toujours aussi plus attachant. CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DB LA SACCHAROMYCOSE HUMAINE Par F, CURTIS Professeur d'anatomie pathologique et de patholowie générale à la Faculté de médecine de Lille. L'étude des blastomycètes parasites chez l’homme, de date encore récente, s’est trouvée dans ces derniers temps enrichie d'une série de faits nouveaux ; c’est pourquoi il nous a semblé utile de faire connaître les expériences que nous avons poursui- vies depuis plus de six mois avec une levure trouvée par nous dans le tissu cellulaire de l'homme. Nous remercions M. le pro- fesseur Metchnikoff, qui a bien voulu nous donner son opinion sur la question si controversée du noyau des levures, et complé- ter nos documents bibliographiques par l’analyse de quelques travaux publiés en langue russe. Sans faire ici d'historique, nous croyons devoir rappeler les principaux travaux publiés sur cette question encore obscure de pathologie générale. Nous renvoyons aux traités généraux pour tout ce qui con- cerne les premières découvertes de blastomycètes dans les pro- duits pathologiques, suppurations ou excreta des malades ; la plupart de ces observations se bornent à la constatation d'un fait sans démonstration expérimentale. Une des premières relations bien établies de levure pathogène chez l’homme a été donnée par Achalme et Troisier (1) dans un cas d’angine parasitaire ressem- blant cliniquement à du muguet. Dans ce cas, l’agent d'infection élait un organisme que la culture en milieux artificiels a permis de classer parmi les saccharomycètes. Busse(2), il y a un an, a réussi à isoler, dans un abcès du tibia, un microorganisme qui, à l'examen microscopique comme à la culture, présenta tous les caraclères d’une levure véritable. La malade de Busse était une femme de 35 ans, qui mourut d’ailleurs après avoir présenté des abcès osseux du cubitus et des côtes. Elle fut enlevée par une véritable infection générale, une 29 450 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. pyémie produite par l’envahissement de tous les organes par le microorganisme. Celui-ci fut retrouvé à l’autopsie dans les reins, la rate et les poumons. Des cultures pures et des inoculations démontrèrent que celte levure était pathogène pour les souris blanches, chez lesquelles elle produit une véritable infection identique à celle observée chez l'être humain. . Nous avons fait connaître nous-mêmes(3) au mois d'août 1895 un microorganisme analogue à celuide Busse, mais quicependant en diffère par plusieurs caractères. La question de cette non- identité sera discutée plus loin. D’autres observateurs ont pu déceler des levures pathogènes chez les animaux, ou produire à l’aide de levures vulgaires des infections générales. C'est ainsi que le professeur San-Felice (4) a isolé dans le jus defruits fermentés une variété de blastomycètes auxquels il donne le nom de Saccharomyces neoformans. Ce parasite injecté aux cochons d’Inde les tue dans l’espace de 30 jours. Lorsque l’injec- lion a été faite dans le tissu cellulaire, il se développe au point d’inoculation une tumeur molle renfermant en masse le parasite. Des embolies parasitaires se trouvent dans la rate, dans le foie. Depuis, le même auteur a rencontré dans les ganglions tuméfés d’un bœuf, mort de carcinose primitive du foie, un microorganisme de même nature, auquel il donne le nom de Saccharomyces litogenes. Ge champignon, en effet, cultivé et inoculé aux animaux, produit des tumeurs sous-cutanées dans lesquelles se forment des concrétions calcaires. Les cochons d'Inde, inoculés sous la peau, meurent au bout de deux mois; inoculés dans le péritoine, après 30 jours. A l’au- topsie on trouve des embolies multiples dans les poumons, les ganglions mésentériques, la rate. Le mouton est également récepüf. Il se produit chez cet ani- mal des abcès sous-cutanés. Malfucci et Sirleo (5) ont trouvé chez un cobaye cachectique une tumeur fluctuante du sommet du poumon gauche. Cette col- lection purulente renfermait un microorganisme que les cultures permirent d'isoler; c'était unelevure produisant chez les animaux inoculés des abcès et du gonflement ganglionnaire. Enfin,récemment, Lydia Rabinowitch(6),surunecinquantaine d'espèces de levures vulgaires, en trouva sept qui était patho- vi: Dr : toit) LR dd ont JR dd: on D 24,07 2 SACCHAROMYCOSE HUMAINE. A5 gènes pour les animaux. Aucune de ces levures n’a d'action sur le cochon d'Inde ; elles agissent, au contraire, sur les souris et quelques-unes sur le lapin. Les animaux inoculés meurent par infection et non par intoxication. PROVENANCE DU MICROORGANISME Le parasite dont nous faisons ici l’étude a été trouvé par nous dans les conditions suivantes. Le 15 juillet 1895, M. le professeur Folet nous remettait les fragments d'une tumeur d'apparence myxomateuse, enlevée le jour même à l'un de ses malades de l'hôpital Saint-Sauveur. Le néoplasme siégeait à la région supérieure de la cuisse droite, au niveau de la base du triangle de Scarpa, et présentait le volume de deux poings. Il existait de plus chez ce même indi- vidu, et également du côté droit, un abcès volumineux de la résion lombaire; abcès d’ailleurs ulcéré laissant écouler une petite quantité de pus épais et floconneux. La peau était saine, au contraire, etabsolumentintacte au niveau dela tumeur crurale qui, par sa consistance molle et demi-fluctuante, avait fait porter le diagnostic d’abcès par congeslion. L'incision montra qu'il s'agissait simplement d'une poche sous-cutanée renfermant un tissu mou et comme gélatineux. Il semblait en un mot que l’on eüt sous les yeux quelque sarcome ayant subi une trausformation muqueuse très avancée. La tumeur de la cuisse ainsi que celle de la région lombaire furent enlevées en Lotalité, et leur enveloppe décortiquée par la dissection; on put voir alors que la lésion siégeait dans le Lissu cellulaire, entre peau et muscles, sans aucune trace d'envakis- sement profond. Le malade d’ailleurs est un. homme jeune, d'aspect bien portant, et ne présentant aucune tare individuelie ni héréditaire. Les poumons soutsains, ainsi que les autres organes thoraciques et abdominaux. Aucune étiologie spéciale ne peut être invoquée dans le genré de vie du malade, qui est ouvrier serrurier depuis l'âge de douze ans. Il est à noter cependant que la tumeur lombaire et crurale ontapparu à la suite d’une période de vingt- huit jours faite en mai, au 15% d'artillerie. Nous ajouterons ici que ce malade est mort récemment. 452 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. enlevé par des accidents méningitiques, de nature mal déter- minée. Celte fin brusque, survenue plus de dix mois après une opération bénigne suivie d'une guérison complète, nous laisse malheureusement dans l’incertitude la plus grande. Le malade étant mort en ville, aucune étude n’a été possible et nous igno- rons s’il y a relation de cause à effet ou simple coïncidence fortuite entre l’existencé du névoplasme parasitaire et l’apparition des accidents méningitiques ultimes. Nous renvoyons à nos publications antérieures pour tout ce qui a trait au premier examen de la tumeur et à l'isolement du microorganisme pathogène. ÉTUDE DU PARASITE. — TECHNIQUE L'examen direct des cellules fraîches dans l’eau ou dans un liquide légèrement fixateur, tel que le liquide de Pictet, est une des meilleures méthodes. Pour la coloration sur lamelle, nous avons adopté le procédé suivant : 1° Fixer la culture sur lamelle par dessiccation lente et par l’action de la solution d'alcool et d'éther: 2° Colorer 10 minutes avec la solution suivante : Violet de méthyle 6B Sol. sat. alcool abs 1er: Solulion de potasse à 471000022509 : 9 — 3° Laver une minute avec l’acide pyrogallique en solution aqueuse à 1/100. Cette substance solubilise le violet et lé fixe légèrement sur la partie centrale de la cellule ; 4° Laver 15 secondes à l'alcool, passer à l’eau, et monter dans un liquide sucré tel que le liquide de Brun. La paroi de la cellule se colore ainsi en violet rose, le centre en violet foncé. La thionine en solution phéniquée, de Nicolle, donne aussi de bons résultats. On monte dans le liquide suivant : anis à 57 00 cotes EEE VERTE Les SCER 100 MIPÉDSE: LES 6 EAERr CE ARE LE) 30 Giyeerine #00 JA RÉORRNE Rte : 7 Thionine phéniquée............ ART, Los RPM 7 SACCHAROMYCOSE HUMAINE. 453 Les préparations sont persistantes. Pour les coupes, le picro-carmin employé comme fixateur et colorant, suivi du montage dans la glycérine formiquée à 1 0/0, donne de bons résullats. On colore ainsi les grains de chroma- tine contenus dans la cellule. On peut également obtenir des préparations à double colora- tion en employantle carmin de Orth, suivi du violet de méthyle 6B en solution potassique. On décolore par l'acide pyrogallique à 4 0/0 et on monte dans le baume. Le microorganisme reste coloré par le Gram. e MORPHOLOGIE DU PARASITE Le parasite se présente sous deux formes absolument dis- tinctes, la forme nue (fig. I A, PI. IV) et la forme encapsulée (fig. IV D) suivant qu'on l’examine en culture ou dans les tissus vivants. Busse et San-Felice avaient aussi trouvé ce double aspect dans leurs levures pathogènes. Nous verrons toutefois dans la suite de ce travail que la forme encapsulée n’est pas exclusive- ment propre à l'état parasitaire. Nous l'avons, en effet, retrouvée en culture arüficielle; ce que MM. Busse ou San-Felice ne paraissent pas avoir obtenu. Forme nue. Nous prendrons, comme type de la forme nue, celle qu’on rencontre dans les cultures sur gélose après 48 heures de séjour à l'étuve. C’est une petite cellule ronde ou ovoïde mesu- rant environ de 3 & à 6 y de diamètre, pourvue d’une membrane d’enveloppe, nette, limitée par un double contour et renfermant d'ordinaire un ou deux petits grains très réfringents. Sur une culture jeune, les cellules ovoïdes sont beaucoup plus nom- breuses que les sphériques, et presque toutes portent à l’une de leurs extrémités un petit bourgeon (fig. [ f). Colorées avec le violet de méthyle, les cellules prennent une teinte violet rouge au niveau de leur paroi propre (a) et violet foncé dans leur centre. Il existe toujours des espaces clairs (d), des grains réfringents (c) qui ne prennent pas la coloration. Les réactifs cytologiques permettent de mieux différencier ces divers détails. 454 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. Le vert de méthyle acétique, après une heure de contact, colore au centre de chaque cellule des traînées irrégulières à contours flous, de teinte vert pâle, sur lesquelles se détachent une infinité de petits grains très nets et très colorés. Les dissolvants nucléaires faibles font gonfler ces grains sans les dissoudre. Avec la potasse à 5 0/0, l’eau de chaux concentrée ou l'acide chlorhydrique fumant, la plupart des cellules perdent leur aspect granuleux, et lorsque après lavage à l’eau on les recolore au vert de méthyle,elles prennent une teinte diffuse, comme si les grains colorés s’élaient dissous dans le protoplasme. Il s’agit donc bien ici de grains de chromatine tenus en suspension dans le protsplasme cellulaire. Les élé- ments jeunes et en particulier les bourgeons en sont bourrés, les cellules les plus grosses en sont pauvres; quelques-unes même sont absolument vides de contenu granuleux et restent incolores avec tous les réactifs. Ce sont là sans doute des formes eninvolution qui existent toujours en plusou moins grandnombre dans les préparations (V). Quant aux gros grains réfringents (c) contenus dans presque chaque cellule, ils ne se gonflent dans aucun des dissolvants nucléaires. [ls résistentàla potasse à 5 0/0 età l'acide chlorhydrique fumant. Ils brunissent légerement dans l’acide osmique, mais ne se dissolvent pas dans l’éther ni dans la benzine, même après 24 heures de contact. Nous sommes porté à les considérer comme des malières albuminoïdes de réserve accumulées dans le protoplasme cellulaire. Le pléomorphisme de notre levure est er somme peu étendu. La levure augmente de taille dans les milieux sucrés acides, et prend souvent alors la forme en chai- nette de 3 ou # articles (fig. Il B). C'est surtout lorsqu'elle pousse à basse température que ces formes articulées deviennent abondantes. Dans un vieux kquide peptonisé et sucré acide, ayant plus d’un mois d’étuve à 39°, on voyait à côté d'individus en chainette de grosses cellules encapsulées rappelant absolument celles de l’état parasitaire, fig. III, mais de taille plus petite. Certaines de ces cellules portaient 2 bourgeons issus du même pôle. La multiplication de la levure se fait toujours par bourgeon- nement. [l se produit parfois dans les cultures sur gélose des formes de multiplications anormales (fig. [ æ). SACCHAROMYCOSE HUMAINE. 455 Forme encapsulée (Gg. IV, 4 à 6). La forme encapsulée se distingue de la précédente par ses dimensions beaucoup plus considérables. Dans les tissus de l'homme ou des animaux inoculés, le parasite prend généralement l’aspect d'une grosse sphère de 16 à 20 de diamètre, pourvue d’une paroi propre bien distincte (4) d'environ 0,5 & et revêtue d’une épaisse couche de substance gélifiée (g) qui forme autour de luicomme une auréole transparente. La capsule hyaline atteint 8 à 10 » d'épaisseur, de sorte que le microorganisme muni de toutes ses enveloppes mesure envi- ron 40 & de diamètre. On trouve également dans les tissus des formes ovoïdes et d’autres bourgeonnantes. Le bourgeon naissant et la cellule mère sont alors contenus dans la même enveloppe gélifiée qui s’étrangle légèrement au point de germination. La conslitution de la capsule gélifiée (g) est difficile à déter- miner. Elle gonfle démesurément au contact des alcalis, mais sans se dissoudre. Elle finit cependant par être corrodée et détruite par un séjour de 24 heures dans la potasse à 40 0/0. Elle résiste d'autre part aux acides forts qui la rétractent simplement. L'alcool produit le même effet. L’enveloppe gélifiée se colore d’ailleurs très difficilement; il faut employer les solu- tions très puissantes, telles que la fuchsine de Ziehl, pour lui donner une légère teinte qu'il est d’ailleurs difficile de fixer. Dans les tissus humains, la capsule hyaline laisse voir par places à sonintérieur une série de cercles concentriques qui répoñdent évidemment à des zones d’accroissement. La paroi propre (a) de la cellule n'offre que peu d'intérêt. Elle est en général d'autant plus épaisse que la cellule est plus grosse, et mauque sur les petits bourgeons. Elle se colore à l’état frais en violet lie de vin par le chloro-iodure de zinc, réac- tion.de la celluiose. Quant au contenu de la cellule de levure, il ressemble à celui de la cellule nue en culture. Les grains de chromatine remplissent totalement les jeunes bourgeons. Îls se disposent de manière variable dans la cellule mère, tantôt accumülés à l’un des pôles, tantôt refoulés sur l'un des bords formantune zone granuleuse en croissant (Fig.[V, là 6). Parfois ils entourent en forme de couronne une grosse sphère réfringente ou un espace clair central. Ils remplis- 456 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sent en totalité un grand nombre d'éléments (fig. IV, 2). Ces grains sont certainement en suspension dans le cyto- plasme; car, en se servant des colorants protoplasmiques tels que l’éosine ou la fuchsine acide, on peut voir se colorer en rougé les zones dans lesquelles le vert de métayle décelait des granula- tions. On peut même, en combinant les deux colorations, mettre en évidence les grains de chromatine qui se détachent alors en vert sur le fond rouge du protoplasme. Il existe une relation certaine entre l’activité fonctionnelle de la cellule et l'abondance plus ou moins grande des grains de chromatine. CARACTÈRES DE CULTURE Ce parasite se comporte en général à la façon des levures et préfère les milieux acides ou neutres. En stries sur gélose faiblement alcaline, le microbe se déve- loppe assez lentement à 37°. Lorsque la semence provient d’un tissu vivant, c’est après 48 heures seulement et quelquefois même après trois jours que l’on voit paraître des pelites colonies punctiformes, blanches dès le début et opaques, quise fusionnent à la longue, mais jamais jusqu’à former une sirie absolument uniforme. Il en est autrement si l’on réensemence une vieille culture. Dans ce cas, la culture se fait dès le lendemain et parait sous forme d'une strie blanche transparente qui cependant n'envahit jamais toutelasurface. Elle devient épaisse et crémeuse au bout de 8 jours. Après 6 mois elle est encore réensemençable. Sur gélatine en piqüre, Le microbe pousse à la température ambiante en 48 heures. Il se développe en une traînée blanche discontinue qui s’égrène dans le foud du tube en petites colonies punctiformes, et s’élargit légèrement vers la surface. Sur gélatine inclinée, la culture est plus rapide à cause du contact de l'oxygène. Il se fait en # à 5 jours une strie blanche crémeuse el saillante, mais qui n’a pas de tendance à envahir, et reste stalionnaire au bout d’une semaine. Jamais la gélatine n’est liquéliée. D ciné eu bouillon ordinaire, le microbe pousse, mais imparfaitement. [l se forme en 2 à 3 jours un dépôt flosonneux qui ne s’accroit plus dans la suite. Le bouillon reste clair. Sur pomme de terre glycérinée, la culture est rapide et donne SACCHAROMYCOSE HUMAINE. 457 un enduit blanc et crémeux qui met un certain temps, 4 à 6 jours, avant de s'étendre, mais finit par couvrir toule la tranche ense- mencée et coule en dernier lieu dans le fond du tube. Sur pomme de terre ordinaire à l’étuve, il se développe en 48 heures une strie blanche, continue et en général sèche. Elle s’épaissit peu à peu et brunit au bout de 15 jours à 3 semaines, surtout si le tube n'est pas coilfé d’un capuchon de caoutchoue. Le microorganisme est avide d'oxygène, mais n’est cependant pas tué par l'absence de ce gaz. L'expérience suivante le démontre. Après avoir ensemencé un tube à pomme de terre muni d’une tubulure latérale, nous y faisons le vide et Le scel- lons à la lampe. Mis à l’étuve à 37°, ce tube reste stérile pendant 8 jours. Cassant alors ce tube latéral, nous laissons rentrer l'air et, dès le lendemain, nous observons une culture assez abondante. Les limites de température entre lesquelles la levure se déve- loppe sont comprises entre 45° et 39°. Le micro-organisme ne se développe pas sur sérum sanguin. Sur moût de bière gélosé à 37° en tubes inclinés, le parasite forme rapidement une strie blanche, continue et saïllante, sans cependant envahir jamais en totalité la surface. Au contact de l'air, ces cullures brunissent au bout de 10 à 15 jours comme celles sur pomme de terre. Les liquides acides donnent également des cultures bien meilleures que le bouillon ordinaire. Une solution de peptone contenant 10 grammes de peptone, 5 grammes de sel et l’équivalent, en acide tartrique ou chlorhy- drique, de 0,3 ou 0,5 d'acide sulfurique par litre, constitue un bon milieu de culture. Pour des acidités supérieures, la cul- ture ne se fait presque plus; ilen est de même quand la solution de peptones'est exactement neutre. Il n’y a aucune culture quand la solution est légèrement alcaline, alors que cependant le micro- organisme pousse en bouillon ordinaire alcalin. Le touraillon acide et le moût de bière, ce dernier surtout, donuent les cultures les plus abondantes, et qu’on peut peser au bout de 40 à 15 jours, si l'on a soin d’ensemencer en larges vases couiques. Jamais dans tous ces liquides acides il ne se fait de dévelop- pement en membrane ou en pellicules superficielles, comme cela arrive avec le parasite décrit par Busse. 458 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Pouvoir inversif. — Pour étudier l’inversion du saccharose, nous avons mélangé, à la solution de peptone indiquée plus haut, une solution de saccharose, de façon à ce qu'il y ait de 8 à 12 0/0 de ce sucre. Les 2 solutions étaient stérilisées d'avance et mélan- gées aseptiquement au moment de l’ensemencement,. Des flacons non ensemencés restaient comme témoins et conservaient leur titre au polarimètre. Pendant ce lemps, on voyait dans les bal- lons ensemencés la déviation décroître, devenir gauche, et le sucre interverli apparaître à la liqueur de Fehling. Voici une expérience précise où le dosage du sucre a été fait en tenant compte de l’évaporation. Un vase d’Erlenmeyer renferme au début 1 gr. 780 de sucre en milieu acide. Après 46 jours d’étuve à 37°, on constate qu’il y à ! gr. 641 de sucre interverti, 0 gr. 06 ont disparu et 0 gr. 079 restent encore dans le milieu de culture. Les flacons témoins montrent que ce séjour à l’étuve n’a nul- ement altéré le sucre en solution acide. En milieu peptoné neutre, l'inversion est plus lente. Pouvoir fermentatif. — Nos expériences sur ce sujet ont été faites comme les précédentes à 37°, température peut-être un peu trop élevée pour notre levure, et eussent sans doute donné des résultats différents à plus basse température : c’est pourquoi nous n’en donnerons qu'un bref résumé : 1° Une solution de peptone composée comme ci-dessus, et contenant 3 0/0 de saccharose, nous a donné après 35 jours à 37°, un liquide qui, ramené par distillation à 10 c. c., donnait 103 gouttes au comple-gouttes, et présentait la réaction de l’iodo- forme : 1l y avait en outre 0 gr. 133 d'acide acélique ; 2° 500 grammes de moût de bière, après 40 jours à 37°, ont fourni 309 milligrammes de levure et environ 0 c. é. 1 d'alcool éthylique ; 3° Dans une solution de peptone sucrée et acide, après 39 jours d’étuve à 37°, nous avons trouvé de l'acide acélique par la méthode des distillations fractionnées de M. Duclaux, et le liquide de distillation, saturé par la soude et évaporé, donne un résidu qui fournit d’une manière évidente la réaction du cacodyle ; 4° Un moût de bière ensemencé et laissé 40 jours à 37° a donné 0 gr. 078 d'acide acélique, tandis qu'il n'y avait « LL mt ins À SACCHAROMYCOSE HUMAINE. 459 que 0 gr. 021 dans du moût identique nou ensemeéncé. La levure en question produit donc aux dépens du sucre, comme aux dépens du moût, de l'alcool éthylique ét de l'acide acélique ; mais ce n’est pas une levure alcoolique active. Quant à l’action de la levure sur les différentes variétés de sucre, nous pouvons dire qu'elle n’agit réellement en solulion de peptone que sur le saccharose. La levure se développe mal dans des solutions de peptone additionnées de maltose, de glycose e! de lactose : avec l’eau de levure, les résultats sont meilleurs mais encore très médiocres, c'est le saccharose qui semble le sucre préféré. INOCULATION L'inoculation de la levure aux divers animaux nous a montré que son pouvoir pathogène est en somme assez limité. Les ani- maux employés ont élé le chien, le lapin, le cochon d'Inde, le rat et la souris. Le cobaye est presque absolument réfractaire aux inocula- tions qui passent presque inaperçues; chez Le lapin, l'injection sous-cutanée amène une tumeur remplie de pus, qui se vide et rétrocède sans laisser de ‘race. Dans le pus, on trouve des globules du parasite, mais rares, de formes irrégulières, et impossibles à ensemencer. La levure paraît être tuée par la réaction inflammatoire développée dans le tissu cellulaire du lapin. Celui-ci se montre d’ailleurs réfractaire à d’autres modes d’inoculation. Recevant directement la culture dans les veines, il survit à cette opération sans accuser aucun trouble. Un animal injecté à forte dose par la veine auriculaire en septembre 1895 est encore en vie actuelle- ment. Les espèces particulièrement sensibles à notre levure sont les rats, les souris et le chien. Chez le rat blanc, le parasite produit infailliblement dans le tissu cellulaire une tumeur véritable, dont l’évolution, lente au début, devient brusquement très active au bout de 8 à 10 jours. Ce néoplasme ressemble à l'œil nu abso- lument aux tumeurs observées chez l’homme : l'examen micros- copique confirme cette identité. Les résuliats que nous avons obtenus dans 20 inoculations 460 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ont constamment reproduit les mêmes variétés d'accidents qui peuvent se résumer dans les exemples suivants : Experience T. — Rat blanc de forte taille, inoculé le 30 août 1895, avec une culture sur pomme de terre glycérinée : on injecte une petite quantité de semence, ce qui tient sur l’œillet de l'aiguille de platine. Le 22 septembre, légère tuméfaction au point d'inoculation, l'animal ne présente aucun trouble apparent, Le 15 octobre, tumeur saillante grosse comme un œuf. — 26 octobre, tumeur comme un gros œuf de canard. La peau commence à s'ulcérer. L'animal est sacrifié et le contenu de la tumeur ensemencé donne des cultures pures du microorganisme. Expérience IT. — Rat blancde très forte taille, inoculé le 9novembre, avec une culture datant de 44 jours et provenant du rat précédent. Cet animal survit. En janvier 1896 il porte à la nuque une énorme tumeur qui lui masque presque la tête. Cette néoformation s’ulcère et se vide peu à peu de son contenu. En février il se produit à la périphérie un sillon d'élimination et la poche tout entière déjà ratatinée se détache et tombe. L'animal est encore en vie. Expérience II. — Rat blanc inoculé le 30 octobre avec culture venant du rat no { et datant de 4 jours. Le 9 novembre, la tumeur devient bien saillante. Le 2 février l'animal meurt. On trouve à l'autopsie, les poumons, la rate et les reins bourrés d'embo- lies parasitaires. Les poumons sont volumineux, durs et rigides comme dans l'hépatisation, el sont tachetés d’un semis de points blancs si nombreux qu'ils couvrent presque toute la plèvre. La rate et les reins sont également couverts de petits grains blancs disséminés faisant légèrement saillie à la surface, Le cerveau ne présente aucune altération. Tous les organes infectés SACCHAROMYCOSE HUMAINE. 461 donnent des cultures pures du microorganisme. Le sang ensemencé reste stérile. Chez la souris grise l’inoculation donne également des pro- liférations abondantes du parasite dans.le tissu cellulaire. Dans un cas type nous avons obtenu des tumeurs sous-cuta- nées multiples avec une culture datant de 3 jours et provenant d'un rat infecté. L'animal fut couvert de petites tumeurs cohérentes de la grosseur d’une noisette, s'étendant depuis la nuque, point d'inoculation, jusqu’au museau et à la racine des pattes antérieures. Cette souris meurt au bout d’un mois. Les tumeurs donnent des cultures pures de la levure, mais le sang n’en renferme pas. On y trouve cependant un pelit coccus qui n'a rien de commun avec le parasite sous-cutané. Ce fait s’est renouvelé avec toutes les souris mises en expérience. Il semble donc que la lésion locale prédispose les souris grises à des infections secondaires spontanées. Elles meurent de maladie intercurrente avant que le parasite sous-cutané ne soit parvenu à les infecter. La souris blanche paraît réceptive comme le rat. Il se déve- loppe chez elle des tumeurs sous cutanées sans infection immé- diate. Un animal inoculé le 26 mai dernier est encore en vie actuel- lement, au bout de 22 jours, et porte de chaque côté, sous la nuque, deux masses néoplasiques assez considérables. Chez le chien, l'effet des inoculations varie avec la dose. Avec une petite quantité de semence, il se développe dans le tissu cellulaire de là nuque une simple induration qui persiste pendant 8 à 10 jours et disparait ultérieurement sans laisser de traces. L Avec des quantités plus considérables de semence les résul- tats sont différents. Un chien inoculé dans ces conditions, le 19 août 1895, dans la région de la nuque, présente les jours suivants une induration de la grosseur d’une noix avec empâtement périphérique. Le sixième Jour l’empâtement diminue; le huilième jour, il se forme assez brusquement un ædème considérable qui gagne jusqu’au museau et envahit même les paupières. L'animal est sacrifié. Au point d’inoculation, le tissu cellu- laire est rempli de pus sanguinolent renfermant une grande quantité du parasite. Le tissu cellulaire est nécrosé et limite une 462 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. poche anfractueuse qui, par des trajets irréguliers, s'étend jusque dans la région parotidienne. Il ne nous a pas été possible dans les expériences précédentes d'entreprendre une étude complète et méthodique de la virulence à de notre levure. Ce travail nous aurait entraîné beaucoup trop loin et nous le réservons pour une publication ultérieure. Il s’agis- sait simplement ici d'établir l’action pathogène bien réelle de notre microorganisme, et de démontrer qu'il est bien l’agent des accidents observés chez l'homme, en reproduisant des lésions identiques chez les animaux. Nous croyons qu’à ce point de vue nos expériences sont suffisamment concluantes. En résumé, le parasite que nous étudions est pathogène pour le rat blanc, la souris grise et la souris blanche, auimaux chez lesquels il produit des lésions,sous-cutanées étendues, d'énormes végélations locales qui tantôt guérissent spontané- ment, tantôt entraineut la mort. Celle-ci survient chez le rat blanc par infection chronique, avec production dans les organes de foyers métastatiques, mode d’envahissement qui rappelle celui de la carcinose généralisée. Dans ces conditious, le micro- organisme ne pullule pas dans le sang de l'animal qui succombe. Comparaison avec les espèces connues. — Notre levure est-elle bien réellement une espèce nouvelle méritant une désignation propre? Pour ce qui est de l’analogie des levures décrites par Sau-Felice, la question est facile à trancher. La variété qui fait l’objet de notre étude difière certainement du Saccharomyces neoformans cornme du Saccharomyces litogenes de cet auteur. Il suffit de rappeler que ces parasites sont patho- gènes pour le cobaye alors que le nôtre est inoffensif. La variété décrite par Busse se rapproche incontestablement beaucoup de la nôtre. Il existe cependant des caractères diffé- rentiels bien tranchés. La levure de Busse pousse sur sérum sanguin et donne parfois des voiles dans les liquides, la nôtre ne se développe pas sur sérum et pousse toujours en dépôt sédi- menteux dans les liquides, sans trace de pellicuie superficielle. Le microorganisme de Busse donne en bouillon ordinaire un dépôt épais et crémeux, le nôtre s’y développe à peine et ne fournit qu’un dépôt floconneux, léger. Enfin nous ne voyons nulle part que Busse ait produit des végétalions énormes comme celles que nous signalons. Busse D EU à SACCHAROMYCOSE HUMAINE. 463 parle bien d'une grosseur au point d’inoculation, mais non pas d’une tuméfaction envahissante comme celle que nous obser- vons chez le rat, la souris et l’homme. Comme notre parasite se développe de préférence dans le tissu cellulaire sous-cutané et que c’est là qu'il produit les lésions les plus typiques, nous proposons de lui donner le nom de Saccharomyces subcutaneus tumefaciens. MODIFICATIONS HISTOLOGIQUES DES TISSUS Chez l’homme, les tumeurs" parasitaires ont un aspect spécial. Ce sont des masses molles, laissant échapper à la coupe une substance muqueuse et collante, qui fit croire chez notre malade à l'existence d'un myxo-sarcome fortement ramolli. Le contenu ‘du néoplasme n’est formé réellement que par des tractus de tissu cellulaire infiltré et comme dissocié par l'énorme végétation du parasite. Celui-ci est tellement abondant qu'il forme, par places, la presque totalité de la masse et lui donne par ses capsules gélifiées la consistance muqueuse déjà signalée. Les débris de tissu qu'on trouve au centre du néoplasme sont simplement des cellules du tissu conjonctif, quelques fibres lamineuses, et des capillaires sanguins entourés par places d’une infiltration abondante de leucocytes. Ces divers éléments cir- conscrivent les mailles d’un réseau dans lequel se logent les grosses sphères du parasite. Tout le contenu de la tumeur pré- sente une structure identique et n'offre en somme que peu de modifications histologiques à éludier. Il en est tout autrement des parois de la poche parasitaire. En cette région on trouve, entre les Lissus sains et malades, une zone de transition dans laquelle existent des alièrations histologiques plus accusées. On constate, en effet, dans la paroi de la tumeur. au voisinage immédiat des parties envahies,une couche de lissu où prédomine une infiltration de petites cellules. Au delà, en se rapprochant des tissus intacts, existe une couche de fibres lamineuses bien conservées. La figure 6 (pl. V) représente uu point de cette dernière région * 1. Nous emploierons au cours de cette description les mots : tumeur, néoplasme, à défaut d’autres; toutefois il est bien entendu qu’il ne s’agit nullement ici de tumeurs ou de néoplasmes au sens histologique du mot, mais de simples végé- tations parasitaires au sein des tissus. 464 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. où l’on voit encore des trainées de cellules s’infiltrer dans les interstices des faisceaux conjonctifs. Les parasiles sont en géné- ral logés dans des fissures du tissu ou dans des lacunes rem- plies d’un dépôt de fibrine granuleuse, qui semblent être des” espaces lymphatiques. Ailleurs ils se trouvent disséminés au milieu d’un tissu con- stitué par des petites cellules étroitement serrées les unes contre les autres. Ces éléments sont en partie des leucocytes immigrés, ainsi que le démontre l’état d’intégrité des fibres lamineuses et des cellules conjonctives au Voisinage immédiat des zones d’in- filtration cellulaire. Comme le montre notre figure 6, les noyaux des cellules conjonctives appliquées sur les faisceaux ne laissent voir aucun indice de prolifération cellulaire. Ce tissu paraît conserver son, aspect normal au milieu de l’envahissement de leucocytes qui s’infiltre dans tous les interstices. Ce fait n’est cependant pas absolument constant. Il existe quelques points dans nos coupes où les cellules fixes paraissent gonflées, avec un noyau plus volu- mineux, et semblent contribuer à produire un véritable tissu de nouvelle formation. En général, dans la zone d'infiltration leucocytaire;les cellules se tassent autour ‘du parasite et prennent aussi par places un aspect épithéiioïde. Elles affectent d’ailleurs des dimensions très variables et se transforment même en grandes cellules géantes pourvues d’une couronne de noyaux périphériques ou d’un amas nucléaire central (fig. 6 m). Un certain nombre de ces grandes cellules renferme des débris du parasite à l’état d’inclusion celluläire (0). Le microor- ganisme logé dans le corps des cellules géantes perd sa capsule gélifiée et se réduit à une petite sphère o rétractée, qui tantôt se colore encore en quelques points, tantôt reste réfractaire à tous les colorants (0’). On trouve enfin constamment dans les tissus humains des formes bourgeonnantes du parasite remplies de grains de chromatine à côté d’autres qui semblent vides. Chez les animaux réceptifs, tel que le rat, les modifications des tissus au contact du parasite sont toujours très peu accusées. La coupe d'une tumeur sous-cutanée présente chez le rat blanc 18 mème aspect que chez l'homme. Ce n’est pas un néo- SACCHAROMYCOSE HUMAINE. 165 plasme, mais une véritable culture du microorganisme sur le vivant. Toute la masse n’est formée que par une énorme agglo- mération de parasites munis de leurs capsules gélifiées et Ie. ment tassées que c’est à peine si l’on voit au milieu d’eux les vestiges du tissu conjonctif envahi. Il existe pourtant, et on le retrouve plus abondant au voisinage de la surface de la tumeur. C’est cette région que représente notre figure 5. Ce qui frappe ici, c’est qu’on ne retrouve pas chez le rat une zone d'infiltration Jeucocytaire comme chez l'homme. Les espaces laissés libres par les parasites sont occupés par des cel- lules fixes du tissu conjonctif à forme étoilée ou polygonale, suivant la place dont elles disposent. La surface de notre coupe répond directement à la peau qui a été enlevée pour faciliter la section au microtome. On y distingue des petites déchirures qui font nettement apparaître les formes éloilées et ramiliées des cellules constituant la masse du tissu. A mesure qu’on s'éloigne de la surface de la tumeur, les parasites se tassent davantage, tandis que les cellules conjonctives prennent des formes de plus en plus grèles et effilées, circonscrivant les mailles d’un réseau que viennent renforcer par places quelques fibrilles conjonctives, des arlérioles et des capillaires. En somme, ce qu'il y a de curieux dans cette énorme végéta- tion locale du parasite, c’est qu'elle s’accomplit sans provoquer aucune réaction au sein des tissus. C'est à peine si, vers la sur- face ou le long des vaisseaux, on retrouve quelques traces d’infil- tralion léucocytaire; les tissus paraissent avoir subi passivement l’envahissement du microorganisme. Cette absence absolue de réaction des éléments histolo- giques se retrouve également dans la coupe des organes envahis. Dans un poumon de rat embolisé (fig. 7.), et tellement envahi qu'il semble ne former qu'un bloc de parasites, les tissus sont à peine modifiés. On peut voir, dans la coupe représentée, commentle microor- ganisme pénètre l’organe. Il s’y accumule en effet tout d’abord dans les travées interalvéolaires (p), qui s’épaississent énormé- ment au contact de cet envahissement (g). Bientôt le parasite sou- lève la paroi (f) et fait saillie peu à peu dans la lumière de l’al- véole en s’entourant d'une zone de cellules endothéliales (4). IL tombe en dernier lieu dans l’alvéole même, entraînant avec lui 30 466 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. un petit amas de cellules {s). Les cavités du poumon sont ainsi graduellement envahies et en certains points totalement obstruées par des masses de parasites accompagnées de quel- ques éléments cellulaires. Tout ce processus évolue cependant avec un calme étonnant: il n'existe dans le poumon, ni congestion, ni bémorrhagies, ni exsudats abondants, ni foyers inflammatoires. Rien qu'un peu de pneumonie desquammative et d'épaississement des travées interalvéolaires. Dans la coupe du rein et de ia rate, on observe les mêmes faits. Les parasites forment ici des amas disséminés sans que les üssus paraissent subir aucune modificalion importante. CONCLUSIONS 1° Le parasite trouvé par nous dans le tissu cellulaire de l'homme est une levure analogue à celles décrites par Busse et San-Felice, mais distincte de ces variétés par des caractères bien tranchés. Nous lui donnons le nom Saccharomyces subcutaneus tumefaciens. 2° Notre parasite se présente sous la forme d’une cellule libre ou munie d'une capsule gélifiée suivant qu’elle pousse en culture ou dans les tissus vivants. La forme encapsulée n’est pas exclusivement propre à l’état parasitaire, on la retrouve dans les vieilles cultures er milieu sucré. 3° Le Saccharomyces subcutaneus tumefaciens pousse particuliè- rement bien sur les milieux acides et neutres. Il intervertit le saccharose et produit à ses dépens de l'alcool éthylique et de l'acide acétique. Il donne les mêmes réactions avec le moût de bière naturel et attaque le glycose quand ce dernier ‘est dissous dans l’eau de levure. Il n’altaque dans aucune solution artificielle le maltose ni le lactose à 37°. 49 Le Saccharomyces tumefaciens produit chez l’homme des tumeurs sous-culanées multiples qui peuvent s'ulcérer et res- semblent à l’œil nu à des myxo-sarcomes ramollis. A l'examen histologique, ces tumeurs n’offrent aucune texture histologique, et se décèlent comme n'étant qu'une énorme infiltration parasi- taire s’accompagnant, surtout au niveau des limites des Lissus SACCHAROMYCOSE HUMAINE. 467 sains, d'une diapédèse et d’un envahissement leucocytaire abon- dant. 5° Le Saccharomyces subcutaneus est pathogène pour le rat, la souris, le chien etle lapin. Il reproduit chez le rat et la souris des luméfactions sous-cutanées aualogues à celles de l'homme, et peut tuer l'animal par infection chronique. . EXPLICATION DES FIGURES (PL. IV ET V. Fig. L. — Culture sur gélose, au bout de 48 heures d’étuve à 57°: on y voit une forme de mulliplicalion anormale x. Fig. IL. — Culture +n soiulion de peptone acide et sucrée. Formes er chapelets et forme sphérique. Rareté des grains réfringents. Fig. IL. — Culture vieille de 4 mois 1/2 en solution de peptone acide sucrée. — Reproduelion de Ja forme parasilaire. Fig. IV. — Formes parasitaires diverses munies de ‘grosses capsules gélifiées. Coloration par le vert de méthyle acétique. 4. — Cellule où le protoplasme chargé de grains de chromatine forme une calotle au niveau du pôle gerininalif et s’élend dans le bourgeon. — c) Gros grain rélringent. (4) Substance incolore représentant des enclaves. 2. — Cellule où les grains de chromatine remplissent tout le protoplasme. 3 et 6. — Cellule où les grains de chromatine sont disposés en couronne autour d'un espace clair central. 5. — Cellule ne contenant que deux pelits grains de chromatine et paraissant vide. Fig. V. — Coupe de la tumeur d'un rat au niveau de la surface. La peau a été enlevée pour faciliter la coupe. Les parasites sont séparés par. des cellules fixes du tissu conjonctif. Fig. VI. — Coupe des parois de la tumeur humaine montrant la réac- tion du tissu au contact du parasite, »#, cellules géantes contenant des parasites n. Fig VII — Coupe d’un poumon de rat embolisé, montrant les travées -interalvéolaires épaissies logeant des nids de parasites qui, par places, tombent dans l’alvéole. [Indications générales. — A. Cellule de levure forme libre. — B. Cellule de levure, forme en chaïnette, fréquente en milieux sucrés acides. — D. Cellule de levure avec capsule hyaline, forme du parasite dans les tissus ou dans de vieux milieux sucrés. — a. Paroi propre. — b. Amas formé par des petits grains de chromatine disséminés dans le cytoplasme. — c. Grain réfringent. Substance nutritive de réserve logée dans le protoplasme. — d Espace clair, enclave protoplasmique. — f. Bourgecon en voie de déve. loppement. — y. Capsule gélifiée. — . Espace clair homogène ne se colo- rant pas. Vacuole. — #. Cellule géante. — n. Cellules du tissu conjonctif 168 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. en prolifération. — 0. Parasite phagocyté logé dans une cellule géante. — 0". Débris de parasite dans une cellule géante ne se colorant plus. — p. Travées interalvéolaires du poumon épaissies. — 4. Nids de parasites logés dans les travées. — {. Parasites faisant saillie dans l’alvéole et soulevant Ja paroi. — s. Parasites tombés dans l’alvéole avec cellules endothéliales. — 7. Bronche contenant des parasites. — v. Cellule du parasite vide. — x. Forme de bourgeonnement anormale. BIBLIOGRAPHIE 4. — TroisiER et ACHALME. Sur une angine causée par une levure et cliniquement semblable au muguet. Arch. de med. exp., V, p. 29-37, 1893. 2. — Busse. Ueber Saccharomycosis hominis. Archiv. für Path. und Phys. Bd. 140, H 15-23, Ibid. Bd. 144, H 2, S 360. 3. — Curris. Presse médicale, 28 sept. 1895. et Sociélé de Biologie, 9 nov. 1895. 4. — Sax-Feuce. Ueber die pathogene Wirkung der Blastomyceten. Zeitschrift fur Hygiene, tome XXI, p. 32, 1895, et tome XXI, p. 394, 1896. 3. — Marruccr et SiRLEO. Osservazione ed esperimenti ad un blastomiceto patogeno con inelusione dello stesso nelle cellule dei tessuti patologici. Policinico, 1895, vol. Il, 1895, p. 138. 6. — Lypia Ragwnowirsc. Untersuchengen uber pathogene Hefearten. Zeilschrift fur Hygiene, tome XXI, p. 11, 1895. LES TOXINES ET L'ÉLECTRICITÉ Par L.-A. MARMIER L'électricité agit-elle, par elle-même, sur les toxines bacté- riennes, indépendamment de tout autre phénomène secondaire, telle est la question à laquelle MM. Smirnow et Kruger, pour les courants continus ', MM. d’Arsonval et Charrin, pour les courants à haute fréquence *, ont répondu par l’affirmative. Dans ses trois mémoires sur cette question, M. Smirnow signale bien des actions chimiques accompagnant l’électrolyse de la toxine diphtérique, telle la décomposition des sels de cette substance; mais ce n’est là, pour lui, qu’une chose accessoire, et le passage du courant électrique dans la toxine lui semble être la condition nécessaire et suffisante de la formation de son anti- toxine. . De même, MM. d’Arsonval et Charrin attribuent à des ébran- lements moléculaires très rapides, produits au sein du liquide par les courants à haute fréquence, les atténualions qu'ils décou- vrent dans la toxine diphtérique traitée par ces courants. Îl pouvait être intéressant de vérifier les observations de ces divers expérimentateurs; c’est ce que j'ai tenté ici. Qu'il me soit permis d'exprimer ma reconnaissance à MM. Violle et Brillouin, maîtres de conférences à l'École normale supérieure, qui m'ont admis dans leur laboratoire. Je ne saurais trop remercier également mon maître, M. le D' Roux, pour les précieux encouragements qu'il ne cesse de me prodiguer. Enfin je ne puis oublier tout ce’ que je dois à mon ami M. Henri Abra- 4. G. À. Suirxow, Ueber die Behandlung der Diphtferie mit Antitoxinen, die ohne Vermittelung des thierischen Organismus darstellbar sind. ( Berliner kli- nische Wochenschrift, 23 juillet 1894, p. 683.) G. A. Suirxow, Ueber die Behandlung der Diphterie mit künstlich darges- tellten Antitoxinen. (Berliner klinische Wochenschrift, 1895, p. 645 et 675.) S. KrküGer, Ueber die chemische Wirkung der Elektrolyse auf toxische und immunisirende Bacteriensubstanzen. (Deutsche medicinische Wochenschrift,23 mai 1895, p. 331.) 2. D’Arso\vaz et Carr, Action des courants à haute fréquence sur les toxines bactériennes, (Comptes rendus, Académie des Sciences, 10 février 1896.) 470 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ham qui a bien voulu m'aider dans l'exécution de ce travail et a été ainsi pour moi un précieux collaborateur. COURANTS CONTINUS Jusqu'à présent, on ne connaissait qu'un seul mode de pro- duction des antitoxines : celui mis en usage pour la sérothérapie. M. Smirnow fait dériver l’antitoxine de la toxine, par un pro- cédé physique. Pour cela, il soumet la toxine à l’électrolyse dans | un tube en U, muni d’un robinet dans la partie recourbée. Voici ce qu'il remarque alors : Par électrolyse d’une culture en bouil- lon, le liquide devient plus foncé au pôle négatif et plus clair au pôle positif, Puis, au bout d’un certain temps, le liquide s’éclaircit à la cathode. M. Smirnow fait remarquer que la prin- cipale difficulté de la préparation des anlitoxines par ce procédé consiste dans la détermination de la durée du courant nécessaire pour arriver au résultat le plus favorable. Il est préférable d’em- ployer un courant faible pendant longtemps; un courant de grande intensité pendant peu de temps donnant de mauvais résultats. Toutefois, une fois l’antitoxine formée, l’action ulté- rieure du courant, même faible, parait diminuer les propriétés curatives de la liqueur. Il recommande d'employer un courant de 80 milliampères pendant au moins 16 à 18 heures. Il lui semble que c’est lorsque le liquide alcalin de la cathode arrive au maximum de décoloration que l'on doit interrompre l'opé- ration pour avoir l’antitoxine la plus efficace. Ainsi un lapin, inoculé préalablement avec une culture diphtérique, a un abais- sement plus ou moins notable de la température, deux ou trois heures après l'inoculation de 8 à 10 c. ce. de la toxine électrolysée. Voulant traiter par le même procédé des cobayes infectés, il ne réussit pas. [Il trouve alors que la durée de l’électrolyse doit ètre déterminée, en outre, par un degré convenable d'acidité de l’anode, celte acidilé étant exprimée par le nombre de centimètres cubes de la solution normale de soude nécessaire pour neutraliser 4 c. c. de la liqueur. Il faut arriver à une acidité de 1,2 pour oblenir une survie des cobayes traités sur les cobayes témoins. Il remarque de plus que, pour obtenir une bonne antitoxine, il est nécessaire que l’on ajoute à la fin de l'opération certaines substances à la liqueur, de façon à ce que la teneur du liquide LES TOXINES ET L’'ÉLECTRICITÉ ATA en sels soit la même avant et après l’électrolyse. Il est égale- ment'bon d'attendre plusieurs jours entre la fin de l’électrolyse etle moment où l’on ajoute ces substances. Plusieurs des cobayes traités par M. Smirnow ont survécu et l’auteur attribue ces succès à ce que les multiples conditions qu'il a assignées à l’électrolyse se sont trouvées réalisées dans ces cas. Tout cela est évidemment peu précis. Quand on répète celte expérience, on constate, comme il était naturel de s’y attendre, une odeur de chlore assez forte. La toxine contient toujours en effet une proportion plus ou moins grande de sel marin. On sait quels oxydants énergiques sont les liquides obtenus par l’électrolyse des solutions de ce sel, par suite de la formation possible d’hypochlorites, chlorates, etc. Il faut ajouter que l'oxygène électrolytique contient un peu d'ozone et que les électrodes peuvent être le siège d'actions ther- miques qui ne sont pas toujours négligeables. Si l'on songe maintenant à la fragilité des toxines vis-à-vis d'agents oxydants tels que ceux qui se forment dans cette opé- ralion, on ne sera pas étonné de la rapide disparition de ces poi- sons quand on soumet à l’électrolyse les liquides où ils se trou- vent dissous. On arrive ainsi assez vite à une liqueur qui n’est plus toxique pour les animaux (du moins à des doses inférieures à 20 ce. c.); à ce moment, ilne m'a pas semblé que la liqueur eût la moindre propriété immunisante ou curative. Mais si l’on prolonge la durée de l’électro yse, comme le recommande M. Smirnow, on arrive à un point où l'acidité du pôle positif est neutralisée par un volume à peu près égal d'une solution nor- male de soude. J'ai dosé par l'acide arsénieux et l'iode la quantité d'hypochlorite restant à ce moment dans la liqueur. J'ai ainsi trouvé pour un liquide, dont 1 c. ©. était neutralisé par 0®%,9 d'une solution normale de soude, une quautilé d'hypochlorite titrant 2,36 (ou 0!,95) de chlore par litre. La toxine est donc transformée en une véritable solution d'hy- pochlorites. Les expériences de M. Smirnow doivent donc être vraisem- blablement rapprochées d’autres expériences inédites faites par M. L. Martin, chef de laboratoire à l’Institut Pasteur, sur la valeur curative des hypochlorites dans la diphtérie. 472 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Voici d’ailleurs, entre autres, deux expériences que M. Martin a eu l’obligeance de me communiquer. ‘ Ex»ÉRIENCE : On injecte sous la peau d’un cobaye de 440 grammes 1/10 c. c. de toxine diphtérique, dose qui tue en 40 heures les cobayes témoins. 24 heures après l'inoculation de la toxine, on injecte au cobaye 1 c. e. 5 d’une solution d'hypochlorile de soude à 1/30, contenant environ 01,15 de chlore par litre. Le cobaye a une survie de 3 jours. EXPÉRIENCE : On inocule sous la peau d'un cobaye 1/3 ce. ec. d'une cul- ture diphtérique virulente àgée de 24 heures. Puis, 2 heures plus tard, tout autour du point d'inoculation, on injecte de pelites quantités d'hypochlorite de soude. Le cobaye a survécu un mois. Il faut ajouter que, dansles expériences de M. Martin, les quan- tités d'hypochlorite injectées ont été certainement plus faibles que dans les expériences de M. Smirnow. En résumé, il ne semble donc pas que les courants continus aient amené, indépendamment de loute action chimique secon- daire, des modifications dans la toxine diphtérique. COURANTS ALTERNATIFS A HAUTE FRÉQUENCE Pour éliminer de l’action de l'électricité sur les toxines ces influences secondaires d'ordre chimique, MM. d’Arsonval et Charrin ontété conduits à adopter les couranis alternatifs à haute fréquence. Dans leurs expériences, la fréquence employée, cal- culée d'après Ja formule de lord Kelvin, était de 225,000 par seconde. L’intensité efficace du couranttraversantlatoxineétait de 150 milliampères et la densité moyenne du courant de 250 milliam- pères par cenlimèlre carré. La toxine était contenue dané un tube en U; le courant était amené par deux fils de platine et le tube en U était plongé dans un vase d’eau glacée afin d'éviter tout échauffement du liquide pendant le passage du courant. En traitant de cette façon, pendant un quart d'heure, une toxine diphtéritique très active, ils ont pu en injecter ensuite 2 c. c. 5 à trois cobayes et avoir chez l’un une survie de 3 jours sur les témoins, les deux autres élant encore vivants douze jours après l’inoculation. Trois autres cobayes furent traités de la mème façon, puis inoculés au bout de 7 jours avec0 c. c. 5 de culture diphtérique. L'un d'eux seulement mourut, les deux autres étaient encore vivants 7 jours après l'inoculation. LES TOXINES ET L'ÉLECTRICITÉ 473 Les conclusions du travail de MM. d’Arsonval et Charrin furent doncles suivantes : 1° La haute fréquence atténue les Re bactériennes ; 20 Les toxines ainsi atténuées augmentent la résistance des animaux auxquels on les injecte. Dans mes expériences, je me suis servi du dispositif ER UE par MM. d’Arsonval et Charrin. Un courant alternatif passe dans le primaire d’une bobine Carpentier grand modèle. Le secondaire de la bobine est relié aux armatures extérieures de deux grandes jarres et à uu micro- mètre à étincelles, entre les boules duquel on souffle l'arc. Les armatures intérieures de ces condensateurs sont reliées par un solénoïde. Des deux extrémités du solénoïde partent, en dérivation, deux fils amenant le courant aux deux extrémités du tube contenant la toxine. Les condensateurs employés étaient des jarres du commerce de 14 centimètres de diamètre et recouvertes de papier d'étain sur 35 centimètres de hauteur. L’épaisseur du verre était de 3 milli- mèêlres. - Le solénoïde était constitué par 54 spires d'un fil de 2", 2 de diamètre, enroulé sur une éprouvette à pied de 76 millimètres de diamètre. Le fil occupait sur celte éprouvette une longueur de 15 centimètres et était soigneusement isolé à la paraffine. En outre, il y avait 1", 20 de ce fil de cuivre pour relier le solénoïde aux armalures des condensateurs. D’après ces mesures, le nombre des oscillations, calculé d’après la formule de lord Kelvin, où T représente la durée de l’oscillation, G, la capacité du con- densateur., L, le coefficient de self-induction du solénoïde, serait au moins de l’ordre de 500,000 par seconde, si tant est que cette formule soit applicable au cas actuel. Dans chaque expérience, l'intensité efficace du courant était mesurée au moyen d’un calorimètre, constitué par un tube en Ü contenant de l’eau légèrement salée. Le tube était placé dans une enceinte de façon à diminuer la chaleur perdue par rayon- 74 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. nement; cette quantité de chaleur était d’ailleurs évaluée cha- que fois. Cet appareil élait gradué par comparaison avec des courants continus. En mettant en dérivation aux pôles du solénoïde un tube en U contenant de la toxine, on voit de légères bulles gazeuses se former le long des fils de platine. De plus, si l’on se place dans l’obscurité, on remarque qu'il se produit des étincelles au sein de ces bulles. Aussi, pour éviter tout échaullement local par suite de la présence d’électrodes constituéespar des fils métalli- ques, j'ai remplacé, au contact de la toxine, ces fils par des lames de platine. Dans ces conditions, les élincelles disparaissent et on ne distingue plus de dégagement gazeux. Il se produit, peut-être, encore une légère électrolyse, mais, avec la toxine dont je me suis servi, je n'ai pas pu mettre en évidence la for- mation d'hypochlorites, même après une demi-heure d’expé- rience, faile comme il sera indiqué plus loin. Faisant alors passer le courant dans un tube en U de 2 cen- timètres de diamètre, on a, en quelques instants, une ébullition violente du liquide. Il est donc nécessaire de refroidir le tube contenant la toxine. Comme l’out fait MM. d'Arsonval et Char- rin, j'ai mis l'appareil dans l’eau glacée. Malgré cela, et en employant un courant de même densité que celui dont ils se sont servis, l'échaullement produit par le courant est encore assez puissant pour amener le liquide à l’ébul- lition en moins de 4 minutes. Pourse rendre compte de la façon dont se produit cet échauffe- ment. on a introduit, dans une des branches du tube en U, un tube de verre concentrique, de £.çon à partager le liquide en deux couches : une annulaire périphérique, dans laquelle plon- geail l’électrode en platine, et une intérieure, communiquant librement en haut et en bas avec le reste du liquide. Faisant alors passer le courant, on constate que, lors de l’ébullition, les bulles de vapeur partent de toutes les surfaces, aussi bien des fils mélalliques et des parois du tube en U que des parois exté- rieure et intéri-ure du tube intérieur. La toxine est donc échauffée par le courant dans Loule sa masse. Il est certain que dans l'expérience faite par MM. d’Arsonval et Charrin la toxine n'avait pas chauffé comme dans l'expérience que je viens de rapporter. Il suffit en effet pour cela d’une moin- LES TOXINES ET L’ÉLECTRICITEÉ 175 dre épaisseur des parois du tube en U et aussi d’une plus grande proportion de sels dans la toxine employée. Mais, étant donnée la sensibilité de ces corps à la chaleur, il importait, pour répéter leur expérience, de se mettre le plus possible à, l'abri d'une élé- vation un peu grande de la température. Pour cela, j'ai mis la toxine dans un tube en U à longue branche horizontale, de faible diamètre, et en verre mince, de facon à augmenter le refroidissement. Les portions ver- ticales de l'appareil étaient composées de deux parties : une partie inférieure, courte, élait la continuation de la branche hori- zontale ; une partie supérieure de quelques centimètres offrait un diamètre un peu plus considérable et était reliée à la précé- dente par un tube de caoutchouc. La toxine remplissait cet ensemble jusqu’à une hauteur de quelques centimètres dans le tube large où le courant était amené par des lames de platine. On avait ainsi un appareil avec de véritables électrodes liquides. Après la fin de l’expérience, les caoutchoucs de communication étaient fermés par des pinces, et l'on pouvait ainsi inoculer à différents animaux : d’une part, la partie supérieure de la toxine contenue dans les larges tubes verticaux, et d’autre part celle qui élait contenue daus le tube fin horizontal. Tout l'appareil était maintenu daus de l’eau glacée pendant le passage du courant. J'ai alors fait une expérience avec un potentiel explosif de 13,000 volts, le tube horizontal ayant une capacité de 9 centi- mètres cubes et une longueur de 55 centimètres ; le diamètre des tubes verticaux élait de 7 millimètres. L’intensité efficace du courant, mesurée d’après l'échauffe- ment du calorimètre, a été de 60 milliampères, ce qui donne une densité de courant de 360 milliampëres par cent. carré pour la portion inférieure du tube, et de 160 milliampères par cent. carré pour la portion supérieure. Un thermomètre plongeant dans la partie supérieure de la toxine diphtérique a marqué 81° en 12 minutes. Etaut donnée la température atteinte 1ei par la toxine diph- térique, j'ai jugé inutile de l'inoculer à des animaux. Mais cette experience montre que les précautions prises contre l’échaulfe- ment ne sont pas encore suffisantes. Aussi, ai-je soumis la toxine à l’action du courant de façon intermittente, augmentant plus ou 476 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. moins la longueur des arrèts, de façon à Des un refroidis- sement plus here par l’eau glacée. ; Outre l'intensité efficace duscourant, il pouvait être intéres- sant d’avoir la quantité d'énergie dépensée dans le liquide soumis” à l’action de l'électricité. Pour mesurer cette quantité d'énergie, après chaque expérience la toxine était remplacée par une colonne d’eau présentant la même résistance que la toxine. En mesurant l'échauffement de cette colonne d’eau, rien n’était plus simple que de calculer l'énergie dépensée. Mes expériences ont porté sur du venin de serpents et sur les toxines diphtérique et tétanique. A. — EXPÉRIENCES FAITES AVEC LE VENIN DE SERPENTS. M. Phisalix, répétant sur‘du venin de serpents les expé- riences que MM. d’Arsouval et Charrin avaient faites avec la toxine diphtérique, arrive à la conclusion que les courants à haute fréquence atténuent le venin ‘ Je me suis servi, pour mes expériences, d’un mélange de venins que M. le docteur Calmelte, directeur de l’Institut Pas- teur de Lille, a eu l’amabilité de m'envoyer. Ce venin estle même que celui qui sert à immuniser les chevaux pour obtenir le sérum anli-venimeux. C’est un mélange de venins de Cobra, de Bothrops lanceolatus de la Martinique, d’Hoplocephalus d'Australie et de Pseudechis porphyriacus d'Australie. Ce mélange n'est pas modifié par ie chauffage jusqu'à 90°; mais, à partir de cette température, il perd progressivement de son activité. | Ce venin fut soumis à l’action des courants à haute fréquence en employant le dispositif décrit ci-dessus. ExpéRIENCE 1. — La partie inférieure du tube à électrolyse contient 2%, 7 de venin sur une longueur de 14 centimètres. Le dia- mètre des tubes supérieurs est de 8%, 2. Le venin est soumis à l’action du courant pendant 25 minutes; il y a eu un arrêt de 3minutes après la 7° minute. Le potentiel explosif était de 20,000 volts. On avait comme force électromotrice sur le venin du tube inférieur environ 1,000 volts par centimètre de longueur. Mais le venin avait une grande résistance, et, malgré celte force électromotrice considé- 1. Voir Comples rendus de la Société de bioiogie, séance du 29 février 1896. LES TOXINES ET L'ÉLECTRICITÉ 417 rable, il ne laissait passer, comme courant efficace, que 13 mil- liampères, correspondant à une densité de 68 milliampères par cent. carré pour le tube inférieur et de 25 milliampères par cent. carré pour les tubes supérieurs. Le venin fut ensuite inoculé à des lapins de la façon suivante : 4. Témoins. 2/3 ce. c. de venin tuent un lapin de 2,700 grammes en 3 heures. 1/3 e. e. de venin tue un lapin de 1,900 grammes en 4 heures. 1/3 c.c. de venin, inoculé à un lapin de 2,350 grammes, ne le tue pas, mais le lapin a été très malade. 2. Animaux inocules avec le venin contenu dans les larges branches verticales’ 2/3 c. c. de ce venin tuent un lapin de 2,400 grammes en moins de 4 heures. 1/3 e. e, tue un lapin de 2,000 grammes en moins de 4 heures. 3. Animaux inoculés sur le venin contenu dans la partie horizontale du tub, 2/3 e. ce. tuent un lapin de 2,500 grammes en moins de 4 heures. 1/3 c. c. tue un lapin de 2,100 grammes en 4 heures. 4/3 c.c. ne tue pas un lapin de 2,550 grammes; toutefois ce lapin a été très malade : il est resté étendu sur le flanc à partir de la 3e heure qui a suivi son inoculalion. Il a été certainement plus atteint que le témoin qui avait reçu la même dose que lui et qui a résisté. Il résulte de cette expérience qu'il n’y a eu aucune atténua- tion du venin par suite du passage du courant, et cela, malgré la force électromotrice à laquelle était soumis le venin, force qui est peut-être un des facteurs de l’ébranlement moléculaire. J'ai fait une deuxième expérience en employant des courants plus intenses. Pour cela, j'ai mis dans le tube à électrolyse ce qui me restait du venin ayant servi à l’expérience [, et j'ai achevé de remplir l'appareil avec du venin frais auquel on avait ajouté un peu de sel marin pour diminuer sa résistance. Expérience IL. — La partie inférieure du tube à électrolyse contient 3%, 5 de venin sur une longueur de 15 centimètres envi- ron. Le diamètre des tubes supérieurs est de 9 millimètres. Le venin est soumis à l’action du courant pendant 21 minutes et demie, donb5 minutes et demie avec une intensité efficace bien supérieure à celle des 16 dernières minutes. ‘Dans cette expérience, je faisais passer le courant pendant 2 minutes et je m’arrêtais 2 minutes. Pendant iles 16 dernières minutes, l'intensité efficace du 478 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. courant a élé de 64 milliampères, ce qui correspond à une den- sité de 270 milliampères par cent. carré pour le tube inférieur et de 100 imilliampères par cent. carré pour les tubes supérieurs. L'énergie dépensée dans le venin a été, par miuute, de 235 pelites calories dont 210 pour la partie inférieure, ce qui fait, pour celle partie, 60 pelites calories par minute et centimètre cube. Celte quantité d'énergie est donc telle qu'il y aurait eu, dans le venin, une élévalion de température de 1 degré par seconde sans le refroidissement. Voici les résullats des inoculations du venin aux animaux après le passage du courant. A. Témoins : Les témoins sont les mêmes que ceux de l'expérience I. 2. Animaux inoculés avec la partie supérieure du venin : 4 c. c. tue un lapin de 2 280 grammes en moins de 3 h. 30. 2/3 c. c. tuent un lapin de 2,100 grammes en moins de 2 heures. 1/3 c. c. tue un lapin de 1,920 grammes en 3h 30. 3. Animaux inoculés avec la partie inférieure du venin : 1/2 c. c. tue en 6 heures un lapin pesant 2,150 grammes. 6/15 c. c. tuent en 10 heures un lapin pesant 2,500grammes. 6/15c. c. tuent en moins de 4 heures un lapin pesañt 1,870 grammes. 6/15 c. c. tuent en 3 heures un lapin pesant 1,920 grammes. Un peu moins de 5/15 c. c. inoculés à un lapin de 2,350 grammes ne le tuent pas, mais le lapin a été très malade. En résumé, aucune atténuation du venin n’a pu être obtenue dans ces expériences, malgré une äépense d'énergie considérable, qui aurait suffi pour faire bouillir ce liquide en quelques minutes sans le refroidissement. B. — EXPÉRIENCES AVEC LA TOXINE DIPHTÉRIQUE. * Je ne citerai que l’expérience suivante : Exrerience HI. — Le tube inférieur contient 6,2 de loxine diphtérique sur une longueur de 39 centimètres ; le diamètre du tube supérieur est de 7,2 ; Le courant était interrompu de 2 à 3 minutes après chaque passage de 2 minutes. L'intensité efficace du courant a été de 77 milliampères, ce qui donnait une densité de courant de 190 milliampères par LES TOXINES ET L'ÉLECTRICITÉ 479 cent. carré pour les branches verticales et de 480 milliampères par cent. carré pour la branche horizontale. Le couraut a passé pendant 20 minutes. L'énergie dépensée dans la loxine a été de 465 petites calo- ries par minule, dont 390 pour la partie inférieure du liquide, ce qui fail 62 petites calories par minute et par centimètre cube. Celte toxine fut ensuite inoculée à des cobayes. Voici les résultats des inoculalions : Doses c © Animaux inoculés avec la nimMAUXx ji L E Animaus TémHoue c È Animaux inoculés avec la en c. c. parüe intérieure de la toxine. | partie supérieure de la toxine: 1/10 Cobaye 505 grammes Mort en 54 heures. Cobaye 475 grammes | Cohaye 520 grammes | Cohaye 680 grammes 2/15 Mort en 22 heures.- Mort en 36 heures. Mort en 56 heures. 9/45 Cobaye 540 grammes | Cobaye 490 grammes | Cobaye 420 grammes Mort en 75 heures. Mort en 60 heures. Mort en 50 heures, ne Cobaye 660 grammes Cobaye 620 grammes 2/15 Mvurt en 50 heures. Mort en 60 heures, : Cobaye 810 grammes | Cobaye 780 grammes 4/15 Mort en 60 heures. Mort en 24 heures. s/45 Cobaye 585 grammes Mort en 60 heures. 14/15 Cobaye 830 grammes : I Mort en 36 heures, Par conséquent, il ne semble pas y avoir eu d'atténuation de la toxine diphtérique à la suite du courant à haute fréquence. J'ai fait plusieurs expériences avec cette substance, en em- ployant des courants dont les densités ont varié de 110 à 600 milliampères par cent. carré. En prenant les précautions que j'ai indiquées, je n’ai jamais eu le moindre abaissement de toxicité de cette substance, et cela, malgré de grandes dépenses d'énergie et des forces électromotrices qui ont atteint 1,000 volts par centimètre de longueur de la toxine. C. — EXPÉRIENCES AVEC LA TOXINE TÉTANIQUE. Ces expériences ont été faites avec de la toxine tétanique qui a été gracieusement mise à ma disposition par M. Vaillard, mé- decin principal au Val-de-Grâce. Je n’en citerai qu’une : 480 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Expérience IV. — Le tube inférieur contient 5°, 5 de toxine tétanique. Le diamètre du tube supérieur est de 7%, 8. L'inten- sité efficace du courant a été de 71 milliampères, ce qui donnait une densité de 150 milliampères par cent. carré pour les bran- ches verticales et de 520 milliampères par cent. carré pour la portion horizontale. Le courant était interrompu de 2 à 3 minutes après chaque passage de 2 minutes: il a passé pendant 21 minutes. L'énergie dépensée pendant celte expérience dans la toxine tétanique a été de 480 petites calories par minute, dont 430 dans la partie inférieure du tube. On avait donc, dans cette toxine, une dépense d'énergie de 76 petites calories par minute et cenrti- mètre cube. Les résultats des inoculations ont été les suivants : . Des doses inférieures à 1/30 c. c. tuent des souris en moins de 20 heures, aussi bien celles qui ont été inoculées comme témoins que celles inoculées avec la partie inférieure de la toxine. 41/15 ec. c. de la partie supérieure de la toxine tue deux sou- ris en moins de 20 heures. 1/30 c. c. de ceite même partie supérieure tue une souris en moins de 20 heures et l’autre en 25 heures. Avec des cobayes, j'ai eu les résultats suivants : Les animaux ayant reçu des doses inférieures à 1/30 c. c., soit de la toxine non traitée, soit de la partie inférieure de la toxine traitée, sont tous morts en moins de 36 heures. Ceux qui ont reçu la même quantité de la partie supérieure de la toxine traitée sont morts entre la 30° et la 68° heure. Je n’ai donc pas pu mettre en évidence l’atténuation de la toxine tétanique par les courants à haute fréquence. CONCLUSIONS Les courants continus ou alternatifs de basse fréquence détruisent les toxines bactériennes par la production d’hypo- chlorites et de chlore au sein de ces toxines. Je n'ai pu obtenir la moindre atténuation de ces liquides par les courants à haute fréquence. Le Gérant : G. Masson. Sceaux. — [Imprimerie Charaire et Cie, Cor I TS Arnales de l'Institut Pasteur IV_ 6 Æ Curtis,del. ZrpAlafontaine &fls Paris YRoussel lite. * Annales de l'Institut Pasteur. Er D: 20 : LES h V. Roussel, litl À FE Curtis, del > Paris. o o 7 L Împ.A.I afontame &fi LR en * 10m ANNÉE SEPTEMBRE 1896 . No 9. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR SUR LA DÉSINFECTION PAR LES VAPEURS DE FORMALDÉHYDE Par MM. L. VAILLARD ET G.-H. LEMOINE Médecin principal de l’armée, Médecin-major de 4re classe, Professeur au Val-de-Grâce. Professeur agrégé. Les travaux relatifs aux propriétés microbicides du formol ont maintes fois signalé opportunité de son application à la purification des locaux contaminés. Cette application a été récemment faite dans des conditions semblables à celles de la pratique, et les mémoires de MM. Gabriel Roux et Trillat, Bosc, ont relaté dans ces Annales les résultats obtenus à Lyon et à Montpellier avec les appareils formogènes de M. Trillat. L'intérêt qui s’attache à cette question nous engage à consigner briève- ment ici le résumé d'expériences analogues, effectuées par ordre du Ministre de la Guerre sur la s‘llicitation de M. Trillat. La comparaison des résultats recueillis de part et d'autre contri- buera à former l’opinion sur la valeur d’un procédé de désin- fection qui n’est pas sans utilité pour l'hygiène publique. Trois appareils formogènes ont été successivement proposés par M. Trillat et mis en expérience : Appareil à oxydation d'alcool méthylique; — à courant de vapeurs humides de formol; — dégageant des vapeurs sèches de formaldéhyde. Le premier présentait de si nombreuses défectuosités qu'il a paru absolument inutilisable en pratique; aussi, sur notre demande, l'inventeur a-t-il dû faire subir à ses appareils des 5; D 482 , ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. modifications de principe qui ont abouti à la construction de l’autoclave formogène décrit en détail par MM. Gabriel Roux et Trillat. Deux locaux ont servi pour les expériences : a. — Une chambre de 39m3, b. — Une salle d'hôpital cubant 660m3, Les objets à désinfecter y étaient disposés à des hauteurs différentes (sur le plancher, à 1m,50 du sol, près du plafond) et en des points plus ou moins éloignés du générateur de formol. L'épreuve a porté sur des fausses membranes diphtéritiques desséchées, des fragments de toile supportant, à l’état sec, des crachats, des déjections alvines, du sang d’animal mort d’infec- tion par le pneumocoque, ou des cultures des microbes süivants : staphylocoque pyogène; vibrion cholérique; bacille pyocya- nique ; streptocoque; bacille typhique; baciéridie charbonneuse sporulée; vibrion septique; bacille tétanique ; bac. subtilis. Presque toutes les matières d’épreuve out été librement exposées à l’action des vapeurs de formaldéhyde ; quelques-unes seulement ont été abritées sous le pli d’une couverture. Après chaque opération, des poussières du local désinfecté élaient recueillies sur les murs, les meubles et surtout dans les fentes du parquet; parfois aussi on a prélevé du crin contenu dans les matelas exposés aux vapeurs. | La mise en culture des objets ci-dessus désignés a toujours élé précédée d’un lavage à l’eau ammoniacale. ExpérigNce 1. — Appareil à oxydation d'alcool méthylique. Dimension du local : 39 mètres cubes; durée de l’action des vapeurs de formaldéhyde : 24 heures. \ Les résultats constatés sont résumés dans le tableau suivant : DÉSINFECTION PAR LES VAPEURS DE FORMOL. 483 3° JOUR de la 13° jour 47e sour miseenculture Staphylocoque pyog.,.......... == on Vibrion cholérique B. pyocyanique........... Re — — Ke Pneumocoque (sang)............ Fe = Ft Bac. de la diphtérie (fausse mem- brane) DSC NME DIE MIDI TION DOI SRG DLO COMBAT Se ne ces vo = Es A Ba PEDRIQUE ER LE 7h : 21 002 — = a Gharbon sporulé... .,.....:#.7. NiBDniseptique fs. 12m 04 = Te cy B. tétanique (spores) ..........., = 75 AE B. subtilis:......,... PASSA a de 36 Crachats —— = ra Matières fécales j = se + Poussières superficielles... ...... Les résultats ont été identiques pour les trois séries d’échan- “tillons placées l’une au plafond, l’autre à 1,50 du sol, la troi- sième au niveau du plancher. Le tissu imprégné de crachats tuberculeux a été inoculé dans le péritoine d’un cobaye; sacrifié deux mois après, cet animal ne présentait aucune lésion tuberculeuse. k Les vapeurs de formol dégagées en abondance dans un espace restreint ont donc désinfecté les objets soumis à leur action, à l'exception de ceux qui étaient souillés de spores résistantes (Létanos, vibrion septique, b. sublilis). Expérience IL — Æmploi simultané de deux lampes à oxydation fonctionnant dans une salle de 660 mètres cubes. 13 litres d'alcool méthylique ont été consommés; durée de l’action des vapeurs de formaldéhyde : 24 heures. Résultats : 484 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. D Rainer’ OBJETS SITUÉS AU FOND he ra DE LA SALLE + Staphylocoque pyog.:.......... — — A ner der Vibrion cholérique.............. — — cie DE = B. pyocyanique........... CAE — — Mama Pneumocoque (sang)........... L — — Ce se Diphtérie (fausse membrane)... + + “LR: JRERUMNSE Streptocoque ...... Sen GR a + — == à«|—Z——a a — — —{—]—L EL, EE ——"— —À ————— | ———————————— À ——————————— | ——————————— |ÀÙ ———————— | ————— = || ————————————_— À —— À ———_—— | —————— | ——— | | ———_—_— 1 ——_——— | ———— — Les chiffres de ce tableau montrent que la levure lactique est beaucoup plus active que la levure pure. La chute obtenue avec la première a été de 5,5° Bal. dans le moût stérilisé et de 0,1 dans le moût non stérilisé, tandis qu'avec la seconde levure, la fermentation fut moins complète; on a obtenu une chute de 6,2 dans le moût stérilisé et de 2.5 dans le moût non stérilisé. 534 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Le tableau comparatif des chutes et des acidités obtenues dans les fermentations du même moût stérilisé traité, d’une part par la levure lactique, d'autre part par la levure pure, montre que l’activité de la levure lactique ne doit pas être considérée comme une résultante des propriétés anliseptiques de l'acide lactique. Avec la levure pure, l’acidité du moût n’augmente pas, mais la chute est loin d’être aussi profonde qu'avec la levure lactique qui, bien qu’occasionnant une infection dans le moût, donne, néanmoins un travail plus énergique. = L'action antiseptique de la levure lactique dans le moût non stérilisé est plus démonstrative; il s’y produit une acidité de 0,31-0,36, tandis qu'avec la levure pure, l'acidité est de 0,68 à 0,71. Toutefois, rien ne prouve que la conservation du moût non stérilisé ait pour cause l'acide lactique ou d’autres produits des ferments, car l’activité même de la levure peut, à elle seule, déjà exercer une action antiseptique. VI Généralement, le rôle du levain lactique s'explique simple- ment par le pouvoir-antiseptique de l'acide lactique; on consi- dère que la levure doit être protégée dans le levain contre l’in- vasion des ferments étrangers, et que, dans ces conditions, elle présente elle-même une résistance autre que la levure affaiblie pendant sa formation par des microorganismes. L'expérience citée dans le chapitre précédent nous a montré que la levure lactique agit réellement comme un antiseptique daus le moût non stérilisé, mais nous avons vu aussi que la levure lactique possède une activité plus grande que la levure exemple de ferments, et que cette supériorité se manifeste avec une égale évidence dans les moûts stérilisés et ceux qui ne le sont pas. On pourra done conclure que, dans le travail indus- triel, Le levain lactique a une influence sur la levure et sur les ferments étrangers contenus dans le moût. Nous reviendrons par la suite sur l’action directe du levain sur la levure, en étu- diant les moyens par lesquels l’activité de la levure peut être influencée, mais, avant d'entamer cette étude, nous nous effor- cerons de résoudre la question de savoir si les propriétés anti- ÉTUDE SUR LE LEVAIN LACTIQUE. 333 septiques de l'acide lactique exercent une action quelconque dans le travail du distillateur. Voiei une expérience sur celte question : Nous avons pris 3 levures, à, b, c préparées dans des condi- tions identiques à celles de l'expérience précédente. a est une levure lactique. b est une levure pure, et € est également une levure pure mais elle est acidifiée. a et c ont Je même degré acidimétrique. Dans «a l'acidité est produite par les ferments; en con a obtenu le degré voulu d’acidité en ajoutant de l'acide lactique au moût avant l’ensemencement de la levure. L’acidité dans ces 2 levures varie de 1 à 1,15 0/0. Après avoir traité les 3 levures pendant 15 jours en les renouvéelant toutes les 24 heures, on fermente avec ces levures 500 c. ce: de moût de maïs saccharifié avec 20 0/0 de malt. On emploie 50 grammes de levain pour chaque échantillon et chaque essai est fait en double. La fermentation avec les levures est conduite dans deux moûts stérilisés : l’un est ensemencé avec 1 c. c. d'une culture diluée d'acide lactique, et l’autre me reçoit pas de ferment lactique. Dans les trois dernières expériences citées dans le tableau, les trois levures ont été chauffées à 70° pendant une demi-heure, et ensuite mises dans le moût stérilisé, additionné de ferment lactique. 936 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. TABLEAU II. MOUT ADDITIONNÉ DE FERMENT LACTIQUE A LEVURES MOUT STÉRILISÉ PQ TU... AE Fa Degrés : dise Degrés AL Ie : Série. N Balline. Acidité. illing. Acidité. 5,1 A levure lactique B levure pure C levure pure + acide lact. En comparant l'acidité des trois premières séries, on voit que la levure cultivée dans le moût acide a produit un effet antiseptique. Dans le moût fermenté avec la levure pure, le ferment lactique s’est très bien développé, et on ya trouvé une acidité dé 0,54 à 0,68. La levure cultivée en moût acide a empêché le développe- , ment du ferment, etle maximum d’acidité formée a été de 0,44. ÉTUDE SUR LE LEVAIN LACTIQUE. 597 La circonstance que les levures & et « mènent toutes deux au même résultat prouve suflisamment que l’action du levain lactique est due non pas à ce ferment, mais bien à l'acide que celui-ci a engendré. Dans les trois derniers échantillons où les trois levures ont * été chauffées à 70°, l’action de l'acide lactique disparaît complè- tement. Dans ces trois moûts, le ferment lactique s’est développé avec une égale facilité, et l’acidité correspond à 0,9 — 0,96. Il en résulte que l’action antiseptique du levain lactique ne provient pas de l'acidité du moût, et que le non développement du ferment est tout simplement un résultat de l’activité de la levure. Dans cette série d'essais, cette activité a été entravée par la température, et les ferments, sans être nullement gênés par l'acide lactique introduit avec la levure, se sont développés sans obstacle. VII Nous venons de dire que le levain acide produit une action directe sur la levure et que c’est cette dernière qui remplit le rôle d’antiseptique, tandis que l’acide lactique, produit dans le levain, reste sans action. Ge point établi, nous pouvons étudier l'action physiologique du moût lactique sur la levure. — On croit généralement que les conditions dans lesquelles on se place pour traiter le levain favorisent la multiplication des levures, et que, par le travail du levain, on produit un maximum de levure avec une quantité minima de substances nutritives, tandis que la levure produite dans ces conditions doit, elle, opérer un travail contraire. Le but poursuivi sera, par conséquent, de faire travailler la levure successivement dans deux directions différentes. On veut avoir dans le levain un pouvoir ferment très faible alors que dans les cuves ce pouvoir doit atteindre un maximum. En réalité, le passage du moût par le levain acide n’a pas pour objet de produire une abondante récolte de levure; au contraire, il s’agit de lui donner une grande activité, de pro- duire une levure qui non seulement peut transformer une grande D38 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. quantité de sucre, mais aussi qui soit apte à opérer cette trans- formation, le plus rapidement et ie plus complètement possible. Au point de vue pratique, la quantité de levure formée et le rapport existant entre celle-ci et la quantité du sucre transformé sont des facteurs avec lesquels on doit compter, mais dont l'importance n’est cependant que secondaire. s Dans la pratique, la fermentation doit être complète après 3 à 4 jours, et l’on doit obtenir une atténuation aussi parfaite que possible. On a intérêt à produire peu de levure, mais la perte en matières nutritives résultant de la production de levure n’est pas proportionnelle à la diminution de rendement provoquée par la levure peu active et la non transformation d’une grande quantité de sucre. L'activité de la levure au point de vue purement pratique doit être envisagée comme une propriété indépendante du pou- voir ferment; elle doit se mesurer à la quantité de ferment indis- pensable pour transformer en 72 heures une quantité déterminée de sucre, dans des conditions données. En comparant à ce point de vue différentes levures alcoo- liques on constate d'énormes différences. Les levures possèdent une activité très variée, et la quantité de ferment nécessaire pour produire une certaine quantité d'al- . cool dans une limite de temps donné peut différer de 4 à 10 et même davantage. L'activité d’une levure est presque toujours une conséquence de son état physiologique et aussi des conditions physiques et chimiques du milieu dans lequel elle s’est développée. La question de race joue en tout cela un rôle secondaire. En partant d’une cellule, on peut obtenir une série de géné- rations présentant des variations énormes quant à l’activité. Il suffit pour cela qu'on retire la levure à différents moments de sa maturité. La levure prise au début du bourgeonnement offre une acti- vité très faible. Au moment où les cellules neuves sont formées et prêtes à se séparer des cellules mères, l’activité atteint au contraire son maximum. Elle diminue ensuite au fur et à mesure que la levure reste dans le milieu s’appauvrissant en matières nutritives. Nous ÉTUDE SUR LE LEVAIN LACTIQUE. 539 avons eu l’occasion d'observer, à diverses reprises, ces variations suivant l’état de croissance de la levure. L'action chimique du milieu est encore plus démonsirative : selon Hayduck, la richesse en azote d’une levure est approxima- tivement proportionnelle à la teneur en azote du milieu de culture où elle s’est développée. D'un autre côté, l’activité d’une levure est proportionnelle à la teneur en azote de la levure sèche, et il s'ensuit que la richesse en matières azotées du milieu dans lequel elle a été cultivée influence à un haut degré son activité. Un autre moyen de rendre la levure plus énergique et plus active consiste à ensemencer un milieu nutritif avec un fort excès de levure. Les conditions de température et d’acidité du milieu doivent également être prises en considération. La levure obtenue à basse température a toujours fait preuve d’une plus grande vigueur que celle obtenue à 30° C. L'influence de l'acidité du milieu n’estpas moins manifeste. Une levure prove- nant d’un moût stérilisé et acidifié ensuite avec 1,25 °/, d'acide lactique a fait preuve d'une puissance preque double de celle d'une levure provenant d’un moût non acidifié. On arrive à un résultat plus probant encore par un traitement successif de levures en milieu contenant du fluorure. De très nombreuses expériences, exécutées dans cette voie, ont montré que l'acide fluorhydrique et les fluorures peuvent accroître l'ac- tivité des levures, et qu’en observant certaines conditions favo- rables cet accroissement d'activité peut être de 1 à 30. Voyons maintenant les conditions dans lesquelles on obtient une levure peu active. Nous avons constaté dans une série d'essais comparatifs que c’est, avant tout, l’aération du moût levain qui diminue l’activité de la levure. Le rapport existant entre une levure provenant d’un moût aéré et d’un autre moût n'ayant pas subi l’aération est de 3 à 1. Il nous a fallu 3 grammes de levure obtenue en présence de l'air, et 1 gramme seulement de levure semblable mais non aérée pour avoir la même quantité d'alcool, dans un même temps et avec le même moût. En examinant de plus près ces influences qui s’exercent sur D40 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. l’activité des levures, on remarque qu'il existe une relation constante entre l'accroissement et l’activité. En pratiquant l’aération, la récolte est abondante, mais la levure n’est que médiocrement active. D’après Verenszolt, 1 0/0 d’acide lactique enraye sensible- ment l’accroissement, 2 0/0 diminuent la récolte dans la propor- tion de 3,5 à 10, 3. L’acide volatil exerce aussi une influence très sensible, et 0,2 0/0 d’acide acétique occasionne une diminution de 15 0/0 environ; la présence de 0,6 0/0 d’acide provoque une récolte quatre fois plus faible. D'après Gislain, 0,005 0/0 d'acide butyrique influencent la récolte, et en présence de 0,05 0/0 d'acide, elle n’est que de 1/3 de la moyenne. L’acidité du milieu qui, nous l’avons vu, augmente l’activité de la levure, en diminue donc l’accroissement dans une propor- tion assez sensible. Le cas que nous alions citer, et dans lequel l’augmentation d'activité provenait d’un ensemencement dans un milieu nutritif avec un grand excès de levure, coïncide aussi avec une faible récolte. En introduisant 8-12 0/0 de levure dans un moût de malt, on remarque un faible accroissement; mais, même en se multipliant peu ou pas, la levure n’en continue pas moins à se nourrir et augmente ainsi sa viguenr. Le rapport entre l’activité et la teneur en matières azotées est aussi en corrélation directe avec la force de reproduction de la levure. On sait qu'une levure très riche en azote se reproduit, dans certains cas, moins facilement qu’une autre moins riche. Nous pensons que c’est avec des liquides contenant du fluo- rure que l’on a pu étudier le mieux le rapport existant entre l’accroissement de la levure et son activité. En ajoutant des doses croissantes de fluorure d’ammonium au moût de malt, on constate que la récolte diminue. Le développement des cellules se trouve déjà sensiblement ralenti par une addition de 400 milligrammes, et l’addition de 300 milligrammes l’arrête presque complètement. L'arrêt de la croissance n’entraine nullement celui de l’acti- ÉTUDE SUR LE LEVAIN LACTIQUE. 541 vilé; au contraire, la levure fournira un travail d'autant plus énergique que la dose de fluorure dans le premier moût aura été plus forte. Il en résulte que pour augmenter l'activité d’une levure, il importe de se placer dans des conditions telles qu’elle ne subisse pas une multiplication trop rapide, et que les cellules puissent emmaganiser une quantité suffisante de matières nutritives el d'énergie. - Voyons ce qui en réalité se passe dans le levain. D'après les données recueillies par la pratique, on sait que les conditions essentielles pour l’obtention d’un levain actif sont les suivantes : 1° Il faut que le moût ait une acidité de 0,9-1,0 d'acide lac- | tique. 2° Le mouût doit être riche en matière azotée et sucrée, et doit avoir une densité de 24 à 26° Balling. 3° La température de mise en levain doit être très basse et ne doit pas dépasser 18°. 4° La levure doit transformer en alcool plus que la moitié du sucre contenu dans le moût. Si nous examinons maintenant chacune de ces conditions, nous voyons qu'elles concourent toutes à empêcher l’accrois- sement. La grande concentration des moûts agit sur les cellules par deux voies différentes. Les moûts concentrés, par leur teneur en azote, doivent pro- voquer, à la longue, un arrêt dans l’accrojssement, puisque la levure très riche en azote n’est productive que dans des moûts pauvres en matières nutritives, et que son accroissement dimi- nue si elle continue à être cultivée dans des moûts très riches. Mais le moût concentré agit plus encore sur la croissance par l'effet de l’alcool qu’il contient. On sait en effet que l’alcool influence défavorablement l'accroissement de la levure, et qu’en présence de 3 0/0 d'alcool, la récolte est très minime. Dans les moûts concentrés, on arrive plus facilement à la teneur en alcool capable d’influencer défavorablement la récolte que dans un moût de faible concentration. Cette influence de l'alcool est d'autant plus forte que la tem- pérature à laquelle on laisse fermenter le levain est plus élevée. D42 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. On introduit ordinairement la levure à 16-17°C., c'est-à-dire à une lempérature défavorable à la croissance, mais elle aug- mente graduellement et parvient à 27-29. - L’accroissement pourrait donc être favorisé si l’alcool con- tenu dans le moût n’intervenait pas pour l'empêcher. Cette manière de voir se trouve corroborée par l’enseigne- ment de la pratique. C’est l'expérience qui établit la règle que le levain, pour une faible concentration, doit être acidifié plus fort que celui d’un moût concentré, et que la mise en levure doit être faite dans le moût faible à une température plus basse. Dans les moûts à faible concentration, la multiplication des levures pourra être plus facile à cause de la producuon moindre en alcool, et c'est en augmentant l’acidité et en réduisant la température qu’on s'efforce de combattre l'accroissement. L’acidité du moût levain n'est pas non plus favorable à l'accroissement, et l’action de l'acide est d'autant plus énergique que le ferment lactique produit toujours des acides volatils déjà nuisibles à des doses très petites, et cela principalement en milieu acide. VIT Nous avons vu dans le chapitre précédent que, dans la pré- paration du levain, tout concourt à la diminution de la récolte en levure, et que l’activité de la levure doit être considérée commeune conséquence directe de la faible production de nouvelles cellules. Avant de terminer ce travail, nous tenons à faire encore quelques observations sur ie mode suivant lequel l’acidification se pratique industriellement. Parmi les produits secondaires de la fermentation lactique, se trouvent toujours de l'acide acétique et souvent de l’acide formique. Ce sont ces produits secondaires qui, selon nous, jouent un rôle prépondérant dans les levains; uous avons sou- vent constaté que, si l'acide volatil représente 4 à 6 0/0 de l’acidité totale du levain, la récolte de levure est fortement diminuée et qu'on obtient une levure très active, mais on aboutit à un résultat tout autre si l'acide volatil représente 15 à 20 0/0 de l'acidité totale; dans ce cas, la reproduction est presque totalement arrêtée et la levure, au lieu de gagner en ÉTUDE SUR LE LEVAIN LACTIQUE. 943 activité, perd en énergie; 1l résulte de là qu'il est très important d'éviter le plus possible, dans l’acidification, la production d’acides volatils. Dans un travail paru dans les Annales de l'Institut Pasteur, M. Kayser constate que la fermentation lactique peut produire de 5 à 50 0/0 d'acide volatil, et que les proportions d’acide volatil et d'acide fixe dépendent surtout de l'aération du moût. Dans les couches profondes des moûts en fermentation lactique, où l'air n’a que difficilement accès, Kayser a constaté un rapport de 5 à 95 entre la quantité d'acide volatil et d'acide fixe; dans les couches superficielles, au contraire, ée rapport était de 1 à 4. Dans la fabrication industrielle des levains, on attache une très grande importance à la formation d’une croûte ou chapeau dans les moûts exposés à l’acidification, et sans même en con- naître la raison, on cherche à priver d'air le ferment pendant cette opération. C'est pour la même raison que, dans un grand nombre de distilleries, la croûte supérieure du levainest rejetée; on se débar- rasse ainsi des cultures développées à la surface du moût. Il est encore un autre point de la fabrication industrielle qui est devenu compréhensible à la suite des travaux de M. Kayser; il a été établi par la pratique que la meilleure température d’aci- dification est de 50°. Le ehoix de cette température a toujours été attribué à ce fait que le ferment lactique résiste à cette tem- pérature, tandis qu’elle détruit le ferment butyrique. Kayser a montré que les différentes espèces de ferment n'’of- frent pas la même résistance à la température, et que les espèces les plus résistantes produisent une acidification plus énergique ; d’un autre côté il a fait voir qu’on obtient moins d’acides volatils en acidification rapide que dans l’acidilication lente. Il s'ensuit que le choix de la température de 50° se justifie par la sélection d'une espèce Jactique résistante, donnant peu d’acide volatil et, en réalité, la quantité d'acide volatil dans le levain industriel dépasse rarement 5 0/0 de P acidité totale. Le travail de M. Kayser sur la fermentation lactique a donc jeté la lumière sur quelques phases de la mise en levain, et il est vraiment curieux de constater que le savant et le praticien peu- vent arriver aux mêmes résullats par l’emploi de moyens totale- ment différents. 044 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ConcLusIoNs. 1° L’utilité du levain acide ne peut être attribuée à l’action antiseptique de l’acide lactique. 2° Les conditions générales dans lesquelles on fabrique indus- triellement le levain lactique (concentration, acidité du moût, basse température de fermentation) influencent très sensible- ment les caractères physiologique des levures, et les cellules reproduites dans ces condilions sont caractérisées par leur grande activité ; 3° L'activité d'une levure dépend surtout du pouvoir ferment ; une levure cultivée dans des conditions qui produisent un faible pouvoir ferment, fournira des cellules très peu actives ; au con- traire, si les: conditions sont défavorables à la production des levures, et si le rapport entre le sucre disparu et la levure formée est considérable, les cellules résultant de ce travail montreront une activité d'autant plus grande que le pouvoir ferment était plus élevé. L'activité dépend donc des récoltes; une levure ayant fourni une forte récolte donnera des cellules peu actives, tandis que la même levure, cultivée dans un moût riche en matières nutritives, mais dans des condilions propres à restreindre l’ac- croissement, donnera des générations de cellules actives; 4° Dans les conditions où on se place pratiquement pour préparer le levain lactique, la reproduction des levures ne peut être considérable, et l'activité de la levure est une conséquence de sa faible reproduction. 5° L’acidification s'opère industriellement à la température de 50°; on peut expliquer le choix de cette température par le fait qu'il s'opère, dans ces conditions, une sélection du ferment au profit d’une espèce lactique résistant à une haute tempéra- ture, et capable de donner une acidification plus rapide avec une production minime d'acide volatil. Le Gérant : G. Massox. Sceaux. — [Imprimerie Charaire et Cie, Hi Vire eut del V Roussel hth * Imp. A Lafontaine & fils Paris 10me ANNÉE OCTOBRE 1896 N° 10. ANNALES L'INSTITUT PASTEUR ÉTUDE EXPÉRIMENTALE DIVERS PROCÉDÉS DE DÉFENSE DE LA CANITÉ BUCCALE L'INVASION DES BACTÉRIES PATHOGÈNES Par M. Le D' HUGENSCHMIDT (pe paris) . (Travail du Laboratoire de M. Metchnikoff.) C'est un fait reconnu, que les opérations pratiquées sur la cavilé buccale, même dans des conditions d’antisepsie insuffi- santes ou nulles, ne s’accompagnent pas d'ordinaire de compli- calions infectieuses graves. Après certaines opérations buccales, une avulsion dentaire par exemple, les parties molles traumatisées présentent souvent l'aspect d’une plaie de mauvaise nature : des lambeaux de gen- cives restent détachés, des fragments osseux, débris des frac- tures alvéolaires, baignent dans la salive. En un mot, on se trouve en présence d'une vérilable fracture compliquée et ouverte, et si on songe aux germes innombrables que ren- ferme la bouche, on a peine à comprendre comment celte plaie ainsi exposée n'est pas d'ordinaire le siège de graves infections locales, et surtout ne devient pas plus souvent la porte d’en- trée d’une infection générale de toute l’économie. On se demande si, comme le pensait déjà J.-L. Petit, « la salive n’est pas un détersif naturel qui cicatrise bien les plaies. » Daus le présent travail, nous nous sommes attaché à expli- quer quelques-unes des causes de celle immunité relalive que 8 D 546 ANNALES DE L'INSTITUT PATEUR. présente contre l'infection la cavité bucco-pharyngienne, en mon- trant le rôle joué par la phagocytose et les propriétés chimiotac- tiques des liquides buccaux. Mais nous insistons surtout sur la complexité de ces phénomènes, n'ayant pas la prétention, dans un travail aussi restreint, d'expliquer le mécanisme intégral de l'immunité de la cavité buccale. Lorsqu'on a voulu s’expliquer la remarquable immunité dont jouissent, vis-à-vis des microbes, les tissus qui constituent les parois buceales, on a été porté, à la faveur desidées alors régnantes dans nombre de laboratoires bactériologiques, à invoquer le pouvoir bactéricide ou atténuant de la salive. Les premières recherches sur l’action bactéricide de la salive sont dues à Sanarelli . Ce savant filtre sur la bougie Chamberland de la salive pro- venant de plusieurs individus, et la distribue dans une série de tubes à essai, à la dose de 10 à 15 centim. cubes par tube. Cette salive filtrée se présente sous l’aspect d’un liquide transparent neutre ou légèrement alcalin. Dans chacun des tubes de salive, il introduit une anse de pla- line d’une culture d’un microbe pathogène, et place les tubes dans une étuve à 37°. Il prélève ensuite, à des périodes différentes, une anse de ce liquide pour ensemencer des plaques enroulées d'Esmarch, puis il étudie les microbes qui s’y développent. Voici ses conclusions : j 1° La salive humaine doit être considérée comme un terrain entièrement défavorable à certains micro-organismes pathogènes, Staphylococcus pyogenes aureus, micrococcus tetragenus, bacille d'Eberth, spirille cholérique; 2° Si le nombre des micro-organismes ensemencés n’est pas considérable, ceux-ci finissent souvent, après une longue période de résistance, par disparaître ; 3° Quelques variétés peuvent continuer à se développer, le preumocoque par exemple ; mais ce microbe, s'il conserve sa vita- lité, est modifié dans sa forme et surtout dans sa virulence, qui est considérablement alténuée. Miller * objecte à Sanarelli qu'il n’y a rien d'étonnant à ce que la salive filtrée soit un miheu de culture défavorable aux 1. SanareLzr, Centralblatt für Bacteriologie und Parasitenk. Bd. X, p. 818. 2. Mircer, Die Mikroorganismen der Mundhôhle. Leipzig, 4892. e DÉFENSE DE LA CAVITÉ BUCCALE. 547 microbes, puisqu'elle ne contient que 0,15 p. 0/0 de matières organiques, tandis que la salive non filtrée, telle qu’elle se trouve dans la cavité buccale, contient une très graude quantité de matières nutritives, débris épithéliaux, mucus, exsudats, etc. Quant à l’atténuation de virulence du pneumocoque, elle ne prouve pas, pour Miller, l'action de la salive, car ce microbe est tellement fragile qu’il perd sa virulence dans un milieu artificiel quelconque, aussi facilement que dans la salive filtrée. Miller d’ailleurs ne croit pas aux propriétés-bactéricides de la salive, et estime que l’immunité relative de la cavité buccale lient à un pouvoir de résistance tout spécial de la gencive. Cet expérimentateur ‘ a même inoculé une série de cent onze souris blanches avec des quantités variables de salives non sté- rilisées : dixseulement résistèrent à l’inoculation, toutes les autres moururent d'infections diverses. D'autre part, Galippe * a trouvé, d’une façon constante, des microbes dans les conduits excréteurs des glandes salivaires; faits qui ne sont pas très en faveur d’une action bactéricide salivaire, Albert Mills”, dans un travail tout récent, arrive aux conclu- sions suivantes : 4° La salive, milieu chimique (action toxique des sels), arrête la poussée de la plupart des microbes et agit comme ger- micide ; 2° La salive, milieu physico-chimique (action plasmolytique des sels), arrête la poussée de la plupart des microbes et leur est germicide ; 3° La salive, milieu physiologique, a une action moindre, à cause de la présence des ferments et matières albuminoïdes qui entrave l’action des sels ; 4° La salive, milieu physiologique, atténue la poussée de la plupart dessmicrobes et prépare l'action du suc gastrique ; 5° Les associations microbiennes salivaires en général aug- mentent la virulence des germes importés ; 6° La salive stérilisée n'augmeute pas la virulence des germes. Pour vérifier ce pouvoir bactéricide de la salive humaine, 4. Mrcer, Die Mikroorganismen der Mundhôhle, % édition, 1892. 2. GaurPre, Soc. de biologie, février 1894. 3. Ausert Mizus, Action de la salive et du suc gastrique sur les bactéries, Bruxelles, 1896. 548 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. nous avons entrepris une série d'expériences dont nous allons rapporter les principales. La salive est recueillie le matin à jeun et distribuée dans des tubes à essais stérilisés. De cette salive, à l’origine, nous faisions deux parts : l’une filtréesur la bougie Chamberland, l’autre sim- plement sur du papier à filtre ordinaire stérilisé. Dans les deux cas, l’action bactéricide s’est montréela même : en Conséquence noùs ne nous sommes servi ensuite que de salive filtrée sur la bougie Chamberland, seul procédé qui permette d’avoir un liquide absolument dépourvu de germes. Nous dis- tribuons la salive ainsi stérilisée à la dose de 2 c.c. dans une série de tubes à essai. Nous ensemencons quelques-uns de ces tubes avec une anse de platine d’une culture de staphylocoque. Nous agilons soigneusement; puis nous prélevons immédiate- ment à nouveau une anse de celte salive ensemencée pour la diluer dans un tube de gélatine fondue et l’étaler à la surface d'une boîte de Petri. Sur d'autres tubes desalivenouspratiquonsla mêmeopération, mais au lieu de prélever l’anse de platine pour la mise en plaque aussitôt après l’ensemencement ,nous n’opérons ce prélèvement qu'au bout d’une demi-heure, puis d’une heure, puis de vingt- quatre heures, en ayant soin de laisser, dans l'intervalle des prises, la salive ensemencée dans l’étuve à 37e. Voici les résultats obtenus : # EXPERIENCE I STAPHYLOCOCCUS AUREUS (salive filtrée au Chamberland), anse de platine. NOMBRE DE COLONIES SUR PLAQUES DE GÉLATINE ———— — — — ———————EZEZEZpam "CC —— Immédiatement Uae demi-heure Une heure 2% heures 48 heures après après après après 9 après l’ensemencement l’ensemencement l'ensemencement l’ensemencement l’ensemencement Innombrables. Innombrables. Innombrables . Ennombrables. Innombrables. EXPÉRIENCE II ToruLA (salive filtrée au Chamberland), anse de platine. Immédiatement Une demi-heure Une heure 2% heures 48 heures après après après après 254 48 93 JS 349 DÉFENSE DE LA CAVITÉ BUCCALE. 549 EXPÉRIENCE HI STAPHYLOCOQUE (salive filtrée au filtre ordinaire), anse de platine. Immédiaiement Une demi-heure Une heure 24 heures 48 heures après après après après Imombrables. Innombrables. Innombrables. Innombrables. Innombrables. EXPÉRIENCE IV ToruLa (salive filtrée au filtre simple), anse de platine. Immédiatement Uue demi-heure Une heure 24 heures 48 heures après après après après 339 69 193 460 473 Une seconde série d'expériences ne nous ayant montré, comme nous l’avons déjà dit, aucune différence d'action entre la salive filtrée à la bougie Chamberland et la salive filtrée au papier, nous n'avons employé danslasuite de nos expériences que la salive filtrée au Chamberland. On sait, depuis les expériences de Nuttal et Nissen', que le sang jouit de propriétés bactéricides, ou, plus exactement, que nombre de germes ensemencés dans ce milieu y meurent sans se développer. Cette propriété bactéricide, comme les propriétés toxiques ou vaccinales de certaines toxines, est extrêmement fragile et ne résiste pas à un chauffage à 55 degrés ; il était inté- ressant de vérifier pour la salive quelle était l’action comparée de la salive non chauffée et chauffée une heure à 60°, et de voir si cette dernière avait conservé des propriétés bactéricides. . EXPÉRIENCE V ToruLa (salive non chauffée). NOMBRE DE COLONIES SUR PLAQUES DE GÉLATINE re LC Immédiatement Trois quarts d'heure Trois heures 10 heures après après après après 9,015 2,849 3,040 7,080 EXPÉRIENCE VI Toruza (salive chauffée à 600). Immédiatement Trois quarts d'heure 3 heures 10 heures 2,906 1,452 1,540 2,838 EXPÉRIENCE VII SARCINE (salive non chauffée). Immédiatement Une demi-heure * { heure | _24+ heures 90 _* - 916 HERO 1,410 4. Voir AcnALME, /mmunité dans les maladies infectieuses, p. 73. . 990 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. EXPÉRIENCE VII SarcinE (salive chauffée à 600). Immédiatement Une demi-keure 1 heure 24 heures après après après 220 240 560 4,180 Plusieurs expériences faites avec la sarcine isolée del’estomac humain tendent à ne faire admettre aucune action de la salive chauffée ou non chauffée sur elle. Au lieu d’ensemencer dans les tubes de salive, pour les expé- riences suivantes, la quantité de microbes contenus dans une anse de platine, nous avons préféré n’introduire à l'avenir que célle adhérant à l'extrémité pointue d’un fil de platine, ce qui nous permet d'étudier plus aisément l'influence supposée de la salive. On introduit, en etfet, de cette façon, dans la salive un nombre bien moins considérable de microbes : EXPÉRIENCE IX ToruLa (salive chauffée à 600), pointe de platine). NOMBRE DE COLONIES SUR PLAQUES DE GÉLATINE am — Immédiatement Une demi-heure Une heure 24 heures après après après 274 294 210 265 EXPÉRIENCE X ToruLA (salive non chauffée). Immédiatement Une demi-heure Une heure 24 heures après après après 318 264 276 425 EXPÉRIENCE XI ToruLA (salive chauffée à 600) Immédiatement Une demi-heure Une heure 4 heures après après après 16 39 39 118 EXPÉRIENCE XII ToruLA (salive non chauffée). Immédiatement Une demi-heure 1 heure 4 heures après apres après es — _. 29 26 110 848 DÉFENSE DE LA CAVITÉ BUCCALE. 251 EXPÉRIENCE XIII STREPIOCOQUE (salive non chauffée). NOMBRE DE COLONIES SUR PIAQUES DE GÉLATINE Immédiatement Une demi-heure 1 heure 8 heures après après après 250 276 312 3,118 EXPÉRIENCE XIV STREPTOCOQUE (salive chauffée à 600). Immédiatement Une demi-heure 1 heure 8 heures après après après 145 198 1708728 2,608 La pointe de platine imprégnée de staphylocoque donnant une culture liquéfiée au bout de 24% heures, nous diluons une pointe de platine de culture dans 1 centim. cube de solution physiologique de chlorure de sodium. EXPÉRIENCE XV STAPHYLOGOQUE (salive non chauffée). NOMBRE DE COLONIES SUR PLAQUES DE GÉLATINE A . — Immédiatement Une demi-heure 1 heure 4 heures apres après après 13 à) T 25 EXPÉRIENCE XVI STAPHYLOCOQUE (salive chauffée à 600). Immédiatement Une demi-heure 1 heure 4 heures après après après 115 63 21 188 EXPÉRIENCE XVII STREPTOCOQUE (salive non chauffée). Immédiatement Une demi-heure 1 heure 8 heures après après après 53 71 58 3.120 * EXPÉRIENCE XVII STREPTOCOQUE (salive chauffée à 600). Immédiatement Une demi-heure 1 heure 8 heures après après après 1,647 3,400 4,635 19,920 092 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. EXPÉRIENCE XIX STAPHYLOCOQUE (salive non chauffée). Immédiatement Une demi-heure À heure après après 6 6 5 EXPÉRIENCE XX STAPHYLOCOQUE (salive chauffée à 600). Immédiatement Une demi-heure Une heure après après 67 7 5 7 , EXPÉRIENCE XXI STAPHYLOCOQUE (salive non chauffée). Immédiatement Une demi-heure Une heure 8 heures après après après 100 160 26% Liquéfiée. - EXPÉRIENCE XXII STAPHYLOCOQUE (salive chauffée à 600). Immédiatement Une demi-heure Une heure S heures après après ù après 5,185 5,220 3,105 6,160 EXPÉRIENCE XXII STAPHYLOCOQUE (salive chauffée à 600). Immédiatement Une demi-heure Une heure 8 heures après , après après 59 36 88 220 EXPÉRIENCE XXIV STREPTOCOQUE (salive non chauffée). (Deux ensemencements.) Immédiatement Une demi-heure Une heure 8 heures après . après après 18 23 _ : 340 28 | Pas de culture. 360 EXPÉRIENCE XXV STREPTOCOQUE (salive chauffée à 600) (Deux ensemencements.) Immédiatement Une demi-heure Une heure 8 heures après après apres 132 61 28 520 21 A1 98 480 à DEFENSE DE LA CAVITE BUCCALE. 993 EXPÉRIENCE XXVI STAPHYLOCOQUE (salive non chauffée). (Deux ensemencements.) ee — Immédiatement Une demi-heure Une heure 8 heures après après après 27 30 36 D10 32 27 40 290 EXPÉRIENCE XXVII STAPHYLOCOQUE (salive chauffée à 600). . Immédiatement Une demi-heure Une heure 8 heures après après après 22 25 ol 200 22 21 (5) 320 EXPÉRIENCE XXVIII à STREPTOCOQUE (salive non chauffée). Immédiatement Une demi-heure Une heure 8 heures ; après après après . 10 8 17 381 EXPÉRIENCE XXIX STREPTOCOQUE (salive chauffée à 600). Immédiatement Une demi-heure 1 heure S heures | après après après 19 15 26 | 405 | EXPÉRIENCE XXX * CHOLÉRA DE MassouaH. Culture de 18 heures (non chauffée). Immédiatement Une demi-heure 1 heure 7 heures 24 heures après après après après 9290 256 248 11,340 32,627 L EXPÉRIENCE XXXI Culture de 18 heures (salive chauffée à 600). CHOLÉRA DE MAssOUAH. Immédiatement Une demi-heure 1 heure 7 heures & 2% heures après après après après 108 280 496 10,800 60,939 . EXPÉRIENCE XXXII CHOLÉRA-DE Massouan (salive non chauffée). Immédiatement Une demi-heure 1 heure 7 heures 24 heures après après après après 9276 620 12,960 30,783 208 D94 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. EXPÉRIENCE XXXIII CHOLÉRA DE Massouax (chauffée à 600). Immédiatement Une demi-heure 4 heure 7 heures 24 heures après après après après 344 392 644 18,900 89,487 EXPÉRIENCE XXXIV CHOLËRA DE CONSTANTINOPLE. Culture de 18 heures (non chauffée). Immédiatement Une demi-heure 1 heure 7 heures après après après 140 240 440 2,1€0 EXPÉRIENCE XXXV CHOLÉRA DE CONSTANTINOPLE (chauffée à 600). Immédiatement Une demi-heure 1 heure 7 heures après après après 100 380 410 3,600 EXPÉRIENCE XXXVI CHOLÉRA DE CONSTANTINOPLE (non chauffée). Immédiatement Une demi-heure 1 heure 7 heures après après après 140 388 340 2,100 EXPÉRIENCE XXXVII CHOLÉRA DE CONSTANTINOPLE (chauffée à 600). Immédiatement Une demi-heure 1 heure 7 heures après après après 128 A64 644 pas de culture. En résumé : Sur la torula, action peu marquée de la salive non chautfée : action certainement plus grande de la salive chauffée à 600. Sur la sarcine, aucune action, — cette bactérie se développe aussi bien dans la salive chauffée que dans celle non chauffée. Le développement du streptocoque n’est nullement influencé par le liquide salivaire chauffé ou non chauffé; il n’est donc pas surprenant, comme MM. Widal et Bezançon l'ont démontré, que sa présence dans la bouche soit constante. Sur le staphylocoque doré, l'action est certainement plus manifeste que sur les bactéries précédentes, et la salive chauffée à 60° est plus bactéricide que celle non chauffée. DÉFENSE DE LA CAVITÉ BUCCALE. 555 Pour le choléra, l’action est tout à fait nulle, le vibrion cho- lérique se développant très rapidement dans le milieu salivaire. S'il existe une différence d’action, elle est due à l’origine de la bactérie ; en effet, on constate, sept heures après le premier ensemencement, que le développement du vibrion cholérique provenant de Massouah est beaucoup plus rapide que celui de Constantinople. Ê Comme on peut le voir, l'action bactéricide de la salive nous paraît des plus problématiques. Nous n'avons jamais pu la constater d’une façon bien évidente sur aucun des «microbes employés. Dans des cas nombreux, les microbes introduits dans la salive poussent rapidement, de sorte que leur nombre, au bout d’un temps très court, devient notablement plus considé- rable. Parfois il y a, au début, une certaine lenteur dans la croissance, ou même on constate la destruction de certains des microbes ensemencés, mais il faut se rappeler que le simple passage des microbes d’un milieu dans un autre peut amener la destruction partielle de cesmicrobes. Les expériences de Hafkine ont montré que des infusoires meurent rapidement si on les transporte d’une eau dans une autre, un peu dissemblable par sa composition chimique; le même auteur a montré que le bacille d'Eberth, acclimaté dans un milieu peu favorable à son développement, ne végète qu'avec peine lorsqu'on le réensemence dans un milieu plus favorable pour l'espèce, dans du bouillon peptonisé. Ce qui confirme notre manière de voir, c’est que, dans nos expériences, ce semblant d'action bactéricide se constate non seulement lorsqu'il s’agit de salive intacte, mais encore avec la salive chaullée à 60 degrés, dépourvue par conséquent des principes bactéricides analogues à celui du sérum sanguin. Nous dirons même plus, nous avons trouvé pour la torula et le staphy- locoque que la salive chauffée à 60° avait un pouvoir plus bacté- ricide que celle non chaullée. Il n’y a donc à établir aucune comparaison, même éloignée, entre le prétendu pouvoir bacté- ricide de la salive et celui que le sérum peut manifester vis-à- vis de certains microbes. L'étude attentive de l’immunité a d’ailleurs montré que les propriétés bactéricides du sérum ne peuvent expliquer la résis- D06 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tance des animaux à l’envahissement par les virus. Nous sommes donc, à fortiori, autorisé à conclure que l’immunité des parois buccales contre les infections n’est pas due à une propriété ger- micide de la salive. | Rôle mécanique de la salive. — Si la salive n’a pas, par ses propriétés bactéricides, l’importance qu'ont voulu lui attribuer certains auteurs, son rôle dans la protection buccale est cepen- dant considérable. La sécrétion parotidienne et celle des autres glandes sali- vaires a en effet une grande utilité; c’est elle qui, par son action mécanique, dilue les bactéries, les agglutine et les entraîne de la cavité pharyngée dans l’estomat où elles subissent l’action destructive du suc gastrique. : Dans toutes les maladies où cette sécrétion salivaire diminue, chez les cachectiques, dans les états infectieux ataxiques et ady- namiques, la bouche devient sèche, les lèvres fuligineuses, et la cavité bucco-pharyngée, si bien protégée d'ordinaire, devient la porte d'entrée la plus importante peut-être pour les infections secondaires. . La salive joue encore un rôle important, par deux procédés d'action mécanique : elle dilue les détritus alimentaires, les entraine, empêche leur stagnation et, par suite, leur fermenta- tion; elle entrave encore les fermentations en raison de sa réaction alcaline '. . ROLE DU SULFOCYANURE DE POTASSIUM On sait que la présence réelle de ce sel dans la salive a été niée par plusieurs expérimentateurs, entre autres par Berzélius, Lehmann, Claude Bernard même qui æ&tribuait son existence dans la salive à la présence de la carie dentaire dans la bouche, Longet, Schiff en font, au contraire, un élément constant de la salive humaine dans des proportions variant de 0,10 à 0,20 0/00. Longet l’a trouvé constamment, aussi bien dans la salive sous-maxillaire que dans la sublinguale ou parotidienne : ses proportions variables dépendent de la concentration du liquide salivaire; il n’y a aucune relation entre l’élat des dents et la présence de ce sel. On peut se demander, et même cette hypo- 4. MENDEL Josern, Odontologie, décembre 1892. — L. Frey et Sauvez, Des moyens de résistance de la dent contre la carie. Gaz. des hôpitaux, avril 4893. » DÉFENSE DE LA CAVITÉ BUCCALE. 557 thèse a déjà été formulée, si ce sulfocyanure de potassium ne jouerait pas le rôle d’un agent antiseptique de la salive (Sanarelli). — Pour vérifier cette hypothèse, nous avons fait la série d'expériences suivantes : Nous avons employé des solutions de 0,06 0/00, 0,10 0/00 et 0,20 0/00 de sulfocyanure de potassium dans de l’eau distillée d’une part, dans de l’eau physiologique d’autre part, mais nous n'avons constaté aucune action empêchante; voici du reste une des expériences faites avec une solution à 0,10 0/00. Nous avons pris une pointe de platine d’une culture de slaphylocoque que nous avons transportée dans un petit tube contenant 2 c. c. de solution de sulfocyanure, puis nous avons immédiatement prélevé une pointe de cette solution pour ense- mencer un tube de gélatine, que nous versons dans une plaque de Petri. Le liquide est mis à l’étuve à 31°, et une demi-heure âprès nous faisons un second ensemencement, puis, une heure, etenfin vingt-quatre heures après. SOLUTION DE SULFOCYANURE DE POTASSIUM A 0,10 0/0 BACILLE D'EBERTH. RE NOMBRE DE COLONIES SUR PLAQUES DE GÉLATINE Immédiatement Une demi-heure 1 heure 7 heures après après après 364 195 212 203 STAPHYLOCOCCUS PYOGENES ‘AUREUS Immédiatement Une demi-heure 1 heure 7 heures après après après 600 420 462 1.490 Ces expériences, répétées avec des solutions de 0,06 0/00 et 0,20 0/00, ont donné le même résultat négatif. L'action du sulfocyanure de potassium dans la salive comme antiseptique salivaire est donc des plus contestables, pour ne pas dire abso- lument nulle, et ne joue aucun rôle bactéricide. ROLE DE LA PHAGOCYTOSE ET DES PROPRIÉTÉS CHIMIOTACTIQUES POSITIVES DE LA SALIVE NON FILTRÉE Si les propriétés bactéricides de la salive restent très problé- matiques, il n’en est pas de même du rôle joué par la fonction 998 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. phagocytaire dans la protection de l'organisme en général et de la cavité buccale en particulier. Les diverses espèces de leucocytes contractiles et phagocy- taires, les leucocyles polynucléaires surtout se rencontrent en grand nombre dans le derme sous-jacent aux muqueuses de revêtement; dans la bouche en particulier, leur nombre semble particulièrement important, et il existe pour ainsi dire, derrière la membrane épithéliale, un véritable lac lymphatique. C’est surtout au niveau de l’arrière- gorge que celle formation lym- phatique prend une importance considérable. Outre les deux amygdales qui ne sont autre chose que deux centres lympha- tiques en contact intime avec la muqueuse buccale qui, par suite de ses lacunes et de ses cryptes, multiplie encore les rela- tions de la cavité bucco-pharyngée et des organes lymphatiques, il existe, sur toute la cavité de l’arrière-gorge, une couche presque ininterrompue de fellicules lymphatiques : : les uns isolés et répartis sans ordre, occupant la paroi postérieure du pharynx, les autres sous forme de traînées verticales, doublant de chaque côté le pilier postérieur du voile du palais, les autres élalés sur la face dorsale de la langue, constituant une sorte de nappe comprise entre le V lingual et les papilles calici- formes, l’épiglotte et les torsilles'. Signalons enfin les amas folliculaires, dits amygdales palatines, et l’amygdale pharyn- gienne de Luschka. De nombreux leucocytes provenant de ces centres lympha- tiques arrivent sans cesse à la surface de la muqueuse; ce phé- nomène a élé bien montré par Stoer. Cet exode est démon- tré par leur présence dans les sécrétions et par l'examen microscopique de la muqueuse, où l’on peut voir le passage des cellules migratrices entre les cellules épithéliales. La leucocytose, c'est-à-dire l’acte nécessaire à la phago- cytose, est donc un acte physiologique que l’on observe faci- lement dans la cavité bucco-pharyngée. . On sait d'autre part que, selon les circonstances, cette leucocytose est activée ou empêchée. Les leucocytes présentent, en eïfet, une sensibilité propre qui leur permet de se diriger activement vers un but; comme 4. JEANsELME, De l’arrière-gorge et de l’amygdale en particulier, considérés comme porte d'entrée des infections. Gas. des hôpitaux, 95 janvier 1890. ; DÉFENSE DE LA CAVITÉ BUCCALE, D39 toutes les sensibilités, la leur peul se décomposer, et sa modalité la plus intéressante au point de vue qui nous occupe est, sans contredit, leur sensibilité chimiotactique, c’est-à-dire la propriété d’être attirés par certaines substances et repoussés par d’autres. Étudiée d’abord sur des végélaux inférieurs par Pfeiffér, l'action attractive et répulsive de certains agents a été étendue aux leucocytes surtout par MM. Massart et Bordet qui ont bien montré les propriélés chimiotactiques des cellules blauches. En introduisant dans la cavité péritonéale d’un animal de petits tubes capillaires contenant le corps dont. on veut rechercher l'influence, ces savants virent qu’en cas de chimiotaxie positive, les leucocytes pénètreut en grand nombre dans le tube. Un grand nombre de microbes sont doués de ces propriétés chimiotactiques posilives. La salive étant un milieu de culture où l’on trouve un nombre considérable de microbes, on peut penser que ceux-ci sécrètent des substances capables d'exercer sur les leucocytes une influence chimiotactique positive, et le fait est d'autant plus plausible qu'il y a, par suite de l'état négatif dans lequel se trouvent les microbes de la bouche, une véritable accoutumance entre leurs toxines et les leucocytes. M. Massart a d'ailleurs montré comment, par une sorte d'éducation préalable, une cellule vivante peut être altirée par une substance jouissant auparavant de propriétés chimiotactiques négatives. Appliquant à la bouche ces données générales, on peut formuler l'hypothèse que la salive à l’état normal exerce sur les leucocytes une atlraclion continue qui hâte l’afflux des phago- cyles, favorisant ainsi la réaclion protectrice, et que cette action, s'exerçant de même à la surface de la plaie dans les cas de traumalisme, permet un afflux abondant de leucocytes qui vien- dront englober les bactéries introduites avec la salive dans la plaie. Pour constater sila salive a réellement des propriétés attrac- tives vis-à-vis des leucocytes, nous nous sommes servi de la technique même employée par les expérimentateurs qui ont décelé la propriété chimiotactique des globules blancs. On laisse déposer, dans un tube à réactif, de la salive humaine prise le malin: on décante, au bout de quelques heures de séjour à la température ordinaire, la partie supérieure devenue plus claire, 560 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ; puis on introduit de pelites quantités de ce liquide dans des tubes capillaires, tubes que l’on ferme à une extrémité; on les introduit ensuite, par faisceaux, dans la cavité péritonéale d’un cobaye, où ils restent huit heures, au bout desquelles on les relire, et l’on trouve que les leucocytes ont formé, dans l’inté- rieur du tube, une bourre épaisse et longue de 2 millim. environ. La même expérience fut répétée sur la souris et nous donna des résullats analogues. , De plus, dans une autre série d'expériences faites avec de la salive ayant séjourné 24 heures à l’étuve, et où le nombre de microbes a considérablement augmenté, on constate que la bourre formée par les leucocytes dans les tubes capillaires est visiblement plus grande. La valeur de l’altraction exercée sur les leucocytes est donc en relation même avec l'intensité de la culture, et par conséquent avec la quantité des produits micro- biens présents dans le liquide. Mais cette expérience nous dit seulement que la salive d'homme attire d’une manière très positive les leucocytes de cobaye ou de souris. Il y aurait donc intérêt à savoir si la salive d’un animal attire les leucocytes. du même animal. Nous avons fait sur le cobaye une expérience qui répond à cette question par l'affirmative. Expérience. — On recueille au moyen d’un tube effilé de la salive de cobaye, qu'on a soin d'examiner au microscope. On constate que le liquide obtenu fourmille de microbes : on remarque particulièrement des bacilles assez minces et recli- lignes qui prennent le Gram, un streptocoque, de gros diplo- coques qui se colorent également par la méthode de Gram, un bacille long et très fin qui se décolore par ce procédé, un cocco- bacille présentant la mème particularité et ressemblant beaucoup au pneumocoque de Friedländer. - On remplit des tubes capillaires avec cette salive et on les introduit avec des précautions de rigoureuse asepsie dans la cavilé péritonéale de l'animal dont cette salive provient. Au bout de dix heures on relire ces tubes. On constate l’afflux des leucocyles qui remplissent une partie nolable des tubes capillaires. Les leucocytes, étalés sur une lame et colorés, apparaissent sous forme de cellules polynucléaires. Ces leucocytes sont, onle DÉFENSE DE LA CAVYITÉ BUCCALE. 561 voit, les phagocytes les plus actifs, et certaines de ces cellules contiennent dans leur protoplasma des microbes apportés par la salive. On à eu soin, dans toutes ces expériences, de préparer non seulement des tubes capillaires contenant la salive à examiner, mais aussi d’autres tubes remplis soit de substance attirant sûrement les leucocytes (bouillon de culture ensemencé avec du staphylocoque doré), soit de matières n’exerçant sur les leucocyles aucune influence attractive (solution aqueuse de NaCI à 0,60 0/0), que l’on introduit dans la cavité abdominale des cobayes. Ces tubes jouent le rôle de témoins. De ce qui précède on peut déduire que, lorsqu'une plaie est produite dans la bouche, artificiellement ou accidentellement, la salive imbibant la lésion exerce sur les leucocytes une in- fluence attirante dont les effets deviennent d'autant plus mar- qués, que cette influence s'exerce d’une manière constante et prolongée. Il reste cependant à contrôler expérimentalement si les pha- gocytes d’un animal, d’un cobaye par exemple, sont capables d'englober et de digérer les-microbes qui se cultivent dans la sécrétion salivaire. On peut, à ce point de vue, étudier très facilement les leucocytes de cobaye, en retirant à cet animal un peu d’exsudat péritonéal, dont on a eu soin d'augmenter préa- lablement le nombre de phagocytes, au moyen d’une injec- tion, pratiquée 24 heures auparavant, de bouillon pep- tonisé. | Si l’on mélange un peu de cet exsudat avec de la salive, et si on transporte la gouttelette ainsi obtenue à l’étuve (tempé- rature de 35°) en empêchant l’évaporation par l’emploi d'une chambre humide, les phagocytes peuvent exercer leurs fonc- tions d’englobement et s'emparer des microbes mis en contact avec eux. EXPÉRIENCES. — 4) SALIVE HUMAINE. — Les leucocytes de cobaye sont mêlés à de la salive humaine qu’on a laissée déposer quel- ques heures pour en séparer les débris alimentaires ou autres éléments cellulaires. La préparation reste à l’étuve pendant une heure; on étend ensuile le liquide sur des lames, on fixe, puis on colore par le procédé d'Ehrlich, c’est-à-dire par l'emploi successif de l’éosine et du bleu de méthylène. 30 062 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. La préparation est mise en présence de chacun des colorants pendant quatre à cinq minutes. On constate à l'examen des préparations que les leucocytes- se sont emparés des microbes avec beaucoup d'avidité. On reconnaît que, parmi les espèces microbiennes variées que con- tient la salive, il n’en est pas une dont on ne trouve quelques représentants dans le protoplasma des leucocytes. b) SALIVE DE coBAYE»+— On recueille une petite quantité de la salive de cet animal et on la mélange à des leucocytes prove- nant de la cavité péritonéale du même cobaye. On transporte les préparations à l'étuve où elles restent 2 heures, et l’on constate, après coloration, qu'au bout de ce temps l’englobe- ment des divers microbes est aussi complet que possible. Deux faits sont désormais acquis : la salive attire les leuco- cyles et favorise, par conséquent, lorsqu'une plaie se produit dans la bouche, l’afflux rapide de ces éléments protecteurs. Les leucocytes sont capables de s’emparer avec beaucoup d'énergie des différents microbes présents dans la cavité buccale et de les réduire à néant. Il reste-à constater, de visu, l’activité de l’englobement au niveau d’une plaie produite artificiellement dans la bouche. EXPÉRIENCE, — On recueille, chez un cobaye, une trace de salive et on en fait des préparations que l’on colore, les unes par le bleu de méthylène, les autres par le Gram. On pratique ensuite, vers la partie médiane de la gencive du maxillaire inférieur, la résection de la muqueuse sur une faible étendue et on gratte ensuite, au moyen d’une curette, la plaie dénudée. Vingt heures plus tard, on trouve que la plaie est recouverte d'un enduit blanchâtre, constitué par des Jeucocytes — presque tous polynucléaires, quelques-uns mononucléaires ; on étale ces leucocytes sur lame et on colore. Dans le protoplasma de ces cellules, on décèle facilement la présence de microbes variés, semblables par leur forme, leurs caractères de coloration, à ceux que l’on rencontre dans les préparations de la salive. Un nombre assez considérable de microbes englobés se colorent moins énergiquement que ceux qui sont restés libres dans le liquide ambiant, c’est là une preuve de la destruction phagocytaire. Certains d’entre eux, contenus dans le protoplasma phagocytaire, absorbent l’éosine DÉFENSE DE LA CAVITÉ BUCCALE. 563 au lieu de se teindre par leur colorant naturel, le bleu de mé- thylène. Expérience. — La salive de l'animal contient des cocci, mais on n’y trouve pas de chainettes streptococciques. Il est facile d'introduire quelques gouttes d’une culture virulente de strepto- coques dans la bouche, et de voir si l’englobement a lieu. On verse dans la bouche d’un cobaye, porteur d’une plaie que l'on a eu soin de bien nettoyer, quelques gouttes d’une culture très active de streptocoque. Quatre heures plus tard, on râcle légèrement la surface de cette plaie, on y recueille ainsi un exsudat riche en leucocytes, et dans quelques-unes de ces cellules on trouve des chaînettes streptococciques analogues à celles qui peuplent la culture. Le lendemain, la plaie est en pleine voie de cicatrisation et se guérit bientôt sans aucun accident. Les mêmes faits de pha- goeylose et de destruction par les leucocytes de microbes exis- tant dans la bouche peuvent encore se rencontrer, si l’on intro- duit dans la gencive d’un animal un corps étranger, une fine écharde de hois par exemple. Il se produit bientôt autour du corps étranger une petite quantité de pus formé de leucocytes dont plusieurs contiennent des bactéries, des cocci, provenant de la salive. Dans les leucocytes, les microbes deviennent beaucoup moins colorables, car ils sont partiellement dégénérés ; hors des leuco- cytes, ils gardent leur aspect normal. On peut donc conclure que la résistance des tissus constituant les parois buccales, vis-à-vis des agents microbiens si abon- dants dans la bouche, est due #l’énergie dela phagocytose, fonc- tion générale. RÔLE CHIMIOTACTIQUE DE LA SALIVE FILTRÉE Dans les expériences précédentes, nous avons employé la salive telle que nous la trouvons dans la cavité buccale, chargée de microbes et non filtrée ; c’est elle, en effet, qui nous intéresse au point de vue clinique, mais on pouvait nous objecter que cette propriété chimiotactique positive de la salive pourrait bien ne pas être due au liquide salivaire lui-même, mais bien à la présence des bactéries dans ce liquide; c’est en effet ce qui résulte de l'expérience suivante : D64 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Nous avons recueilli à jeun de la salive humaine dans des tubes stérilisés. Une heure après, cette salive fut filtrée au filtre Chamberland. Nous avons pris alors une série de six tubes ca- pillaires dans lesquels nous avons fait pénétrer de la salive fit- trée ; ces tubes furent fermés à une extrémité; puis une autre série de six tubes dans lesquels nous avons mis de l’eau phys1o- logique, et enfin six tubes contenant une culture de choléra. Ces trois faisceaux attachés séparément ont été placés dans la cavité péritonéale d’un cobaye et laissés en place dix heures. En les retirant, nous avons constaté que les tubes contenant la culture cholérique présentaient une bourre épaisse de phago- cytes; tandis que, dans ceux contenant la salive, les leucocytes avaient certainement pénétré, mais en si petit nombre, que la propriété chimiotactique de la salive filtrée peut ètre considérée comme neutre. Les tubes contenant l’eau physiologique ne pré- sentaient aucune trace de pénétralion des phagocytes. RÔLE DES CELLULES ÉPITHÉLIALES ET DE LA CONCURRENCE VITALE DES MICROBES L'action phagocytaire n’est pas la seule qu’il nous faille invo- quer parmi les causes de destruction des bactéries : un mode additionnel de protection de la cavité buccale en général, et des gencives en particulier, contre l'invasion des microbes patho- gènes, est cette propriété très générale que possèdent les épithé- liums pavimenteux stratifiés de se renouveler continuellement dans leurs couches superficielles. De même qu’à la surface de la peau les cellules cornées sont en desquamation permanente, de méme, dans la cavité bucco-pharyngée, les cellules épithéliales se renouvellent constamment. Cette desquamation s’accentue sur- tout pendant la mastication, des quantités énormes de cellules sont alors rejetées, et l’on peut dire qu'après chaque repas, la surface de revêtement de la cavité buccale a été renouvelée. Or, nous l'avons dit, si les cellules épithéliales ne sont pas douées de propriétés phagocytaires, elles sont tapissées à leur surface, chargées dans leurs interstices, parfois même pénétrées dans leur intérieur par d'innombrables bactéries qui seront délogées et entraînées en même temps qu’elles avec la salive dans le canal alimentaire où l'estomac les détruira bientôt. On pourrait également, fait déjà indiqué par M. Mendel DÉFENSE DE LA CAVITÉ BUCCALE. 563 Joseph!, faire ressortir, aujourd’hui que nos connaissances sur les actions réciproques des microbes sont devenues plus complè- tes, qu’une atténuation de la virulence d’un microbe, à faible végétabilité ou qui ne se trouve qu’en faible quantité dans la bouche, peut vraisemblablement être due, non pas à la salive elle-même, mais aux micro-organismes de tout genre qui peu- plent ce liquide. Il est tout à fait certain que, dans la bouche, certaines races microbiennes qui sont particulières à cette région, poussent plus vigoureusement que les autres dans la salive, et que leur développement peut étouffer l'expansion de microbes plus fragiles, tout au moins en diminuer la vitalité et en rendre moins aclives les facultés pathogènes. Les microbes se gênent mutuellement, et cette action d'empêchement doit porter surtout sur les races qui ne sont pas très adaptées au milieu putritif où elles se trouvent. Le pneumocoque, par exemple, peutse trouver dans la salive, mais son développement n’y est jamais aussi luxuriant que celui des bactéries, dont la salive est le milieu de culture propre, qui sont déjà, depuis longue date, adaptées à y vivre, qui y sont en quelque sorte chez elles. Les saprophytes vulgaires de la salive sont donc ceux qui, dans la concurrence entre les espèces, ont sans doute le plus de chance d’être victorieux et de réfréner le développement d’autres microbes, se rencontrant accidentellement dans la bouche. Cette concurrence vitale, nous la voyons partout comme un des principaux agents de destruction des bactéries introduites accidentellement dans un milieu. Dans la cavité vaginale, les expériences de Menge* l’ont montré, elle joue le plus grand rôle. L’antagonisme entre les bacilles vaginaux ordinaires etles micro-organismes introduits artificiellement est un facteur de premier ordre dans le mécanisme de l’auto-aseptisation du vagin. Très nombreux d’abord, les microbes introduits artificiellement, bacille pyocyanique, strepto- coque, staphylocoque pyogenes aureus, ne tardent pas à dispa- raître, de sorte qu’au bout d’un temps plus ou moins long, le vagin ne présente plus un seul des micro-organismes introduits. On peut donc conclure que la résistance des tissus constituant 4. Odontologie, décembre 1892. 2, Mexcr, Deutsche Medie. Wochenschrift, 15, 22, 29 nov. 1894. 566 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. les parois buccales, vis-à-vis des agents microbiens si abondants dans la bouche, est due à l'énergie de la phagocytose, fonction générale, mais favorisée ici d’une façon toute spéciale grâce à la constance de l’attraction exercée sur les leucocytes par les pro- duits microbiens présents et dissous dans la salive. I ne faudrait pas oublier cependant la destruction d’un grand nombre de bacté- ries par la desquamation incessante et la diminution du nombre des espèces par la concurrence vitale. La cavité bucco-pharyngée est un milieu qui change sans cesse dans sa constitution, et il en est sans doute de la défense de la bouche contre les espèces microbiennes, comme de la défense contre les poisons : la moindre mutation suffit peut-être à en chan- ger les conditions. Ne savons-nous pas que l'acidité de la salive, telle qu’on la constate au lendemain de libations trop copieuses, suffit à faciliter l'absorption du plomb par la muqueuse buccale, d'où la facilité de l’intoxication saturnine chez les alcooliques. En résumé, si les propriétés bactéricides de la salive ne sont pas démontrées par l’expérimentation, et si l’on peut même douter de leur rôle dans l’atténuation de la virulence des microbes patho- gènes qui sontles commensaux habituels de la cavité bucco-pha- ryngée, il n’en est pas de même des propriétés chimiotactiques positives de cette même salive non filtrée, telle qu’elle se ren- contre dans la cavité buccale. Par ses propriétés mêmes et surtout par l'intermédiaire des produits solubles des microbes qui y végètent, la salive possède des propriétés chimiotactiques positives qui expliquent la diapé- dèse importante se faisant dans la bouche normale pour détruire les bactéries. Cette diapédèse est intense surtout à la surface des plaies baignées par la salive dans les cas pathologiques. Quant au sulfocyanure de potassium, s'il existe réellement da ns la salive, son action bactéricide ou antiseptique est nulle. ÉTUDE EXPÉRIMENTALE DES ACCIDENTS POST-SÉROTHÉRAPIQUES par MM. A. BÉCLÈRE CHAMBON er MÉNARD Médecin de l'hospice Debrousse. Directeurs de l'institut de vaccine animale de Paris, Au cours de recherches sur l’immunité vaccinale, nous avons été amenés à faire à des animaux de l'espèce bovine des injec- tions sous-cutanées de sérum de solipèdes, d'âne et de cheval. Ainsi s'offrit à nous l’occasion de constater que du sérum de cheval, introduit en grande quantité sous la peau d'une génisse, lui donne dela fièvre, des éruptions polymorphes simulant l'ur- ticaire ou la rougeole, et même des arthropathies, en un motdes accidents très analogues, pour ne pas dire identiques, à ceux qui dans l'espèce humaine succèdent assez souvent à l'injection sous- cutanée des divers sérums thérapeutiques. Nous avons fait à quatre génisses des injections de sérum de cheval; pour chaque génisse nous avons employé un sérum de provenance différente. Des quatre chevaux qui nous ont fourni du sérum, deux ont été mis à notre disposition par M. le professeur Nocard avec une obligeance dont nous lui demeurons très reconnaissants ; le troisième, appartenant à une grande adminis- tration, avait servi pour une expérience à M. le professeur Chauveau qui nous a libéralement permis d’en faire usage après lui ; enfin nous avons plaisir à remercier M. Humbert, médecin- vétérinaire de l’armée, de la grande amabilité avec laquelle il nous a offert du sang de son propre cheval pour nos dernières recherches. C'est M. Nocard qui a bien voulu saigner lui-même ces chevaux et recueillir leur sérum. Deux autres génisses ont reçu en injection sous la peau du sérum d’âne récolté aussi par M. Nocard. Antérieurement nous avions fait à treize génisses des injections de sérum provenant d'animaux de leur espèce. Nous avons donc pu comparer l’action sur l'espèce bovine des diffé- D68 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. rents sérums de génisse, d'âne et de cheval introduits par la voie sous-cutanée. Les résultats de nos injections de sérum de génisse ont été publiés ici même‘. Ce sérum provenait d'animaux vaccinés. En dehors du pouvoir immunisant que nous lui avons reconnu et de son action abortive sur l’éruption vaccinale, il n’a jamais provoqué chez les génisses auxquelles il a été injecté le moindre trouble. Au contraire, les génisses;qui ont reçu du sérum de cheval ont toutes les quatre présenté un exanthème généralisé avec élévation de la température ; l’une d’elles a montré en outre des troubles fonctionnels de l’appareil locomoteur qu’il nous a paru légitime de rattacher à des arthropathies. Les deux génisses qui ont reçu du sérum d’âne n'ont rien offert de semblable à notre observation. Voici d’ailleurs la relation détaillée de nos expériences : EXxPÉRIENCE [. — Le 14 février 1896, dans la matinée, une génisse de six mois, pesant 109 kilogrammes, reçoit en deux injections successives sous la peau du cou une quantité de sérum de cheval égale à 1090 centimètres cubes, c'est-à-dire équivalente au centième de son poids. Ce sérum nous a été fourni par M. Nocard qui a bien voulu le recueillir lui-même. Il provient d'un cheval qui depuis cinq ans séjourne à Alfort sans y avoir été atteint de horse-pox : c’est le point de vue spécial qui nous occupe, mais nous savons en outre qu'il n’a jamais été immunisé contre la diphtérie. Immédiatement après l'injection de sérum, la génisse est inoculée aux deux côtés du tronc avec du vaccin éprouvé, suivant le mode adopté à l'établissement vaccinal de la rue Ballu. Une génisse témoin est aussitôt inoculée de semblable façon avec le même vaccin. : Le 16 février, le sérum injecté sous la peau a été en grande partie absorbé; il reste cependant à la base de l’encolure une boule œdématense du volume d’une pomme. Le 17 février, l'absorption du sérum est complète, il ne subsiste plus trace de l'injection. Le 18 février, après quatre jours écoulés, les deux génisses commencent à présenter des vésicules vaccinales naissantes. Chez la génisse qui a reçu du sérum de cheval, on voit apparaître sur les deux champs vaccinaux, dans l'intervalle des inoculations, une éruption singulière dont la couleur tranche vivement sur la blancheur normale du derme soigneusement rasé. Cet exanthème est constitué sur le côté droit par de nombreuses taches d’un rouge rosé, irrégulièrement arrondies, de diamètre inégal et à contours 1. Annales de l’Institut Pasteur, n° du 25 janvier 1896. Etudes sur l’immunité vaccinale et le pouvoir immunisant du sérum de génisse vaccinée, par MM. Bé- clère, Chambon et Ménard. ACCIDENTS POST-SÉROTHÉRAPIQUES. 569 comme déchiquetés, laissant entre elles des intervalles de peau saine. Par la couleur et la forme, mais avec des dimensions {rès agrandies, ces taches rappellent celles de la rougeole, elles s’accompagnent au toucher d'une légère saillie en même temps que d'une augmentation assez marquée de la consistance du derme. Sur le côté gauche, l'éruption présente un aspect sensiblement différent, elle est constituée par de grandes plaqués rouges à contours irréguliers, beaucoup plus larges que les taches du côté droit. Quel- ques-unes de ces plaques dans leur plus grand diamètre n’ont pas moins d’une douzaine de centimètres. Toutes ces plaques font une saillie très appré- ciable et s’accompagnent d'une infiltration du derme qui le rend bien plus épais et bien plus dur que d'ordinaire. Ce sont en réalité de larges élevures en forme de plateaux dont la surface est diversement colorée : elle est par places d’un rouge rosé et par places blanchätre, mais d’un blanc plus accen- tué que la teinte normale de la peau rasée. L'ensemble de ces caractères montre que l’éruption consiste à la fois en un érythème et en une infiltra- tion œdémateuse du derme, qu’il s'agit en un mot de véritables plaques ortiées, d'éléments éruptifs rappelant ceux de lurticaire humaine et plus spécialement la variété désignée par les dermatologistes sous le nom d'urti- caire géante. Cette éruption n'est apparente que dans les champs vaccinaux, là où la peau est rasée, mais elle existe ailleurs, masquée seulement par les poils, comme il est facile de s’en assurer en portant le rasoir en d’autres points : on découvre alors de nouvelles élevures en forme de plaques rouges, de tous points semblables aux premières avec lesquelles elles se continuent en partie, et il devient manifeste que l'éruption s'étend à toute la surface du tégument cutané. Le 19 février, l'éruption persiste sous forme de taches rouges avec indura- tion du derme, mais elles ne font plus à sa surface de saillie appréciable et ne forment plus d’élevures urticariennes. La température rectale de l'animal atteint 390,5, celle de la génisse témoin 390 seulement. Le 20 février, l’éruption persiste en se modifiant : aux taches congestives qui disparaissaient momentanément par la pression du doigt ont succédé en certains points des taches d’un rouge plus sombre, d'aspect hémorrhagique, que le doigt n'’efface plus. L’infiltration du derme persiste également au point qu'elle rend difficile l'application des pinces à la base des vésicules vaccinales pour la récolte du vaccin, et l'empêche même absolument en nombre de points. Ces vésicules, un peu moins développées que chez la génisse témoin, ont d'ailleurs l’aspect normal. La température rectale atteint 3908 chez l'animal qui a reçu du sérum de cheval, 390,2 seulement chez le témoin. * Le 21 février, l'éruption persiste encore, mais le derme est moins épaissi, _ moins dur; les pustules qui la veille ne pouvaient être pincées à leur base pourraient l'être aujourd'hui. On excise, pour en faire l'examen histolo- gique et bactériologique, un morceau de la peau du côté droit qui est le siège d'une tache érythémateuse très apparente avec infiltration marquée du derme. La température rectale atteint 400, mais ne peut être comparée à celle du témoin qui, après la récolte du vaccin, a été conduit à l’abattoir. L'animal en expérience n’a d’ailleurs pas cessé de présenter un bon 570 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. état général, il a toujours bu et mangé comme ses voisins d’étable. Le 22 février, l’éruption va s'atténuant et s’effaçant, la peau n'est plus sensiblement épaissie, les pustules vaccinales dont on n’a pas récolté"le contenu sont fort belles. La température rectale est de 400,2. Le 24 février, l'éruption a presque complètement disparu : c'est à peine s'il en demeure quelques vestiges qui s’évanouissent les jours suivants. On prend quotidiennement la température de l'animal, mais il a défait le pansement appliqué sur la peau dont un lambeau est excisé, les lèvres de la plaie sont enflammées, il en peut résulter de la fièvre, ce qui enlève toute . valeur aux renseignements désormais fournis par le thermomètre, quant à l’action propre du sérum sur la température. , Le 2 mars, l’animal est conduit à l’abattoir, il pèse 411 kilogrammes et a donc augmenté de 2 kilogrammes pendant son séjour rue Ballu. Expérience Il. — Le 28 février 1896, une génisse pesant 132 kilogrammes et dont la température rectale marque 3903, est, dans l’après-midi, inoculée au côté droit, suivant le mode habituel, avec du vaccin éprouvé, puis reçoit sous la peau, en une seule injection, dans le fanon, à la base de l’encolure, 1,320 centimètres cubes de sérum de cheval, dose équivalente au centième de son poids. Ce sérum, comme celui de l'expérience précédente, nous a été fourni par M. Nocard qui l’a recueilli lui-même. Il provient d’un cheval qui d'une part, il y a quatre ans, a été inoculé à la peau avec du vaccin de génisse, quid’autre part plus récemment a été immunisé contre la dipthérie, mais n'a cependant reçu aucune injection de toxine depuis le mois d’avril 1895. Une génisse témoin a été, dans la matinée du même jour, inoculée semblablement avec le même vaccin. Le 29 février, la température rectale de l’animal en expérience atteint 400,1; dans l'après-midi, il est inoculé au côté gauche avec le même vaccin qui la veille a servi à l’inoculation du côté droit. Le {er mars, la température de l'animal en expérience atteint 400,2, Le 2 mars, il a encore 4001, le témoin présente seulement 390,5. Le 3 mars, la température descend à 390,3, chez l'animal en expérience. Le 4 mars, il n’a plus que 39%, mais on s'aperçoit qu'il marche avec peine et se tient d'ordinaire couché. Depuis le lendemain de l'injection, on a d’ailleurs remarqué qu'il cherchait à se dérober quand on l’approchait et surtout quand on le touchait, comme s’il eût eu de l’hyperesthésie. Le 5 mars, la température reste normale à 390, mais la gêne de la marche s’accentue. Les troubles locomoteurs prédominent dans le membre antérieur gauche qui ne sert plus à l'appui dans la station, et demeure constamment fléchi, au genou et au boulet. Cette attitude persiste pendant la marche, et c’est le boulet, non le sabot, qui touche le sol. C’est d’ailleurs à grand'peine qu'on fait sortir la génisse de l’étable et qu'on l’entraine à faire quelques pas; il lui est très difficile de se tenir debout sans soutien, elle tomberait si elle n’était pas solidement maintenue. Cependant les arti- culations du membre malade ne semblent pas augmentées de volume, et la pression n’y révèle pas de points particulièrement douloureux. L'animal étant couché sur une table pour la récolte du vaccin, on observe d’abord que les pustules vaccinalés présentent un aspect peu différent de l’aspect ACCIDENTS POST-SÉROTHÉRAPIQUES. 574 normal, puis qu’il existe un véritable exanthème étendu à toute la surface cutanée, moins apparent seulement dans les régions couvertes de poils que dans les régions rasées, et constitué partout par des taches rosées très inégales, très irrégulières, de formes et à contours mal détimités. Sur le fond rosé de ces taches font saillie des élevures urticariennes de coloration blanche. Le derme au palper semble très épaissi. L'application des pinces à la base des pustules pour la récolte du vaccin «st en* certains points impossible, partout très difficile, et l'empreinte profonde qui subsiste après que les pinces sont retirées témoigne du degré très accentué de l’infiltration œædémateuse de la peau. Le 6 mars, la température rectale marque 3903. L'animal demeure cou- ché et on le détermine difficilement à se lever. Toutefois il se tient et mar- che beaucoup mieux que la veille, puisque de nouveau le membre antérieur gauche sert à l'appui; la démarche reste seulement incertaine, quelque peu titubante même du train de derrière, et l'animal écarte les jambes plus que d'ordinaire, de façon à élargir la base de sustentation. On le sonde et l’urine traitée par la chaleur et par l'acide nitrique ne paraît pas contenir d° albu- mine. L’appétit a toujours été conservé. L'’exanthème pâlit et s’efface. Les troubles de la marche s’atténuent et disparaissent les jours suivants. Le 9 mars, la génisse est conduite à l'abattoir et égorgée ; on ampute aussitôt le segment inférieur du membre antérieur ÉAene pour faire l'examen des articulations du genou et du boulet. Exrérrence II. — Le 27 mars 1896, une génisse pesant 12) kilogrammes reçoit en trois injections sous-cutanées à la base de l’encolure, à la région sternale et à la région mammaire, la quantité totale de 1,200 centimètres cubes de sérum de cheval équivalente au centième de son poids. Ce sérum provient d’une saignée faite par M. Nocard à un cheval âgé de 4 ans, employé à un service actif dans une grande administration, d'une santé parfaite et qui n’a pas subi d’autres essais expérimentaux que le suivant : il a reçu, il y a trois mois, en injection intra-veineuse, deux centimètres cubes d’une dilution de virus variolique préparée par M. Chauveau. C'est seulement 24 heures après l'injection de sérum que la génisse est inoculée aux deux côtés avec du vaccin éprouvé, en même temps qu’une génisse témoin. Le 4e avril, dans la matinée, la génisse qui a reçu du sérum de cheval présente un exanthème d’un rouge vif, apparent surtout à la partie supé- rieure des champs vaccinaux. Le soir, la rougeur s’accuse et s’étend. La peau est épaissie au niveau des placards érythémateux, et à sa surface font saillie des élevures disséminées, plus nombreuses dans chaque champ vaccinal à sa partie tout à fait inférieure. La température rectale de l'animal atteint 3908, tandis que celle du témoin est de 3904. Le 2 avril, l’exanthème généralisé est apparent non seulement à la surface des régions rasées, mais partout où la ‘peau est naturellement , dépourvue de poils, en particulier au pourtour des ouvertures palpébrales. La température se maintient à 3908, celle du témoin ne dépasse pas 390, Le 3 avril, l’exanthème présente l'aspect suivant : les deux champs vaccinaux ont dans toute leur étendue une teinte rosée sur laquelle tran- 572 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. chent de nombreuses taches d’un rouge sombre, de dimensions inégales et de formes irrégulières, qui offrent à l'œil et au doigt une saillie très appré- ciable. Le teinte rosée du tégument cutané s'étend à toute sa surface, elle est seulement masquée par les poils, mais on la découvre en les écartant, et elle se montre très apparente dans les régions dépourvues de poils, sur les mamelles, sur les trayons et au pourtour des orifices naturels, des yeux, des naseaux, de la vulve et de l'anus. La peau est épaissie, œdématiée, la pression du doigt y laisse une empreinte durable. Du pli qu'y a fait l’appli- cation d'une pince on voit, après érosion de l’épiderme, sourdre et s'écouler un liquide rosé, ce qui n’a pas lieu sur le témoin. La peau est plus chaude au toucher des taches rouges que dans les régions où elle est faiblement teintée, il existe manifestement en dehors de Ja fièvre constatée au thermomètre une élévation de la température locale. Quand on mouille la peau avec de l’eau, on avive étonnamment la couleur et le relief de l’exanthème urticarien. L'eau chaude produit ce résullat immédiatement; l'eau froide fait d'abord pâlir la peau, puis à cette action vaso-constrictive succède un état de vaso-dilatation très accentué et persis- tant, la surface de la peau devient alors très inégale, et sur le fonds d’exan- thème les plaques ortiées ressortent en vive saillie. La pression avec un corps dur tel qu'un crayon agit d’abord comme l’eau froide, puis la peau rougit et se soulève sur le tracé*du crayon comme il advient chez l'homme dans les cas de dermographisme. L'appareil locomoteur paraît indemne. De l'éruption vaccinale il est inutile de rien dire ici, si ce n’est qu'elle est relativement peu modifiée. L’exanthème dû au sérum va s’atténuant et s’effaçant dans les jours qui suivent; il a disparu le 9 avril quand là génisse est conduite à l’abattoir. Nous avions toutes raisons de croire que le sérum de che- val employé dans les trois expériences précédentes était abso- lument stérile, puisque M. Nocard l'avait recueilli et préparé lui-même. Un échantillon de chaque sérum n'en fut pas moins soigneusement examiné, dans le laboratoire de M. le D' Chan- temesse, par son préparateur M. d’Avellar qui l’ensemença vai- nement sur les différents milieux liquides et solides propres à la culture des microbes. Après huit jours d’étuve, tous ces ense- mencements étaient demeurés stériles. M. d’Avellar voulut bien aussi pratiquer l’examen histolo- gique et bactériologique du lambeau de peau excisé, en pleine efflorescence de l’exanthème, à notre première génisse, ainsi que des deux jointures du membre malade appartenant au second de nos sujets d'expérience. Les pièces durcies par le sublimé acétique furent colorées par les diverses méthodes employées pour la recherche des micro-organismes, mais M. d’Avellar n'y put découvrir la présence d'aucun microbe. « Au point de vue ACCIDENTS POST-SÉROTHÉRAPIQUES, 573 histologique pur, » nous citons la note qu’il a eu l’obligeance de nous remettre, » les colorations par le picro-carmin, l’héma- toxyline ne montrent rien d'anormal. Il n’y a ni prolifération des noyaux ni agglomération des leucocytes indiquant un pro- cessus inflammatoire quelconque. Cependant on ne peut rigou- reusement rien affirmer, les pièces ayant été plutôt préparées pour l’examen bactériologique dans le sublimé acétique qui a gonflé le tissu conjonctif. » Il convient de retenir que ni dans le sérum injecté ni dans les lésions cutanées, ni dans les lésions arliculaires, aucun microbe n’a été découvert. EXPÉRIENCE IV. — Le 2 février 1896, une génisse pesant 112 kilogrammes reçoit en trois injections successives sous la peau du cou la quantité, exacte- ment équivalente au centième de son poids, de 1,120 c. c. de sérum d'âne. Ce sérum provient d'une ânesse de 7 mois, il a été recueilli par M. Nocard qui l’a mis obligeamment à notre disposition. La génisse, vaccinée aussitôt après, montre dans les délais habituels une éruption vaccinale régulière, et ne présente à la suite de l'injection de sérum aucun trouble appréciable. ExPÉRIENCE V. — Le 20 mars 1896, une génisse pesant 114 kilogrammes reçoit en quatre injections successives sous-la peau du cou et de l'abdomen la quantité, exactement équivalente au centième de son poids, de 1,140 centi- mètres cubes de sérum d'âne. Ce sérum recueilli par M. Nocard provient de la même ânesse que celui de l'expérience précédente, mais dans l'inter- valle des deux saignées qui lui ont été faites, 28 jours avant la seconde, l'animal a été vacciné avec succès par 132 incisions; le sérum Re cette fois est donc du sérum d’ànesse vaccinée. La génisse qui l’a reçu est aussitôt après inoculée avec du vaccin éprouvé et, comme le résultat de nos recherches antérieures permettait de le prévoir, l'éruplion vaccinale qui succède à ces inoculations est notablement modifiée. Mais la génisse, comme celle de l'expérience précédente, ne présente à la suite des injections de sérum d’âne aucun trouble appréciable, . Tels sont les faits que nous avons d’abord observés. En les communiquant au Congrès de médecine de Nancy ‘, nous avons dit au’ils nous paraissaient démontrer l’action nocive pour la génisse du sérum de cheval. A l'appui de notre epinion nous invoquions les arguments suivants. Comment attribuer à une autre cause qu’à ce sérum les accidents observés ? Jamais sur les milliers de génisses vaccinées à l'établissement de la rue Ballu on n’a vu pareille chose; des treize animaux auxquels nous avons injecté du sérum de génisse, à peu près en même temps 1. Congrès français de médecine, 3° section, Nancy, séance du 6 août 1896. 574 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. que nous leur inoculions de la lymphe vaccinale, aucun n’a rien présenté de semblable; enfin les deux génisses vaccinées qui ont reçu du sérum d'âne n’en ont éprouvé non plus aucun trouble. Il y a là quelque chose de tout à fait spécial au sérum de cheval. D'autre part il semble bien que les accidents consé- cutifs à l'injection de ce sérum n'ont rien à voir avec l'inocu- lation vaccinale concomitante. C'est dans les jours qui suivent immédiatement l'injection que survient la fièvre, pendant la période d’incubation de la vaccine inoculée. L’exanthème, les arthropathies se montrent un peu plus tard, mais dans un assez court délai: ils sont manifestes après quatre jours, c’est-à-dire au moment où les vésicules vaccinales commencent seulement à apparaître, à l'inverse des éruptions observées parfois chez l’enfant vacciné qui ne surviennent qu'après la suppuration des pustules. Enfin il est impossible de n’être pas frappé de la très grande analogie de ces accidents avec ceux qui, dans l’espèce humaine, suivent parfois l'injection sous-cutanée des divers sérums thérapeutiques, et en particulier de leur étroite ressem- blance avec l’urticaire, l’érythème morbilliforme et les arthro- pathies que l'emploi de plus en plus répandu du sérum antidiph- térique a fait connaître à la plupart des médecins comme les inconvénients de cette admirable médication. Nous reconnaissions cependant que nos expériences auraient été plus probantes si les génisses auxquelles était injecté le sérum n'avaient ‘pas en même temps été inoculées avec du vaccin. < C'est pourquoi, plus récemment, nous avons de nouveau recherché l'effet d’une injection de sérum de cheval sous la peau d'une génisse parfaitement saine, en nous plaçant cette fois en dehors de toute inoculation vaccinale ou autre. Dans ces nou- velles conditions, le résultat observé a été identiquement le même que dans les trois cas précédents, du moins en ce qui concerne les accidents cutanés, à savoir l'apparition, quatre jours après l’injection de sérum, d’un exanthème généralisé quisa persisté trois jours, simulant à la fois l'urticaire et la rou- geole. Expérisnez VI. — Le 18 septembre 1896, dans l'après-midi, une $énisse pesant 113 kilogrammes, et qui n'a subi aucune inpculation, reçoit en deux injections sous-cutanées dans le fanon, à la basé de l’encolure, 904 c. c. ACCIDENTS POST-SÉROTHÉRAPIQUES. 575 de sérum de cheval, dose équivalente au 1250 de son poids. Ce sérum a été recueilli par M. Nocard. Il provient d'un cheval de 18 ans, en parfait état de santé, appartenant à M. Humbert, médecin vétérinaire de l’armée. Les seuls antécédents morbides de ce cheval ont été la gourme et une pneumo- nie à l’âge de 5 ans; son propriétaire, qui le posséde depuis 42 ans, lui reconnait une vigueur et une résistances extraordinaires, et ne l’a pas vu, pendant ce long espace de temps, indisponible un seul jour; il n’a jamais servi à aucune expérience. Après l'injection du sérum, on rase les poils de la génisse sur les deux côtés du tronc et du périnée, de façon à faciliter l'inspection des téguments et à permettre de voir, dès leur appari- tion, les accidents éruptifs, s’il en survient: puis on tient l'animal à l’abri de toutes les contaminations dans une étable isolée où, deux fois par jour, le matin et le soir, on vient l’examiner et prendre la température rectale. Cette température, immédiatement avant l'injection du sérum, atteignait 39 0 4. Elle varie peu les jours suivants : Le 19 septembre, à 8h. du matin T. R. — 3993; à 4 h. du soir T. R. — 3905 Le 20 æe ca T. R. — 393; = T. R. — 3904 Le 21 ie Es T. R. — 3902; 2 D. R. = 3903 Le 22 2 2 T. R. — 3903; 3 T. R. — 3902 Jusqu'au 22sepiembre, on n'aperçoit aucune trace d'éruption, mais à cette date, dans l'après-midi, après quatre jours écoulés depuis l'injection du sérum, les deux côtés du tronc, principalement le gauche, surtout à sa par- tie supérieure, présentent une coloration rosée très manifeste, sur laquelle tranchent des taches à contours mal délimités, d’une teinte plus blanche que celle de la peau normale : c’est le début de l’exanthème. Le 23 septembre, à 8h. du matin,T. R. — 3901 ; à 4h. du soir, T.R, — 3907 Le matin, on trouve que l’exanthème, plus apparent que la veille, a changé d'aspect. La teinte rosée presque uniformément étendue sur la peau, sauf au niveau des plaques blanches, a fait place à une éruption qui rappelle, à première vue, celle de la rougeole dite boutonneuse. Elle est en effet constituée par des taches assez petites mais fort nombreuses, séparées par des intervalles de peau saine, et formant à l'œil et au doigt des saillies très appréciables. Cette éruption est généralisée, elle est très manifeste sur les surfaces rasées, au périnée et sur les deux côlés du tronc. A quatre heures de l'après-midi, l'exanthème persiste, toujours plus apparent du côté gauche, surtout à sa partie supérieure, et quelque peu modifié. Il nerappelle plus la rougeole boutonneuse ; les taches rosées qui le constituent se sont agrandies au point de se toucher par leurs bords et même de se confondre en beaucoup d’endroits: leurs dimensions sont iné- gales, leurs contours irréguliers et mal délimités; elles sont saillantes et s’accompagnent d’un épaississement (rès apparent du derme, ou plus exac - tement d'une infiltration œdémateuse dont il est facile de constater l’exis- tence et de mesurer le degré en saisissant alternativement entre deux doigts un pli de la peau dans une région érythémateuse et un pli de peau saine. Le 24 septembre, à 8h. du matin, T.R. —390;à4 h. dusoir, T. R. = 3906, Le matin, l'éruption commence à pâlir sur le côté gauche où elle est 976 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. apparue d'abord, elle est au contraire plus manifeste sur le côté droit et au périnée. Pour la mieux examiner, on couche l'animal sur une table. Dans cette position, la peau du flanc droit qui est à découvert, au lieu de pré- senter une surface lisse et mince, se montre toute mamelonnée et comme hérissée d’élevures roses dont les unes, isolées et entourées de peau saine, présentent des formes diverses, rondes, ovales, irrégulières, tandis que les autres, se touchant et se confondant par leurs bords avec les élevures voi- sines, forment des plateaux saillants à contours capricieusement découpés comme ceux des cartes de géographie. Ces élevures sont surtout nombreuses à la partie supérieure du côté; plus rares dans la partie inférieure, elles font place à de petites taches à peine saillantes et véritablement morbilli- formes. Des taches semblables sont disséminées sur les tétines, dans leur voisinage, au pourtour de l'anus, de la vulve, et sur toute la surface du périnée. Le soir, à #4 heures, l'éruption est moins saillante et présente une teinte moins vive que le matin. Le 25 septembre, à 8h. du matin, T, R. — 390; à 4 h. du soir, T. R.—3909 L'éruption pâlit et s'efface. Le 26 septembre, à 8 h. du matin. T.R.— 3804; à 4h. dusoir, T.R. = 3905. L'éruption est en voie de disparition. Le 27 septembre à 8 heures du matin, T. R. — 3904. La génisse est de nouveau pesée, elle a augmenté en neuf jours de 4 kilogrammes. On l'amène rue Ballu pour la vacciner. Quand elle est couchée sur la table, on aperçoit encore au périnée quelques macules d'un rose fané, comme celles de la rougeole à son déclin : c’est tout ce qui per- siste de l'éruption provoquée par le sérum, Le résultat de l’expérience précédente est la preuve que les accidents présentés par les quatre génisses auxquelles nous avons injecté du sérum de cheval dépendaient de cette injection à l'exclusion de toute autre cause. Aussi pouvons-nous affirmer que le sérum de cheval injecté à nos génisses contenait des substances nuisibles pour l'espèce bovine. Ce sérum était exempt de microbes; les lissus de la peau et des jointures où siégèrent les troubles fonctionnels et les lésions congestives décrits plus haut en étaient également exempts : du moins un examen attentif n'y révéla la présence d'aucun micro-organisme. Les substances nuisibles en question étaient donc des substances toxiques, des matières solubles. Appartenaient-elles en propre et normalement à l'organisme du cheval ou, réserve faite pour ses aliments, lui avaient-elles été artificiellement apportées du dehors ? La réponse à cette ques- tion ne nous semble guère douteuse. Un seul des quatre chevaux avait été immunisé contre la diphtérie, encore n’avait-il pas LL . sétmée mmtaiésétl DL DS. de ds ue ie. dl ACCIDENTS POST-SÉROTHÉRAPIQUES. 577 reçu de toxine depuis plus de dix mois; un autre avait reçu trois mois auparavant une injection intra-veineuse de deux cen- üimètres cubes de virus variolique dilué; au troisième, on n’avait injecté ni toxine diphtérique ni virus variolique ; enfin le qua- trième n'avait jamais servi à aucune expérience, et depuis douze ans qu’il appartient au même propriétaire, observateur compétent et attentif, il n'avait pas été malade un seul jour. Or le séram des quatre chevaux provoqua des éruptions presque identiques. Force,est bien de conclure que le sérum de cheval peut contenir normalement des substances toxiques, dans une certaine mesure, pour l'espèce bovine : à ces substances, il con- vient d'attribuer la production, nous ne savons d’ailleurs par quel mécanisme pathogénique, des accidents que nous avons décrits. Les résultats de nos recherches sur la génisse sont à rap- procher des observations faites chez l'enfant par divers méde- cins. Le docteur Bertin a traité des enfants diphtériques par des injections de sérum de cheval non immunisé : dans plu- sieurs cas, les malades ont présenté, sept jours après l’injec- tion, une éruption d’urticaire très nétte. Le docteur Sevestre* a fait à quatre enfants atteints d’angine non diphtérique des injections de sérum de cheval non immunisé, donné par-M. No- card; dans les quelques heures qui suivaient l'injection, il a observé une légère réaction fébrile, et deux des enfants traités ont présenté des éruptions analogues à celles que provoque parfois le sérum antidiphtérique. Enfin, le docteur A. Johanes- sen * à fait des injections de sérum de Roux et des injections de sérum de cheval non immunisé à deux séries d'enfants malades, atteints d’affections non diphtériques, et, dans les deux séries, il a observé les mêmes accidents que chez les diphtériques trai- tés par le sérum immunisant : érythèmes, arthralgies, douleurs diffuses et souvent élévation de température. Tous ces faits expérimentaux concourent à montrer que le sérum de cheval peut contenir des substances toxiques à la fois 1. Berrix, Traitement de la diphthérie par le sérum "de cheval non immunisé. Gazette médicale de Nantes, n° 4. — 1895. L 2. SevesrRe, Notes sur quelques injections de sérum de cheval non immunisé. Société médicale des hôpitaux de Paris. Séance du 29 mars 1895. 3. Cité par le docteur Hutinel dans sa communication à la Suciété médicale des hôpitaux de Paris, dans sa séance du 7 février 1896, sur les accidents de la sérothérapie antidiphtérique. 9 1 D18, ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. pour l’espèce humaine et pour l'espèce bovine. Il convient, bien entendu, de prendre ici le mot toxique dans son acception la plus large et de lui donner sa moins grave signification. Il y avait lieu de rechercher l’action de la chaleur sur ces substances toxiques. Dais ce but, nous avons formé deux parts du sérum provenant de la saignée copieuse faite, pour notre dernière expérience, au cheval de M. Humbert. Tandis qu'une portion injectée sous la peau d’une génisse, à la dose du 125° de son poids, provoquait l’exanthème généralisé dont nous avons parlé, une autre portion du même sérum était d’abord chauffée pendant une heure trois quarts à 58°, puis injectée, à dose équi- valente, sous la peau d’une seconde génisse sans provoquer chez cet animal, placé dans les mêmes conditions que le premier, aucun accident et en particulier aucune éruption cutanée. EXPÉRIENCE VII. — Le 18 septembre 1896, c’est-à-dire le jour même où le sujet de l’expérience précédente vient de recevoir, en injections sous-cuta- nées, une quantité de sérum de cheval égale au 125e de son poids, une autre génisse faisant partie, comme la première, d’un lot d'animaux de même race tout récemment arrivé du Limousin, et pesant 74 kilogrammes, reçoit en une seule ‘injection dans le fanon, à la base de l’encolure, 592 c. e., c'est-à-dire une dose équivalente aussi au 125e de son poids, du même sérum de cheval recueilli par M. Nocard. Le sérum injecté à cette seconde génisse a été la veille chauffé pendant 1 h. 3/4 à 580. A part cette différence, tout est semblable chez les deux animaux qui sont isolés dans la même étable où, soir et matin, on vient les visiter et prendre leur tempé- rature. Pour la génisse en question, la température rectale atteint seulement 3808 avant l'injection de sérum, elle varie peu les jours suivants : Le 19 septembre, à 8 h. du matin T. R = 3805, à 4 h. du soir T. R = 390 Le 20 — + — T. R— 3804, — — T.R = 53807 Le 21 — = — T. R — 53803, — — T.R=— 3807 Le 22 — — — T.R —3808, — — T.R—3806 Le 23 — — — T.R— 3806, — — T. R — 390 Le 24 — — — T.R — 3807, — — T.R = 3806 Le 25 — — TR — 3804. Les poils des deux côtés du tronc et du périnée ont été rasés de façon à permettre de découvrir les moindres traces d'exanthème. Rien n'apparaît cependant et, après sept jours d'attente, alors que l’éruption du témoin pâlit et s'efface, l'animal est amené rue Ballu pour y être vacciné. Autant qu'on en peut juger par une seule expérience, il semble donc que la chaleur détruise ou tout au moins atténue les substances nocives contenues dans le sérum du cheval, et qu'il suffise de le porter quelque temps à 58° ou peut-être même à une . ACCIDENTS POST-SÉROTHÉRAPIQUES. 519 température moins élevée, pour éviter les accidents qu'il provo- que habituellement chez la génisse. On voit immédiatement le parti qu'on pourrait tirer de cette constatation pour la prophy- laxie des accidents post-sérothérapiques dans lespèce humaine, à la condition toutefois que les sérums thérapeutiques ne per- dent pas leur pouvoir curateur à la température qui détruit leurs propriétés nocives. Pour conclure, dans la question encore controversée de l’élio- logie des accidents post-sérothérapiques, nos recherches vien- nent à l’appui de l’opinion généralement adoptée : ces accidents ne sont pas dus aux toxines introduites dans l’organisme des animaux producteurs de sérum non plus qu'aux antitoxines qui en dérivent, mais au sérum même qui sert à celles-ci de véhi- cule,. On peut prévoir que les accidents post-sérothérapiques seron un jour évités, probablement par le chauffage des sérums : il est au moins légitime de l’espérer. CONTRIBUTION À L'IMMUNISATION DES LAPINS CONTRE LE STAPINLOCOQUE ET LE STREPTOGOQUE PYOGÈNES par LE Dr HONORÉ VAN DE VELDE (Travail de l’Institut de bactériologie de l'Université de Louvain.) mme mens I INTRODUCTION S'il est une question digne entre toutes d’êlre approfondie, c’est assurément la création de l’état d’immunité chez les ani- maux, Pour arriver à créer cet état, de nombreuses vores ont été suivies. On a injecté des cultures vivantes, on a injecté des cultures mortes, on a eu recours aux produis sécrétés par les microbes, produits que l’on adminisirait tantôt tels quels, tantôt après des manipulations variées. Tous ces procédés ont réussi à produire chez les animaux un état réfractaire plus ou moins parfait. Mais si les expériences isolées ont été nombreuses, les recherches coordonnées, faites dans le but d'établir la voie la plus rationnelle, font presque complètement défaut. Aussi voit-on les savants tendre à un même but par des procédés divers, sans que l’on ait des notions bien précises sur leur valeur réciproque. Nous n'en voulons qu'un exemple : M. Roger! prépare le sérum antistreptococcique par injections de cultures chauffées à 110°; M. Marmorek ? pré- fère les cultures vivantes aux cultures filtrées, et MM. Denys et Leclef* sont arrivés à leur fin aussi bien avec les cultures vivantes qu'avec les toxines débarrassées de tout streptocoque. Il est pourtant de la plus haute importance d'être fixé exac- tement sur les lois qui régissent la production de l'état réfrac- taire. Est-il nécessaire, pour créer cet état, d'injecter tous les 1. Rocer, Congrès de Bordeaux 1895. 9, Marmorek, Annales de l'Institut Pasteur, 1895. 3. Denys et Lecuer, La Cellule, t. XI, 1er fascicule. CONTRIBUTION A L’'IMMUNISATION DES LAPINS. )81 produits microbiens, et dans la négative, dans quelle catégorie des produits élaborés trouve-t-on les substances vaccinantes ? N’existe-t-il pas, à côté des subtances utiles, des substances nui- sibles, dont l'élimination rendrait l’immunisation plus rapide et plus complète ? Voilà autant de questions auxquelles on ne peut donner que des réponses bien insuffisantes, et sur lesquelles il importerait d’avoir des données scientifiques précises. Nos recherches ont porté sur le staphylocoque pyogène et .sur le streptocoque pyogène. Nous avons été guidé dans ce double choix par les considé- rations suivantes : le staphylocoque pyogène sécrète un poison spécial, la leucocidine‘. Ce poison est un des facteurs dont le microbe se sert pour vaincre les animaux supérieurs. Chez les lapins immunisés contre Le staphylocoque, il se forme un contrepoison de cette toxine, une antileucocidine *. La leuco- cidine et l’antileucocidine, grâce à leur action spéciale sur les globules blancs, peuvent être facilement décelées, et on peut les doser avec précision. Cette condition est favorable pour juger de la valeur des différents procédés de vaccination. À côté du staphylocoque, nous avons choisi le streptocoque parce que, d’après les recherches de certains auteurs, on peut immuniser les animaux contre ce microbe par des procédés divers, qui ne laissent pas subsister dans le produit injecté les mêmes principes. Les uns emploient des cultures simplement filtrées ; les autres des cultures filtrées chauffées à de hautes températures. On peut, sans crainte de se tromper, affirmer que ces deux maté- riaux de vaccination n'ont pas la même composition, et 1l sera intéressant de fixer par des recherches comparatives quels sont ceux qui coufèrent l’immunité la plus complète et la plus rapide. Notre travail portera done sur les immunisations contre le staphylocoque et le streptocoque pyogènes. 1. D: Honoré Van pe VeLve, Étude sur le mécanisme de la virulence du staphy- locoque pyogène. La Cellule, t. X, 2° fascicule. 2, J. Denys et H. Van ne Verne, Sur la production d’une antileucocidine chez les lapins vaccinés contre le staphylocoque pyogène. La Cellule, t. XT, 2° fascicule, 82 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Il VACCINATION CONTRE LE STAPHYLOCOQUE PYOGÈNE " A. — Historique et expériences préliminaires. — La leucoci- dine que nous avons découverte dans les sécrétions du staphy- locoque pyogène présente à notre avis le plus grand intérêt : c’est la seule toxine connue jusqu’à ce jour qui produise sur les tissus des altérations immédiatement décelables au microscope. Les leucocytes vivants en particulier se comportent vis-à-vis d’elle d’une facon très curieuse et des plus caractéristiques. Leur noyau devient visible, leur protoplasme se dissout, et le corps de la cellule n’est plus représenté que par une mince membrane contre laquelle est blotti le noyau. Examinés à la chambre chaude, les globules blancs sont totalement dépourvus de mouvements amiboïdes ; en un mot, ils sont tous frappés de mort. Il est facile de suivre les transformations que subit le globule blanc en passant de l'état de vie à cet état de dégénérescence. Pour cela, il suffit de provoquer chez un lapin un exsudat pleurétique par l'injection de staphylocoques virulents. A la mort de l’animal, l'examen d’une goutte de cet exsudat frais montre, à côté d’une culture de microbes, tous les leucocytes atteints de la dégéné- rescence caractéristique décrite plus haut. Cet exsudat est dépouillé de ses globules blancs par l’action centrifuge. On dépose une gouttelette du liquide ainsi obtenu sous un porte- objet, on y ajoute des globuies blancs vivants provenant d’un exsudat obtenu par l'injection à un autre lapin d’une émulsion de staphylocoques stérilisée à 120°, on couvre rapidement d’un couvre-objet, et on examine la préparation dans la chambre chauffée de Zeiss. Pendant les premières secondes, les leucocytes conservent leur aspect normal et poussent même des pseudopodes; mais bientôt ceux-ci se rétractent, le globule reste immobile, tandis que dans son intérieur le protoplasme devient granuleux et que les anses du noyau se dessinent; la membrane se boursouffle en même temps, tandis que le contenu granuleux se réfugie contre un des côtés de la membrane. Au bout d’un temps très court, tout le contenu de la cellule disparaît comme s’il se dissolvait dans le liquide environnant, et le ileucocyte se trouve réduit à une vési- cule distendue. Le noyau lui-même continue à s’altérer et finit FA PET de le 7, Le he VUE À LOL LS 2 ad CONTRIBUTION A L’'IMMUNISATION DES LAPINS. 83 par ne se trouver représenté que par un point brillant. Toutés ces modifications se succèdent avec une étonnante rapidité : à partir du moment où le globule rétracte ses pseudopodes jusqu’à celui où il n’est plus représenté que par une vésicule, il ne se passe que quelques secondes. Nous avons également démontré qu'il n’est pas nécessaire d'employer l’exsudat pur, mais qu’on peut le diluer dans de fortes proportions avec de l’eau salée physiologique ou du sérum de lapin normal, sans que l’exsudat cesse d'exercer son action funeste sur les globules blancs. Dans le travail cité plus haut, fait avec: M. Denys, nous avons démontré qu'il y a des exsudats tellement riches en leucocidine, qu'ils supportent même des dilutions au 1/500, et même au 1/1000,sans perdre leur action délétère sur les globules blancs. Quelle est la nature de cette dégénérescence? Il est certain qu'elle présente de l’analogie avec les modifications que mani- festent les globules blancs quand on les place dans de l’eau pure; mais cette analogie n’est pas complète, le noyau subissant de la part de la leucocidine une dégénérescence qui n’est pas à comparer avec celle qu’on observe dans l’eau pure. Il n’est pas possible du reste que la désorganisation produite par la leucocidine soit due à un simple phénomène d’osmose. En effet, on ne trouve pas, dans un exsudat riche en sels, les con- ditions nécessaires pour faire gonflerst éclater un globule par ce processus physique. Nous avons démontré ‘ du reste que, chauffés pendant 10 mi- nutes à 58-60, les exsudats les plus riches en matières des- tructives pour les globules blancs perdent cette propriété et de- viennent au contraire d'excellents milieux de conservation. Ces expériences démontrent nettement que la destruction du globule est due à la présence d’un poison de nature albumi- noïde, un ferment, qui est détruit à une température relati- vement basse (58° à 60). Par l'exposé que nous venons de faire, il est donc établi que les staphylocoques produisent un ‘poison spécial qui détruit les leucocytes. Or, dans des recherches récentes, faites avec M. Denys, nous avons prouvé qu'il se forme dans les lapins vaccinés une substance dont la présence a pour effet d'empêcher 4, Dr H. Vax DE VELDE, Loco cit. 584 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. la leucocidine d'exercer son action. Cette substance, à laquelle nous avons donné le nom d’antileucocidine, se trouve dissoute dans le sérum du sang. $ Voici comment on démontre son existence. Supposons un milieu renfermant de la leucocidine; les leucocytes introduits dans ce milieu sont détruits après un temps très court; mais si, avant d'y introduire les globules blancs, on y ajoute un peu de sérum d'animaux vaccinés, les globules blancs restent intacts et continuent à se mouvoir comme s'ils se trouvaient dans un milieu tout à fait normal. Il ne peut exister aucun doute sur le rôle important que kan- tileucocidine joue dans l’immunisation du lapin contrele staphy- locoque. En effet, empêchant la leucocidine de détruire le leuco- cyte, elle permet à ce dernier d’accomplirses fonctions qui sont d’englober et de détruire les microbes. Or précisément ces fonctions jouent un rôle considérable dans la défense du lapin contre l'infection staphylococcique. Nous avons déjà réuni à l’ap- pui de cette manière de voir différents faits intéressants. Nous , avonsnotammentconstaté que dusérum chauffé pendantuneheure à 58° a perdu toute action bactéricide sur les staphylocoques; ceux-ei s'y développent comme dans un bouillon. Au contraire, si on y ajoute des globules blancs, là pullulation est non seulement entravée, mais les organismes diminuent dans des proportions considérables. Nous avons obtenu le même résultat en mettant les globules blancs dans du bouillon auquel, évidemment, on uë peut attribuer une action bactéricide. Enfin nous avons démon- tré qu’un exsudat complet, c’est-à-dire composé de sa partieliquide et des globules blancs, a des propriétés bactéricides beaucoup plus énergiques que l’exsudat dépourvu de ses globules blancs. Toutes ces raisons militent assurément en faveur de l’opi- nion que les globules blancs interviennent pour une bonne part dans la défense du lapin contre le staphylocoque. Mais comme une partie de notre travail va préciséinent rouler sur la réalité de cette intervention, nous avons cru opportun d'apporter une nouvelle preuve de cette manière de voir. Voici l’idée dont nous sommes parti : Quand or fait agir un milieu composé de sérum et de leuco- cytes sur des microbes, on ne peut pas bien délimiter la part CONTRIBUTION A L'IMMUNISATION DES LAPINS. 585 qui revient aux globules blancs de celle qui est due au liquide. Aussi, si on se trouve dans la nécessité de préciser exactement le rôle qui revient aux leucocytes, il est de Loute nécessité de supprimer celui du sérum. Les expériences que nous avions instituées à ce sujet avec du sérum chauffé avaient certains inconvénients qui disparaissent dans notre procédé modifié : Nous commençons par ensemencer les staphylocoques dans du sérum. Comme on le sait, cet ensemencement est suivi d’une période pendant laquelle le nombre des organismes diminue (action bactéricide du sérum). Au bout d'un certain nombre d'heures, la pullulation commence et marche alors sans inter- ruption. Ce moment coïncide avec la disparition du pouvoir bactéricide et peut être noté facilement. Il suflit de faire de temps en temps un examen microscopique. Dès qu’on trouve dans la préparation, des staphylocoques groupés en petits amas, on peut être sûr que le sérum a perdu tout pouvoir bactéricide. A ce moment, nous faisons une première plaque de gélose afin de déterminer le nombre de microbes renfermés dans une quantité déterminée de sérum (deux anses d’un fil de platine) ; puis nous divisons le sérum en deux portions. A l’une, nous ajoutons des globules blancs obtenus par une injection de sta- phylocoques morts dans la plèvre d’un lapin et séparés de la partie liquide de l’exsudat par l’action centrifuge. Cette portion présente à partir de l'addition des leucocytes une diminution considérable du nombre des microbes; il arrive même que la plaque ne montre pas de colonies du tout. A l’autre portion, qui sert de témoin, nous ajoutons une trace de la partie liquide de l’exsudat. Cétte sérosité, comme nous l’avons démontré, est extrêmement bactéricide, et on pourrait être tenté d'attribuer la diminution microbienne qui suit l'introduction des leucocytes, à la sérosité qui est restée adhérente à ces derniers. Le tube témoin, qui reçoit plus de sérosité qu’il n’en peut rester accolée aux globules, est précisément là pour démontrer que l’action destructive revient bien à ceux-ci. Expérience L. — Globules blancs ajoutés à des cultures de staphylocoque pyogène dans du sérum après que la pullulation a commencé, 980 . ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 20 minutes| Une heure | 1 h. 1/2 2 h. 1/2 | 5 heures | 20 heures L avant de dédoubler après. après. après. après. après. après. Nombre de colonies le tube. et addition des globules blancs. Dédoublement Globules blancs. Trace de innom- sérosité. 1.920 1.934 600 399 5.998 | brables. Expérience 11. — Cette deuxième expérience est triple et est faite sur le même plan que la précédente. Outre l'emploi de sang comme 3° tube de culture, cette expérience a ceci de particulier qu’au moment de dédoubler les tubes et d’ajouter les globules blancs, la pullulation est déjà très avancée. Des examens répétés ont permis de constater que les globules blancs possé- daient de très bons mouvements sept heures après l’addition. NATURE des 3 heures après. avant de dédoubler les tubes. addition des globules blancs. CULTURES 25 minutes après, 1 heure après 5 heures après. 1 heures après. 18 heures après. Plaque immédiatemen Dédoublement et oo = L sérosité. .080 8.100 3.360 D .7401280.000! inn. . Sérum... ÿ .4401 2,240] 1.000 290 0 4.440 = [ea glob. bl. +- sérosité.| 19.260 14.000! 24.840 1,2801255.2001492.000! inn. . Sérum... glob. bl. .-600! 3.080! 3.240 100 480 480119.000 . Sang. ..|201.600) +- sérosité. 040/278.400|988.600 000! inn. il glob. bl.! 32.480! 7.392! 10.584 .430] 6.500! 2.700129.400 ‘ A | ! L | , CONTRIBUTION A L’'IMMUNISATION DES LAPINS. 587 ExPét@Eence III. — Elle est double. Cultures dans le sang. de dédoubler. Addition 1 h. 20 après . de l’étuve). 2 heures après. ) 12 heures âprès. ’laques immédiate- meniaprès ensemence- mentde Staph. virul. Plaque au moment des globules. 20 minutes après addition des globules (t. du laboratoire). 8 heures après. 20 heures après. 30 heures après. | sérosité|183.040/241 .280/736.000!1,520,000| inn. 7. 360|120 vo globul.| 36.920] 2.640] 4.032 8.280/4.89016.32813.720|10.080/93.600/570.000 Sr 172.480/216.960|645.120|1,484,800| inn. 2.480|104.640. LL globul,| 58.752] 6.720] 7.448 4.416[7.840|6.720|4,480| 4.400133.840| 25.004 Après 30 heures, la plupart des globules des tubes 2 et 4 poussaient encore de beaux pseudopodes. Nous avons tenu à rapporter ces quelques expériences afin de mettre hors de doute l'intervention de la phagocytose dans * le conflit du lapin avec les staphylocoques. Il était absolument nécessaire de bien établir l'importance de ce phénomène, car nos recherches ont précisément pour but d'examiner dans quelles conditions se produit l’antileucocidine, dont le rôle consiste à neutraliser les effets funestes de la leuco- cidine. Ce point fixé, nous arrivons à nos expériences de vaccination proprement dités. B. — Vaccination de lapins au moyen de produits chauffés et non chauffés. — Comme moyen vaccinant, nous nous sommes servi cette fois d’exsudats pleurétiques obtenus en quantité assez nota- ble par l'injection de tout un lot de lapins avec des cultures de staphylocoques virulents. A la mort de ces lapins, les exsudats ‘ont été recueillis avec des pipettes stérilisées, puis examinés à frais sous le microscope, pour voir l’état des globules blancs : ceux-ci, dans tous les exsudats, présentaient la dégénérescence caractéristique, preuve de l'existence de la leucocidine. Ces divers exsudats ont été mélangés pour fournir un liquide de vaccination toujours identique à lui-même; dilué dans plusieurs 588 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. fois son volume d’eau physiologique ou de sérum normal, ce mélange était encore capable de détruire les globules blancs en quelques instants. Pour tuer les microbes, nous avons ajouté à ce liquide une petite quantité d’éther sulfurique. Après cette addition, le$ ensemencements répétés sur gélose n’ont donné lieu à aucun développement. Ce dernier procédé de stérilisation a, sur le chauffage, l’avantage de respecter les substances détruites par des températures relativement basses, telles que la leuco- cidine qu'il importait de conserver dans notre liquide vaccinal. On démontre facilement que l’éther n’altère pas la leucocidine. En eflet, si, à un exsudat de force leucocidique connue, on ajoute un peu d’éther et qu'après quelques jours on détermine la puis- sance destructive de cet exsudat, on trouve qu'elle n’a pas dimi- nué. Il est bien entendu que, pour faire ce second essai, il est nécessaire d'exposer, pendant quelque temps, le liquide à Pair en couche mince, afin de permettre l’évaporation de l’éther qui, par lui-même, serait nuisible aux leucocytes. Si, pendant cette exposition, le liquide s’est un peu concentré, on le ramène à son volume primitif au moyen d’un peu d’eau distillée. Comme nous l'avons dit plus haut, notre but était de savoir si l’on pouvait obtenir l’antileucocidine aussi bien avec un produit renfermant la leucocidine qu'avec un produit où celte dernière avait été détruite. Pour obtenir un produit libre de leucocidine, nous avons chauffé pendant une demi-heure à 60° une partie de Fexsudat. De cette façon, comme nous avons pu à maintes reprises nous en convaincre, Loute trace de leucocidine disparaît. Avec ces deux produits, nous avons vacciné deux séries de lapins. Aux lapins de la première série, nous donnons l’exsudat non chauffé; à ceux de la seconde, nous injectons l’exsudat préa- lablement chauffé. Les premières doses furent très petites et ce n’est que peu à peu qu’elles furent augmentées. Les différents lapins, d'un poids moyen de 2,250 grammes, reçurent chacun sous la peau, du dos, en une dizaine d’injections, environ 3,75 c. c. d’exsudat non dilué d’une force antileucocidique telle, qu’un volume dilué dans 10 volumes de sérum normal pouvait encore détruire rapi- dement les globules blancs. Pour les premières injections, nous avons dilué les exsudats TE PE se die tot Pare a. codé PE hé es CONTRIBUTION A L’IMMUNISATION DES LAPINS. 289 dans la suite, nous en sommes arrivé à injecter l’exsudat tel quel. Au début, nous avons remarqué que l'injection, même de très petites quantités (0,04 ce. c.), était en général suivie d’une perte de poids chez n'os lapins. Dans'ce cas, nous avons attendu jusqu'à ce qu'ils eussent regagné leur poids primitif. Ces diminu- tions de poids ne s'observent qu'au commencement de l'immu- nisation, dans la suite, quoique les doses deviennent de plus en plus Na (0,4 c. c., 0,5 c. c., 2 c. c.), elles ne se font plus remarquer. Îl se crée chez les animaux une vraie tolérance dont nous avons pu constater plus d’une fois la réalité. C’est ainsi qu'arrivés à faire supporter à nos lapins vaccinés une dose de 2 c. c. d’exsudat pur, nous avons injecté en même temps à déux lapins neufs, du même poids, la même dose. Tandis que les premiers ont conservé leur poids, les lapins neufs ont subi une diminution graduelle comme le montre le petit tableau suivant : | Lapins neufs. lerjour. | 2° jour. | 3° jour. | 4° jour. | 5e jour. | 6e jour. 2.020 1.900 1.960 1.900 4.750 2.000 1.940 2.000 1.950#| 41.840 Après 7 à 8 semaines de vaccinalion, nous avons cru le moment venu de rechercher si le sang ne renfermait pas d’antileucocidine. Dans ce but, nous avons soutiré aux animaux vaccinés, par la veine jugulaire, de petites quantités de sang. Le sérum a été séparé, tantôt par l’action centrifuge, tantôt par l'expression du caillot. Nous avons obtenu des résultats complètement différents suivant que nous avons examiné du sérum des lapins immu- nisés au moyen de l’exsudat non chauffé, et celui des lapins vaccinés avec l’exsudat chauffé. Le sérum des premiers, c'est-à-dire de ceux injectés avec le produit non chauffé, renferme de l’antileucocidine : aucun lapin injecté de cette façon ne fait exception à la règle. Par le dosage, on peut s'assurer que la quantité d’antitoxine est notable. 990 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, ï L'expérience suivante est un exemple de ce dosage. La pre- mière colonne surmontée de la lettre S indique la quantité de sérum de lapin vacciné; la deuxième colonne surmontée de la lettre L, les différentes quantités d’exsudat leucocidiquemises en présence du sérum à éprouver; la troisième colonne relate l'effet sur les leucocytes. Elle démontre qu'un volume de sérum anti- leucocidique est capable de neutraliser complètement deux volu- mes d’exsudat à leucocidine. 1 partie. 4 partie. Les globules blancs restent vivants (observés pen- dant 15 minutes), — 2 parties. Les globules blancs restent vivants (observés pen- dant 15 minutes). — 3 parties. Les globules montrent de beaux mouvements; après 7 minutes, quelques-uns montrent leurs " noyaux; après 40 minutes, la dégénérescence est achevée. ; — 4 parties. Les globules commencent à subir la dégénéres- cence après 3 minutes; après 4 minutes, elle est achevée. — 5 parties. Les globules sont détruits après 1 m. 1/2. — 6 parties. Les globules sont détruits après 4 m. 1/2. Contrairement aux lapins inoculés avec l'exsudat non chauffé, ceux qui ont reçu l'exsudat chauffé se comportent comme des lapins ordinaires ; leur sérum est incapable de neutraliser la leucocidine. Il est vrai que si l’on fait agir de grandes quantités de ce sérum sur une petite quantité d’exsudat, on voit l’action délétère de ce dernier s’atténuer et disparaître ; mais on obtient le même effet avec le sérum des animaux qui n’ont été soumis à aucune injec- tion. Comme nous l'avons exposé dans un de nos travaux pré- cédents, l’action du sérum de ces animaux ne paraît pas spéci- fique, mais semble due uniquement à la forte dilution du poison, puisque la leucocidine devient inactive quand elle est diluée au même degré dans l’eau physiologique. Dans le tableau suivant nous mettons en regard les résultats obtenus avec deux lapins témoins et um lapin vacciné au moyen CONTRIBUTION A L’'IMMUNISATION DES LAPINS. 591 de l’exsudat chauffé. La quantité d’exsudat leucocidique (L) reste constante, la quantité de sérum (S) va en croissant. En moyenne les altérations des globules blancs 8e font aussi facilement dans le sérum du lapin traité que dans le sérum des lapins témoins. Lapin vacciné avec des produits chauffés 4er lapin témoin. 2e lapin témoin. Globules détruits en|Globules détruits en|Glohules détruits en Are 17/0; 4 nm. 1/2. 1m. 1/2. Globules détruits en|Globules détruits en|Giabules détruits en dmen/2: 4m 11/2; Abo Globules détruits en|Globules détruits en|Globules détruits en 4 m. 1/2. 3 minutes. 1Fime472 Globules détruits en|Globules détruits en|Globules détruits en o minutes. 5 minutes. 4 minutes. Mouvements pendant|Globules vivants ap.|Les globules subis- 5 minutes; la des-| 410 minutes. sent un commen- truction commence ment de dégéné- après 6 minutes et rescence,seulement s'achève en 4 mi- après 40 minutes. nute. Les globules restent Globules restent # vivants (observés vants. 4/4 d'heure). Nous avons opéré ces dosages sur un certain nombre de lapins. Nous en avons résumé les résultats dans la figure de la page suivante. ; La partie non ombrée indique le sérum; la partie ombrée E l’exsudat leucocidique. Les chiffres indiquent les unités de volume. à D’après la longueur relative des deux parties, on peut juger de la quantité nécessaire pour que l’exsudat et le sérum se neu- tralisent. La planche comprend 3 groupes. Le premier est composé de 4 lapins normaux; le second de 4 lapins vaccinés avec des produits chauffés. Dans ces deux groupes, la quantité de sérum nécessaire pour contre-balancer une quantité fixe d’un exsuydat à leucocidine oscilie dans des limites étroites; mais quand on considère l’ensemble, elle est aussi ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 1 = pu ” CEE St CRNNN CHE mis Re ne METRE = = = « (8) aveg des produls nor -chetffs Ser'eurnrs ce lapins DACCEILES ss lptes VELCERCS avec esprodutts Chanfés By. de “Hs n S RE Re a o I Sérrems normaux AUPPI202H2 T. élevée pour les animaux vaccinés avec des produits chauffés qu pour les animaux neufs. » CONTRIBUTION A L'IMMUNISATION DES LAPINS. 293 Le 3° groupe comprend les animaux vaccinés avec les pro- duits non chauffés. Tandis que, dans les deux premiers, la leuco- cidine présente la petite quantité, ici c’est l'inverse. La façon dont le tableau a été tracé fait ressortir d'une façon frappante la différence entre les lapins vaccinés avec les deux espèces de produits. III VACCINATION CONTRE LE STREPTOCOQUE PYOGÈNE Dans la première partie de nôtre travail, nous avons vu que pour produire chez le lapin l’antileucocidine, il est nécessaire d'injecter les produits de staphylocoques non chauffés. Si l’on en élimine par la chaleur le poison détruit à 58, cette substance antileucocidique ne se produit plus. Cette constatation est de nature à faire penser que pour obte- nir une bonne vaccination contre un microbe, il faut recourir aux cultures complètes et non aux cultures chauffées. Tirer une conclusion générale de ce fait isolé serait tomber dans une erreur profonde, comme le démontrent nos recherches sur la vaccination contre le streptocoque. | Nous avons déjà vu plus haut que cette vaccination a été obtenue par des procédés divers : injections de cultures vivantes, de cultures filtrées, de cultures chauffées. Les savants qui ont pratiqué ces vaccinations n’ont malheureusement pas comparé les effets obtenus par les divers procédés. Voulant examiner la question de plus près, nous avons voulu chercher, par quelques expériences, si la vaccination des lapins contre le streptocoque est aussi rapide, avec les cultures filtrées non chauffées, qu'avec les mêmes cultures chauffées à 120°. Une culture de streptocoques bien virulents a été filtrée à travers la porcelaine, puis divisée en 2 parts : l’une a été employée telle quelle, l’autre chauffée à l’autoelave à 120° pen- dant 15 minutes. Ces deux produits ont servi pour toutes nos vaccinations. Deux lots de lapins reçurent ces solutions à dose croissante. Les premières doses furent de 1 c. c. et s’élevèrent graduellement daas la suite jusqu’à 20 c. c. Les premières inoculations déter- minèrent un amaigrissement aussi bien chez ceux qui reçurent 38 D94 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. les toxines chauffées que chez ceux qui reçurent les toxines non chauffées. Dans le cours ultérieur de la vaccination, le poids se maintint sans diminution notable. Cette tolérance pour le poison n'était pas l’effet d’un affaiblissement de la toxine, car si on don- nait à des lapins neufs ces hautes doses auxquelles étaient habi- tués les lapins vaccinés, elles produisaient un amaïgrissement suivi de cachexie et de mort. , Après 2 mois, les lapins avaient reçu chacun en tout de 60 à 10 c. c. de toxine. Nous jugeâmes alors le moment venu pour comparer le degré d’immunité acquis. Nous avons procédé de la façon suivante : : Nousinoculâmes sous la peau de l’oreille, à un lapin de chaque lot, 4/10,000 c. c. d’une culture de streptocoques dans du bouil- lon, et qui avait séjourné 24 heures à l’étuve. La même dose fut donnée à un lapin témoin. Le lendemain, celui-ci présenta un érvsipèle typique, tandis que les autres n’offraient aucun signe de réaction. Cette expérience nous apprit que les toxines chauf- fées comme les toxines non chauffées avaient conféré un certain degré d’immunité. Il restait à voir si l'immunité acquise était aussi forte pour l’un des lots que pour l’autre. Pour fixer ce point, nous injectèmes à un lapin de chaque groupe 1/500 de c. C.; à 2 autres (1 par groupe) 1/50 de c. €.; un lapin témoin veçut 171,000 de c. c. Après un jour d’inoculation, celui-ci pré- senta un érysipèle de l’oreille à marche typique et qui le fait périr en 3 jours. Aucun des 4 lapins vaccinés ne présenta la moindre inflammation à l'oreille. Cette expérience, tout en indiquant que l’inmunité dont jouissaient nos lapins était plus forte que ne l'indiquait la pre- mière expérience, ne répondait pourtant pas encore à notre but, qui était de rechercher si limmunisation acquise était poussée aussi loin chez le premier lot de lapins que Chez l’autre; il fallait donc encore donner des doses plus fortes. C’est alors que nous donnâmes aux lapins les doses suivantes très considérables : à 1 de chaque groupe 1/10 de c. c. de culture; à 2 autres (1 de chaque groupe) 1/4 de c. c. Ges doses sont considérables quand on songe que 1/10,000 de ec. c. suffit pour donner un érysipèle. Nos lapins se comportèrent comme suit : Des 2 qui avaient reçu 1/10 de c. c., celui vacciné avec les toxines non chüujfées présenta un érysipèle léger, qui n’envahit LE dE : NP CONTRIBUTION A L’IMMUNISATION DES LAPINS. 95 pas même la moitié de l'oreille. L'autre, qui avait reçu les mêmes toxines, mais chauffées, ne présenta qu’une réaction locale. Les 2 lapins qui avaient reçu les plus fortes doses (1/4 c. ce.) présentèrent un érysipèle intense qui envahit toute l'oreille. Le but que nous nous proposions était parfaitement atteint. En effet, par l'injection de hautes doses, nous avions fixé les limites de vaccination de nos lapins. Au moment où la vaccina- tion fut interrompue, ils tolérèrent 1/500 et 1/50 de c. c., c’est- à-dire la dose 400 fois mortelle, mais aucun ne supporte la dose plus élevée : 1/10 et 1/4 de c. c. Nous pouvons conclure de ces expériences que les toxines de streptocoques chauffées confèrent aux lapins une immmunité au moins aussi grande que les produits non chaujfés. Si nous devions uürer une conclusion de la façon dont se sont comportés les 2 lapins qui ontreçu 1/10 c. c., nous devrions même en déduire que les toxines chauffées ont vacciné plus que les toxines non chauffées. Mais nous ne voulons pas attacher importance à ce fait: l'expérience de tous les jours démontrant que, vis-à-vis d'une même dose de streptocoques, il peut y avoir de légères nuances dans la facon dont les lapins réagissent. CONCLUSIONS GÉNÉRALES Résumant nos recherches sur la vaccination des lapins contre le streptocoque at le staphylocoque pyogènes, nous arrivons aux conclusions suivantes : Si l’on veut renforcer la résistance du lapin contre le staphy- locoque en accroissant son pouvoir antileucocidique, il est nécessaire de lui inoculer une substance qui se trouve dans les produits de sécrétion non chauffés et qui en disparaît à une température de 60°. Si l’on emploie le produit chauffé, l’accrois- sement du pouvoir antileucocidique ne s'obtient pas et les gloBules du lapin injecté ne sont pas mieux protégés contre la leucocidine que ceux du lapin eut Quel est le proue qui provoque la formation de l’anti- leucocidine ? 1. Cest par erreur que dans le mémoire sur la production d’une antileuco- cidine, cité plus haut, on a dit, page 361, que les cultures chauffées avaient la pro- priété de produire cette substance. Au lieu de « tuées par la chaleur», il faut lire « tuées par l’éther ». 996 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Nous ne serions pas étonné que ce füt la leucocidine elle- même, mais nous ne pouvons en fournir la preuve, le chauffage pouvant avoir détruit d’autres substances que la leucocidine, substances qui précisément auraient pour action de produire l’antileucocidine. Nous basant sur la spécificité des antitoxines, nous inclinons pourtant à penser que la leucocidine joue dans cette production le rôle décisif. Si une bonne vaccination du lapin coutre le staphylocoque nécessite l'emploi des toxines non chauffées, 1l en est tout autrement de la vaccination contre le streptocoque. Ici, dans l’immunisation par les cultures filtrées, les produits chaulfés à 120° se montrent aussi actifs que les produits non chauffés. Ces données permettent d'affirmer que l’on ne pourra pas formuler de loi générale de vaccination. On arrivera sans doute à formuler des règles spéciales pour une immunisation donnée. De‘nombreuses recherches seront nécessaires pour fixer ces règles. ÉTEND re. CONTRIBUTION À L'ÉTUDEDE QUREQUES LEVURES DE BIÈRE Par M. E. BouLLANGER. (Travail du Laboratoire de fermentations à l’Institut agronomique.) Les derniers travaux sur les levures ont révélé entre elles des différences dont l'étude est à l’ordre du jour des laboratoires et de l’industrie. C’est comme contribution à cette étude que j'apporteles résultats de l'examen comparatif de quelques-unes des levures existant dans les collections du laboratoire de fer- mentations de l’Institut national agronomique, levures que mon savant maître, M. Kayser, a bien voulu mettre à ma disposi- tion. J'ai eommencé par éliminer celles qui pouvaient présenter entre elles quelque ressemblance, pour ne garder que celles qui étaient nettement différentes : à cet effet, j'ai ensemencé seize de ces levures dans de l’eau de touraillons stérile et sucrée à 20 0/0 de saccharose. La fermentation a duré 12 jours à 28°; j'ai alors dosé le sucre restant. Sucre restant pour 100. DÉTOOINES MENT. ARS MAT NA MR De 94033 NEUN EC GHENNE 2.0 NIMES 0,2% BASSES TS an LU RP Re AE EE 0,28 BAISE dre ee te RU 0,35 2SACODENNALILE) RPM ANNANNENNEE CE 4,14 Hofbrattes SES As EUR ENT E PNNA EE TO 2,08 PANCSOVAAL EN RENE NN EAN SR LE 2,08 Wieihenstephane HET en SSRRTERR Tr 2,46 AUSUSUNETDTAUr CITE NENEE 3,09 ° NoneniherS es, Sn 2 NN) 3,42 Dontraun ARR MR SRE ET IE 4,46 MENT, SRE PSAMSPMPPMEU EE Soc 4,57 annee AE RO ED ER aie 4,61 ÉCVENDTANRES MTAEE M Le sorc es Mae ie 4,89 HUE IN TR RERO EEE RARE »,10 D98 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Nous constätons combien ces levures présentent entre elles de différences ; celles qui ont consommé le plus de sucre sont en général celles qui donnent les bières les plus alcooliques, comme Bass et Pilsen. J'ai choisi les levures suivantes : Neunkirchen, Bass, 48, Hofbraü, Weïhenstephan, Lœvenbraü, Riga X, qui m'ont paru posséder les caractères les plus opposés; j'y ai joint une levure de type Frohberg, une levure de type Saaz, et enfin une levure haute de bière de Bruxelles. L La levure Bruxelles est une levure haute; provenance : brasserie de Bruxelles. À peu près ronde. Elle mesure 6 à 8 4 de long sur 6 à 7 p de, large, meurt à l’état humide vers 550; elle ne m’a jamais donné de spores, sur blocs de plâtre, niau bout dedeux mois dans un matras Pasteur contenant une solution de lactose avec du bouillon Liebig et de la craie. Cultivée en gouttelettes à la surface de 10 ec. ce. de gélatine de touraillons stérile, la colonie creuse fortement la gélatine, la liquéfiant au bout de trois mois et demi environ. La levure Frohberg est une levure basse, clarifiant bien le liquide ; sa forme est elliptique, ses dimensions de 11 à 143 &. 5 pour la longueur, 6 à 8 y pour la largeur. Je n’ai pas obtenu de spores, elle meurt à 500. En goutte- lette, elle présente à peu près les mêmes caractères que la levure Bruxelles, mais elle a liquéfié la gélatine au bout de deux mois. La levure Neunkirchen est une levure basse; provenance : Neunkir- chen; elle présente le caractère curieux de s’attacher sous forme de gru- meaux très fortement aux parois du verre, de sorte qu’elle recouvre toute la surface du ballon que baigne le liquide, etil est parfois difficile de la déta- cher. Clarifie très bien. Sa forme est elliptique allongée ; 9 à 11 y de long sur 4 à 5 & de large. Elle meurt à l’état humide vers 500 et m'a fourni des spores au bout de 240 heures sur blocs de plâtre, et au bout de 15 jours dans le bouillon Liebig, lactose et craie. En gouttelette, la colonie s’étale beaucoup, liquéfiant à peine la gélatine après plus de six mois. La levure Bass-est celle qui sert à la fabrication de la bière anglaise connue sous* le nom de Pale-ale. C'est une levure haute de forme ovale, mesurant 6 à 8 & de long sur 4 à 6 y de large. Elle meurt à 55°, et ne m'a pas donné de spores. En gouttelette, la colonie s'étale beaucoup, liquéfiant la! gélatine au bout de cinq mois. La levure 48, provenance Copenhague, est une levure basse, forme ovoide, dépôt légèrement flottant. Les dimensions sont de 8 à 114 pour la longueur, de 6 à 8 & pour la largeur. Je n’ai jamais obtenu de spores, et elle meurt à l’état humide vers 55°: En gouttelette, elle liquéfie lagélatine au bout de trois mois. La levure Hofbraü est une levure basse de Munich, de forme ovale, mesu- née diode, —‘“hésbiié Le à Grotte |: ét à. sd D 06 né: dltéatimitre:s" Échteunse rt oct été boit mn du dd ÉTUDE DE QUELQUES LEVURES. »99 rant 8 à9 4 de long sur 6 à 7 y de large. Elle meurt vers 50° et ne m'a pas donné de spores. En gouttelette, elle s’étale assez fortement, en formant une colonie très vallonnée et très déprimée en son centre, liquéfiant la géla- tine seulement au bout de quatre mois. La levure Weïhenstephan est une levure basse qui provient de l'Ecole de brasserie de Weihenstephan; sa forme est ovale, sa longueur8 à 94, salargeur 5 à 6. Elle meurt à l’état humide à 550, et ne m'a fourni aucune spore. En surface, elle donne une colonie ramassée, d’une teinte gris rougeàtre clair, criblée d’aspéritéss liquéfiant après 4 mois 1/2 de séjour. La levure Saaz est une levure haute, de 9 à 12 y de long sur Tà 8 & de large, présentant fréquemment des cellules de forme bizarre et contournée : meurt à 50°, elle m'a donné des spores au bout de quinze jours sur blocs de plâtre. En gouttelette, la colonie s'étale moyennement, liquéfiant'un peu la gélatine après 4 mois. “ ‘ La levure Lœvenbraü, levure basse de Munich, a le caractère précieux de - se déposer parfaitement en gros grumeaux, en laissant le liquide très lim- pide. Elle est ovale et mesure 8 à 9 y de long sur 6 à 7 u de large. Elle meurt vers 50°; je n'ai pas pu obtenir de spores. En gouttelette, elle donne une colonie très ramassée, surélevée sur la gélatine, commençant à peine à la ramollir après 6 mois de séjour et malgré les chaleurs de l'été. La levure Riga X est une levure basse de Russie, presque ronde, mesu- rant 8 & de long sur 7 à 8 y de large. Meurt à 550 et ne donne pas de spores. En gouttelette, colonie très plate, creusant à peine, liquéfiant au bout de 4 mois. ; Signalons, avant de terminer, la dégénérescence de deux de ces levures. Les levures Bass et Neunkirchen sont celles qui ont servi en 1889 à M. Kayser à ses études sur l’action de la cha- leur sur les levures 1. Elles avaient été conservées par régénéra- tions successives tous les trois ou quatre mois. En 1889, elles résistaient à 60° à l’état humide. Aujourd'hui elles ne résistent plus qu’à 50°. "D'autre part, la levure Bass avait, en 1889, la pro- priété de donner facilement des spores, et je n’ai pu en obtenir avec la levure actuelle. C’est là un fait qui a déjà été signalé par M. Hansen, que certaines espèces pouvaient dégénérer et perdre la faculté de donner des spores. M. Kayser m'a obligeamment fourni les ballons datant de 1889 où la levure Bass était conservée à l’état de spores depuis cette époque. Après régénération dans l'eau de navets, j'ai éssayé sa résistance à la chaleur, et je me suis assuré qu'elle résistait à 55°, mais que la température de 60° lui était toujours mortelle. Plusieurs cultures successives n'ont pas modifié ce résultat. Il y a donc eu là encore dégénérescence, puisque la levure qui mourait à 65° en 1889 meurt maintenant 1. Annales de l'Institut Pasteur, 1889, 600 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. toujours à 60°. Cependant remarquons qu'à l’état de spores. la faculté de résistance à la chaleur s’est mieux conservée : Ja dégé- nérescence semble plus lente. En outre, cette levure, con- servée à l’état de spores, a gardé sa propriété de fournir des spores au bout de peu de jours, tandis que la levure Bass régé- nérée tous les trois mois a perdu sa faculté de sporifier. J'ai ensuite ensemencé ces diverses levures dans un même moût de,bière afin de comparer leurs atténuations. Les levures hautes ont iarché à 18° pour la fermentation tumultueuse, puis à 12° pour la fermentation complémentaire : la durée a été de 35 jours. Les levures basses ont marché à 8° pendant 20 jours; la fermentation complémentaire s’est eflectuée à 5° pendant deux mois et demi. Les analyses ont été faites d’après les procédés ordinaires des laboratoires : l'acidité évaluée à l’eau de chaux jusqu’à apparition du précipité floconneux ; la maltose à la liqueur de Fehling par réduction directe; la dextrine par l'attaque durant 3 heures au bain-marie à 100° en présence d'acide chlorydrique à 16° Baumé, pour tout transformer en glucose, puis par titrage à la liqueur de Fehling ; l’extrait au bain-marie à 100° comme pour les vins; l'alcool, par disullaton, puis au compte-gouttes de M. Duclaux. Ces analyses ont donné les résultats suivants: ETUDE DE QUELQUES LEVURES. 601 ns |-> 2 2 2 2$5|23 |3 SEA CC FAR 3% EEE sÉS | Es | S ie Mon | HE NS 2 ÉËZ |8E82| % LEE UE | ‘© te.» 2 01, Et pa Mr es = EL Sd So |8%8|* | EU OR PL ÉTÉ ESE E-g CNE Se is 2" Sun le + a. TS © — — 2 Bruxelles #15 2 ..| 0.90 | 42.0 | 24.7 | 45.0 | 48.8 |: 73.8 gt ERORDereSs UN M ARR de | 0:87 Ja tt 20:92 40.2 5920 187675 5e Neunkirchen. :............ 1.20 9.7 | 20.01 40,6 |" 52.4 |"76:3 DD ASS ARMES RS ER Li 1.140 17.1 98:2 5.9 43.6 67.4 DUSE: BTE NE POSER EP SR 0.77 10.2 | 921.1 KA 5 1.8 19.8 3.0 HOT Tr 0.80-| 10.0 | 20.7: | £0.6 | 52.4 | 76.3 3.0 | Weïhenstephan............. 0.67 1 1 OP AE GT le | 16.4 3 07. | Lævenbraü........ Are AO ESS. 00,020 NO 76:41 320 RTC NA er mp Le 0:84 140 7071r037.1#40:8 "174940 107622 3.0 SAT RE PE ER CE 0.87 | 17.5 | 30.2 | 56.8 | 41.4 | 66.9 29 MEFPMONEL NM INIT 2 Re » 106.6 | 36.4 [171.8 » » 0.6 Nous remarquons d'abord que l’atténuation est bonne par- tout : elle est poussée très loin avec les levures Frohberg, Neunkirchen et Weihenstephan qui tiennent la tête; elle reste la plus faible avec la levure Saaz qui est un type à atté- nuation faible. L’acidité varie dans des limites assez considé- rables ; elle intervient dans le titre en azote de la bière en pro- duisant la précipitation de certaines matières albuminoïdes, et en abaissant ainsi le taux pour cent d’azote de liquide fermenté. La maltose restante est en plus grande quantité dans les bières provenant des levures hautes que dans celles des levures basses. Dans ces dernières, la fermentation complémentaire qui s’est poursuivie très longtemps a permis à toutes ces levures de s’égaliser dans le moût de bière. Dans la quantité de dextrine restante, les différences s’accusent mieux. Les levures Frohberg, Neunkirchen, Hofbraü paraissent attaquer la dextrine en pro- portions notables. Il est difficile d'évaluer exactement ces proportions, car, d’une part, à la liqueur de Fehling, le procédé de dosage de la maltose est très imparfait, car on ne sait pas au juste quel est le pouvoir réducteur des subs- 602 = ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tances que l’on dose. D’autre part, le dosage de la dextrine n’est pas plus rigoureux. Cependant, il y a des cas où la quantité, de dextrine disparue est trop notable pour que on ne puisse considérer une partie de celle-ci comme ayant fermenté. C'est le cas des levures Frohberg, Neunkirchen, Hofbraü, etc., avec lesquelles l’alcool produit dépasse d’ailleurs celui qui pourrait résulter de la fermentation de la maltose seule. Il en résulte pour ces levures une atténuation très forte ; c’est l'inverse pour la levure Saaz. La diminution dans la proportion de dextrine est là trop faible pour que l’on puisse dire, vu l’imperfection des procédés de dosage, que la dextrine a été attaquée. Quant au rapport du non-maltose au maltose, il est plus fort avec la levure Frohberg, la plus énergique; plus faible avec la levure Saaz. * * * Parmi les éléments qui composent le moût de bière, l'azote est certainement, un des plus importants : c’est un aliment indis- pensable à la levure, et sa présence dans la bière donne à celle-ci des propriétés nutritives particulières. Mais, d'autre part, si la bière reste trop riche en azote, elle devient altérable, plus difficile à clarifier et à conserver. Il y a donc en pratique une limite à atteindre de manière à laisser dans la bière une quantité d’azote suffisante pour qu'elle soit nutritive et agréable à boire, et cependant assez faible pour que le liquide se clarifie bien et se conserve de même. Pour arriver à ce résultat, le brasseur dispose de plusieurs moyens. D'abord, dans ses opé- rations de brassage, il précipite par la cuisson et par le hou- blonnage une certaine quantité de matériaux azotés. Puis la levure en consomme et emporte avec elle une autre partie variable avec sa richesse en azote et l’activité de sa prolifération. J'ai cherché à savoir quelle était pour chacune de mes levures, dans un même moût de bière, la proportion d’azote enlevée et amenée à l’état insoluble par la levure elle-même *. 1. Cette question a déjà été étudiée, et tout récemment encore par M. Chas. F. Hyde et M. Briant (voir Journal of the federated Inslitutes of Brewing, 1895), mais ces savants ont opéré dans des conditions indus- trielles, c’est-à-dire sans séparer l'azote pris par la levure de celui qui se dépose à l’état de précipité pendant la fermentation Consulter à ce sujet les travaux de MM. Wabl et Hantke, et les articles de M. A. Fernbach dans la Bière, 3e année. à s ÉTUDE DE QUELQUES LEVURES. 603 Pour arriver à ce résultat, il était d’abord indispensable d'opérer sur du moût de bière, de manière à comparer les levures dans leur milieu véritable. Ce moût de bière devait ne donner de dépôt ni pendant la stérilisation ni pendant la fermen- tation, afin que, celle-ci terminée, la levure y soit seule et qu'on puisse évaluer exactementsson poids et sa richesse en azote. L’acidité croissante pendant la fermentation est le facteur prin- cipal de la précipitation qui se produit à ce moment. Pour me mettre autant que possible à l’abri de cette cause d'erreur, j'ai additionné mon moût de 1 gramme d’acide oxalique par litre; après chauffage vers 100°, sans porter à l’ébullition, j'ai filtré la matière précipitée, puis neutralisé à la chaux de manière à éliminer complètement l'acide oxalique. Après filtra- tion à clair, pour éviter la précipitation qu'aurait entraînée la stérilisation à l’autoclave, j'ai passé le moût à l'appareil Cham- berland, pour la stérilisation à froid. Le moût limpide a été re- cueilli dans des matras flambés, et l’ensemencement a eu lieu au fil de platine, après 3 jours de repos à l’étuve à 28°, pour être assuré de la stérilité du liquide. J’ai pu ainsi obtenir un moût absolument clair et qui, pendant la fermentation, ne lais- sait précipiter aucune trace de matière azotée, comme j'ai pu m'en convaincre par de très nombreux examens microscopiques. La levure seule restait sur le filtre et j’ai pu dès lors calculer le poids du ferment, son azote et en conclure la quantité d'azote prise par chaque levure au moût. L’azote a été dosé par le procédé bien connu de-Kjeldahl-Au- bin, sur la levure desséchée à l’étuve à 100°, ou sur 25 c. c. de moût fermenté. Voici les résultats obtenus dans un moût de bière contenant 0,640 d’azote total par litre. J’ai employé ce moût relativement pauvre en azote afin que la proportion d'azote prise par la levure soit une fraction notable de l'azote primitif et, par suite, pour que les différences soient facilement appréciables. 604 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. . CP PRE EU 2 PE PRO LA DENT SLI DEN RE ARTE DE Poids Lo Azote HORAIRE Rapport 0/0 d'azote du ie LEVURES de levure s du moût moût “| par litre sa litre prise par ere Pure | PO Ne ren lenAie ne Bruce LES RREPERS RRENRER ES 2%er,69 | 5.33 0.412 | 33.7 89 | PASS RATES ER OST MO OAI ASS 0.405 35.9 95 SAAZ: 0 TON ARE Ce PARCS MMS EDS 1:92 0.355 31.6 100 Frohberas. Met R PAAROERe Ne | “3er,11 | 6.77 0.429 | 32.8 87 NetnkiTehenr AMEN ENERRErER Re 9er, 84 6.34 0.445 928.4 74 PAT ANR TRE ul à sr 90 11 0.401 306.7 97 HD LAURE MERE D ee RO ET 8.98 0.420 32,9 87 Wicthen Step An REP RENE 96r,69 1:42 0.232 2928 19 NIGURENNIEE CROSS ASE ur en 9sr 97 5.63 0.456 96.0 69 Ecyenbraite PEPeEEERIUNRE 9er, 62 9.00 0.400 36.8 où RICA ENTER AE TRES ARENA AENE à 2er, 90 5,95 0.476 23 63 MAlÉO See ER ets M re QU UE UT) 5.18 0.500 A 45 La seule inspection de ce tableau nous révèle des différences profondes. Nous constatons d’abord que le taux pour cent d'azote de la levure varie beaucoup, bien que lanalyse pour tous les ballons ait été faile au moment mème où la fermenta- tion était terminée, de manière à éviter autant que possible les effets de la dénutrition sur les diverses levures. Les poids de levure par litre varient aussi beaucoup, presque du simple au double. Ilen est de même pour la proportion d’azote du moût prise par la levure, qui est de 17 pour la levure maltose (levure trouvée dans le malt industriel), de 23 pour la levure Riga X, de 38 pour la levure Saaz. Les autres levures donnent des chif- fres qui sont compris entre ces deux extrèmes: remarquons enfin que, règle générale, Les levures hautes (Bruxelles, Bass, Saaz) ont un pouvoir très élevé pour l'élimination de l'azote. ILest évident que ces chiffres n'ont pas de valeur absolue. La proportion centésimale d'azote du moût prise par la levure dépend en effet de la quantité d'azote présente dans le moût témoin. Les nombres que j'ai donnés seraient beaucoup plus faibles dans un moût riche en azote ; mais, comparés entre eux, + ÉTUDE DE QUELQUES LEVURES. 605 ils permettent de se rendre compte des différences qui existent entre les levures. En prenant 100 comme chiffre d'élimination d'azote par la levure Saaz, qui tient la tête, on peut facilement calculer les chiffres correspondants aux autres levures ; c’est ce que j'ai indiqué dans la colonne intitulée : rapport de compa- raison. On voit qu'il varie entre 45 et 100. Il serait utile de ne pas se borner à l’étude de la quantité d'azote, de chercher la qualité de cet azote, et de quelle na- ture sont les matériaux azotés que la levure absorbe de préfé- rence dans le moût et élimine à son tour de son protoplasma. Malheureusement nos moyens d’études à ce sujet sont des plus incertains. J'ai pourtant essayé ce que donnait le dosage de l'azote albuminoïde par coagulation au moyen de l'hydrate de proloxyde de cuivre de Stutzer. Le procédé n’est pas parfait, car il n‘y a pas que les matières albuminoïdes qui soient préci- pitées ; dans certaines conditions, une partie de la leucine peut être retenue. Néanmoins, je suis arrivé à conclure que les ma- tières coagulées par l’hydrate de cuivre n'étaient que peu ou pas attaquées par les levures. Le moüt témoin titrait par litre 0.230 d'azote albuminoïde, et j'ai tout retrouvé, dans la majorité des cas, dans le moût fermenté ; d’autres fois, les chiffres ont varié entre 0,220 et 0,230. On ne peut donc rien conclure. Peut- être y a-t-il ici une question d'élection. La levure, trouvant dans le moût la quantité de matériaux azotés nécessaire pour son développement et sous une forme qui lui plaît, s’est nourrie de l'azote amidé en laissant l'azote albuminoïde. Les choses se se- raient peut-être passées tout autrement en l’absence de l'azote amidé. J'ai dit plus haut que l’azote était dans la levure un élément en voie d'évolution incessante, et que par suite l’élimination de l’azote par la levure était très variable suivant l’époque où on l’étudie. Pour mieux voir comment avaient lieu ces varia- tions, dans les conditions de monexpérience, j'ai ensemencé avec ‘la levure Hofbraü du moût de bière préparé comme je l’a indi- qué, et j y ai fait trois prises successives avec des pipettes flam- bées, au bout de 3 jours, 13 jours et 30 jours. Voici les résul- tats obtenus : | : 606 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 3 Jours. 13 jours. 30 jours. BOIS Ie le VUE 10e. RE 0.194 0.219 de: Er Axote detlatlevure 0/0. Peer 8.14 8,.D0 6.00 Arotetdu moutiO0 0, PEER TRE 0.082 0.078 0.086 Proportion 0/0 d'azote du Moût pris DAT Ta lé VUre ER EAU 16.4 195 11.3 Maltose restante 0/0..... CE Ne 3.90 4.3 0.90 Dextrirte nestantes0) DEEP Se RCE n 05:10? 2.09 2.04 Le moût témoin contenait 8,75 0/0 de maltose. 2,31 0/0 de dex- trine et 0,97 0/0 d'azote. Nous voyons ici que l'azote de la levure arrive presque de suite au taux auquel il doit rester pendant la fer- mentation. C’est à peine si en dix jours il a augmenté de 0,360/0. Le poids de levure subit une variation analogue. La fermenta- tion terminée, la levure rend de l'azote au moût, le poids de levure diminue, des globules se détruisent, le moût s'enrichit eu azote. La proportion d'azote amenée à l’état insoluble par la levure est donc très variable. Elle est surtout élevée au moment où la fermentation est terminée (2° prise); à partir de ce moment, elle diminue par suite de la restitution de l’azote au moût par la levure. C’est probablement par là que s'expliquent les résultats contradictoires de M. Hyde et de MM. Wahl et Hantke (/. c.). Nous constatons en outre qu'um tiers ‘de la dextrine a disparu, et cela régulièrement jusqu'au treizième jour. Enfin, j'ai cherché à savoir dans quelles proportions l’aération pouvait modifier la quantité d'azote enlevée au moût. A cet effet, j'ai ensemencé la levure basse Hofbraü et la levure haute Bruxelles, d’üne part, en tube profond oùle contact de l'air était très faible; d'autre nart, en vase plat où le moût était étalé en couche très mince. Îl est évident que les matières azotées sont ici enlevées partie par la levure, et partie par les précipitations produites par l’aération. Aussi il ne’fallait pas songer à re- cueillir la levure pour la peser. J'ai dû me contenter du dosage de l'azote du moûüt fermenté clair. Les résultats ont été les suivants : ÉTUDE DE QUELQUES LEVURES. 607 Levure Bruxelles Levure Hofbraiü Témoin. —— ee ——— | Vase plat. | Tube prof. Vase plat. [Tube prof. Maltosei0 0 Re 13.82% 4.86 PTT DAT 0 9,45 Dextrine 0/07 2 RER TEA 5.50 >.08 3.11 2 99 3-25 APPUI. CLS 140185 0.165 0.173 0.167 0.175 Proportion 0/0 d'azote enlevé. » 10.8 6.4 9,7 5.4 » . Nous constatons d’abord, ce que nous pouvions prévoir, que le"moût fermenté du vase plat est moins azoté que celui du tube profond, et cela pour la levure haute et la levure basse dans les mêmes proportions. La quantité d’azote enlevée au moût est par suite bien supérieure en vase plat qu'en tube profond; elle est presque le double. C'est ce qu'avait déjà vu M. Briant. Mais on ne peut plus dire ici quelle est la portion de cet azote que la levure a employée à la construction de ses tissus; les précipita- tions produites dans la culture en surface empêchant d’une façon absolue,le dosage de la levure et de sa teneuren azote. Signalons enfin que la dextrine paraît être moins attaquée en profondeur qu’en surface; le résultat est surtout net avec la levure basse. Pour la maltose, nous constatons une différence entre les deux levures. La levure haute en fait moins disparaitre en tube profond, c’est l'inverse pour la levure basse. Nous voyons donc par ces quelques essais que les levures de bière se comportent très différemment dans leurs rapports ‘avec l'azote du moût. Mais il importe de ne pas perdre de vue que la levure n’est pas la seule cause de la diminution de la richesse du moût en éléments azotés: il y a en outre les préci- pitations produites durant la fermentation, soit par l’acidité qui se forme, soit par l’aération. C'est de tous ces facteurs que dépend le taux d'azote de la bière: mais ici la question se complique et je ne veux pas l’aborder aujourd'hui. 608 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. INSTITUT PASTEUR STATISTIQUE DU TRAITEMENT PRÉVENTIF DE LA RAGE AVRIL, MAI ET JUIN 1896 Morsures à la tête ( simples... ..l »| »1 » | 9 .”151 et à la figure ninles REA De 8 LM GIE Cuutérisations efficaces . . . . . . . .. 1 ROC RTE DCS D Eee Ve Re — ANELICHECS AMC Ur ee » | pe" > A ES DAS Pas ide cautérisation:" 11... DD E 2 0 1 LE TON “ » SHAPIES CO »| 7! » |63) » | 31! Morsures aux mains al ten ae LE 512 L 561119 , (22153 Cuutérisations efficaces . ….. . . . . .. EE CN PE 0 ME NE | » TE MON NCACES EAN ESS CEE 10! » | 237 > » [181 » | » Pas-deCcuuténsahons 3): Mr EE 21 » 4 » | 82! » | » [35] » | » Morsures aux mem- SIMPIeS 020 »)| 5 l42| 47) AMAR 32/64 bres et au tronc multiples. .. 2] 7 \ » [24 »|32\ Cautérisations efficuces . : . . . . . . . palm or 200 — inefficaces . . . AN O no 27l 201188) DS POS PU CAULEMSQNORAR NE NEEENENERE 6] » | » | 44, » | » |%6|5» |, Habits déchires 21 CE NRA RE OO ET Ms ME ON DIE TU MOSUTES OUI RAIN MR 215 5 149) | °U2)508 Morsures multiples en divers points du 0 EE Re COLDSL SR ne ne ire een ee TOR RARE ECS DA 6 9 MON PE EN De, DES RET Lo Cautérisations efficaces . . . . . . . .. 1 NE See 93 0 le — IMEINCACES CEA TE Eee MIA SOIENT » | »|» |» Passe caulénisation 2 Mie. CRE en LS) 17 0/3) bal HLDONS TE CITES RE RER ER REMEE RIRE PES » tons MOPSANES TE NU EN, PCT NE Ba IP (re 11» » os Us Totaux, } Français et Algériens. . 26/96 182,208 1241, à Etrangers "0e 26 21  B C A ——— mm TOTATGÉNÉRALA: VUE 2 NME tee 365 Les animaux mordeurs ont été : chats : 12 fois; bœufs 2 fois; chiens : 350 fois. Un médecin qui soignait un malade atteint de la rage a reçu de la salive virulente sur une écorchure à vif. Le Gérant : G: Masson. Sceaux. — Imprimerie Charaire et Cie, 10me ANNÉE + NOVEMBRE 1896 No 41.. ANNALES L'INSTITUT PASTEUR . SUR UNE LYMPHANGITE ULCÉREUSE SIMULANT LE FARCIN MORVEUX CHEZ LE CHEVAL Par M. En. NOCARD, D’ALroRrT. Primitivement, le mot farcin s’entendait de toute lymphan- gite suppurée de la peau ou du tissu cellulaire sous-cutané. Les lymphangites morveuses étant de beaucoup les plus fréquentes et les plus graves, peu à peu le mot « farcin » devint syno- nyme de « morve cutanée ». Aussi a-t-on longtemps confondu avec le « farcin morveux » des lymphangites suppurées de toute nature. Henri Bouley nous a,appris à en distinguer les .« angioleucites traumatiques » de causes variées, et les « lym- phangites qui compliquent parfois la gourme et le horse-pox' ». Plus récemment, les vétérinaires de l’armée d'Afrique ont mon- tré qu’une lymphangite suppurée, longtemps confondue avec le farcin (farcin d'Algérie ou lymphangite épizootique), devait en être séparée, et la détermination de l’agent spécifique de cette lymphangite, par Rivolta et Micellone’, a mis hors de doute cette différenciation. La loi du 21 juillet 1881, sur la police sanitaire des animaux domestiques, prescrit l’abatage immédiat de tout cheval atteint de morve, sous quelque forme que se manifeste la maladie ; du diagnostic du vétérinaire sanitaire dépend donc l’abatage ou la conservation de l’animal suspect: or, bien rares sont les cas où les signes cliniques autorisent un diagnostic ferme ; ils ne constituent d'ordinaire qu'une certaine somme de probabilités 1. H. Bourex. Article Farcin du Dictionnaire pratique de ‘médecine et d'hygiène vétérinaire, tome VI, pages 500 et suivantes, 1860. 2 RivozrA er MicezLowe, Del farcino tryptococchico, Giornale di Anat. fisio- log. e patol., 1883, p. 143. 39 610 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. confinant plus ou moins à la certitude. Avant de conclure à l'existence ou à la non-existence de la morve (ou du farcin morveux), le vétérinaire doit donc mettre en œuvre tous les procédés de diagnostic qui sont à sa disposition ; ils se con- trôlent l’un par l’autre. Si tous les résultats sont concordants, le diagnostic en acquiert.un plus haut degré de certitude; s’ils sont parfois contradictoires en apparence, on en cherche la cause. On la trouve aisément d'ordinaire, et l’on évite ainsi des erreurs de diagnostic toujours graves, puisqu'elles pourraient entraîner ou bien l’abatage d’un cheval non morveux, ou bien la contamination d'un nombreux effectif au milieu duquel on laisserait séjourner un cheval dont la lésion morveuse ou far- cineuse serait restée méconnue. Parmi les moyens expérimentaux d'établir le diagnostic, dans les cas douteux de morve, deux surtout sont précieux pour le vétérinaire praticien : 1° Le premier en date est dû à M. Straus: il consiste à diluer dans un peu d’eau bouillie le produit suspect, — pus, jetage ou suc glandulaire, — et à en injecter quelques gouttes dans la cavité péritonéale d’un cobaye mâle : Dès le deuxième ou le troisième jour, la région testiculaire est le siège d'une tuméfaction intense; le scrotum devient rouge, violacé, luisant,s adhérent aux tissus sous-jacents ; les testicules, ordinairement si mobiles, font corps avec leurs enveloppes; ou ne peut plus les refouler dans l'abdo- men ; l'animal succombe en 12-15 jours, parfois en 4-8 jours. A l’autopsie, on trouve une inflammation très vive de la gaine vaginale ; la séreuse est recouverte de granulations blanc jaunâtre, de la grosseur d'une tête d’épingle; les deux feuillets sont étroitement soudés par un exsudat purulent, épais, riche en bacilles; le testicule et l’épididyme ne sont altérés que très exceptionnellement. En tout cas, dès que l’orchite est bien constituée, c’est-à-dire dès le troisième ou le quatrième jour, le diagnos- tic est assuré; le vétérinaire peut conclure à l'existence de la morve. 2° L'autre procédé consiste à faire à l'animal suspect une injection de malléine : Chez les chevaux morveux, en quelques heures, 1l se forme au niveau de l'injection,une tuméfaction inflammatoire, chaude, tendue, très douloureuse, toujours volumineuse, parfois énorme; du contour de la tumeur partent des trainées lymphatiques sinueuses, également chaudes et sensibles, se di- rigeant vers les ganglions voisins. Quand la malléine est aseptique et l’in- jection faite aseptiquement, cette tumeur ne suppure jamais; elle s’ac- eroit pendant vingt-quatre à trente-six heures et persiste pendant plu- LYMPHANGITE SIMULANT LE FARCIN. 611 sieurs jours; puis elle diminue lentement, graduellement, pour ne dispa- raitre qu'après huit à dix jours. En même temps qu'apparait la tumeur, l'état général du sujetse modifie profondément: il est triste, abattu; la face est grippée, le regard anxieux, le poil terne et hérissé, le flanc retroussé, la respiration précipitée ; l'appétit semble supprimé; on observe fréquem- ment des frissons au niveau des muscles olécrâniens ou cruraux antérieurs, parfois même le trone subit comme de violentes secousses convulsives; si l'on fait sortir l'animal, on est frappé de son aspect misérable, de sa stu- peur, de sa prostration profonde; le cheval le plus vigoureux, le plus diffi- cile, le plus dangereux est complètement transformé : il est devenu indif- férent à ce qui l'entoure, absolument maniable: on en fait tout ce qu'on veu. . Ces phénomènes généraux constituent la réaction organique; ils ne sont pas toujours aussi accusés ; on peut noter d’assez grandes différences dans leur intensité, suivant les sujets ; ils ne font jamais complètement défaut. Par centre, la réaction thermique ne manque jamais: en quelques heu- res, la température centrale du cheval morveux s'élève graduellement de 10,5, 20, 20,5 et plus, au-dessus de la normale. L’élévation de la température, déjà notable dès la huitième heure après l'injection, persiste longtemps ; elle atteint son maximum entre la dixième et la douzième heure, parfois seulement vers la quinzième heure, plus rarement vers la dix-huitième heure. Fait important à noter, les phénomènes provoqués chez les chevaux morveux par l'injection de malléine sont longtemps persistants; après vingt-quatre, trente-six et quarante-huit heures, il existe encore de la pros- tration, et la température reste supérieure à la normale de plus d’un degré. . Chez les chevaux sains, au contraire, l'injection de malléine, même à dose beaucoup plus considérable, est sans effet: la température reste nor- male ; l’état général n’est pas modifié; il se produit au niveau de l’injec- tion une petite tumeur œdémateuse, un peu chaude et sensible; mais l’ædème, loin de S’accroitre, diminue rapidement et disparaît complète- ment en moins de vingt-quatre heures. En moins de 48 heures, grâce à la malléine, le diagnostic e$t fixé ; le vétérinaire peut conclure en toute sûreté à l'existence ou à la non-existence de la morve. F Il semblerait donc qu’on püt recourir indifféremment à l’un ou à l’autre procédé, puisque, par l’un ou par l’autre, le vété- rinaire peut en quelques jours formuler un diagnostic exact. Ce serait pourtant imprudent: il est bien préférable d'employer concurremment, toutes les fois que la chose est possible, l’in- jection de malléine et l’inoculation intra-péritonéale au cobaye mâle. Voici pourquoi. L'expérience a montré que, dans cer- 612 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. taines affections non morveuses, — gourme, emphysème pul- monaire, mélanose, — la malléine provoque parfois une hyper- thermie notable; bien que cette hyperthermie soit peu durable et ne s'accompagne jamais de la réaction organique constante en cas de morve, le résultat de l’épreuve manque alors de netteté ; mais si l’on a pratiqué l’inoculation au cobaye, et que cette inoculation soit restée sans effet, l'incertitude cesse, et le vété- rinaire peut en toute sûreté conclure à la non-existence de la morve. D'autre part, l'inoculation intra-péritonéale n’est pas tou- jours sans dangers; elle provoque parfois, quand il s’agit d’un produit impur, comme le jetage, une péritonite suppurée qui tue le cobaye inoculé bien avant que l’orchite se soit montrée. Enfin, l’orchite consécutive à l’inoculation n’a pas toute la valeur diagnostique qu’on lui avait attribuée tout d’abord : Kutscher* a isolé du jetage d’un cheval morveux un mi- crobe, très différent du bacille de Loôffler et Schutz, et dont l’inoculation intra-péritonéale provoque, chez le cobaye, une orchite cliniquement semblable à l’orchite morveuse. Hallopeau et Bureau* ont obtenu un résultat analogue en injectant, dans le péritoine de cobayes mâles, du pus recueilli sur un homme atteint de mycosis fongoïde. De mon côté, j'ai étudié, dès 1892*, une lymphangite ul- céreuse, simulant le farcin morveux, lymphangite dont le pus, injecté dans le péritoine de cobayes mâles, provoque en quel- ques jours une orchite analogue à l’orchite morveuse. À coup sûr, l’analogie entre ces orchites n’est pas complète, et le plus simple examen bactériologique de l’exsudat purulent de la gaine vaginale permettrait de les différencier; mais cet examen bactériologique n’est pas à la portée de tous les pra- ticiens, et, par cela même, le « signe de Straus » perd tout ce qu’il avait de séduisant dans sa simplicité. 4. Dans la moitié des cas environ, les cobayes inoculés dans le péritoine avec du jetage suspect, meurent en 24 ou 36 heures; il est donc prudent, quand on n’a que du jetage à sa disposition, d’inoculer au moins 2 sujets, l’un dans le péritoine, l’autre sous la peau de la cuisse. 2. Kurscner, Zur Rots Diagnose, Zeitschrift f. Hygiene, 1896, p. 150. 3. HazLopeau et Bureau, Sur un cas de mycosis fongoïde, Annales de Derma- tologie, 1896,p. 547. 4. Nocarp, Bulletin de la Société centrale de médecine vétérinaire, 1893, page 116, et 1894, page 92. LYMPHANGITE SIMULANT LE FARCIN. 613 Depuis le 1° octobre 1892, 67 chevaux m'ont été envoyés, de la clinique, au lazaret de l'Ecole d’Alfort, comme suspects de farcin. Chacun d’eux a fait l’objet, comme c’est la règle en vue d'assurer le diagnostic, d’une étude expérimentale comportant : 1° L'épreuve de la malléine ; 2° L'inoculation "du pus à des cobayes mâles, par injection intra-péritonéale ; 3° L'ensemencement du pus sur divers milieux, pommes de terre, bouillon-peptone, gélose, sérum gélatinisé.… Des 67 chevaux suspects, 59 ont provoqué l’orchite des cobayes inoculés ; 43 seulement ont réagi à l'épreuve de la mal- léine, et seuls, ces 43 chevaux étaient atteints de farcin mor- veux : pour les 16 autres, la suppuration du lymphatique — comme la suppuration de la gaine vaginale des cobayes ino- culés — avait pour cause un bacille spécial, non encore décrit, facile à distinguer du bacille morveux par l'aspect de ses cul- tures et par ce seul fait qu’il « prend admirablement le Gram! ». Il n’en est pas moins vrai que, pour ces 16 chevaux, — et pour 5 autres observés avec M. Roux en dehors de l'Ecole, — si je m'étais borné à inoculer le pus suspect dans le péritoine de cobayes mâles, l’apparition de l’orchite m’eût conduit à con- clure à l'existence du farcin et à l’abatage des sujets ; l'absence de réaction à la malléine m'a permis d'éviter cette erreur grave, et de rattacher à sa véritable cause la lymphangite pseudo- farcineuse dont ces chevaux étaient atteints. # APERÇU CLINIQUE SUR LES SYMPTÔMES ET LA MARCHE DE LA MALADIE La lymphangite ulcéreuse dont il s’agit dans cette étude a des manifestations très variables suivant les sujets. Elle se tra- duit, comme le farcin lui-même, par des engorgements, des boutons, des plaies d'apparence ulcéreuse et des cordes lympha- tiques. Tantôt elle a une évolution très lente et permet pendant plusieurs années l’utilisation du malade ; tantôt, après une apparition subite, elle envahit toute la hauteur d’un membre 4. Pour les 8 autres chevaux, la malléine et l’inoculation n’ont donné que des résultats négatifs; j'ai donc pu affirmer qu'ils n'étaient pas farcineux ; mais il m’a été impossible de déterminer exactement la natgre de la Laphpagiten dont ils étaient atteints. 614 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. qu'elle couvre d’abcès et d’ulcères en quelques semaines, gagne les membres antérieurs, le tronc, l’encolure, la face même, et finit par tuer l’animal au bout de quelques mois à peine. Entre ces deux extrêmes, on peut voir tous les intermé- diaires. Le plus souvent, le cheval est amené à la consultation parce qu'il a le boulet, le canon ou le jarret engorgé depuis longtemps déjà, et que, depuis quelques jours, il se forme, au niveau de l’engorgement, de petits boutons, qui grossissent, se ramollissent et s'ouvrent en laissant écouler un peu de pus, d’abord épais, blanc et grumeleux, puis liquide, huileux, jaunâtre ou sanguinolent; souvent une traînée sinueuse, un peu tendue, chaude et sensible, part de l’engorgement et s'élève à la face interne de la jambe vers la racine du membre: c’est l’un des troncs lymphatiques de la région qui participe à l’inflam- mation de ses réseaux d’origine; plus ou moins vite, cette corde lymphatique devient çà et là noueuse, se æamollit et s’ulcère, laissant écouler un peu de pus épais et blanchâtre, ou liquide et sanieux; qu'on ait ponctionné le bouton ou qu'il se soit ulcéré de lui-même, la plaie qui en résulte est irrégulière- ment arrondie, profonde, anfractueuse; ses bords sont bour- geonneux, saillants, friables; la pression en fait sourdre un liquide purulent, visqueux, jaunâtre ou sanguinolent ; on dirait un ulcère de mauvaise nature, impossible à distinguer d’un chancre farcineux; elle s’en distingue pourtant en ce qu’elle n’a aucune tendance au phagédénisme : au contraire, elle se comble rapidement et se cicatrise en quelques jours sous l’in- fluence de simples lavages antiseptiques. Mais pendant que les plaies anciennes se cicatrisent, d’autres boutons apparaissent ou . S'ulcèrent au voisinage, en suivant la même évolution, plus ou moins rapide suivant les sujets, désespérant les propriétaires et parfois les vétérinaires, impuissants à enrayer le mal. Dans l’une de mes observations, il s'était ainsi formé, sur le boulet et le canon, un si grand nombre d’abcès, dont chacun avait laissé une cicatrice arrondie, indurée, un peu saillante, que l’on se fût cru en présence des traces d'une cautérisation en pointes un peu trop énergique. Fait important : quelles que soient la confluence et la gravité apparente des lésions, les ganglions lymphatiques de la racine LYMPHANGITE SIMULANT LE FARCIN. GLS du membre lésé ne m'ont jamais paru y prendre part; ils sont parfois augmentés de volume et comme infiltrés, mais jamais je ne les aï trouvés enflammés ou indurés; jamais je ne les ai vus envahis par la suppuration. Plusieurs fois, ilm’a semblé: que la lymphangite procédait manifestement d’une crevasse du pli du paturon ou du pli du jarret; mais, le plus souvent, le point de départ de la lésion échappait à toute recherche. Dans l’une de mes observations, la maladie durait depuis plusieurs années; l’un des membres postérieurs était le siège d'un engorgement induré, à la surface duquel apparaissaient de temps en temps, mais seulement pendant l'hiver, de petits abcès qui évoluaient lentement, s’ulcéraient, puis se comblaient, lais- sant une cicatrice irrégulière et saillante. Pendant l'été, jamais d'abcès : la maladie semblait définitivement guérie ; mais elle reparaissait avec les premiers froids. D'ailleurs, l'animal n'avait jamais cessé de travailler. Trois fois, j'ai vu la mort survenir après quelques mois et même après quelques semaines de suppurations lymphatiques continues, généralisées à toutes les régions. Dans ces trois cas, la suppuration s'était étendue aux troncs lymphatiques, pré-pelviens et aux reins ; j'a: conservé dans mes collections un rein absolument farci d'abcès de toutes dimensions, depuis celles d'un pois jusqu'à celles d’un œuf de poule; tous ces abcès siègent dans la couche corticale; leur paroi est constituée par une mince couche de tissu fibreux induré ; entre eux, le tissu de l’organe a conservé son aspect normal ; il n’a subi aucune altération appréciable. Le pus de ces abcès du rein est de même nature que celui des boutons sous-cutanés : on y retrouve identiquement et exclusivement le même bacille. La rate, le foie, les poumons ne présentent aucune lésion ; toutefois, dans deux cas, j'ai trouvé quelques gros foyers de broncho- pneumonie hémorragique, ayant pour centre un caiïllot embo- lique, ancien et ramifié, d’une petite artère pulmonaire; l'étude bactériologique m’a montré que ce caiïllot renfermait, à l’état de pureté, le même bacille qui avait provoqué les abcès du rein ou ceux de l’hypoderme. ; Sur les dix-neuf observations que je possède, deux seulement ont été recueillies, à quelques mois d'intervalle, dans la même 616 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. écurie ; l’un des malades a guéri assez vite et n’a interrompu son travail que pendant quelques jours ; l’autre a succombé en moins de deux mois. Tous les autres appartenaient à des écuries importantes; la plupart ont continué leur service pen- dant que leurs plaies suppuraient: leurs voisins sont restés indemnes. Cette lymphangite ne semble donc guère redoutable au point de vue de la contagion. ÉTUDE BACTÉRIOLOGIQUE DE LA MALADIE Le pus, étalé en couche mince et coloré suivant le procédé de Gram-Nicolle, se montre très riche en microbes. Au milieu des globules de pus colorés en rose par la safranine, l’éosine ou le carmin, on voit un grand nombre de microbes de formes variées. Beaucoup de ces microbes sont englobés par les cellules; le plus grand nombre pourtant sont libres; ils sont alors généra- lement disposés en amas serrés, enchevêtrés les uns dans les autres ; on en trouve aussi d'isolés, entre les cellules ou à leur intérieur. La plupart sont nettement bacillaires, assez épais, courts, à extrémités arrondies; souvent alors, ils sont disposés parallèlement, l'un à côté de l’autre, en forme de peigne à dents courtes et serrées; parfois, au‘contraire, ils sont en séries linéaires, formées d'articles très courts, dont l'épaisseur va augmentant jusqu'à l’article terminal qui se renfle en forme de » crosse; d’autres encore, légèrement effilés aux extrémités, ont leur partie centrale renflée ; d’autres, enfin, ont l'aspect de courtes bactéries arrondies ou légèrement ovoïdes. Ces formes variées se rencontrent dans le même amas microbien, et parfois jusque dans le même leucocyte. Quel que soit l'aspect sous lequel se présente le microbe, la culture montre qu’il s’agit en réalité d'un seul et même organisme. La culture se fait aisément dans la plupart des milienx, liquides ou solides, à une température comprise entre 309 et 40°. La solution de peptone à 2 0/0 ou le bouillon de viande peptonisé constituent des milieux très favorables : dès le 3° jour, on voit au fond du ballon ensemencé une multitude de très petits grains blanchâtres qui ne troublent pas là limpidité du liquide. La LYMPHANGITE SIMULANT LE FARCIN, 617 culture s'accroît pendant 8 à 10 jours, sans que les grains augmentent sensiblement de volume; puis, elle semble s'arrêter et forme au fond du ballon un dépôt blanc, uniforme, assez épais. Quand la culture est ancienne, l'agitation du ballon trouble le bouillon qui ne redevient limpide que très lentement. Parfois, il se forme à la surface du liquide un voile mince que la plus faible agitation dissocie et dont les fragments tom- bent au fond du vase. Chacun des petits grains formés dans le liquide ensemencé est un amas d’un nombre considérable de bacilles dont l’aspect varie beaucoup suivant l’âge de la culture. Après 24 ou 48 heures, ce sont de fins bacilles, homogènes dans toute leur longueur, dont la forme et l’arrangement rappellent beaucoup les bacilies de la diphtérie; un peu plus tard, leur aspect se modifie : à côté de bacilles homogènes, isolés ou agglomérés parallèle- ment en forme de petites hachures, on en voit qui sont renflés soit au milieu de leur longueur, soit à une extrémité; d’autres sont mal colorés, sous forme de grains irréguliers; d’autres enfin, très épais, sont comme striés transversalement. Dans le bouillon peptone glycérine, la culture se fait aussi très vite : mais on ne voit plus se former les petits grains décrits plus haut; il se fait au fond du ballon un dépôt blanchâtre, amorphe, que la moindre agitation soulève, et qui trouble le liquide comme le ferait une culture de choléra des poules. L’exa- men de la culture la montre formée uniquement de véritables cocco-bactéries, arrondies ou ovoïdes, uniformément colorées. À aucun moment, on n’y trouve les formes baciilaires qui sont la règle dans le bouillon non glycériné. Réensemencé en bouillon simple, les cocco-bactéries du bouillon glycériné reproduisent les petits grains et les bacilles décrits plus haut. Cette influence de la glycérine sur la morphologie du bacille se retrouve, identique, dans les cultures sur gélose, sérum et pommes de terre additionnés de glycérine. Le pus ensemencé sur gélatine peptone ne donne pas de culture à la température de la chambre ; mis à l’étuve, les tubes de gélatine deviennent le siège d’une culture en petits grains blanchâtres, culture d’ailleurs assez maigre. Il en est de mème lorsque la semence est empruntée à une culture en pleine activité. 618 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Sur gélose, le microbe se développe sous forme de petites colo- nies blanchâtres, opaques, arrondies ou crénelées sur les bords, saillantes dans la partie centrale; au bout de quelques jours, la colonie s'étale à la surface de la gélose sous forme d’une mem- brane mince, humide, opaque, finement plissée, non adhérente à la gélose. Cet aspect, très caractéristique, ne s’observe que sur les tubes où l’on a déposé assez peu de semence pour que les colonies soient isolées; on y parvient aisément en suivant la technique adoptée pour les cultures diagnostiques de la diphté- rie : le même fil de platine chargé de pus ou de culture sert à ensemencer par 3 ou 4 stries, 4 ou’ 5 tubes de gélose. Sue les derniers tubes ensemencés, les colonies sont ordinairement peu nombreuses et suffisamment isolées les unes des autres. Ensemencés sur pomme de terre, le pus le plus riche en microbes, la culture la plus vigoureuse ne donnent qu'une mince « couche sèche pulvérulente, d’un blanc sale, festonnée sur les bords, où l’on retrouve les formes variées déjà décrites. Sur pomme de terre glycérinée, la culture toujours peu abondante forme un enduit humide, incolore, où le microbe prend l’aspect d'une, cocco-bactérie. C’est le sérum gélatinisé qui constitue le milieu le plus précieux pour la culture du microbe. Pour l’ensemencement, il convient de procéder comme s'il s'agissait de faire le diagnostic d’un cas douteux de diphtérie. Sur les tubes de sérum les derniers ensemencés, il se développe, après 36 ou 48 heures, des colonies isolées dont l'aspect est caractéristique : à la surface du milieu apparaît une petite tache arrondie luisante, à bords nettement délimités, représentant un segment de sphère d’un grand rayon; parfois le centre de la colonie est nettement en säillie. Peu à peu, la colonie, à peine saillante à la surface du milieu, semble plonger dans l'épaisseur par d'innombrables racines dont l'assemblage forme une sorte de houppe villeuse hémisphérique, d’un diamètre souvent beaucoup plus grand que ceiui de la colo- nie. Cet aspect rappelle beaucoup celui des cultures d’actinomy- cose sur gélose glycérinée. , La couleur des colonies développées sur sérum est différente, suivant qu'il s'agit de sérum de cheval ou de sérum de bœuf. Sur le sérum de cheval, les colonies sont blanches; elles sont d'un jaune plus ou moins intense quand elles se sant développées sur L) LYMPHANGITE SIMULANT LE FARCIN. 649 sérum de bœuf; l'intensité de la coloration dépasse parfois ceile du plus beau staphylocoque doré. Du sérum de bœuf, ensemencé par une culture blanche de sérum de cheval, donne des colonies d’un jaune intense, lesquelles, reportées sur sérum de cheval, sur gélose, sur pomme de terre ou sur bouillon, donnent des colonies d’un blanc plus ou moins sale. J'ai souvent observé la même particularité, mais à un degré beaucoup moins accusé, avec le bacille diphtéritique. Le microbe de la lymphangite ne se développe pas en l'absence: de l'air. La culture la plus abondante ne modifie pas d’une façon appréciable la réaction du milieu, quel qu'il soit; les bouillons, même sucrés ou glycérinés, restent reutres ou légèrement alca- lins. Le lait est un milieu, peu favorable; le microbe s’y cultive cependant, mais lentement; toujours en amas de cocco-bactéries, il ne provoque pas, même à la longue, la coagulation du lait. Les cultures conservent longtemps leur virulence et leur végé- tabilité, même à la température de la chambre; vieilles de 3 et 4 mois, elles poussent avec vigueur sur les différents milieux; pourtant les cobayes inoculés avec ces cultures meurent moins. vite qu'avec les cultures fraîches. Ilest rare d'obtenir de nouvelles cultures en employant comme semence des cultures vieilles de plus de 6 mois. H Le chauffage à 65° tue le microbe en moins d’un quart d'heure; il en est de même de la température de 58° prolongée pendant une heure. ACTION PATHOGÈNE DU BACILLE Le bacille de la lymphangite ést inoculable; les résultats de l’inoculation sont variables suivant l’espèce de l’animal inoculé etsuivant le procédé d'inoculation mis en œuvre. De tous les animaux de laboratoire, c’est le cobaye qui est le plus sensible. C’est aussi celui qui donne les indications diagnos- tiques les plus précieuses. Si l’on injecte dans la cavité péritonéale d’un cobaye mâle 1/2 c. c. de dilution purulente (1 anse de pus pour 1 c. c. d’eau bouillie), en quelques jours, on voit survenir une orchite intense, qu'il est très difficile de différencier de l’orchite morveuse. La 620 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. région des bourses forme une tumeur inflammatoire considé- rable, chaude, tendue, très douloureuse à l'exploration : le scro- tum est d’un rouge violacé, luisant, adhérent»aux testicules qu'on ne peut plus faire rentrer dans l'abdomen. Ordinairement, c'est vers le 3° jour que l’orchite se produit; mais je l’ai vue apparaître 36 et 48 heures après l’inoculation ; souvent aussi elle ne se montre que le 4° ou le 5° jour. Ces variations paraissent être sous la dépendance de la quantité de microbes que renferme le pus, et peut-être aussi de leur degré de virulence ; en général, quand l’orchite se montre de bonne heure, le cobaye meurt rapidement, en 6-8 jours ; au contraire, il ne meurt que très tard, parfois même il survit, quand l'apparition de l’orchite est tardive. On observe des variations analogues dans l’évolution dé l’or- chite morveuse, elle est souvent tardive quand le produit ino- culé est du pus farcineux, ordinairement très pauvre en bacilles. Les lésions consistent en une inflammation intense de la gaine vaginale; les 2 feuillets de la séreuse sont d’abord comme soudés par un exsudat fibrineux qui subit rapide- ment la fonte purulente, en sorte que, parfois, le testicule atro- phié baigne dans une nappe de pus épais et grumeleux. Enfin, il n’est pas rare de voir le testicule presque entièrement détruit par la suppuration. La vaginalite est plus vite purulente que celle de la morve, et son pus est plus liquide. L'exsudat fibrineux et . le pus sont toujours très riches en amas bacillaires. À part la vaginalite, on ne trouve guère d’autres lésions à l'autopsie du cobaye inoculé : le péritoine renferme un peu de liquide louche, gluant et visqueux; çà et là le mésentère est cou- vert de petits amas purulents; l’épiploon renferme presque toujours de petits foyers caséeux en nombre variable ; l’exsudat, comme le pus, renferme beaucoup de microbes. Quand les animaux survivent, on voit d'ordinaire la région des bourses devenir fluctuante en un ou plusieurs points; le scfo- tum s’amincit, puis s’ulcère, donnant issue à un peu de pus gru- meleux; la plaie se referme lentement, laissant une cicatrice fibreuse, irrégulière, adhérente aux tissus sous-jacents. Il m'est arrivé souvent de sacrifier des cobayes qui avaient ainsi survécu plusieurs mois à l’abcédation de l’orchite, et qui avaient conservé toutes les apparences de la santé; tantôt l’autopsie ne montrait aucune lésion; tantôt, au contraire, et le plus souvent, il existait ” LYMPHANGITE SIMULANT LE FARCIN,. 621 un, deux ou trois foyers purulents énormes, enkystés, soit dans l’épiploon, soit dans la rate, soit dans le foie, à l’intérieur d’une coque indurée, épaisse et résistante; j'ai ainsi trouvé dans l’épi- ploon d’un cobaye, inoculé 5 mois auparavant, une tumeur ren- fermant 55 c. c. de pus épais comme du mastic. Si ancienne que soit l’inoculation, le pus de ces abcès enkystés renferme toujours des bacilles vivants et virulents. Les résultats sont un peu différents quand on injecte dans le péritoine de cobayes mâles un peu de culture récente; ordinaire- ment l’animal succombe en 24, 36 ou 48 heures avec une hypo- thermie intense allant parfois au-dessous de 30°, sans que la région testiculaire ait présenté aucune lésion; à l’autopsie, on trouve de la rougeur de l'intestin, qui est distendu par des gaz, un exsudat péritonéal, abondant, légèrement louche et visqueux, avec, çà et là, quelques grumeaux purulents adhérents au mésen- tère, ou interposés entre le foie et le diaphragme ; enfin et sur- tout, l’épiploon épaissi el noueux renferme entre ses deux lames séreuses un grandnombre de petits foyers purulents. Le pus est extrêmement riche en amas microbiens; l’exsu- dat, au contraire, en renferme fort peu, et la plupart sont englobés par des leucocytes polynucléaires. Il n'existe pas de lésions viscérales; la mort si rapide ne peut s'expliquer que par l’action des toxines sécrétées par le microbe. Parfois, mais rarement, le sang ensemencé donne une culture typique. On peut cependant provoquer lorchite par l’inoculation du microbe en cultures; mais il faut n’en inoculer qu’une quantité infime. Expérience. — Une anse de culture sur sérum, âgée de trois jours, est soi- gneusement diluée dans 10 c. c. de bouillon; 1 €. c. de cette dilution est mélangé à 9 c. c. de bouillon neuf; { c. c. de la 2e dilution est mélangé à 9 c. €. de bouillon neuf. Trois cobayes mâles de 500 grammes sont inoculés par injection intrapéritonéale, savoir : cobaye a, avec 1/10 de c. c. de la 4re dilution ; cob. b avec 1/4 de c. c. de la 2 ; cob. c, avec 1/2 c. €. dela 3e. Le cob. a meurt 27 heures après l’inoculation ; le cob. b 34 heures après: dès le 2e jour, le cob. c présente une orchite limitée au testicule gauche; le lendemain, le testicule droit est pris et la région des bourses forme une énorme tumeur dure,tendue, chaude, très douloureuse au toucher, d'un rouge violacé. L'animal meurt le 7° jour. L'inoculation sous-cutanée, qu'il s'agisse de culture ou de 622 ANNALES DE; L'INSTITUT PASTEUR. pus, produit des effets analogues. En 4 ou 5 jours, il se forme un ‘abcès volumineëx, peu sensible, qui s'ouvre plus ou moins vite, donnant issue à du: pus épais et grumeleux; la plaie se referme assez lentement, - laissant une cicatrice diflorme, adhérente aux tissus sous-jacents ; ordinairement, d’autres abcès semblables se forment en un point plus rapproché du centre et évoluent comme le 1; les ganglions paraissent échapper à l’in- fection; la marche de la maladie est très lente, et rarement les animaux succombent. ; L'inoculation sous-cutanée du pus ou de la culture du microbe provoque chez le cheval, l'âne ou le mulet un abcès chaud qui s'ouvre assez rapidement (6-10 jours), laissant écouler un pus épais et grumeleux ; la poche s’oblitère lentement, lais- sant une cicatrice persistante ; là se borne ordinairement tout le mal; une seule fois j'ai réussi à obtenir une lymphangite ulcé- reuse progressive, analogue à la maladie naturelle. Expérience du 25 septembre 1895. — Jumentde fiacre, 14 ans, en bonétat. A l’aide d’un ténotome étroit et boutonné, glissé sous la peau de la face interne de la jambe, um peu au-dessus du jarret, je dilacère le tissu cellu- laire sous-cutané, ainsi que la saphène et les vaisseaux lymphatiques qui l’entourent; le 26 septembre, le membre opéré est soustrait à l'appui; il existe à la face interne de la jambe une tuméfaction grosse comme Île poing, un peu fluctuante, chaude et sensible ; le 27 septembre, la fluctuation a disparu la tumeur, beaucoup moins sensible, est ferme ; elle crépite sous le doigt ; c'est une véritable tumeur sanguine ; le 28 septembre, mêmes carac- tères, encore plus nets, j’injecte deux gouttes de culture récente dans la par- tie supérieure de la tumeur ; dès le {er octobre, on perçoit un peu de fluctua- tion au niveau de l'injection; le 3 octobre, toute la masse de la tumeur sanguine est ramollie, je l’incise largement et j'obtiens une grande quantité de pus épais, roussàtre, plein de débris de caillots sanguins ; lavages anti- septiques bi-quotidiens, la poche se referme assez vite ; le 8 octobre, tout est cicatrisé ; mais, dès le à, les vaisseaux lymphatiques satellites de la saphène apparaissent enflammeés ; ils forment une saillie irrégulière sinueuse du volume d’un crayon, encore molle, chaude et douloureuse; vers le tiers supérieur, de la jambe, la corde porte deux renflements hémisphériques saillants, distants l’un de l’autre de quelques centimètres ; le 7, ces 2 bou- tons, fluctuants depuis la veille, s’ulcèrent, laissant écouler un peu de pus blanc assez épais ; iken résulte une plaie profonde, étroite, à bords irrégu- liers, bourgeonneux, d'où la pression fait sourdre de la sérosité jaunâtre, louche, un peu filante; ces plaies ulcéreuses ont très mauvais aspect; à part l'absence de l’induration périphérique, elles ressemblent beaucoup à des chancres farcineux; — mais très rapidement, en 3 ‘ou 4 jours, sous l'in- LYMPHANGITE SIMULANT LE- FARCIN, 623 fluence de lavages au crésÿl fréquemment répétés, ces’ plaies ulcéreuses se comblent et se ferment, laissant une petite cicatrice arrondie, grisâtre, dépourvue de poils; sucessivement 3 autres abcès analogues apparaissent à la face interne de la cuisse, le long de la corde lymphatique qui persiste toujours, assez molle et peu douloureuse: leur évolution est identique à celle des premiers abcès: eux aussi se cicatrisent rapidement et complète- ment en quelques jours. Jusqu'alors, les ganglions de l’aine n'ont paru prendre aucune part à l’inflammation des vaisseaux lymphatiques afférents, quand, le 17 octobre, on observe dans le pli de l’aine une tuméfaction molle, un peu chaude et sensible, du volume d'une orange; le 18; la fluctua- tion est très manifeste et la collection purulente a doublé de volume : la ponction donne issue à une grande quantité de pus blanc crémeux, assez liquide, très riche en amas bacillaires; de fréquents lavages avec une émul- sion tiède de crésyl à 3 0/0 amènent rapidement la cicatrisation de l’abcès. Ce fut la dernière manifestation du mal; la jument fut conservée jusque fin décembre sans avoir présenté d’autres lésions; à l’autopsie, tous les vis- cères ont été trouvés sains. L’injection intra-veineuse, qu'ils’agisse d’une dilution purulente ou d'une culture, reste sans effet chez les équidés : à peine note- t-on un peu de fièvre dans les 24 heures qui suivent l'injection; dès le lendemain, tout rentre dans l’état normal. ù Chez le lapin, l'inoculation intra-péritonéale de culture ou de pus provoque une suppuration épaisse, grumeleuse, riche en amas microbiens, qui, le plus souvent, reste localisée, s’enkyste, et semble n’exercer aucune influence sur l’état général du sujet. L’injection sous la peau de l'oreille provoque en moins de 24 heures un véritable érysipèle, accusé par la rougéur intense et la vive sensibilité de l'organe, ainsi'que par un œdème si consi- dérable que l’animal est incapable de relever et même deremuer l'oreille, qui pend lourdement. Mais ces phénomènes inquiétants se dissipent promptement ; l'œdème se résorbe en quelques jours el, dans les cas les plus graves, un lambeau de peau plus ou moins étendu se mortifie et se détache sous forme d’une plaque mince, sèche, plissée, ayant la consistance du parchemin. L'injection, dans la veine de l'oreille du lapin, d’une petite quantité de pus ou de culture ne provoque pas de troubles appa- rents; cependant l'animal maigrit progressivement el il meurt cachectique en 15-30 jours, sans que l’autopsie révèle l'existence de lésions appréciables, sans que l’eusemencement du sang, ou de la pulpe de la rate, du foie, ou du rein donne de culture. Lasouris blanche, inoculée sous la peau, succombe en 24, 36 ou 624 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 48 heures avec un abcès au point d’inoculation ; le sang du cœur ensemencé sur sérum ou sur bouillon donne nat des culture typiques. Les poules supportent sans trouble l'injection sous-culanée, intra-péritonéale ou intra-veineuse, de grandes quantités de cul- ture ou de dilution purulente. L'injection intra-veineuse tue parfois le pigeon en 4-6 jours ; mais bien que l’ensemencement du sang reproduise la culture originelle, l’autopsie ne montre aucune lésion appréciable. L’ino- culation dans les muscles ou dans le péritoine reste sans effet. ConeLusioxs. — 1° Il existe, chez le cheval, une lymphangite suppurée, que les signes cliniques sont insuffisants à différencier du farcin morveux; 2° Le pus de cette lymphangite, inoculé dans le péritoine du cobaye mâle, provoque une vaginalite inflammatoire, tout comme le pus du farein morveux; au contraire, l'injection de malléine ne provoque absolument aucune réaction chez le cheval atteint de ce pseudo-farcin ; 3° L'étude bactériologique de cette lymphangite montre qu’elle est due à un bacille spécial, facile à distinguer du bacille de Lüffler el Schutz par l'aspect de ses cultures et, plus simple- ment, par ce fait qu'il « prend admirablement le Gram ». * + x Les deux observations, ci-jointes donneront une bonne idée - des formes très diflérentes que peut revêtir la maladie. 16e OBSERVATION Jument hongroise, âgée de 14 ans environ, faisant le service de fiacre. Le 21 mai 1896, au matin, la bête est trouvée marchant à trois jambes, le membre pOsEnE del reposant sur la pince, et engorgé de- puis le boulet jusqu'au-dessus du jarret; engorgement œdémateux, chaud, très sensible. La veille encore, la bête avait travaillé comme d'ordi- naire. Le 22, l'engorgement est moins accusé, moins sensible ; l’appuise fait mieux. Le 23, un petit abcès s'ouvre à la face interne du boulet, laissant une plaie profonde d'assez mauvaise apparence. Le 24, trois boutons analo- gues se montrent à la face interne du jarret: ils sont fluctuants, peu sensibles et reliés par une sorte de corde sinueuse qui remonte le long de la saphène jusque vers le milieu de la cuisse. Le 25, les trois boutons du jarret s'ouvrent, donnant un peu de pus jaunûtre, fluide, grumeleux, et laissant de petites plaies ulcéreuses de mauvais aspect. La corde lymphatique observée la veille LYMPHANGITE SIMULANT LE FARCIN. 625 est plus saillante; elle présente sur son trajet quatre renflements arrondis, fluctuants, analogues à ceux qui existaïent la veille au niveau du jarret. Les ganglions de laine sont souples et indolores. Le 26 mai, les boutons de la face interne de la cuisse se sont ulcérés à leur tour ; le propriétaire pré- sente la jument à la consultation de l'Ecole; elle est laissée au lazaret comme trés suspecte de farcin. A ce moment, le membre est encore engorgé, œdémateux, chaud, sensi- ble à la pression dans presque toute sa hauteur; pourtant il sert franchement à l'appui. A la face interne de la jambe, depuis le jarret jusqu’au pli de laine, il existe une corde du volume du doigt, à contours sinueux, de consis- tance assez ferme, qui suit assez exactement le trajet de la saphène ; au niveau du jarret, cette corde relie trois ulcérations profondes, à bords taillés à pic, ayant le diamètre d'une pièce de 1 franc, d’où s’écoule un peu de pus jau- nâtre, strié de sang, liquide, filant et visqueux ; à la face interne de la jambe, la corde présente, en bas, deux ulcérations identiques et, plus haut, trois nodo- sités arrondies, du volume d'une petite noix, manifestement fluctuantes, non encore ulcérées. Enfin, à la face interne du boulet et dans la partie infé- rieure du canon, on observe plusieurs plaies ulcéreuses, analogues aux précé- dentes, moins profondes cependant et de moins mauvais aspect. Il n'existe aucune induration des ganglions de l’aîne. A s'en tenir aux signes cliniques, l'animal serait fortement suspect de farcin morveux. Comine toujours en pareil cas, avant de formuler un diagnostic ferme, on recueille purement, dans l'un des boutons de la face interne de la jambe, un peu de pus qu’on ensemence sur pomme de terre, sur sérum et sur bouillon, et qu’on inocule par injection intra-péritonéale à 2 cobayes mâles ; en même temps, on soumet la jument suspecte à l'épreuve de la malléine. RÉSULTATS DE L'INJECTION DE MALLÉINE. — La température moyenne avant l'injeetion était de 380,2; elle a été de 370,8, 380,1, 380,4, 380,5 et 380,3, 9 heures, 12 heures, 15 heures, 18 heures et 21 heures après l'injection. Pendant toute 14 durée de l'épreuve, l'animal est resté gai; il a conservé tout son appétit; l'œdème local, peu volumineux et à peine sensible, avait disparu en 24 heures; en somme, {a malléine n'a provoqué aucune réaction, organique ou thermique. L RÉSULTATS DE L'INOCULATION. — Dès le 29 mai, 48 heures après l’inocula- tion, les cobayes inoculés présentent une orchite inflammatoire intense; le scrotum est chaud, douloureux, luisant d'un rouge violacé; les testicules adhérents à leurs enveloppes ne se laissent pas refouler dans l'abdomen. Le 80 mai, la tumeur testiculaire est encore plus volumineuse et plus tendue. On sacrifie l’un des cobayes : les feuillets de la gaine vaginale sont comme soudés l’un à l'autre par un exsudat purulent, épais; l'épiploon épaissi et enflammé renferme un grand nombre de petits foyers purulents; le péri- toine renferme un peu de liquide louche, visqueux, plein de petits grumeaux de pus. Coloré par le procédé de Gram-Nicolle, le pus de la vaginale, du péritoine et de l’épiploon se montre très riche en amas de pelits bacilles, de formes variées, qui ont tous conservé intense la coloration violette. CuLTURES. — Les pommes de terre ensemencées le 27 mai ont donné, 10 * 626 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. dès le 29, une culture maigre, sèche, pulvéru!ente, de couleur blanc sale, très différente de la culture de morvé. Les tubes de sérum (de cheval) ensemencés en stries portent un grand nombre de colonies arrondies, luisantes, blanchâtres. D Au fond des flacons de bouillon ensemencés, il s’est déposé comme une poussière de très petits grains blanchâtres que l’agitation soulève et met en suspension dans le liquide. Dans toutes ces cultures, il s’est développé, à l’état de pureté, un bacille court, facile à différencier du bacille morveux par ce seul fait qu'il prend très bien le Gram. Diagnosric. — On peut donc affirmer que la lymphangite ulcéreuse dont il s'agit n’est pas de nature morveuse. MARCHE DE LA MALADIE. — Dès que le diagnostic fut établi, la jument fut l’objet de soins minutieux. Chaque jour, on ponctionnait les boutons fluc- tuants qui s'étaient montrés depuis la veille; matin et soir, on lotionnait les plaies ulcéreuses avec une solution tiède de crésyl à 3 0/0 et on les sau- poudrait de plâtre crésylé; sous l'influence de ce traitement, les ulcérations se cicatrisaient avec une rapidité surprenante; en quelques jours, les plaies se comblaient et se recouvraient d'épiderme, laissant une cicatrice un peu difforme et dépourvue de poils: mais à mesure que les ulcères anciens se réparaient, de nouveaux boutons se montraient plus haut sur le trajet des. lymphatiques enflammés, subissant la même évolution rapide, se cicatrisant également vite. Les ganglions de l’aine restaient indemnes. Bien plus, la lésion ne restait pas limitée au membre postérieur droit : Dès le 3 juin, apparaissait sur le côté gauche du thorax, au niveau des 8e et 9e côtes, une véritable tumeur kystique, du volume de la main, indolente et uniformément fluctuante. La ponction de la tumeur donna issue à une grande quantité de pus blanchâtre et de bonne apparence, que l'examen bactériologique montra très riche en amas bacillaires prenant le Gram; soigneusement lavée avec la solution tiède de crésyl, cette large poche se cicatrisa complètement en quelques jours. Le 7 juin, une tumeur kystique analogue, mais encore plus volumineuse, apparaît à la base de la fesse gauche ; elle augmente peu à peu de volume, au point qu'incisée largement le 11 juin, elle donne plus de 200 grammes de pus roussâtre, liquide, très riche en bacilles spécifiques. Le 12 juin, le boulet postérieur droit, qui paraissait complètement guéri, est le siège d’un engorgement, volumineux, chaud et sensible; 3 points fluctuants sont ponctionnés en avant et en dehors, donnant issue à un pus. jaunûâtre et filant. Le 13, les abcès ouverts la veille sont transformés en de profondes ulcé- rations de très mauvaise apparence; lavages crésylés. Le 15, les ulcérations du boulet sont comblées et en bonne voie de cicatrisation. Par contre, on observe, sur la face externe du canon antérieur droit, une nodosité fluctuante dont la ponction donne issue à du pus épais, grumeleux, riche en amas bacillaires. Il en résulte une plaie ulcéreuse profonde, de très mauvaise apparence, qui ne disparaît que vers le 25 juin. LYMPHANGITE SIMULANT LE FARCIN. 627 Le 20 juin, un petit abcès analogue apparail à la face interne du canon du même membre: lui aussi s'ouvre très vite et se transforme en une profonde ulcération qui persiste plusieurs jours avant de se cicatriser com- plètement. Le 26 juin, une tumeur fluctuante, chaude et sensible, se montre au poi- trail, au-dessus et un peu à gauche du sternum; elle s'ouvre d'elle-même le ler juillet, donne issue à une grande quantité de pus et laisse à sa place une plaie ulcéreuse profonde, anfractueuse, de très mauvaise apparence. Le 29 juin, le boulet antérieur droit est tuméfié, chaud et sensible. Toute la journée, l'animal est inquiet, gratte du pied, se couche, se relève, regarde son flanc; il a très manifestement des coliques sourdes et persis- tantes; pourtant il fiente et il urine comme à l'ordinaire. Le {er juillet, 3 nouveaux abcès se soût ouverts en avant et en dehors du boulet antérieur droit, laissant de profondes ulcérations. Le 2 juillet, on constate à la face interne de la cuisse gaucheune traînée lymphatique, sinueuse, aboutissant dans le pli de laine à une volumineuse tumeur chaude, sensible et fluctuante, qui paraît siéger dans la mamelle; la ponction donne un pus roussâtre, grumeleux, peu épais, riche en amas bacillaires. Le 6 juillet, le membre postérieur gauche est soustrait à l'appui, il est engorgé dans toute sa hauteur; l’exploration en est très douloureuse, surtout au niveau du jarret. Le 7 juillet, 4 ou 5 petits abcès se sont ouverts et transformés en plaies ulcéreuses, en avant et en arrière du jarret gauche. Le 8 juillet, de nouvelles ulcérations se montrent à la face interne de la jambe droite qui paraissait complètement guérie; le membre postérieur gauche n’est plus engorgé, il s'appuye franchement. Jusqu'au 19 juillet, la situation reste stationnaire, les plaies ulcéreuses se cicatrisant peu à peu; pourtant l'animal dépérit ; il est très maigre, bien qu'il n'ait, à aucun moment, cessé de se bien nourrir; à diverses Jéines il a manifesté des coliques, sourdes et persistantes. Le 19 juillet, on le trouve sur 3 jambes, le membre postérieur gauche complétement soustrait à l'appui; toute la cuisse est engorgée, tendue, chaude, très douloureuse à la pression; jugeant sa fin prochaine, on Île sacrifie par effusion de sang. AuTopsie. — Un volumineux abcès partant de la mamelle gauche a décollé l’aponévrose crurale interne et s’est infiltré entre les muscles de la région; le pus liquide, strié de sang, grumeleux, renferme en abondance et à l'état de pureté les amas bacillaires décrits plus haut. Les ganglions de l’aine, un peu infiltrés, sont restés sains; il en est de même des ganglions sous-lombaires; par contre, une corde lymphatique du volume du pouce, œdémateuse à la périphérie, à parois épaisses et bour- geonneuses en dedans, pleine de pus grumeleux, semble émerger du trou ovalaire du côté gauche, se dirige- en avant et en haut.et se terminé à 8 ou 10 centimètres du rein dans une vaste collection purulente, du-volumé d'un œuf de poule. - 4 Les deux reins sont complètement déformées par des abcès multiples de 628 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR toutes dimensions, depuis celles d’un pois jusqu'à celles d'un œuf de poule; un seul de ces abcès renferme 130 ec. c. de pus, épais, crémeux, blanc, de très bonne apparence, très riche en amas bacillaires. Tous ces abcès siègent dans la couche corticale, leur paroi est constituée par une mince couche de tissu induré; entre eux le tissu de l'organe a conservé son aspect normal; il ne semble pas avoir subi aucune altération appréciable. Les pyramides sont saines; le bassinet est tout à fait normal; lu vessie renferme un peu d'urine claire, non albumineuse. Le foie et la rate ne présentent aucune lésion. Les poumons sont de superbe apparence: ils sont roses, souples, élas- tiques, l'examen le plus minutieux ne permet pas d'y découvrir le moindre tubercule ; il n’y existe pas non plus d’abcès. Par contre, on observe 5 petits foyers de broncho-pneumonie du volume d’une noisette à celui d'une noix, au centre desquelles l’incision montre une division de l'artère pulmonaire obstruée par un caillot blanchètre, ferme, dense et ramifié. La culture et l’inoculation au cobaye ont montré que ces caillots renfermaient le microbe spécifique de la lymphangite. Le pus des abcès du rein a donné des cultures pures du même bacille; au contraire, l'ensemencement du sang du cœur droit et de la pulpe splénique n’a donné aucune culture. A noter dans cette observation : {° La multiplicité et l’évolution rapide des collections purulentes; 2° La cicatrisation si rapide de plaies ulcéreuses, du plus mauvais aspect ; 3° L'absence de lésions ganglionnaires, alors que l'infection se généra- lisait manifestement par les voies lymphatiques. 5e OBSERVATION Cheval percheron âgé de 12 ans. — Depuis plusieurs années, le membre postérieur droit est le siège d'un engorgement induré, au niveau duquel se développent, de temps en temps, de petits abcès qui s'ouvrent spontané- ment, forment de petites plaies ulcéreuses et laissent des cicatrices irrégu- lières, saillantes, complètement dépourvues de poils. L'animal n’a jamais cessé de travailler. Au moment où on le présente à la clinique de l'École, il existe, dans le pli du paturon, une profonde cerevasse avec perte de substance (javart cutané) qui le-fait beaucoup boiter ; le membre est doublé de volume depuis le boulet jusqu’au-dessus du jarret; la région des tendons, fortement indurée, est couverte de vieilles cicatrices, irrégulières et indolores; au niveau de la, tête du métatarsien externe, il existe un abcès du volume d’une noix qui s’est ouvert le matin même, et d'où s'écoule un peu de pus jaunâtre et filant: la plaie qui en résulte est profonde, bourgeonneuse et de mauvais aspect; à la face interne et tout en bas de la jambe, existe un autre abcès analogue encore intact, un peu sensible et œdémateux, manifestement fluctuant. De cet abcès part une traînée lymphatique sinueuse qui monte, le long de la saphène, jusque dans la région de laine ; les ganglions de l’aine sont un peu infiltrés. LYMPHANGITE SIMULANT LE FARCIN. 629 L'animal est envoyé au lazaret comme suspect de farcin. Comme toujours, on le soumet à l'épreuve de la malléine, en même temps que l’on inocule 2 cobayes mâles avec un peu de pus recueilli pure- ment au centre de l’abcès encore intact: le même pus est en outre ense- mencé sur différents milieux (pomme de terre, sérum gélatinisé, bouillon peptone). MALcÉiNEe. — Avant l'injection, la température était de 380,8; elle a été de 380,6, 380.4, 380,5, 390,1 et 380,9, — 9 heures, 12 heures, 15 heures, 18 heures et 21 Re après l'injection. Le cheval a conservé son appétit et sa gaîté: l'æœdème local, peu sensible, avait disparu totalement 30 heures après. La malléine n’a done provoqué ni réaction thermique ni réaction organique. INocuLaTION. — Les 2 cobayes inoculés ont, dès le 3e jour, présenté une orchile inflammatoire assez intense : tumeur dure, tendue, chaude, d'un rouge violacé, très douloureuse à la pression. Le pus de la gaine vaginale, recueilli à l'aide d’une pipette à travers les enveloppes testiculaires, ne con- tenait pas de bacilles morveux; par contre, il était très riche en amas bacillaires prenant très bien le Gram. Cuurures. — Aucun des milieux ensemencés n’a cultivé le bacille de la morve: au contraire, tous ont donné le bacille de la lÿmphangite. On pouvait donc affirmer que l'animal n’était pas morveux. Il a été rendu à son propriétaire après guérison de sa crevasse; il à depuis continué son service, nonobstant les petits abcès qui se montrent de temps à aülre sur le membre postérieur droit, et dont des lotions crésylées amènent rapidement la cicatrisation. Toutefois il semble que la lésion fait des progrès en ce sens que les abcès, au lieu d'évoluer, comme au début, dans la région du canon, affectent maintenant de préférence la partie infé- rieure de la jambe. EXPLICATION DE LA PLANCHE VIT Fieure 1. Cullure de 24 heures sur bouillon peptone gélosé. Presque tous les microbes sont nettement bacillaires. Fig. 2. Culture de 24 heures sur gélose glycérinée. Le microbe à l'aspect d'une cocco- bactérie, à, peine ovoide, en certains points régulièrement arrondie. Fi6. 3. Amas bacillaire avec éléments pyriformes dans une vieille cul- ture en bouillon-peptone. Fic. 4. Préparation de pus d'un abcès du rein; on voit, à gauche, un amas de bacilles polymorphes; à droite, dans un leucocyte, une petite touffe de bacilles courts et renflés en forme de crosses. Fia. 5. Culture sur sérum, âgée de 8 jours. LES BASES DE LA SÉROTHÉRAPIE DE LA FIÈVRE RÉCURRENTE Par M. ce D' GABRITSCHEWSKY Directeur de l’Institut bactériologique de Moscou. Nos succès dans la prévention et le traitement des maladies infectieuses ressortent de la connaissance précise des caractères biologiques des virus, et des moyens de défense de notre orga- nisme dans sa lutte avec l’agent pathogène. La question de l’immunité et de la sensibilité d’un orga- nisme vis-à-vis d’un virus prend donc une grande importance pratique, et elle est activement étudiée. Pour la fièvre récurrente il a été fait plusieurs hypothèses et théories, ayant pour but d'expliquer l’apyrexie et la guérison complète de cette grave maladie, dans laquelle la vis nfedicatrix naturæ agit mieux que tous les remèdes médicaux. La découverte du spirille de la fièvre récurrente, faite par M. Obermeier, a rendu possibles les premières tentatives d’expli- cation scientifique. M. Heidenreich a supposé que les spirilles périssent et disparaissent du sang des malades à la suite de l’élévation de la température, qui atteint son maximum (41°-42°) peu de temps avant la crise. Cette conclusion résultait pour lui de ce que, introduits dans du sang en dehors de l’organisme, les spirilles y restent vivants pendant 14 jours à la température ordi- naire, pendant 45 à 21 heures seulement à la température de l'organisme, et qu'ils périssent ordinairement au bout de 4 à 12 heures à la température de lPaccès : 40-410. Cette explication ne s’accordait pas avec d’autres phéno- mènes cliniques et expérimentaux, qui sont les suivants : 1° la crise a lieu quelquefois à une température comparativement peu élevée; 2° le nombre des spirilles augmente progressivement pendant l'accès jusqu’à la crise, enfin 3° M. Motschoutkowsky a va que les spirilles résistent à la température de 48° C. Ce savant attribue de préférence la disparition des spirilles aux mauvaises conditions d'existence que leur fait la concentration SÉROTHÉRAPIE DE LA FIÈVRE RÉCURRENTE. 631 du sang, par suite de la fièvre. À cette explication se heurte l’obser- vation clinique prouvant que les spirilles disparaissent du sang quelques heures avant la crise, et, par conséquent, avantlatranspi- ration à laquelle on pourrait attribuer la concentration du sang. L'insuffisance de ces deux hypothèses engagea M. Albrecht à chercher une autre solution du problème. Il crut l'avoir trouvée dans ce fait, établi par plusieurs savants (Wernich), que la destruction des microbes est provoquée, en général, par laccumulation des produits de leur vie dans le milieu où ils végètent. Cette explication est d'accord avec de nombreuses observa- tions cliniques. Le nombre desspirilles augmente pendant toute la durée de l'accès, et à chaque nouvel accès, ce qui amène l’aceu- mulation de plus en plus considérable des produits de leur vie, qui sont la cause immédiate de la crise et de la diminution de la durée des accès. Mais cette théorie chimique ne peut reposer que sur des analogies tant qu'on n'aura pas trouvé le moyen de cultiver les spirilles. En 1887, la théorie des phagocytes de M. Metchnikoff a essayé aussi de résoudre le problème en question : elle attribue la disparition des spirilles pendant la crise à l’action des cellules mobiles de notre organisme. A la fin de l’accès, ces spirilles se trouvent en grande partie rassemblés dans la rate, où ils sont englobés par les microphages, c’est-à-dire par les leucocytes à noyaux polymorphes. La théorie des phagocytes rencontra de nombreux adversaires, mais les recherches de M. Metchnikoff ne permettent pas de douter du rôle des phagocytes dans la fièvre récurrente. Cependant il reste quelques points obscurs. Ainsi pourquoi la phagocytose ne se manifeste-i-elle que dans une période déter- minée de l'accès, et pourquoi les spirilles qui se développent sans gêne dans le sang pendant quelques jours, deviennent-ils ensuite en quelques heures la proie des phagocytes? Quelle est la cause de la rechute de la fièvre, siles spirilles sont englobés par les phagocytes? etc. C’est pour élucider quelques-uns de ces points que j'ai entre- “pris ce travail, profitant des conseils de M. Meichnikoff. La fon- dation de l’Institut bactériologique de Moscou n’a forcé à l’inter- rompre, et je n’ai pu le reprendre que l'hiver dernier, a 632 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Mes principaux résultats, au sujet des propriétés bactéricides du sang des malades de la fièvre récurrente, étaient déjà bien déterminés, quand a paru l’article de M. Pfeilfer (6) touchant Ja question de l’immunité. De ses observations sur le sort des vibrions cholériques dans l'organisme des animaux immunisés contre le choléra, M. Pfeiffer conclut que le sang de ces animaux contient des substances bactéricides spécifiques (Antikürper), capables de détruire en quelques minutes, dans l’organisme même, des quantités énormes de germes pathogènes. M. Pfeiffer considéra ce fait comme la loi fondamentale de l'immunité et admit, en même temps, quela destruction des spirilles d'Obermeier pendant la crise de la fièvre récurrente dépend probablement de l'accumulation dans le sang de semblables substances bac- téricides. | Au point de vue chimique, M. Pfeiffer range ces substances parmi les diastases, et les distingue des matières bactéricides non spécifiques du sang, étudiées antérieurement et d’une facon détaiilée par plusieurs auteurs. Mes recherches m'ont montré qu’en effet, dans des périodes déterminées du cours de la fièvre récurrente, il apparaît dans le sang des malades des substances bactéricides très actives. On peut facilement s’en convaincre à l’aide d’un procédé des plus simples. | Sur une lamelle de verre, on dispose eton mélange ensuite deux gouttes de sérum des deux sangs dont on veut examiner l'action mutuelle : par exemple le sang d’un singe à diverses phases de la fièvre récurrente, et celui d’un malade. Ces deux sangs sont recueillis purement, par les méthodes ordinaires, dans une pipette stérilisée où on les laisse se coaguler : après coagulalion, on en aspire le sérum dans une autre pipette stérilisée, et c’est avec celle-ci qu'on en insuffle une goutte sur la lame de verre. Le sérum ainsi obtenu, et provenant du sang retiré pendant la période de l’accès, renferme d'autant plus de spirilles qu’il y en avait plus dans le sang avant la coagulation. Le sang pris pen- dant l’apyrexie ne contient pas de spirilles. Pour observer les propriétés bäctéricides de ce dernier, on mélange les deux gouttes à l’aide d’une baguette de verre stéri-” lisée, et on recouvre le tout d’unelamelle flambée, de facon à avoir une couche mince ne dépassant pas les bords de la lamelle. On a SÉROTHÉRAPIE DE LA FIÈVRE RÉCURRENTE, 633 soin ensuite d'enduire de cire les bords de cette dernière, afin d'éviter la dessiccation :. Quelques-unes de ces préparations sont laissées à la tempéra- ture de la chambre, d’autres portées à l’éluve à 37°. On les examine toutes les heures d’abord, à intervalles plus longs ensuite, jusqu’au moment où on constate la cessation des mouve- ments et la mort des spirilles. Dans le sérum qui les a apportés, dans un mélange de ce sérum avec du sérum normal, ces spirilles vivent longtemps, et quatre expériences m'ont donné 160 heures pour leur durée de vie moyenne. Dans le mélange avec le sérum d’un malade qui vient de subir un accès de la lièvre récurrente, tous les spirilles sout devenus immobiles, renflés et, en un mot, complètement modifiés à partir d’une demi-heure ou d’une heure à la tempéra- ture de 37°, et au bout de 2 à # heures à la température ordinaire. On ne peut donc pas douter de leur destruction. Cette démonstration n’est probaule pourtant que pour les les formes végétalives bien connues des spirilles. Elle ne ditrien au sujet de leurs formes plus stables ou bien de leurs germes, dont l'existence est indiscutable. On peut, en revanche, par cette méthode, arriver à évaluer, en gros, la puissance bactéricide du sérum du sang ou plus géné- ralement du liquide qu'on fait agir sur le sérum chargé de spi- rilles. Il suffit de comparer à la durée moyenne de la vie des spirilles dans leur sérum, leur durée dans le mélange, et de prendre le rapport de la première à la seconde. Par exemple, le mélange de sérum normal au sérum à spi- rilles laisse vivre les spirilles 160 heures. Un autre sérum les tue au bout de 80 heures. Sou coefficient sera donc de 2. Il aurait été de 60 si le mélange avait tué les spirilles en 160 mi- nutes. Nous appellerons A le coefficient ainsi délerminé, et nous écrirons Ac. ou Ae. suivant qu’il se rapporte à la température de la chambre ou à celle de l’étuve. Il est clair que ce coefficient est seulement approximatif. Il ne tient pas compte de la diversité de composition des sérums 1. Je prèfère ce genre de préparation à celui de la lame creuse, parce que dans ce dernier cas on ne peut observer les mouvements des spirilles qu'aux bords de la préparation, tandis qu'au centre cet examen est empêché par les globules rouges du sang, dont le nômbre est parfois assez grand 634 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. de personnes différentes: il suppose que les gouttes qu’on mélange sont toujours égales: enfin, comme les observations. sont forcément espacées quelquefois par l'intervalle d’une nuit, on ne connaît d'ordinaire pas exactement la durée de Ja survie des spirilles. Ils peuvent aussi quelquefois mourir en quelques minutes et être comptés comme ayant vécu une heure, si la pre- - mière observation n'a lieu qu'au bout de ce temps: mais les variations de ce coefficient n’en sont pas moins intéressantes à suivre, à cause de leur ampleur. Nous avons dit qu’on pouvait les suivre à la température de la chambre ou à celle de l’étuve. Les propriétés bactéricides du sang sont plus manifestes à 37°, et apparaissent parfois à l’étuve alors qu’elles ne sont pas appré- ciables à la température ordinaire. Ce fait explique les résultats négalifs, obtenus par M. Metchnikoff dans ses recherches sur les propriétés bactéricides du sang pendant la fièvre récurrente. En mélangeant le sang du singe contenant des spirilles avec son volume du sang pris pendant la crise, et par conséquent sans spirilles, M. Metchnikoff a constaté que les microbes restaient mobiles pendant 7 heures. Cela ne prouve pas l'absence des subtances bactéricides dans le sang examiné, parce que c’est à la température de l'organisme qu'il faut expérimenter, si l’on veut démontrer la présence d’une petite quantité de substance bactéricide, suffisante pourtant pour produire la crise de la maladie. OBSERVATIONS SUR LES PROPRIÉTÉS BACTÉRICIDES DU SANG DE L'HOMME ET DU SINGE ATTEINTS DE LA FIÈVRE RÉCURRENTE Mes premières observations, d'accord avec celles de M. Engel, m'ont montré que la durée de la vie des spirilles dépend du moment où a été prélevé le sang : plus la crise est proche et plus la vie des microbes est courte. Sur 17 expériences, 11 se rapportent à la recherche sur la durée de la vie des spirilles dans le sang, pris pendant les deux premiers jours de l’accès. Les six dernières observations ont trait à la survie des spirilles dans le sang, retiré pendant les jours suivants jusqu’à la crise. La durée moyenne de la vie des microbes exprimée en héures est de 147 (Ae = 1,1) pour la pre- SÉROTHÉRAPIE DE LA FIÈVRE RÉCURRENTE. 635 mière série d'expériences ; elle n’est que de 80 heures pour la seconde (Ac — 2,0). Ce n’est pas la température élevée qui, dans ce cas, détruit les spirilles; car, dans le mélange avec le sang « apyrétique », la mort des microbes survient quelquefois en moins d’une heure, tandis qu’elle nee produit qu’en 6 à 8 jours dans l'expérience de contrôle faite avec du sang pris pendant l'accès. Dans ce cas, on ne peut également pas attribuer la destruction des microbes à l’action des phagocytes, parce qu’elle se fait dans le sérum, privé d'éléments cellulaires. Ce phénomène ne s'explique pas non plus par l'influence des produits de la vie des spirilles : c’estce que ‘démontre l’expérience du tableau VIT dans laquelle du sang pris pendant la fausse crise, sang où les spirilles ont végété abon- damment et sont morts ensuite au bout de trois jours, abrège à peine la vie des spirilles du sang auquel on le mélange. La des- truction des microbes par le sang « apyrétique » n’admettait dès lors qu'une seule hypothèse : la formation dans l'organisme de substances bactéricides spécifiques, due à l'infection. Nous reviendrons dans le chapitre suivant sur les substances bactéricides du sang, sur leur nature et leur rôle dans l’immunité des maladies infectieuses. Nous ne nous occuperons pour le moment que de leur action sur les spirilles dans les diverses phases de la fièvre récurrente chez l’homme et le singe. Il résuite des observations faites sur quatre personnes saines, n'ayant eu jamais la fièvre récurrente (Voir tableau VI-VIIL.) que ja durée moyenne de la vie des spirilles dans leur sang est de 160 heures à la température de la chambre. En prenant ce nombre comme base du coefficient A, nous trouvons que Île coefficient bactéricide du sang s’augmente quelque peu pendant la marche de la fièvre et, d’après 17 observations, atteint en moyenne le chiffre de 1,5. Nous voyons qu’il augmente principa- lement pendant les derniers jours de l’accès et atteint 2,0, durant les deux jours précédant la crise. Il est évident que l'infection de l’homme par la fièvre récur- rente ne peut survenir qu'en l'absence des substances bactéri- eides du sang. L'organisme élabore ces substances pendant toute la période fébrile, mais tant que leur quantité n’élève pas au- dessus du chiffre 2,0 la valeur de Ac, l'accès de fièvre dure et les spirilles sont présents dans le sang, bien que leur nombre 636 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. puisse être diminué. Une seule fois, j'ai constaté la présence de quelques spirilles dans un sang, pour lequel Ac atteignait 4,0. C'était un cas de fausse crise chez le malade M. ; 24 heures après l'expérience, la température commença à s’élever et atteignit 39 au bout de 48 heures. Généralement le coefficient atteint son maximum pendant la crise mème et le premier Llemps qui suit, de sorte qu'au bout de quelques heures, ou tout au plus de 24 heures, le coefficient peut s'élever de 2 à 89 (moyenne de 5 observations). Cette accumulation gradueile des substances immunisantes dans l'organisme rappelle celle que M. Ehrlich a constatée pour les substances antitoxiques dans ses essais d’immunisation* contre l'abrine. Ces mêmes recherches autorisent également à admettre une accumulation prompte, subite, des substances bac- léricides du sang pendant les crises de la fièvre récurrente. Mais en admellant ce fait et la phagocylose, dont le rôle actif dans la fièvre récurrente a été prouvé par MM. Metchnikolf (8) et Soudakevitch (9), comment expliquer les rechutes de la fièvre ? En réponse à cette question, on peut supposer que les sub- slances bactéricides du sang, après avoir atteint un certain niveau, commencent à affaiblir les spirilles, à ralentir leurs mouvements et à les éliminer en les 'retenant dans les organes internes, comme M. Wyssokovitch (10) l'a vu pour tous Îles microbes affaiblis. C’est à partir de ce moment que commerce, principalement dans la rate, l’action des phagocytes, qui sont aptes alors à englober les spirilles encore vivants, mais immo- biles ou peu mobiles. Cette destruction des spirilles, qu'on constate à la fin de l'accès, est confirmée par plusieurs faits : 1° Sous l’action du sérum bactéricide, les mouvements des spirilles s’affaiblissent et disparaissent peu à peu complètement ; 2° les spirilles minces, homogènes et flexibles, deviennent renflés, granuleux, peu spiralés et subissent en peu de temps une destruction complèle. On trouve bien quelques spirilles très mobiles et normaux dans le sang pendant toute la durée de l'accès, mais ces spirilles, s'étant probablement développés au moment de la prise du sang, u’ont pas encore eu le temps de subir l'influence bactéricide du sang; 3° plusieurs savants signalent différentes modifications morphologiques des spirilles dans le sang. Aïnsi, par exemple, ace shine ht ira hs horit a a 264 SEROTHÉRAPIE DE LA FIÈVRE RÉCURRENTE. 637 M. Mamourowsky (11) décrit des spirilles dégénérés en chapelet, dont le nombre augmente à chaque nouvel accès. Mais, malgré l'influence destruclive des substances bactéri- cides et l’action des phagocytes sur les spirilles, l’apyrexie, qui survient après la 1'° crise, ne dure pas plus de quelques jours et aboutit à la rechute de la maladie. C’est probablement que la destruction des spirilles n'a pas été suivie de celle de leurs germes qui peuvent donner, dans des conditions favorables, une nouvelle génération et, par con- séquent, une rechute de la fièvre. Mais quelles sont ces conditions favorables? Les preuves manquent pour affirmer que les phagocytes, capables d’englober les spirilles les premiers jours de l'apyrexie, deviennent inelfi- caces vis-à-vis de ces mêmes microbes vers l’époque de la rechute. Mais l’affaiblissement du pouvoir bactéricide du sang après la crise est indiscutable; j'ai vu que la valeur de Ac, qui est de 89 pendant la crise et les premiers jours après celle-ci, tombe jus- qu’à 7, 6 (moyenne de 10 observations, faites pendant l’apyrexie à partir du 2° au 14° jour). Le coefficient le plus bas, Ac — 3,0 a été observé le 14° jour du 3° accès. (Voir tableau VIT.) L'abaissement du coefficient est très lent au début de l’apy- rexie, mais il devient rapide à l'approche de l'accès. La formation des substances bactéricides du sang pendant la crise, de même que leur disparition à l'approche de chaque accès, sont égalements« critiques » dans cette maladie particulière. Le coeflicient du sang de S... est de 67 après 24 heures (IV), et descend à 48 au bout de 8 jours (VIT). De même pour J... (IX et X), le coefficient tombe de 50, 48 heu- res avant la 3° crise, à 1 au commencement de cette crise, c’est- à-dire au moment de l'apparition des spirilles et de l'élévation de la température. Il est clair que chaque nouvel accès ne survient qu'avec la disparition presque complète des propriétés bactéricides du sang, et que chaque nouvelle crise n’a lieu que lorsque la quantité des substances bactéricides du sang devient considérable. J'ai réussi plusieurs fois à prédire une élévation de la température lorsque je remarquais que le coefficient était assez faible, et je suis con- vaincu qu'il sera aisé aux praticiens de prédire les rechutes de la fièvre d’après l'examen systématique du sang des malades. 638 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Comment se fait maintenant la guérison complète? Comme nous ne connaissons pas d’autres moyens de défense de l'orga- nisme que le pouvoir bactéricide du sang et la phagocytose, nous sommes obligés d'admettre que les substances bactéricides deviennent de plus en plus stables, et l’action des phagocytes de plus en plus efficace. Cette explication est confirmée par tous les faits cliniques et expérimentaux connus à présent. Les données cliniques nous disent que la durée des accès successifs va en diminuant, et celle des périodes d’apyrexie en augmentant. M. Motschoutkowsky a trouvé, par exemple, d'après 148 observations, pour la durée des accès et des apyrexies, les chiffres suivants, exprimés en jours. Il Il II] IV V Accès 6 3/4 > 1/2 3 1/4 2 1/8 1 2/3 Apyrexie D 1/4 4 1/6 9 10 1/2 On peut, dans une certaine mesure, comparer les accès suc- cessifs de la fièvre récurrente à une série d'injections immuni- santes du virus. À chaque nouvel accès, les cellules de l’organisme élaborent rapidement et en plus grande quantité leurs substances bactéricides, qui persistent davantage, de sorte que les accès deviennent plus courts et les apyrexies plus longues. Au bout de quelques accès, Forganisme finit par élaborer constamment une quautilé de substances bactéricides suffisante pour le préserver contre une réinfection. Cependant, 1l fault remarquer que cette loi doit rencontrer des exceptions, dépendant de la différence des organismes atteints, exceptions que la clinique a relevées. (Obermeier, Bliesner, Birch-Hirschfeld, Heidenreich, Naunyn et Langovoy) (12). Quant à la réinfection de la fièvre récurrente, elle résulte de la stabilité plus ou moins grande de l’immunité acquise. Nous avons eu l’occasion d'observer deux malades longtemps après leur guérison. Un cas se rapporte à un garçon du labora- toire (Nicolas, série VIT), observé au point de vue du pouvoir bactéricide de son sang, 20 mois après la guérison de sa fièvre récurrente. Le coefficient obtenu était de 2,6. Dans le second cas, encore plus intéressant, il s'agissait d'une surveillante E., ayant supporté deux fois la fièvre récur- rente, constatée par l'examen microscopique : elle eut deux SÉROTHÉRAPIE DE LA FIÈVRE RÉCURRENTE. 639 accès au mois de septembre de 1892, et un accès au mois d'avril de 1894: Le coefficient: bactéricide de son sang était de 58 en 1896. (Tableau IX.) L'organisme ayant eu la fièvre récurrente devient donc apte à élaborer des substances bactéricides durant des mois et même des années. C’est ce que montrent aussi les cinq cas de réinfec- Lion décrits par Lilten (13), où on n’observait qu'un seul accès au lieu de deux, trois et plus, qu’on observe ordinairement pendant la première infection. Les observations de MM. Carter, Koch, Metchnikoff et Tictin, démontrent que le même fait se présente pour les singes, et que ces animaux supportent plus facilement la réinfection que la première infection. Cela prouve qu’une première atteinte de la fièvre récurrente crée chez le singe, ainsi que chez l’homme, une immunité plus ou moins durable. Les expériences suivantes, faites sur un singe, prouvent une {uis de plus, avec une grande évidence, que l’infection de la fièvre récurrente, la cause de la crise et de l’immunité contre cette maladie dépendent de la présence des substances bactéri- cides de l’animal. Le 14 mars, on inocule à un singe de petite taille (macacus nemestrinus, femelle, pesant 3,700 grammes) quelques gouttes de sang contenant des spirilles. Le 16 mars, des spirilles apparais- sent dans son sang, et la température s'élève à 39°,6. Quoique la température baïissât tous les matins jusqu’à son degré normal, le nombre des spirilles augmente ensuite toujours. Le soir du 18 mars, la température atteignit son maximum, 40°,1. C’est dans la nuit du 18 au 19 que la crise survint, et le matin Ja température tomba jusqu'à 37°,8. Le coefficient du pouvoir bactéricide était avant l'expérience de 1,0 à la température ordinaire et de 0,5 à la température de l’étuve ; il commence à s’élever après l'expérience et atteignit 6,4 à la température de l’étuve. Le coefficient à la température ordi- naire resta d’abord sans changement appréciable : le lendemain il monte jusqu’à 1,2, celui de l’étuve était de 22,5. Ce dernier baissale 19 mars jusqu’à 2,0, tandis que le coefficient de la tem- pérature ordinaire monte à 45,0. Le lendemain, le coeflicient de l'étuve était de 70,0 et celui de la chambre à 45,0. (Voir tableau X.) | 640 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Il résulte de cette expérience que les substances bactéricides ne commencent à se former età s’accümuler dans le sang qu’à l'apparition de la fièvre récurrente, et que l’abaissement «critique »- de la température correspond à l’augmentation prompte, « cri- tique » de la quantité de ces substances dans le sang. Les recherches poursuivies sur le sang du même singe démontrèrent que, dès le 23 mars, le coefficient bactéricide tomba considérablement ; il était de 1,8 à la température ordinaire et de 11,0 à celle de l'étuve. Le 1° avril, le coefficient à la tempéra- ture de la chambre était de 1,5, celui de la température de l’étuve de 6,4. Malgré ce coeflicient comparativement bas, le singe ne prit pas une seconde fois la fièvre récurrente, bien que les injections sous-culanées fussent répétées trois fois : le 1°", le 6 et le8 avril. On fit le 10 avril une injection intraveineuse de 12-15 gouttes de sang défibriné contenant des spirilles, et dilué dans 1,5 c. c. de la solution de Na Cl à 0,6 0/0. Lesang retiré le 13 avril de la même veine (son volume était de 42 c. c.) servit aux expériences de la sérothérapie sur des singes; son coefficient à la température ordinaire élait de 2,0 et celui de l'étuve de 10,0. Les expériences qui viennent d’être cilées démontrent une fois de plus qu'il suflit que l'organisme ait subi une seule fois la fièvre récurrente, pour être protégé contre une réinfeclion, même si le coeflicient bactéricide du sang est comparativement faible (il est au moins 35 fois plus faible que celui qu’on observe pendant les crises de la maladie). SUR L'ORIGINE DE L'IMMUNITÉ NATURELLE DES ANIMAUX CONTRE LA FIÈVRE RÉCURRENTE Le rôle des substances bactéricides du sang dans la crise et la guérison complète de la fièvre récurrente étant bien démontré pour l'homme et le singe, sensibles à cette maladie, il était tout naturel de se demander si l'organisme des animaux réfractaires à la fièvre récurrente ne possède pas aussi de sem- blables substances bactéricides ? Les recherches, faites à ce propos,ont démontré que le coef- ficient du sang du chien ést Ac = 2,6 (moyenne de 3 observa- tions); celui du lapin = 1,3; celui de l’oie et du cheval — 1,0. Le SÉROTHÉRAPIE DE LA FIÈVRE RÉCURRENTE. 641 sang du rat, de la souris blanche et du cobaye a égaiement un coefficient plus faible que celui du chien. Le degré du pouvoir bactéricide de ce dernier nous explique bien sa résistance à la fièvre récurrente, mais comment se rendre compte de l’état ré- fractaire des autres animaux ? Afin d’'élucider cette question, j'ai fait quelques expériences, analogues à celles qui furent faites par M. R. Pfeiffer sur des animaux immunisés contre le vibrion cholérique. On injecte dans le péritoine d’un cobaye neuf 2 c. c. de bouillon de bœuf stérilisé ; on injecte en même temps à un autre cobaye quelques goultes de sang, contenant des spirilles, et diluées dans la même quantité de bouillon. Au bout de 10 minutes on retire à l’aide de pipettes stérilisées quelques gouttelettes des liquides injectés, et on en observe le pouvoir bactéricide. Il résulte de cet examen que dans la premier cas le coefficient est Ac — 1,0, tandis que dans le second cas il est Ac = 1,4. (Voir tableau XVI. IL faut remarquer que lé sang, qui contenait des spirilles au moment de l'injection, n'en contient plus quand on le retire et lexamine. Tous les spirilles sont retenus dans l’organisme du cobaye soit par une coagulation du sang, soit par la phagocytose ou d’autres causes inconnues. Je n’ai pas fait de recherches à ce sujet, le but de mon travail étant surtout d'étudier le pouvoir bactéricide des humeurs de l'organisme. Eniujectant les deux liquides ci-dessus sous la peau des chiens, on obtient des résultats encore plus surprenants, et qui prouvent que l’organisme élabore des substances bactéricides ex tempore, juste au moment où il se trouve en présence du virus. En effet, le coefficient bactéricide du sang d'un chien, qui n'était que de 1,1 à la suite d’inoculation du bouillon seul, monta jusqu’à. 16 après l'injection du bouillon contenant des spirilles. Les observations qui viennent d'être citées démontrent donc que Fimmunité provient non du pouvoir bactéricide du sang, mais de la propriété de l'organisme d'élaborer des substances bacté- ricides à mesure que cela lui est nécessaire. Le pouvoir bactéri- cide du sang peut faire normalement défaut, pourvu que l’orga- nisme soit capable d'élaborer des substances bactéricides suivant le moment et l’endroit où le virus a pénétré. 642 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. La formation des substances bactéricides du sang des ani-. maux réfractaires à la fièvre récurrente représente ainsi une certaine analogie avec le « phénomène de Pfeiffer », c'est-à-dire avec les phénomènes de limmunité locale, étudiés par M. Pfeiffer sur des animaux immunisés artificiellement. A quoi attribuer la différence dans la formation des subs-* tances bactéricides chez les animaux naturellement et artificiel- ment réfractaires ? Bes substances bactéricides de l’organisme semblent se former principalement là où se trouvent les spirilles, et dès lors des injections régulièrement poursuivies de spirilles dans le système circulatoire des animaux réfractaires à la fièvre récur- rente devront provoquer les propriétés bactéricides du sang de ces derniers. C’est ce que montrent les expériences que j'ai faites à ce sujet sur des chiens et des chevaux. On a injecté à un chien, dans la veine de l'oreille, du sang contenant des spirilles,; à la suite de cette injection, le sérum de ce chien acquit un pouvoir bactéricide très marqué : notam- ment, il tuait les spirilles au bout d’une à deux heures à la température de l’étuve ; le pouvoir bactéricide se manifesta même dans la dilution du sang à 1 : 100 au moyen d’une solu- tion de NaCI! à 0,6 0/0. Le 41 juin 1896 on inocula à un autre chien 20-25 gouttes de sang contenant des spirilles et diluées dans 50 c.c. de la solution physiologique de NaC. La température monta le soir, de 38° à 389,7; puis, elle commença à tomber et devint normale le 15 juin. On répéta le lendemain l'injection du sang contenant des spirilles dans la veine de l’oreille gauche. La température monta le soir jusqu’à 39° pour devenir normale le 18. L'injection du sang renfermant des spirilles fut faite une troisième fois, avec cette différence qu’on dilua le même volume de sang dans 2 c.c. de la solution physiologique de NaCI. Les recherches sur les propriétés bactéricides du sang de ce chien donnèrent les résultats suivants : le coefficient du pouvoir bactéricide est de Ac — 1,0 avant, et de Ac — 86 après l’expé- rience. Le 27 mai on inocula sous la peau d’un cheval, immunisé contre la toxine dipthérique, au moins 30 gouttes de sang conte- SROTHÉRAPIE DE LA FIÈVRE RÉCURRENTE. 643 nant des spirilles. La lempérature s’éleva le même jour de 38° à 38°,3; elle devint normale le lendemain (37°,9-38°). Le 29 mai on inocula au même cheval, dans la veine jugulaire,la même quar- tité de sang renfermant des spirilles, et dilué dans 100 c. c. de la solution physiologique de NaC/. L’inoculation fut faite avec toutes les précautions usuelles de l’asepsie et, néanmoins, la température monta le soir du même jour jusqu’à 409,1. Elle touche le lendemain matin à 38°,3 pour devenir ensuite nor- male. Malheureusement les circonstances m'ont empêché d'examiner le sang au point de vue de la présence des spirilles pendant le maximum de la température. La recherche sur le pouvoir bactéricide du sang de ce cheval démontra que le coeffi- cient en était de Ac = 4,3 avant l'expérience; il était de Ac = 5,6 immédiatement après V'injecüon intra-veineuse, et atteignit au bout de 3 semaines le chiffre 129,0. Les expériences ci-dessus cilées prouvent qu'au moyen des injections intra-veineuses on peut rendre bactéricide le sang des animaux réfractaires à la fièvre récurrente. Ce fait a une grande importance pratique, car il rend possible d'obtenir de grandes quantités du sérum bactéricide. Le pouvoir curatif d'un tel sérum pourra être porté au plus haut degré d'efficacité, lorsqu'il nous sera possible d'obtenir une culture des spirilles d'Ober- meler. À PROPRIÉTÉS DES SUBSTANCES BACTÉRICIDES DU SANG DANS LA FIÈVRE RÉCURRENTE L'étude des propriétés bactéricides du sang, faite d’abord par M. Fodor, puis de plus près par MM. Nuttal, Nissen, et d’autres savants du laboratoire de M. Flugge, a été mise en rapport par. MM. Emmerich et Behring avec l’immunité natu- relle ainsi qu’artificielle. Je ne veux pas faire l'historique étendu de la question, et n’en expose que quelques côtés spéciaux. On sait que M. Buchner considérait les substances bactéri- cides du sang comme des albumines très voisines des diastases, à cause de leur instabilité vis-à-vis de la chaleur et de la dialyse qui en élimine les sels. M. Buchner leur donna le nom d’alexrines et admit qu'elles 644 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ont un certain degré de spécificité, parce que chaque sérum bactéricide n’a d'influence nocive que sur une espèce déter- minée de microphytes (15). x Comme on le sait, M. Emmerich a le premier utilisé les propriétés bactéricides de l'organisme dans un but thérapeu- tique. Il démontra que des quantités énormes des bacilles du rouget de porc périssent sous l’influence des substances bactéri- cides, qui se forment dans les organismes immunisés. Le rôle de ces substances a été mis en doute tant à l'égard du bacille du rouget de porc qu'à l'égard des autres agents pathogènes. C’est qu’en réalité on ne trouve pas toujours un rapport direct entre les propriétés bactéricides du sang d’un animal et son immunité contre un virus déterminé. Ainsi, un animal, dont le sang ne jouit pas de pouvoir bactéricide vis-à-vis d’un certain virus, lui est néanmoins réfractaire, et, vice versa, le sang qui est bactéricide vis-à-vis d’un virus ne protège pas toujours l’ani- mal contre ce virus. Telles étaient, dans leurs traits généraux, nos connaissances sur les substances bactéricides du sang, quand tout dernière- ment M. Pfeiffer démontra leur rôle dans l’organisme même des cobayes immunisés contre le vibrion cholérique et celui de la fièvre typhoïde. Nous avons déjà dit que M. Pfeiffer généra- lisa ce phénomène et en fit la loi fondamentale de l'immunité. Le premier fait qui caractérise le « phénomène de Pfeiffer », c’est la destruction promple du virus (en quelques minutes par- fois) dans l'organisme des animaux immunisés ou qui ont reçu préalablement une dose préventive du sérum d’un auimal immunisé. D'après M. Pfeiffer, cette destruction survient sans inler- vention immédiate des phagocytes. et ne s’observe .que dans l'organisme même de l'animal. Le sérum, tel qu'il est dans l'organisme des animaux immunisés, ne possède pas de fortes propriétés bactéricides, mais les substances immunisantes, les antikürper, qu'il contient, amènent la formation de substances bactéricides, et ce phénomène n’a lieu que dans l'organisme. Il résulte donc des expériences de M. Pfeiffer, que les substances bactéricides ne sont pas de simples mélanges ou des combinaisons chimiques des matières toxiques, présentes dans les cultures, et des substances immunisantes. L'organisme lui- SÉROTHÉRAPIE DE LA FIÈVRE RÉCURRENTE. 645 même participe à la formation de ces matières, de sorte que si l'on introduit des matières immunisantes, diluées dans du bouillon, dans le péritoine d’un cobaye neuf, on en peut retirer au bout de 20 minutes un liquide possédant déjà un pouvoir bactéricide assez marqué. C’est seulement dans ces conditions qu'on peut observer hors de l’organisme ce phénomène, que M. Pfeiffer considère comme tout à fait spécifique (17). Les principaux caractères de ce phénomène sont que : 1° les substances bactéricides ne se trouvent pas nalurellement accu- mulées dans l'organisme et ne s'y forment que pendant l'in. fection, qu'il s'agisse d’une immunité active ou passive des animaux; 2° ces substances bactéricides se distinguent par une spécificité si bien prononcée, que M. Pfeiffer et M. Gruber (18) ont proposé de l'utiliser dans le diagnostic des bacilles du cho- léra et de la fièvre typhoïde. En proposant ce moyen, les auteurs mentionnés se basaient sur ce fait, qu'un sérum bactéricide ne manifeste ses propriétés qu'à l'égard du virus contre lequel l'animal a été immunisé. Les substances bactéricides dont j'ai réussi à démontrer la présence pendant la fièvre récurrente ressemblent sous beaucoup de rapports à celles qui se trouvent dans d’autres maladies infectieuses. On voit, d’après les tableaux VI et VII, que le sérum bacté- ricide perd complètement son efficacité à l'égard des spirilles après un Chauffage à 60° pendant cinq minutes ou à 52° pendant une demi-heure. Les substances bactéricides de la fièvre récurrente, de même que les antitoxines et les substances immunisantes, mani- festent leur activité bien qu'’étant très diluées. Ainsi, on voit au tableau XIII, que le sérum, pris à un malade (A...) au bout de 24 heures après le 3° accès et dilué : à 1/100, possède le coeffi- cient bactéricide Ac = 70; s'il est dilué à 1/300 le coefficient est de Ac — 46,7 et de 23,3 s'il est dilué à 14/1000. Dans un autre cas {il s’agit du sérum pris à la surveil- lante E... au bout de deux ans après la réinfection), le sérum manifeste encore un pouvoir bactéricide s’il est dilué à 1/300, Enfin, les substances bactéricides, de même que les antitoxines, sont éliminées par les organes sécrétoires de l’organisme. On n’a fait, à ce propos, qu’une seule expérience, qui donna ‘des résul- 646 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tats positifs. On prend l'urine d’un malade, qui vient de subir un accès de la fièvre récurrente et dont le sang possède des pro- priétés bactéricides. On la traite de la façon suivante : on° l’alcalinise légèrement, en en fait ensuite bouillir une partie, en laissant l’autre sans changement; puis, on examine les deux parties de l’urine au point de vue de leurs propriétés bactéri- cides. La partie non bouillie possède le coefficient Ac= 3,7, tandis que pour l'urine chauffée Ac — 2,4. M. Ehrlich a démontré l'élimination des antitoxines par la glande mammaire; ainsi, par exemple, la présence de l’antiabrine et l’antiricine (19) a été coustatée dans le lait. Notre expérience prouve qu’il en est de même pour les substances bactéricides du sang. La formation des substances bactéricides pendant la fièvre récurrente présente des particularités curieuses. Comme M. Emmerich l’a constaté, les propriétés bactéricides du sang des animaux, immunisés contre le bacille du rouget du pore, ne sont que faiblement prononcées hors de l’orga- nisme. M. Pfeiffer a obtenu le même résultat dans ses observa- tions sur le sang des animaux immunisés contre le vibrion cholérique.On ne peut pas en dire autant de la fièvre récurrente. Les propriétés bactéricides du sang de l’homme et du singe, atteints de la fièvre récurrente, sont très prononcées hors de l'organisme. La destruction des microbes in vitro, en dehors de l’activité cellulaire, a été prouvée aussi par MM. Metchnikoff (20) et Bor-+ det (21) à l'égard du vibrion cholérique; par conséquent, la loi d’immunité signalée par M. Pfeiffer (d'après laquelle la formation et l’activité des substances bactéricides spécifiques ne se manifestent que dans l'organisme), ne peut pas être géné- ralisée. Il nous reste à examiner encore à quel point les substances bactéricides sont spécifiques. La mort des spirilles peut être provoquée par Îles corps chimiques les plus différents. Nous savons que la glycérine, l’iodure de potassium, l’acide salicylique, etc., détruisent plus ou moins rapidement les spirilles. La durée de leur vie en dehors de l'organisme diminue, comme il résulte de mes expé- «Gite Url ml ns ati SÉROTHÉRAPIE DE LA FIÈVRE RÉCURRENTE. 647 riences, si l’on ajoute au sang une solution de chlorure de sodium ou de bouillon de peptone à 2 0/0, du blanc d'œuf à la même dilution, de la nueléohystine, retirée du thymus de veau. Le coefficient bactéricide du sang atteint son maximum, 4-5, en présence d’une solution de peptone ou de nucléohystine, tandis qu'il n’est que de 1-1,5 si le sang est mélangé aux autres substances ci-dessus mentionnées{tableau XI-X VI). Les spirilles d'Obermeier sont aussi détruits au bout de peu de temps dans les cultures du streptocoque, du vibrion cholérique, du bacille pyocyanique; mais le pouvoir bactéricide du milieu, où végètent les microbes étrangers, est très faible comparativement à celui du sang apyrétique, pris pendant la fièvre récurrente. Ce dernier ne manifeste son pouvoir bactéricide qu’à l’égard des spirilles d’Obermeier, tandis que plusieurs autres espèces _ microbiennes (streptocoque de l’érysipèle, bacter. coli commune, bacille du choléra asiatique, bacille pyocyanique), non seule- ment n'y périssent pas, mais y prospèrent très bien. On en a la preuve dans l’expérience que nous allons décrire. On prend quelques tubes contenant : 1° du sérum d’un singe normal; 2° du sérum immunisant ; 3° du bouillon de bœuf peptonisé. On ajoute dans quelques-uns 3 gouttes de sérum apyrétique de l’homme, chauffé préalablement à 60° C. pendant dix minutes et privé, par conséquent, de ses propriétés bactéri- cides. On ajoute dans les autres tubes 3 gouttes de sérum, qui tue les spirilles au bout d’une demi-heure. On ensemence tous les tubes avec les microbes ci-dessus nommés, et on les place à l'étuve pour 24 heures. Tous les tubes donnent alors des cultures également abondantes : ceux qui contiennent du sérum bactéri- cide aussi bien que ceux qui contiennent du sérum chauffé. On a remarqué seulement que le bacille pyocyanique, ayant poussé avec une abondance égale dans les deux sortes de tubes, n’a pas donné de pigment dans le mélange du sang avec le sérum non chauffé, tandis que sa culture en présence du sérum normal était d’un vert bleu vif. La pureté des cultures fut démontrée par les examens microscopiques. Donc, il faut admettre qu'il se forme dans le sang, pendant la fièvre récurrente, des substances bactéricides spécifiques. Etant inoffensives pour l’organisme qui les a élaborées, elles _ manifestent leur pouvoir bactéricide lorsqu'elles en ont été 648 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. relirées, même si elles sont très diluées. Ces faits peuvent servir de base à une CE de la fièvre récurrente. Je n’ai fait sur ce point qu'une seule tentative, sur des singes. Le 13 avril, on injecte à deux singes neufs, sous la peau, une quantité égale de sang contenant des spirilles; l’un des singes (n° 2) était un pavian mâle, pesant 6K,5, et l’autre (n° 3), un résus mâle, pesant 2k,9. A partir de ce jour, on examine le sang des deux singes matin et soir. Le matin du 16 avril, on constate pour la première fois chez les deux singes la présence des spirilles dans le sang. Lemême jour, à 11 heures du soir, on injecte aû singe n° 3, dont la température monte à 39°,8, 5 ©. c. du sérum du singe n° 1, dont le coefficient bactéricide était de Ac — 10,0. Le lendemain matin, on répète l'injection de la même quantité de sérum, car la température n’avait pas baissé et était de 39,9. La crise survint dans la nuit du 17 au 148, c'est-à-dire 24 heures après la première et 12 heures après la dernière injection; par conséquent, la maladie ne dura que 48 heures. Le nombre de spirilles dans chaque préparation de sang ne dépassait pas 42. Le singe de contrôle fut malade pendant 72 heures et le nombre de spirilles dans certaines préparations montait à 35-40. En poursuivant l'examen du sang des deux singes, on constata que chez le singe de contrôle la température monta et les spirilles réapparurent le matin du 24 avril, c'est-à-dire cinq jours après la crise. Le soir du même jour, les spirilles ne se trouvaient plus dans le sang. Il est hors de doute qu'il s'agissait d’une rechute chez le singe non traité, tandis que chez le singe traité on n’observa qu'un seul accès. Une seule expérience ne pourrait certainement résoudre à elle seule la question de la sérothérapie de la fièvre récurrente, si elle n'avait pas confirmé tout ce que nous avons constaté sur les malades. Ce qui est intéressant, c'est qu'on aurait pu prédire la réinfection du singe de contrôle, car l'examen du coefficient bactéricide du sang des deux singes démontra, le 20 avril, qu'il était Ac— 10 chez le singe traité et seulement Ac = 1 chez celui de contrôle. (Tabl. XV et XVI.) Ce n’est qu'après le second » inde SÉROTHÉRAPIE DE LA FIÈVRE RÉCURRENTE. 649 accès, c’est-à-dire le 23 avril, que le coefficient monte chez le singe de contrôle : il était de 10,0 et de 16,0 le 30 avril. Le coefficient bactéricide du singe traité n’était, le même jour, que de 5,3, mais ce degré du pouvoir bactéricide suffisait néanmoins pour protéger l'animal d'une rechute de la maladie. On répéta plusieurs fois les injections des spirilles à deux singes, mais pas un ne reprit la maladie. L'expérience ci-dessus démontre : 1° que la durée du premier accès est plus courte chez le singe traité que celui de contrôle; 2° que les spirilles sont beaucoup moins nombreux dans le sang du singe traité, et 3 que la rechute ne survint pas chez le singe traité comme chez celui de contrôle. . En général, on observe que la fièvre récurrente chez les singes se manifeste seulement par un accès. Quant à une éleva- tion de la lempérature, notée par plusieurs auteurs (the rebound of the fever des médecins anglais), elle doit être attribuée à une rechute vraie, causée par la pullulation des spirilles, qui dispa- raissent du sang en quelques heures, de sorte que leur consta- tation microscopique devient très difficile. Si nous ajoutons encore que nous avons traité le singe au moyen d'un sérum dont le pouvoir bactéricide était faible, le résultat obtenu prouve d'autant mieux l’action thérapeutique du sérum. On peut espérer, d’après l’analogie avec d'autres sérums thérapeutiques, que les inoculations préventives seront d’une efficacité encore plus évidente et amèneront la disparition totale des accès ou au moins leur diminution en force et en nombre. Quelque modestes que soient ces essais de traitement de la fièvre récurrente et de la maladie désignée sous le nom de typhoïde bilieuse, provoquée, comme on le sait, par les mêmes spirilles, cette tentative est d'autant plus justifiable qu'il n'y a, suivant Griesinger, aucun remède contre cette maladie. En tout cas, j'espère avoir montré, par ces expériences, par quel mécanisme agit la vis medicarix naturæ, pendant la fièvre récur- rente. | 650 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. APPENDICE ù Voici le résumé de mes observations. De et De sont les durées de la survie en heures, Ac et Ae les coefficients d'activité du sang, à la température de la chambre et à celle de l'étuve. Num. d’exp. Sang à spirilles pris: Sang bactéricide pris: De. Valeur de Ac, Ï {e' jour du 2e accès 0 164 1.0 6 fév. 96 6e — AT — 0 68 2.4 4e — 2e — 0 68 2.4 2e — 2 — 0 165 1.0 Il 2e — ,2e — 4e jour du 2e accès 93 178 14 fév. 2e — 2e — 5e — 4e — 3 55.0 IX 4e — 2e — () 92 AT 19 fév. 4e — De — 4er — 3e — 4 92.0 IV Ar — 2e — 0 89 1.8 28 fév. 4e — 2 — 0 67 4 4e — 2e — 13e — 3e — 1 67.0 4e bt 20 = rLAX — 2 — 1 67.0 V 4e — 2 — (Ù 92 che 4 mars 4e — 2e — 13 — 3 — 1 92.0 4e — 2e — pendant crise du 3e 2 46.0 4e — 2e — sang de cheval 92 41.0 4e — 2e — — chien 21 4.4 4e — 2% — _ lapin 70 1.3 4e — 2e — — oie 92 1.0 MI 2e — 2e — 0 190 0.8 6 mars 2e — 2e — 6e — 39 — 2 80.0 2e — 2e -- même sang chauffé à 600 190 1.0 2e — 2e — sang de M... fausse crise du 2e accès 47 4,0 2e — 2e — sang de S... 8e jour du 2e accès 4 48.0 2e — 2e — sang de Nik... 166 474 2e — 2% — sang pris sur moi-même 190 4.0 SÉROTHÉRAPIE DE LA FIÈVRE RÉCURRENTE. VIT 11 mars VIII 14 mars IX 18 mars X 20 mars À du sang pris le 2e jour du 2e accès on ajoute : De. Rien. 120 Sang pris le 8e jour du 3e accès 1 Même sang chauffé 5 min. à 600 144 Sang à spirillesde la fausse crise du 2e accès 96 Sang pris le 2e jour du 2° accès 1 Sang de S... sansspirilles (acmé du 3e accès) 1 Sang de Nicolas, guéri depuis 20 mois 46 Sans du D°B:.: 144 Sang de chien 96 A du sans pris le 3° jour du 2e accès on ajoute: 2 j ] Rien 94 Sang pris le 14 jour après le 3° accès 22 Même sang chauffé à 520 pendant 1/2 heure 94 Sang de l’acmé du 4 accès, sans spirilles 4 Sang de S... pris le 2e jour du 2° accès 118 Sang de Kond.…. 142 Sang de singe Lapander, avant l'expérience, 118 A du sang de R... pris le 2e jour du 4 accès, on ajoute: De. Ac. Rien 116 1.4 Sang de la surveill. E... 2 fois at- teinte de la f. récurr. 2 58.0 Sang de J... 8e jour ap. le 2e accès 2 98.0 — 4e — 4 — 1446:0 Sang de chien . 68 41 De. 20 > br 20 A du sang de À... pris le 2° jour du 2° accès, on ajoute: Rien 14 4-1 Sang de J..., à spirilles, début du 3e accès 141 1.0 Sang de K... crise du 4e accès 2 70.0 Sang d’un singe. avant l'inoc. (16 mars) 141 1.0 Id. pris le 17 à 8 h.s. 141 1.0 Id. pris le 18 à 8 h.s. 117 1.2 Id. pris le 19 à 40 h. m. 69 2.0 [d. pris le 20 à 10 h. m. 2 70.0 21 mime Sout Ae, LT ré & + I Qt OÙ D OO © © x OOouR XI 27 mars XIII 3 avril XIV 18 avril XV 29 avril ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. À du sang pris le 2e jour du 2° accès, on ajoute: Rien 165 Urine d'un malade ap. le 3° accès A5 Même urine bouillie 69 Solution de sel marin à 0,6 0) 93 Solution de peptone à 2 0/ dans NaCI à 0.60/ 93 Solution de blanc d'œuf à 2 °/, dans NaCI à 0.6 0/ 93 À du sang pris le 2e jour du 2e accès, on ajoute : Rien 164 Solution de sel à 0.6 0/ 440 Sang de A. 24 h. ap. 3e accès, dilué au 1/100 d. Na! à 0.6 0/0 Id. dilué à 1/300 Id. dilué à 41/1000 Sang de la surv. E... dilué au 1/100 44 Sang de la surv. E... dilué au 41/300 92 Sang de la surv. E... dilué au 14/1000 4140 © © N de 3. 2. 4 1.8 1.8 4.0 Sang du pavian pris le 48 et contenant des spi- rilles Id. + sang du Lapander pris le 13 Id. + même sang dilué au 1/1400 dans sérum de cheval Id. + même sang dilué au 1/300 ld. + mêmesang dilué au 14/1000 Id. + sang de cheval Id. + sang du Rhesus pris le 14 av. Id, + sang du Pavian — Sang pris le 2e jour du 2e accès Id. + sang du Rhesus, pris le 20 Id. + — Pavian, — 20 Id ECS — — 25 Id, + sang de malade, pris 24 h. ap. le 2° accès Id. + sol. physiol. de sel marin Id, + même solution laissée 40 min. dans le péri- toine d’un cobaye neuf Id. + même solution laissée 10 min. dans le péri- toine d'un cobaye neuf immunisé contre vib. chol. 31 31 1.0 SÉROTHÉRAPIE DE LA FIÈVRE RÉCURRENTE. 653. XVI Sang pris le 3e jour du 2e accès 32 2 mai Id. + sang du Pavian pris le 30 av. 2 16.0 Id. + — Rhesus no 1 6 5.3 Id. + — Rhesus no 2 8 4.0 Id. + bouillon de bœuf peptonisé 22 1.4 Id. + bouillon additionné de Nucléohystone 8 4.0 Id, + bouillon ayant séjourné 10 min. dans péritoine d’un cobaye neuf 32 1.0 Id. + bouillon avec sang de malade ayant séjourné 10 min. dans péritoine d'un cobaye neuf 22 1.4 Id. + bouillon laissé 10 min. sous la peau d'un chien normal 28 LE Id. + bouillon avec sang de malade laissé 10 min. sous la peau d'un chien 2544670 BIBLIOGRAPHIE . OBERMEIER. Centralbl. für die medic. Wissench., 1873, nos 10-36. . HerpeNReICcH. Sur le parasite de la fièvre récurrente, St-Pétersb., 1876. . Morscaourkovsky. Deutsche Arch. f. Klin. Med., 1879, Bd. 24. — Contribution à la pathologie et à la thérapie de la fièv. réc., Odessa, 1877. . ALBRECHT. Deutsch. Arch. f. Klin. Med., 1881, Bd. 29. . Mercanixorr. Wirchow's Arch., 1887, Bd. 108. . Prerrrer. Deutsch. med. 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QUELQUES REMARQUES À PROPOS DE L'ARTICLE DE M. GABRITCHEWSKY SU2 LA FIÈVRE RÉCURRENTE Par EL. METCHNIKOFF Dans le mémoire qui précède cette petite note, M. Gabrit- chewsky me cite comme lui ayant donné des conseils au sujet de son travail sur la fièvre récurrente. Cette citation pourrait faire croire au lecteur que j'y ai quelque part de responsabilité. Je me sens donc obligé de lui soumettre les lignes qui vont suivre. Lors de son dernier séjour à Paris, j'ai attiré. l'attention de M. Gabritchewsky sur certains points de la bactériologie et de la pathogénie de la fièvre récurrente, maladie fort intéressante sur laquelle j'avais fait, il y a une dizaine d'années, des études que je n'ai pas pu conlinuer, cette fièvre, très répandue en Russie, ne se rencontrant pas en France ni dans les pays voisins. Je priais notamment M. Gabritchewsky d'étudier le sang des hommes et des singes, atteints de cette maladie, au point de vue de sa con- süitution histologique, de ses propriétés antagonistes, notamment de sa propriété préventive vis-à-vis du spirille d'Obermeier. Après avoir décrit — pour la première fois — la phagocytose dans la fièvre récurrente expérimentale des singes, je pose, dans mes deux articles de 1887 et de 1888 (Archives de Virchow, t. 109, p. 188, et Fortschr. d: Med., 1888, p. 83) la question de savoir si les spirilles ne subiraient pas, avant la crise de la maladie, quelque atténuation préalable de leur virulence. M. Weigert, dans sa critique de mon travail (Fortschritte d. Med., 1887, p- 154), est allé beaucoup plus loin et a supposé que les spirilles périssaient dans le liquide sanguin avant leur englobement par les phagocytes. Il s'est engagé entre nous une polémique à ce sujet (Fortsch. d. Med., 4888, p. 81-86), qui a soulevé toute une série de questions. Quelques-unes d’entre elles ont pu être résolues dans un intéressant mémoire de M. Soudakewitch (ces Annales, 1891) sur les singes dératés, auxquels il a inoculé la SÉROTHÉRAPIE DE LA FIÈVRE RÉCURRENTE, 659 fièvre récurrente. Mais un grand nombre d’autres problèmes sont restés sans réponse et attendaient — ou plutôt attendent encore — des recherches expérimentales approfondies. M. Gabritchewsky s’est limité à rechercher la propriété bacté- ricide du sang en dehors de l’organisme, et il a déduit de ses observations des conclusions générales sur la pathogénie de la fièvre récurrente. J'accepte très bien sa découverte intéressante du pouvoir qu’a le sang des personnes qui ont subi une attaque de la fièvre récurrente de détruire les spirilles d'Obermeier. On voit de même des animaux qui ont résisté au choléra détruire les vibrions cholériques ; mais je ne peux nullement partager la plupart des conclusions exposées par M. Gabrit- chewsky. J La propriété bactéricide du sang, telle qu'elle s’est révélée dans les recherches de cet observateur est extrêmement variable. Vouloir l’enchaîner dans la formule étroite de M. Gabritchew:ky, c'est de beaucoup dépasser les conclusions de ses expériences. Dans quelques-unes d’entre elles, le pouvoir bactéricide du sang était si fort que tous les spirilles étaient morts au bout de 2 heures, lorsque le sang avait été maintenu à 37°. Les mèmes spirilles, mélangés avec le même sang, mais conservés à la température de la chambre, ont vécu pendant 117 heures (tableau X). Si on voulait attribuer cette différence d’aclion à la variation de la température environnante, on se heurterait aussitôt à des objec- tions multiples, fournies par d’autres expériences dans lesquelles le pouvoir bactéricide était le mème, ou à peu près, à 37°, et à la température de la chambre (p. ex. tab. VI, IX). Dans un cas, la survie des spirilles a été beaucoup plus longue à 37° (118 heures) qu’à la température de la chambre (47 heures), et ceci avec le même sang. Ces faits, ainsi qu'un grand nombre d’autres observations de M. Gabritchewsky, m’empêchent d'admettre son interprétation de mes anciennes expériences sur le mème sujet. Dans mon tra- vail j'ai dit que les spirilles, malgré l'addition d’une quantité considérable de sang, retiré après la crise, ont été observés à l’état bien mobile pendant 7 heures, par conséquent ne subis- saient aucune action bactéricide. M. Gabritchewsky a cependant observé plusieurs cas où un contact de 2 et même de { heure avec le sang était suffisant pour luer tous les spirilles à la tempé- 656 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. rature de la chambre. La propriété bactéricide du sang est donc très variable, ce qui doitempêcher de tirer des conclusions soli- des des faibles variations observées par M. G... Ainsi de son observation que les spirilles maintenus dans l’exsudat péritonéal d’un cobaye ayant reçu une injection préalable de bouillon seul, avaient vécu pendant 32 heures, tandis que les mêmes spirilles, ajoutés à de l’exsudat d’un autre cobaye, qui avait reçu du bouil- lon avec du sang récurrent, ne se sont conservés vivants que pen- dant 22 heures, M. Gabritchewsky conclut à la formation d’une substance spirillicide dans l'organisme du cobaye! La faible différence observée dans les deux cas perd encore de son impor- tance par le fait que, dans l’expérience de contrôle, M. G... se sert, non pas de bouillon additionné de sang normal, comme il fallait le faire, mais de bouillon seul. De ce que le sang des malades atteints de la fièvre récurrente peut présenter une propriété spirillicide plusou moins prononcée, M. G... conclut que dans l'organismeles spirilles sont détruits par le plasma sanguin à la période de la crise. M. Gabritchewsky oublie les recherches si nombreuses qui ont démontré que les phénomènes bactéricides du sang extravasculaire ne suffisent pas pour admettre la même propriété bactéricide du sang vivant (p. ex. la destruction des bactéridies par le sang des rats et des lapins, etc.). [ne fournit aucune preuve dela destructionintravas- culaire des spirilles. Et cependant il aurait dû l’observer dans le courant de ses propres recherches sur la fièvre spirillaire de l'homme et des singes. Il se contente de citer les observations de M. Mamourofsky qui aurait vu chez l’homme des spirilles dégénérés en forme de chapelets, sans pouvoir les confirmer par des recherches personnelles. Le singe se prête encore mieux que l’homme à Ja solution de celte question. Aussi, lors de mes recherches en 1887, je préle- vais sur des singes du sang toutes les 5 et 10 minutes, dans le but de rechercher la disparition des spirilles. J’observais la diminu- tion progressive du nombre de ces microbes, qui conservaient tout le temps leur mobilité et leurs autres propriétés normales. J'apercevais, au milieu des globules rouges, les derniers spirilles qui se mouvaient de la façon typique, et ensuite je colorais les préparations pour voir s’il y avait des spirilles que je ne pouvais pas distinguer à l’état vivant. Dans une observation semblable * SÉROTHÉRAPIE DE LA FIÈVRE RÉCURRENTE. 657 j'ai noté, dans une préparation du sang retiré au début de la défervescence, deux spirilles mobiles; après la coloration, où les spirilles devenaient beaucoup plus visibles, je n’en ai aperçu que quatre, colorés de la façon normale. Par contre, je n'ai jamais trouvé de spirilles dégénérés, ni transformés en chaprelets. J’ai vu quelquefois se former dans le sang des amas de spirilles qui sardaient leur mobilité. On pourrait conclure de là qu'avant la crise il se forme une sorte d’agglutination de ces microbes, com- parable à ce qui a été vu avec d’autres bactéries (B. typhique, vi- brion cholérique, etc.). On pourrait ensuite se demander si cette agelulinalion ne serait pas une condition essentielle de la dispa- rition des spirilles du sang. Or, il n’en est rien. Les spirilles, avant leur disparition complète, restent isolés et mobiles. Et, quand ils sont englobés dans les phagocytes, on ne les y ren- contre qu’isolés ou en petit nombre. En présence de tous ces faits, on a bien le droit d’exiser des preuves de la destruction des spirilles dans le sang vivant. Ces preuves, M. Gabritchew:ky ne les fournit pas. Plusieurs observateurs ont établi un lien étroit entre les leu- cocytes et la propriété bactéricide du sang. Quelques-uns (M. Buchner, p. ex.) supposent une sécrélion de la substance bactéricide par les leucocytes ; d’autres admeltent le dégagement de cette substance à la suite de la phagolyse. Ces résultats posent la question de savoir si l'apparition de la propriété spirillicide du sang dans la fièvre récurrente est en rapportavec l'augmentation desglobulesblances(autres queles lymphocytes). Cette question n’a pas été abordée par M. Gabritchewsky. Par contre, il essaie d'é- tablir un lien de causalité entre la propriété bactéricide du sang et l'immunité vis-à-vis du spirille d'Obermeïer. L’homme ou l'auimal sont réfractaires à ce microbe sileur sang est spirillieide ; ils deviennent sensibles à la fièvre récurrente lorsque le pouvoir bactéricide fait défaut. M. Gabritchewsky admet cette conclusion, sans remarquer que quelques faits, rapportés par lui, plaident contre sa thèse. Jedoisremarquer en général que les expériences de M. Gabrit- chewskysurles singes sont trop peu nombreuses ettout à faitinsut- fisantes pour résoudre les problèmes qu'il s'était posés ‘. Pour 1. Cette remarque s'applique aussi à l'expérience sur le pouvoir thérapeutique du sérum chez un singe. 4 42 658 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. mn prouver que l’immunité acquise dépend du pouvoir bactéricide du sang, il établit cette propriété chez un singe douze jours après la crise fébrile, et lui réinocule à trois reprises des spirilles sous Ra peau et dans la veine. Toutes les fois, le singe se montre réfrac- taire, et ceci à une période où les spirilles, ajoutés à son sang en dehors de l'organisme, restent vivants pendant 118 et 94 heures à la température de la chambre, 46 et7 heures à 37°. M. Gabrit- chewsky se voit lui-même obligé de conclure que l'organisme est assuré contre la réinfection « par un coefficient bactéricide du sang comparativement faible », c'est-à-dire que la réinfection ne se produit pas lorsque le sang permet une longue survie des spirilles en dehors de l’organisme. Nous avons démontré plus haut que des différences comme celle entre 118, 94 heures et 141 heures (admises pour le sang normal du même singe), vu la très grande variabilité de la survie des spirilles en dehors de l'organisme, n’autorisent à tirer aucune conclusion précise. Chez les animaux naturellement réfractaires contre le spirille d'Obermeier, le sang, d’après M. Gabritchewsky, n’est pas bac- téricide. Néanmoins il admet que, dans ces cas aussi, l'immunilé est due au pouvoir spirillicide du sang. Seulement ce pouvoir ne s'établit qu'après l'injection des spirilles. Les preuves expéri- mentales de cette assertion, comme on peut s’en assurer en lisant le mémoire de M. Gabritchewsky, sont absolument insuffisantes. M. Gabritchewsky admet encore la formation des spores du spirille récurrent dans l'organisme pour expliquer sa théorie, non seulement sans en fournir la moindre preuve, maissans tenir compte de mes observations directes. Jamais, dans mes recher- ches sur le spirille d’'Obermeier, je n’ai rencontré de spores, malgré l’attenlion dirigée sécialement vers ce but, et bien que je connaisse plusieurs espèces de spirilles ayant des spores. Il est donc inutile de discuter celte question plus longuement. Dans ses recherches et ses réflexions sur la pathogénie de la fièvre récurrente, M. Gabritchewsky n’a pastenu compte desrésul- tats de ses devanciers. Aïnsi, le fait découvert par moi et con- firmé par M. Soudakewitch, que les spirilles englobés ne s’observent que dans la rate, parle hautement contre la théorie d'une atténuation ou d'une destruction extracellulaire des spirilles. Dans ce cas, ces microbes devraient se comporter comme les corpuscules inertes et se retrouver également dans le SÉROTHÉRAPIE DE LA FIÈVRE RÉCURRENTE. 659 foie et la moelle des os, ce qui n’est pas le cas en réalité. D'un aulre côté, chez les singes qui meurent à la suite d’un développe- ment extraordinaire des spirilles (comme dans les expériences de M. Soudakewitch avec les singes dératés) et où par conséquent il n'y a pas d'atténuation, les spirilles ne devraient pas être en- globés. Et cependant, la petite rate supplémentaire, retrouvée par M. Soudakewitch chez un de ses singes dératés, était littéra- lement bourrée de spirilles, ayant conservé leur forme et leur colorabilité normales. Ces données, dont M. Gabritchewsky ne tient pas compté, concordent très bien avec ce fait, signalé par moi, qu'un peu de substance de la rate d’un singe guéri de la fièvre récurrente, inoculé à un singe neuf, lui donnela maladie, après la période d'incubation ordinaire. Cette rate, retirée pen- dant l’apyrexie, renfermait donc des spirilles vivants et assez virulents pour infecter à nouveau un singe qui, cinq jours aupa- ravant, avait subi une première infection spirillienne. Et cepen- dant ce n’est pas le sang apyrétique qui manquait dans cette rate. Je termine, avec l’espoir que les arguments que je viens d'exposer engageront M. Gabritchewsky à faire de nouvelles expériences sur un sujet si intéressant. NOTE SUR UN CAS DE POURRITURE D'HOPITAL | Par M. A. COYON Interne des hopitaux, Les recherches sur la pourriture d'hôpital que M. Vincent publiait il y a deux mois à cette place donnent quelque intérêt à lobservalion suivante, concernant le même sujet, et recueillie avant la publication du mémoire de M. Vincent. Le 8 mai entrait à la Charité, dans le service de M. Ricard, un malade porteur d’une ulcération de la face externe de la jambe droite. Cette ulcération cratériforme, à bords ronds, suréle- vés sur des tissus œdématiés lymphangitiques, était recouverte de pseudo-membranes d’un gris noirâtre, très adhérentes au pour- tour, et laissant écouler une sanie exhalant une odeur putride caractéristique. Le malade présentait un état général assez grave : facies plombé, troubles digestifs, albumine dans les urines, fièvre légère. La profession du malade, qui est palefrenier, fit penser à de la morve; mais le lendemain, sur le seul vu de la plaie, M. Ricard portait d'emblée le diagnostic de pourriture d'hôpital et instiluait aussilôt le traitement par l’éther camphré, dont le résultat fut immédiat. En dehors de la profession, aucun commémoratif important à noter, sinon une fracture antérieure de la même jambe, ayant déterminé des troubles trophiques et des poussées périodiques de furonculose. C'est sur un de ces furoncles que l'infection s'était développée. ExaAMEx pu pus. — Des préparations extemporanées de la sanie montrèrent quelques microorganismes banaux, et un nombre infini de longs bacilles sigmoïdes formant des agglomérations compactes, et correspondant exactement, en tant que morpholo- gie et coloration, au bacille déjà décrit par M. Vincent. (Note à ‘Académie de médecine, février 1896. Rapport de M. Chauvel.) nu do RE LL dis UN CAS DE POURRITURE D'HOPITAL. 661 De forme allongée à extrémités mousses, il ressemble assez au microbe de la morve, mais il est plus allongé, plus souvent sig- moïde, et ne présente pas comme ce dernier de bandes transver- sales plus fortement colorées. : Colorable par les méthodes ordinaires, bleu de Lüffler, thio- nine, il est décoloré par le Gram. Il existe en nombre considérable dans la sanie qui s'écoule de la plaie et forme, au ras de cette dernière, une couenne très épaisse contenant peu d'éléments figurés. Biopsie. — Une biopsie fut faite sur le bord de la lésion avant l’application de tout traitement. Les coupes colorées par la thionine, le bleu de Lüffler et l’éosine montrent que le fond est constitué par un tissu bourgeonnant criblé de cellules migra- trices. Au-dessus de celte région, très vascularisée, existe un banc ininterrompu du même bacille, en amas parfois tellement compacts qu’ils en deviennent opaques. A la partie supérieure se trouvent, avec des éléments figurés, divers microorganismes surajoulés, au milieu d'îlots dispersés du même bacille spécifique. Il y a donc jusqu'ici une concordance exacte avec la descrip- tion que nous a donnée M. Vincent de ce même microorganisme. IxocuLaTion. — Cependant, plus heureux que M. Vincent, j'ai pu obtenir d'emblée une première inoculalion faite de la façon suivante. Dans l'épaisseur de la cuisse d’un cobaye, j'ai déter- miné, à l'aide d'un bistouri, par large dilacération musculaire, une plaie profonde anfractueuse, au fond de laquelle j’ai déposé quelques fragments de la couenne et un centimètre cube environ de sauie. La plaie a été ensuite fermée par un point desuture et collodionnée. Dix-huit jours après, le cobaye présentait une plaie anfractueuse de trois centimètres de diamètre, à bords circu- laires ourlés ; creusée en entonnoir, la plaie était recouverte d'une couenne ininterrompue laissant écouler une sanie grisâtre… exhalant une odeur putride, comme celle de la plaie humaine. L'examen microscopique y démontra le même bacille et en même quantilé. Tous ces examens furent pratiqués par nous avec l’aide et sous le contrôle de M. Borrel, et aucun doute ne pouvait exister sur l'identité de la plaie chez l'homme et chez l’animal. Des inoculations en série à d’autres cobayes et à des lapins à l’aide de la sanie recueillie sur le cobaye inoculé ont été essayées.- 662 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. mais par piqüre et non par dilacération musculaire ; elles ont été négatives. La plaie d’inoculation ayant guéri spontanément chez l'animal inoculé, au bout d’un mois, il a été impossible de poursuivre plus loin les expériences. Cuzrures. — Pas plus que M. Vincent nous n'avons pu obte- nir de culture de ce bacille, sur les différents milieux classiques sur lesquels nous l’avons ensemencé. L'observation qui précède ajoute peu de chose aux conclu- sions de M. Vincent, mais elle les confirme et comporte en outre trois faits que nous désirons mettre ici en relief. En France, comme à Madagascar et en Algérie, d'après M. Vincent, la pourriture d'hôpital semble due au même bacille spécifique. Cette première observation de pourriture d'hôpital née en France présente par suite quelque intérêt. Une inoculation a réussi d'emblée, contrairement au résultat annoncé par M. Vincent. C’est peut-être parce qu'elle a repro- duit les principales conditions étiologiques dans lesquelles cette infection survient chez l’homme, à savoir la dilacération mus- culaire. Mais il nous est impossible d'être affirmatif sur ce point, n’ayant eu qu’une inoculation franchement positive. Un dernier fait qui nous semble important a trait à la théra- peutique de l'affection. Comme les blessés de M. Vincent, notre malade avait été traité par les pansements humides avec les anti- septiques chirurgicaux ordinaires. Aucun n’avait modifié sensi- blement la plaie. Au contraire, du jour au lendemain, dès que le pansement à l'éther camphré et la poudre de camphre eurent été appliqués, la détersion de la plaie commença, et à partir de. ce moment la guérison s’effectua rapidement. C'est là, nous semble-t-il, un fait important à mettre en lumière. M. Ricard avait déjà traité avec succès, par cette méthode, d’autres cas de pourriture d'hôpital, au cours de sa carrrière dans les hôpitaux. ÉTUDES SUR LA RICINE ET L'ANTIRICINE Par M. A. STÉPANOFF Médecin de l’hôpital Marie à Saint-Pétersbonrg. (Travail du laboratoire de M. Metchnikoff, à l'Institut Pasteur.) Ebrlich‘ a fait une très importante découverte en montrant que les toxalbumoses végétales, — la ricine et l’abrine, — étudiées par M. Kobert* et ses élèves, possèdent des propriétés analogues à celles des toxines bactériennes au point de vue de l’immunité. En immunisant des souris par des doses croissantes introduites dans le canal digestif, il a trouvé que l’immunité se produit brusquement au sixième jour, qu’il estindispensable d'employer des doses de plus en plus fortes, pour obtenir le plus haut degré de l’immunité, et que l'immunité, obtenue de cette façon, dure très longtemps. Les expériences avec ces poisons sont extrêmement intéressantes en ceci, qu'elles permettent des dosages exacts et peuvent servir à étudier la répartition des toxines et des antitoxines dans l'organisme animal. Sur la proposition de M. le professeur Metchnikoff, je me suis occupé de cette étude pour laricine. Je me suis servi de la ricine de Merck, et l’ai dissoute, suivant le conseil de MM. Kobert et Ehrlich, dans la solution de NaCI à 10 0/0 *. En déterminant la dose minimum mortelle de ricine pour un lapin, j'ai trouvé que, introduite dans le sang, cette dose est de 0#",006, et que en injection sous la peau, elle doit être de 6 à 1 fois plus forte, c’est-à-dire à 0,04 par kilogramme d’ani- mal. Dans ces cas-là, la mort se produit au 5-7° jour. 1. Deutsche med. Wochenschrift, 1891. 2. Arb. d. Pharmacolog. Instituts zu Dorpat. 3. La solution de ricine se conserve longtemps dans l’obscurité; je l’ai vue garder sa force dans l’étuve pendant un mois. Après avoir été filtrée sur le filtre Chamberland, la solution s’affaiblit presque de moitié, probablement par suite du dépôt sur le filtre des particules de ricine suspendues etinsolubles. 664 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Aux doses supérieures, la mort arrive de plus en plus vite : les lapins présentent une constance très grande vis-à-vis des effets de ce poison el sont par suite très commodes pour ces expé- riences. Si on introduit dans le sang d'un lapin une dose dépas* sant de beaucoup la dose mortelle, 1ms',5 par exemple, comme je l'ai fait, l'animal meurt en 9-10 heures en présentant une forte diarrhée et un amaigrissement rapide. Le canal intestinal, surtout les intestins grêles, sontle siège d’une forte hyperémie et contiennent habituellement jusqu’à 30 ec. c.d’une liqueur mucila- gineuse alcaline &’une nuance légèrement jaunâtre, qui se filtre très bien par le filtre Chamberland. La liqueur filtrée se montre très Loxique pour les lapins. 25 c. c. de cette liqueur tuent un lapin de 2 kilogrammes en 30 heures, en donnant les phéno- mènes de l’empoisonnement par la ricine, si caractéristique en ce qui concerne l'affection des intestins. 20-15 c. c. tuent à peu près en 48 heures et 10 c. c. en 5 jours; les doses inférieures pro- voquent une maladie passagère : les lapins ont la diarrhée, perdent du poids, mais se remeltent bientôt et survivent. Par conséquent, environ 5 5. c. de cette liqueur par kilogramme sont la dose minima mortelle. Ainsi, dans le contenu intestinal des lapins empoisonnés par la ricine, se trouve un poison tuant les lapins. Quel est ce poisou ? Est-ce la ricine, passée du sang dans le canal intestinal, ou non? L'examen pathologo-anatomique de l’alfection des intestins fait pencher pour la ricine, aussi bien que l’état stérile de la liqueur filtrée. Mais pour résoudre cette question avec süreté et pour supprimer l'effet des toxines éventuelles des microbes intesti- naux, j'ai été obligé de faire des expériences de vérification. On provoque artificiellement une diarrhée chez un lapin sain par l'introduction dans l'estomac de 20 grammes de sulfate de soude au moyen d’une sonde, et on tue le lapin au bout de 24 heures. On prend le contenu demi-liquide de ses intestins grêles et on Je filtre sur le filtre Chamberland. En injectant aux lapins des quantités différentes de cette liqueur filtrée, j'ai trouvé que, même sous le volume de 20 c. c., elle ne provoque pas directement la mort de l’animal: quelquefois seulement, l'introduction de grandes quantités amène la mortification de la peau; le lapin maigrit et succombe en un mois aux phénomènes de la cachexie, mais habituelle- RICINE ET ANTIRICINE. 665 ment, il supporte bien ces injections. Par conséquent, la diarrhée n'élabore pas dans les intestins des toxines bien actives. Outre cela, j'ai fait des expériences de vérification avec des lapins immunisés, en leur injeclant parallèlement le liquide filtré du contenu intestinal des animaux tués par la ricine. Tandis que, comme je lai déjà dit plus haut, 10 ce. e. de ce liquide suflisent à tuer des lapins sains en 5 jours, 15 ce. c. et même plus de ce dernier liquide ne produisent aucun effet sur un lapin iramu- nisé contre la ricine. On peut également prouver la présence de la ricine dans les parois mêmes des intestins; pour cela j'ai pro- cédé de la manière suivante : après avoir débarrassé le canal intestinal du lapin, tué par la ricine, de son contenu liquide, et après l'avoir lavé soigneusement avec de l’eau distillée, je l'ai coupé en pelits morceaux et l'ai broyé dans un mortier avec 20 c. c. d'une solulion physiologique de NaCI; on obtient une masse gluante et mucilagineuse, laquelle exsude à sa surface un liquide transparent après un repos de 24 heures. Ce liquide, filtré par le filtre Charnberland, étant injecté sous la peau d'un lapin sous le volume de 15-10 ce. c., le tue en 4-5 jours, avec les phénomènes de l’empoisonnement par la ricine. Cela prouve que la ricine, introduite dans l'organisme, passe dans le canal intestinal, où elle produit les lésions pathologo- anatomiques connues. Il est évident que ce passage se fait en grande quantité, car la dose de ricine qui se trouve dans les 10 c. c. du contenu intestinal représentent à peu près le vingtième de toute la quantité de ricine introduite dans l'organisme, et on peut admeltre que la presque totalité du poison s'élimine par celte voie, si on songe à l'intensité de la diarrhée, qui se déclare habituellement une heure après l'injection. Ce poison s'élimine-t-1l de l'organisme par d’autres voies, par exemple par les reins ? Les examens de l'urine en ce sens m'ont donné des résultats négatifs. Dans les 2-3 premières heures après l'empoi- sonnement, on peut retirer du lapin une assez grande quantité d'urine au moyen d’un cathéter stérilisé; cette urine, injectée en volume de 5 c. c. sous la peau d’un cobaye (lanimal le plus sensible à la ricine d'après Ehrlich), ne produit aucun effet appa- rent, 2 c. c. ne font aucun mal à une souris (1 c. c. de la solu- tion de ricine à 1.200.000 tue une souris de 20 grammes en 2-4 jours). Dans les heures suivantes, la quantité d'urine 666 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. du lapin empoisonné diminue considérablement : on peut en re- cueillir à peine 1/2 à 1 c. c., et enfin, après la mort, la vessie se trouve vide et contractée. Ainsi, on peut penser que la ricine ne s’élimine pas par l'urine, au moins en quantité évaluable physiologiquement. Prenons maintenant, 6 heures après l’empoisonnement, du sang dans la carotide d’un lapin empoisonné par une dose de 1M%,5, défibrinons-le bien et injectons-le dans la veine d’un lapin sous le volume de 10 ce. c.; le lapin succombe en 36 à 48 heures; 4 à 5 c. c. de ce sang injectés dans la veine ne produi- sent pas d'effet; quelques lapins seulement ont une diarrhée passagère et perdent de leur poids. Des souris, du poids de 15 à 18 grammes, périssent en 2 à 4 jours après l’injection de2à3 c. c. de ce sang sous la peau. J'ai examiné le sang d’un lapin à la 2°, 4° et 6° heure après l'introduction dans son sang d’une très forte dose (1"55.) de ricine, et j'ai obtenu à chaque fois des résultats positifs. D'un autre côté, un lapin ayant reçu 0,03 de ricine dans le sang a donné après 24 heures du sang dont 20 c. c., introduits dans le sang chez un lapin sain, n’ont produit aucun effet nuisible. Par conséquent, on peut croire que la ricine disparait du sang après un certain temps, y circulant jusqu’à ce qu'elle passe le canal intestinal. La recherche du poison dans les organes, le foie, la rate, les glandes lymphatiques et les reins, m’a donné des résultats négatifs. Dans ce cas, j'ai procédé de la manière suivante. Les organes retirés immédiatement après la mort avec des pré- cautions aseptiques sont divisés en petits morceaux, broyés dans un mortier avec 10-20 c. c. de la solution physiologique de NaCl et restent ainsi 1 journée, puis le tout est exprimé à travers une toile stérilisée et filtré par le filtre Chamberland. J'ai injecté aux souris cette liqueur filtrée en quantité de 2 à 3 c. c. et n'ai pas obtenu de résultats positifs. Il Les procédés que j'ai employés pour découvrir l’antiricine dans l’organisme sont les mêmes que pour la ricine, avec cette seule différence qu'au lieu de 1%#,5 de ricine, j'ai injecté RICINE ET ANTIRICINE. 667 dans le sang des lapins 20 c. c. de sérum, tiré d’un lapin bien immunisé. J'ai immunisé des lapins en leur introduisant sous la peau des doses graduellement croissantes de ricine, commençant par 0,05 répétées tous les jours pendant quelque temps; je passe ensuite aux doses plus fortes, les augmentant successive- ment de 0we,05 chaque fois. Au commencement de ce traite- ment, après chaque injection, les lapins manifestent une perte de poids qui dure 3-5 jours; quand il a repris son niveau, on peut renforcer les doses, en les augmentant de 0,01 puis de Oms,02 et davantage. Parmi les lapins immunisés de cette façon pendant quelques mois, il y en a qui supportent l'introduction dans le sang de 14,5 et 2":,0 de ricine en solution, sans que cela leur soit nuisible. J’ai fait sur les souris l’examen de la force immunisante de leur sérum, et j'ai trouvé que 1 c. c. de ce sérum neutralise 0%:,25-0%,3 de ricine. Dans les expériences sur les souris, il faut éviter l'injection sous la peau de grandes quantités de solution de ricine pour écarter l'effet accessoire de Ja solution à 10 0/0 de NaCI, qui elle-même, en quantité de 2et 1 c.c., provoque quelquefois la mort des souris par suite de choc. Pour cela, il vaut mieux employer des solutions de ricine plus concentrées en quantité moindre (1/4, 1/6 ce. c.). Les souris avec lesquelles j'ai eu affaire avaient un poids de 10 à 15 grammes. ‘ En examinant le sang défibriné d’un lapin 24 heures après l'introduction dans la veine de 20 c. c. de sérum immunisant, j'ai trouvé que ce sang possède des propriétés immunisantes évidentes ; ainsi, 1 ©. c. de sang neutralise 08,04 de ricine, c’est-à-dire qu’une souris qui a reçu 1 c. c. du sang défibriné de suite après l'injection sous la peau de 0%,04 de ricine, a survécu après avoir eu une diarrhée; une autre souris a vécu 7 jours, après avoir reçu la même dose de ricine et un 1/2 c. c. de ce sang, injectés en même temps, et une troisième a vécu 2 jours avec 1/4 c. c. de sang, tandis que la même dose de ricine donnée seule tue une souris en quelques heures. J'ai pris du sang au même lapin 7 jours après le commencement de l'expérience, et n’y ai plus trouvé déjà aucune propriété immu- nisante sur les souris, et ce lapin a succombé à la dose minima mortelle en 5 jours, avec les phénomènes caractéristiques de l’'empoisonnement par la ricine. J'ai pris du sang à un autre 668 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. lapin 1 et 3 jours après l'injection de sérum immunisant, et j'ai trouvé que, landis que, dans le premier cas, 1 c. c. de sang neutralise 08,04 de ricine : dans le dernier cas, le sang ne. possède déjà plus la même force ; toutes les souris qui ont reçu 0":,04 de ricine ont péri, et une seule, qui a reçu 0,02 de ricine et 1 c. c. de sang en même temps, a survécu. Cette expérience montre bien que l’autiricine introduite dans le sang disparaît en quelques jours, en diminuant graduelle- ment en quantité. Mais où va-t-elle ? Est-elle détruite ou modi- fiée dans le sang même, ou s’élimine-t-elle de l'organisme par des voies quelconques ? A celte dernière hypothèse, il faut faire une réponse négalive, car dans l'urine et dans le contenu intes- linal, je n'ai trouvé aucune trace d'antiricine. Les souris qui recevaient l'urine ou l'infusion du contenu intestinal dans la solution physiologique de Na CI, et de la solution de ricine en même lemps périssaient soit avant, soit dans le même temps que celles qui ne recevaient que de Îa ricine. Les extraits des organes (foie, rate, glandes Iymphatiques, reins) obtenus par les procédés indiqués plus haut n’ont pas montré d’antiricine, alors qu'on en trouve beaucoup dans le sang de l'organisme. En résumé, mes expériences montrent que la ricine, circu- lant dans le sang, s’élimine peu à peu par le canal intestinal; quant à l’antiricine, on peut supposer qu'elle, ne s’élimine pas de l'organisme per se, mais disparaît du sang peu à peu, soumise à des modificalions inconnues. NOTE SUR LES RONCTIONS PIGMENTATRES DE BACILEE PYOCYANIQUE Par Les D'S M. NICOLLE ET ZIA BEY Directeur de l'Institut impérial de Préparateur. bactériologie de Constantinople. Le microbe du pus bleu n’est pas rare dans l’appareil respi- ratoire normal ou pathologique. Aussi n’avons-nous pas été sur- pris de le rencontrer dans un cas de morve pulmonaire du cheval et dans deux cas de pneumonie des chèvres. Nous avons profité de cette circonstance pour faire quelques recherches avec ces 3 échantillons, ainsi qu'avec un quatrième, provenant du laboratoire de M. le D' Roux à l'Institut Pasteur. Caractères généraux des % échantillons. — 1s sont mobiles (uniciliés), ne prennent pas le Gram, liquéfient la gélatine, offrent l’aspect classique sur pomme de terre, dégagent l'odeur de fleurs bien connue, et poussent à peine dans le vide, sans donner de pigment. Tous sont pathogènes : inoculés à la dose de 1 c. c. de culture en bouillon (48 heures à 35°) dans le pou- mon de lapins de 1,500 grammes, ils amènent la mort par sep- ticémie, le plus virulent en 12 heures, le moins virulent en 60 heures. Tous produisent des loxiues actives, notamment l'échantillon venant de la chèvre n° 2. Laissant de côté ces pro- priétés pathogènes, nous ne nous occuperons aujourd'hui que des fonclions pigmentaires. Nature des pigments fournis dans les divers milieux. — Nos 4 échantillons se sont moutrés bien plus pyocyanogènes que le bacille type, comme on peut en juger en comparant le tableau suivant schéma classique. 670 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ORIGINE BOUILLON BOUILLON DES LIQUIDES À BLANC D'ŒUF Lioutes B | après passage |après chauffage ÉCHANTILLONS parlelapin. de 5’ à 570, Institut Pasteur| Py. + Pf. -P£. Py. peu abond.|Pv. peu abond.| Py. + Pf. + Pr. L Pf. Cheval........|Pvy. très abond.| Py. + Pf. Py. + Pv. Py. + Pf. Py. + Pf. A Pf. Chèvre 2...... Py. très abond.| Py. + Pf. Py. + Pv. Py. + PF. Py. + Pf. + P£ Chèvre 4...... Py. + P£ Py. + Pf. Py. + Pv. Py. + PL Py CPNPE Liquides À : Bouillon. — Eau peptonisée (2 0/0) et glycérinée (à 0/0). — Gélose ordinaire. — Gélose peptonisée (2 0) et glycérinée (5 °/o). Liquides B : Eau peptonisée (2 c/o) et glucosée (2 °/o). — Eau peptonisée (2 0/0) et lac- tosée (2 0/0). Py.=— pyocyanine; Pf. — pigment vert fluorescent; Pv. — pigment verdâtre (non fluorescent). Dans le bouillon ensemencé après chauffage de la semence pendant 5 minutes à 57°, les cultures ont subi un retard d'un Jour. Dans le blanc d'œuf, seul l’échantillon de l’Institut Pasteur n'a pas donné de pyocyanine, les trois autres en ont fourni abondamment. D'autre part, les échantillons ont tous sécrété du pigment bleu dans les milieux sucrés, dans le bouillon après passage par le lapin, et dans le bouillon après chauffage à 57° (ce chauffage a pourtant influencé le microbe au point de retar- der d’un jour son développement, malgré un abondant ensemen- cement). Nos 4 pyocyaniques paraîtront également remarquables par l'intensité de leur fonction fluorescigène. Mais ici, il convient de remarquer que nous n'avons pas fait usage de cette peptone particulière qui a servi aux premières recherches de M. Gessard, et dont il à par la suite fait ressortir le rôle capital. Aussi ne saurions-nous nous étonner d’avoir obtenu le pigment vert fluo- rescent sur la gélose peptonisée glycérinée. Au point de vue de la formation du pigment verdâtre (non fluorescent), nous n’avons rien constaté d’anormal ; il a simple- ment remplacé le pigment fluorescent, à côté de la pyocyanine, dans les milieux sucrés. Influence des phosphates sur la production du pigment fluores- cent. — M. Gessard avait attribué jadis cette production à une BACILLE PYOCYANIQUE, 671 certaine proportion des phosphates dans les milieux de culture, et cela non seulement pour le bacille pyocyanique, mais encore pour d’autres organismes fluorescents. MM. Lapierre et Catheli- neau ayant montré que cette conclusion était un peu trop absolue, M. Gessard nous a prié d'étudier nos échantillons à ce point de vue, en les ensemençant au large contact de l’air dans le milieu suivant : BEN EN ÉÉEMAEeE ÉRT ARE TRES PS LES { litre. Lactate d’ammoniaque bee 10 grammes, Sulfate de magnésie............ DONORTAS Der. 2 gr. à. avec ou sans phosphate de potasse. Voici ce que nous avons observé. Dans le milieu addilionné de phosphate (5 pour mille) la production de pyocyanine et de pigment fluorescent est rapide et abondante pour tous les échantillons (après 24 heures à 35°). Dans le milieu dépourvu de phosphate, la pyocyanine apparait après 48 heures pour le n° 1, après 24 heures pour les autres (à 35°). Le pigment fluorescent se forme bien plus lente- ment. Après sept jours, il est assez abondant avec le n° 2, moins avec les n° 5 et #, et très pauvre avec le n°1. L'existence des phosphates est donc des plus favorables à la formation du pigment fluorescent, mais elle ne constitue pas une condition vraiment indispensable. Influence de la filtration sur les pigments. — Tandis que la pyocyanine, le pigment verdâtre et le pigment feuille morte (résultant de l'oxydation du vert fluorescent) traversent facile- ment la bougie Chamberland, le vert fluorescent au contraire est retenu par elle en presque totalité. Il est facile de s’en convaincre en füitrant soit une culture de notre échantillon n° 1 dans l’albu- mine, soit une culture d’un des #4 échantillons dans le milieu artiliciel phosphaté après traitement par le chloroforme, qui enlève la pyocyanine. Le liquide filtré, même additionné d’un peu d’alcali, est à peine verdätre et fluorescent. Par contre, il a pris une teinte un peu jaunâtre, ce qui semble indiquer qu’au travers des pores de la bougie, il s’est produit un léger degré d'oxydation (formation de pigment feuille morte). Nichan-Tach. Juillet 189. 672 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. REVUES ET ANALYSES Sur les conditions physiologiques de la production des spores, par M. O. ScureBer, Centralbl. f. Bacter., 1896. M. Schreiber, ayant remarqué que Îles notions que nous avons au sujet des conditions physiologiques de l’action des spores avaient à la fois quelque chose d’incomplet et de décousu, à entrepris de faire un travail d'ensemble sur ce sujet. Ce travail n’est sans doute encore qu’à ses débuts. car il ne nous dit encore rien de bien nouveau. La première conclusion de M. Schreiber est qu'une culture continue et vigoureuse. dans les meilleures conditions d’existence, ne donne jamais de spores. Ceci veut dire qu’ensemencée à intervalles réguliers dans un nouveau et bon milieu, une bactérie ne donne pas de spores. On le savait bien un peu. Ce qui eût été intéressant, c’est de savoir si une culture, toujours la même, sur un milieu incessamment renouvelé, continuait à pousser sans donner de spores, M. Schreiber nous le dira peut-être en poursuivant ses recherches. Sa seconde conclusion est qu’une nourriture insuffisante et de mauvaises conditions extérieures mettent en question la formation des spores. La spore se formant aux dépens du protoplasme, il est clair que celui ci doit être capable de la nourrir. Les meilleures conditions pour la formation rapide et abondante des spores sont, d’après M. Schreiber, l'interruption ou plutôt l'enraye- ment (Hemmung) de la culture par l'addition de carbonate de soude, de sulfate de magnésie, de chlorate de soude ou bien d’eau distillée, à la condition que la culture ainsi traitée soit prospère. C'est que le bacille s’arme pour la résistance et trouve pour cela des ressources dans ces réserves protoplasmiques. Enfin, M. Schreiber nous dit que l’oxygène de l'air estune condition nécessaire à la formation des spores. Il faudrait ajouter que celle con- clusion est vraie seulement pour les espèces aérobies quil à éludiées. Les espèces anaérobies donnent facilement des spores tout à fait à l'abri de l'oxygène; ce qui serait intéressant pour ces dernières spores, ce serait de voir si elles n’ont pas besoin d'un bain d'air pour se rajeu- nir. C’est une question non éludiée, à ma connaissance, et que je recommande à l'attention et à l'habileté expérimentale de M. Schreider. Dx* mr Le Gérant : G. Massox. oo Sceaux. — lmprimeric Charaire et C', Annales de l’Institut Pasteur. PI. VIT. Eten dl Fig. 3 10ne ANNÉE DÉCEMBRE 1896 No 12. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Les Annales de l’Institut Pasteur viennent de* perdre un de leurs ouvriers de la première heure, le professeur Straus. Il avait contribué à les fonder, leur avait donné de bons articles, des analyses très bien faites, et s'il nous avait délaissés depuis quelques années pour s'occuper d’un autre journal scientifique, il n'en était pas moins resté chez nous lami de la maison, celui qui n’en est jamais complètement absent, car 1l y a laissé quelque chose de lui-même. Nous lui avions en outre demandé de garder son nom sur notre façade, car ce nom était déjà et est devenu de plus en plus un de ceux dont on aime à se parer. Si Straus inspirait, en effet, l'amitié par ses qualités personnelles, par la cordialité et la sûreté de ses rela- tions, il commandait le respect par la hauteur de sa 674 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Er Er TE conscience, par son sentiment élevé du devoir, par l'oubli généreux qu'il faisait de lui-même toutes Îles fois qu'un noble intérèt était en jeu. Quand il se faisait une place dans ses préoccupations, c'était pour se demander avec inquiélude, avec cette inquiétude que connaissent seules les belles âmes, s’il remplissait bien la place qu'il s'était faite à force d'intelligence et de travail, et si sa chaire de professeur était dignement occupée. C'est pour elle seule qu'il a vécu ses dernières années. Atteint d'un mal implacable et sans cesse mena- ant, se sentant condamné, c'est au laboratoire qu'il allait oublier ses appréhensions, ses souffrances, et qu'il tàchait, à force d’entrain et de cordialité, de les cacher à ses amis et à ses élèves. Il y réussissait si bien qu'on avait fini par croire que cet homme si tranquille devait ètre rassuré sur sa santé, et la nouvelle de sa mort a frappé de stupeur ceux mêmes qui croyaient le bien con- naître. Quand son heure à été venue, il a voulu partir sans fleurs et sans discours, couvert seulement de cette toge professorale qu’il avait si bien gagnée. Celte auréole de discrétion encadre et complète bien sa physionomie fine, pensive et même un peu mélancolique, qu'auront longtemps dans les yeux. dans la mémoire et dans le cœur, tous ceux qui l'ont eonnu. og ‘a vit ls Ah iii ain dns te dns ét] SUR LES TOXINES NON MICROBIENNES ET LE MÉCANISME DE L'INMUNITE PAR LES SERUMS ANTITOXIQUES PAR M. A. CALMETTE M. A. DELARDE Directeur de l'Institut Pasteur de Lille. Préparateur à l'Institut Pasteur de Lille, Il !, l’un de nous a cons- Au cours de précédentes recherches taté : 1° Que certains sérums normaux présentent quelquefois des propriétés anliloxiques manifestes à l'égard de la toxine diphté- rique ou du venin de serpents”; 20 Quele sérum d'animaux vaccinés soit contre des toxines, soit contre des virus pathogènes, se montre quelquefois actif in vitro, et même préventif, à l'égard d’autres toxines ou d’autres virus. Ces constatations élaient basées sur les expériences suivan- tes: Quatre lapins pesant de { k. 800 à 2 kilos reçoivent simultanément sous la peau une dose de venin, mortelle en 2 heures, mélangée à 5 c. c. de sérum normal d'un chien provenant de la fourrière, qui n'avait subi aucune vacci- nation. Un lapin témoin, de même poids que les précédents, reçoit une égale quantité de venin mélangée à 5 c. c. de sérum d'un autre lapin non vac- ciné. 4 Ce dernier suecombe en 2 heures. Les quatre lapins qui ont reçu le sérum de chien normal résistent après quelques jours d'amaigrissement. La même expérience répétée avec le sérum de cinq autres” chiens n'a donné qu’une seule fois des résultats semblables. » 1 Ces Annales, 1895, page 225. 2. Plusieurs savants ont constaté déjà que l’homme à l’état normal et beau- coup d'animaux non vaccinés avaient un sérum nettement actif sur la toxine diphtérique ; MM. Roux et Nourd, Wassermann et d’autres ont insisté sur ces faits. 676 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Deux chiens sur six avaient donc normalement un sérum actif in vitro sur le venin des serpents. D'autre part : + Deux lapins vaccinés contre l'abrine, et dont le sérum, à la dose de 3 et 2 c. c., s'était montré antitoxique en mélange in vitro avec une dose de venin mortelle en deux heures, reçoivent sous la peau une quantité de venin qui donne la mort en une heure à un lapin témoin de même poids. Les deux lapins vaccinés contre l'abrine restent en parfaite santé. Le témoin meurt en une heure. Des expériences analogues nous montraient que les lapins hypervaccinés contre la rage devenaient très résistants à l’em- poisonnement par le venin, et que d’autres animaux vaceinés contre la bactéridie charbonneuse ou contre le tétanos nous fournissaient un sérum actif dans certains cas sur le venin. Et cependant, nous constalions que ces animaux, dont le sérum manifestait ainsi des propriétés antitoxiques à l'égard du venin, ne possédaient eux-mêmes aucune immunité véritable. car ils succombaient dès que nous leur inoculions une dose de venin très peu supérieure à la dose mortelle. Nous avons cherché à étudier de plus près ces phénomènes, et, dans le but de les élucider aussi complètement que possible, nous nous sommes bornés à l'étude de deux toxines, l’une végé- tale, l’abrine du jéquirity, l'autre animale, le venin des serpents. Nous avons été guidés dans ce choix par les raisons suivan- tes : 1° Il existe des animaux naturellement réfractaires à l’une ou à l'autre de ces deux substances, ce qui pouvait nous permettre de déterminer les conditions de leur immunité ; 2° Nous étions en mesure de nous procurer de grandes quan- tités de sérum antivenimeux et de sérum anti-abrique provenant d'animaux vaccinés par nous-mêmes; 3° Enfin, le degré de toxicité de l’abrine, comme celuides .venins, peut être calculé dans tous les cas d’une façon précise, et il est facile de se procurer ces deux poisons en grandes quantités el toujours identiques à eux-mêmes. A. — Apriwne. L’abrine constitue le principe actif des graines de jéquirity (abrus precatorius), dont la macération fut introduite en 1882 par de Wecker dans la thérapeutique ophtalmologique pour le traitement du trachome. C'est une substance éminem- TOXINES NON MICROBIENNES. 677 ment toxique, qui présente les plus grandes analogies avec les diastases, les venins et les toxines microbiennes. Comme la pln- part de ces dernières, elle est précipitable par l'alcool et est très sensible à l’action de la chaleur; le chauffage au-dessus de 65° la détruit; le mélange avec de petites quantités de teinture d’iode, de chlorure d’or ou d'hypochlorites alcalins la rend inof- fensive. Les effets physiologiques qu'elle produit sont variables sui- vant la voie d’inoculation et suivant la dose. Instillée, même en dilution très étendue, sur les muqueuses, particulièrement sur la muqueuse conjonctivale, elle provoque une violente inflam- mation et même une véritable nécrose des tissus. L’inoculation sous-cutanée détermine de l'œdème, l'épilation des surfaces couvertes de poils, et, à dose très faible, elle produit une vive irritation de la muqueuse intestinale, de la diarrhée, puis une véritable cachexie. Les animaux qui succombent à l’'empoison- nement aiou par l’abrine présentent un piqueté hémorrhagique sur toute la surface de l'intestin grêle. de la congestion du foie, de la rate et des reins, accompagnée d’albuminurie. L’ingestion provoque les mêmes lésions; mais il faut des doses beaucoup plus considérables. L'abrine que nous avons utilisée pour la plupart de nos expé- riences était préparée de la façon suivante : Dans un appareil à déplacement, on fait macérer pendant 24 heures de la farine de jéquirity avec de l’eau distillée stérile: on déplace ensuite l’eau par l’éther sulfurique, on décante l’éther, et on évapore dans le vide, à basse température, le. liquide qui reste dans l'appareil. On obtient ainsi, à l’état sec, l’abrine du jéquirity mélangée à une foule d’impuretés qu’il est impossible d'éliminer sans lui faire perdre une grande partie de son activité toxique. En cet état, on peut la conserver très longtemps : elle se présente sous forme de lamelles écailleuses d’un vert noirâtre. On peut la dissoudre au fur et à mesure des besoins dans de l’eau phéniquée à 5 0/0, sans alcool. La toxicité de l’abrine ainsi préparée est telle qu'il suffit de 1 milligr. pour tuer.en 48 heures un lapin de 2 Kilogr. (Une dose supérieure à 1 milligramme n'agit pas plus vite.) Avec Omer, { les lapins se cachectisent et succombent en 12 à 15 jours. 678 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Pour la souris, une dose de 0,001 suffità donner la mort en 48 heures. Le cobaye, proportionnellement à son poids, estmoins sensible; il ne se cachectise pas aussi facilement que le lapin” et n’est tué en 48 heures que par une dose de 1 milligramme !. Nous avons expérimenté l’abrine avec la plupart des animaux qu'on peut se procurer facilement. Nous avons trouvé que seuls le hérisson, la poule, la tortue, la couleuvre et la grenouille présentent une immunité relative très marquée à l'égard de ce poison. Îl faut 10 milligrammes d’abrine pour tuer sûrement un hérisson ou une poule en 48 heures. La tortue succombe avec 30 milligrammes seulement, la couleuvre avec 5 milligrammes et la grenouille avec L milligramme. Nous reviendrons tout à l'heure sur ces faits. Venixs. — Le venin des serpents dont nons nous sommes servis est celui que nous employons pour l’inoculalion des che- vaux qui fournissent le sérum antivenimeux à notre Institut. C'est un mélange de venins de naja tripudians, de bungarus cœruleus, de trimeresurus, de cerastes, de*bothrops lanceolatus, et de crotales d'origines diverses. Ce mélange nous sért aussi à l'épreuve des sérums antiveni- meux par la méthode que l’un de nous a proposée à la commis- sion d'expériences du « Royal College of Physicians and Sur- geons» de Londres, le 29 juillet 1895 *. Les venins qui le consti- tuent sont dissous ensemble dans uñe solution d’eau phéniquée à 5 0/0 sans alcool, que l’on a soin de conserver à l'abri de la lumière. La toxicité de la dilution est telle que 1 c. c. correspond à 10 milligrämmes de venin sec, et que! milligramme, soitO, 1e.c. eu injection intraveineuse, suffit à tuer eh 15 minutes un lapin pesant 1,800 grammes à 2 kilogrammes. Par voie sous-culanée, la même dose tue le lapin en 2 à 3 heures. * Le cobaye de 500 grammes environ succombe avec Onsr, 2 én 2 à 5 heures, ét la souris blanche dans le même temps avec Omer, OI. 1. Nous avons utilisé dans quelques expériences l’abrine purifiée de Merck qui nous à été fournie par la maison Poulenc. Mais cette abrine est à peu près deux fois moins toxique que celle préparée par le procédé que noùs avons décrit. 2. Voir British med. Journal, 15 août, et The Lancet, 9 août 1895. TOXINES NON MICROBIENNES. 67) Il IMMUNITÉ NATURELLE. — PROPRIÉTÉ DES HUMEURS DES ANIMAUX RÉFRACTAIRES A) ANIMAUX NATURELLEMENT RÉFRACTAIRES À L'INTOXICATION PAR LE VENIN. — On sait déjà, par les études que noûs avons antérieu- rement publiées et par celles d’autres expérimentateurs, qu'il existe des espèces animales très résistantes" à l'intoxication par le venin des serpents. Les ophidiens venimeux, par exemple, ne sont nullement incommodés si on leur injecte sous la peau une quantité de venin égale à celle qui est normalement ten- fermée dans leurs deux glandes, et les serpents non venimeux, comme la couleuvre, suppôrtent impunémetit les morsures suc- cessives de deux vipères vigoureuses. Cette constatation que nous avons faite maintes fois après Fontana, Kauffmann, etc., nous avait conduit à penser, avec ces savants, que les reptiles jouis- sent d'une indemnité parfaite à l'égard du venin. Les études plus complètes que nous avons pu faire sur ce sujet nous obligent à rectifier cette conclusion trop absolue. Nous avons injecté à deux cérastes d'Egypte et à un ophio- phage de l’Indo-Ghinñe uühe quantité de venin trois fois süpé- rieure à celle contenue normalement dans lés glandes réspec- lives de ces serpents. Tous les trois ont succombé en quelques heures. Nous avons fait mordre une couleuvre à collier successive- ment par deux cérastes dont le venin est environ quatre fois plus toxique que celui de la vipère péliade de France. Elle a succombé également. On doit donc conclüre de cés faits que les réptiles peuvent être tués par l’inoculation de dosës considérables dé venin. Ils sont très résistants à l'égard de ce poison, mais léuf immunité n'est pas absolue. .Moins absolue encore est l’immunité de tertaitis autres ani- maux tels qué le porc, le hérisson et le matigouste, qui résis- tent dans beaucoup de cas aux morsures dé serpents très dan- gereux, comme l’un de nous l’a montré. Toutefois, pour le mäñgouste, qui pèse environ 1,200 grämiines, la liinité dé lolé- ratice n'excède pas la quantité de veniti nécéssaire pour luët 16 kilogrammies de lapin. 6 680 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Nous avons cherché à nous rendre compte du mécanisme de cette immunité naturelle relative dont jouissent les ophidiens venimeux ou non venimeux et quelques mammifèr2s à l'égard” du venin. En ce qui concerne les reptiles, cette immunité a été altri- buée par quelques auteurs, notamment par Fraser, d'Edim- bourg, à l'existence dans leur sérum d'une substance anü- toxique. ; Or, l’un de nous a établi, dans un précédent mémoire, que le sang des ophidiens, loin de posséder le pouvoir d'immuniser contre le venin les animaux auxquels on l’injecte, les tue, et que la mort ainsi produite est précédée de symptômes d’intoxi- cation tout à fait différents de ceux que provoque le venin. Les expériences que nous avons effectuées nous ont égale- ment montré : , 1° Que le sang de tous les ophidiens, venimeux et non veni- meux, présente à peu près le même degré de toxicité, quelle que soit l'espèce du reptile qui l’a fourni ; 20 Que le principe toxique du sang est détruit par le chauf- fage à 68°, alors que le venin n’est pas modifié àcettetempérature,; 3° Que les animaux vaccinés contre le venin succombent lorsqu'on leur inocule une dose de sang d’ophidien mortelle pour les témoins ; 4 Que, cependant, le mélange de sang d’ophidien et de sérum antivenimeux est inoffensif. Nous étions, par suite, amenés à conclure que le principe toxique du sang des repüles est constitué par une substance différente du venin par ses effets physiologiques et par sa manière de se comporter vis-à-vis de la chaleur. Il ne nous a pas été possible de déceler dans le sang de ces animaux, privé de sa toxicité par le chauffage, l'existence d’une substance antitoxique. Nous avons injecté à un cobaye 2 €. c. et à une souris 1 c. c. de saug de naja tripudians chauffé 15 minutes à 68°. Cinq jours après, ces animaux ont succombé à l’inoculation d'épreuve de la dose minima mortelle de venin. Nous sommes donc fondés à croire qu'i n'existe, dans le sang des reptiles, aucune substance antitoxique capable de justifier l'im- munilé relative ‘qu'ils possèdent à l'égard du venin, ou que, st . TOXINES NON MICROBIENNES. 681 celte substance existe, elle se trouve juxtaposée à une substance toxique dont ilne nous a pas été possible de la séparer. Il nous faut donc chercher ailleurs l'explication de l’immu- nité naturelle de ces animaux. Nous avons étudié à cet égard leur foie et le tissu nerveux de leurs centres céphalo-rachidiens. Le foie, le cerveau et le bulbe d’un naja tripudiuns ont été exprimés avec soin pour en extraire la plus grande quantité possible du sang qu’ils renfermaient; on a ensuite broyé fine- ment ces organes, et on les a fait macérer avec une petite quantité d’eau à la glacière pendant 24 heures. Le liquide filtré sur papier a été divisé en deux parties égales pour chaque macération. Une partie de celui provenant du foie a été injectée préventivement sous la peau d’un cobaye. L'autre partie, mélangée à une dose de venin diluée dans la même quantité d’eau et sûrement mortelle en 2 heures, a été injectée à un second cobaye. On a fait de même pour le liquide provenant de la macéra- üon des centres nerveux. Les deux cobayes qui ont reçu le mélange de liquide et de venin ont succombé sans aucun retard. Les deux cobayes injectés préventivement avec le suc du foie et avec le suc de substance cérébrale ont reçu, le lendemain, la même dose de venin, et ont succombé également. * Donc le foie et les centres céphalo-rachidiens des reptiles ne renferment aucune substance possédant une action antitoxique sur le venin ou capable d’en modifier les effets. Nous avons étudié, d'autre part, le sérum du mangouste et celui du hérisson. Le sérum de ces deux mammifères, mélangé à une dose de venin sûrement mortelle, retarde la mort d’une facon très manifeste, mais ne l’empêche pas. Il n’a également que des propriétés préventives à peine marquées : 6 et 8 c. c. de sérum de hérisson, injectés 24 heures avant une dose de venin double de la dose minima mortelle, retardent seulement la mort de quelques heures. Le porc qui, dans certains pays, est dressé spécialement pour la chasse des vipères qu'il dévore avec avidité sans être incom- modé par leurs morsures, a un sérum totalement inactif in vitro . sur le venin, et nullement préventif. 682 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. B) ANIMAUX NAÏURELLEMENT RÉFRACTAIRES À L'INTOXICATION PAR L'ABRINE. — Le hérisson, Ja poule ét la tortue résistent, nous l'avons déjà dit, à des doses d’abrine considérables. Nous avons recherché par les expériences suivantes si le sang de ces ani- maux renfermait une substance autiloxique Sérum de hérisson (prélevé sans sacrifier les animaux, par ligature de la carotide). Lapin, 16,520 gr., reçoit préventivement en injection sous-cutanée 3 €. c. de sérum de hérisson et, 24 h. après, { millig. d'abrine, dose mortelle en 48 h. pour les témoins. Survie. Lapin, 1k,770 gr., reçoit préventivement 2 c. c. de sérum de hérisson et, 24 h, après, { millig. d'abrine. Survie : 7 jours. Lapin, 1k,880 gr., reçoit sous la peau un mélange de { c.c. de sérum avec Î millig. d'äbrine. Shrvié : : D jours. Lapin, 1k,900 gr., recoit sous la peau un mélange de 1/2 c. c. sérumi avec l millig. d’abrine. Survie : 48 h. Le sérum du hérisson a donc des propriétés manifestement antitoxiques à à l'égard de l’abrine, mais la quantité de sérum nécessaire pour cotes les effets d'une dose mortelle en 48 heures est relativement considérable, puisqu'il en faut au moins 3 €: €. Sérum de poule. Lapin, 16,560 gr. recoit préventivement 2 c.c. de sérum de poulie normale et, 24 h. après, { millig. d’abrine. Survie : 48 h. Läpin, 1k,350 gr., reçoit en injection sous-cutanée un mélange de le. c. de sérum de poule avec 1 millig. d’abrine. Survie : 48h. Serum de tortue (testudo lutaria): Lapin, 4k,450 gr:, reçoit en injection sous-cutanée un mélange de { €. c. de sérum de tortue avec 1 millig. d'abrine. Survie : 48 h. : La poule et la toïtue, bién que réfractaires à l'intoxication par l’abrine, ont dotic un sérum totalement inactif in vitro, et nullement préventif à l'égard de ce poison. LES ANIMAUX RÉFRACTAIRES BEUVENT-ILS PRODUIRE DES ANTI- TOxINES? — Profitant de la tolérance très grande des poulés et des türlues à l'égard de l’abrine, nous avotis cherché ce que devient cette substance lorsqu'on l'iijecte à doses répétées à ces animaux. Deux poules ont réçu chacutie en 12 joüts ütie quantité totälé d’abrine égale à 8 milligrammes. L'üne d'elles à été Säignée après trois Semaines. Sou Séruni à été éprouvé préven- tivement à la dose de 5 ec. t:, 24 licures Avant l'injection de Dette a décémet , TOXINES NON MICROBIENNES. 683 1 milligramme d’abrine, et en mélange à la dose de 2 €. c. pour 1 milligramme d’abrine. Les deux lapins ont survécu, après avoir maigri pendaut quelques jours. Le sérum de cette poule s’est done montré actif sur l’abrine alors que le sérum de poule normale est inactif. La même expérience faite avec des tortues a donné un résultat tout opposé. Nous devons dire d’abord que nous avons éprouvé les plus grandes difficultés à conserver les tortues auxquelles nous injec- tions tous les deux jours seulement 2 milligrammes d'abrine, dose très inférieure à celle qu’elles supportent d'ordinaire, puis- que ces animaux ne succombent, en 48 heures, qu'à l'injection de 30 milligrammes de poison au moins. L’abrine reste accu- mulée dans leur organisme el, au bout de quelques semaines, ils meurent inloxiqués. En inlerrompant les injections assez tôt, nous avons pu étudier le sérum de deux tortues sur onze mises en expérience. Ces tortues avaient recu seulement en totalité l'une 20 milli- grammes, l’autre 14 milligrammes d’abrine. Leur sérum, injecté à quatre souris blanches, 25 jours après la dernière injection d'abrine, s’est montré toxique au point de donner la mort en 24 heures, ce qui ne se produit géuéralement, chez ces animaux, qu'avec des doses d’abrine assez élevées. Un lapin qui a reçu 1 c. c. de sang de tortue abrinée est mort en 5 jours. Nous avons observé des faits absolument semblables avec des grenouilles. Nous avons réussi à faire supporter à ces batraciens des doses d’abrine mortelles pour les témoins, mais, après un repos de deux semaines suivant là dernière injection, leur sérum était encore toxique pour la souris. Quatre grenouilles ont reçu du {3 avril au 8 juin 1896 six injections de 1 milligr. d'abrine, cspacées chacune de 8 à 12 jours. Le 8 juin, elles résis- tent à l'inoculation d'une dose de 2 millier. d'abrine, mortelle en 2-3 jours pour deux témoins. Le 23 juin, quinze jours après la dernière inoculation d'abrine, deux de ces grenouilles sont sacrifiées. Le sang du cœur est injecté dans le périloine de deux souris blanches qui succoinbent, l'une en 48 heures, l’autre en 5 jours, avec les lésions inésentériques qui caractérisent l'intoxication par labrine f. 4. Nous nous sommes assurés, à diverses reprises, que Île sang normal de grenouille n’est pas toxique pour la souris. 684 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Le 29 juin, les deux autres grenouilles qui n’ont pas reçu d’abrine depuis le 8 juin sont sacrifiées. Le sang de l’une d'elles est inoculé à une souris qui succombe en neuf jours. ° Le sang de la dernière est inoculé à une autre souris, dans le péritoine, en même temps qu'une dose de 1/2 c. ec. de sérum antiabrique de lapin. Cette souris ne présente aucun malaise. Les grenouilles, déjà naturellement peu sensibles à l’abrine, peuvent donc acquérir, au moyen d’injections suffisamment espacées, l’immunité contre une dose de cette substance mor- telle pour les grenouilles témoins. Cependant, malgré leur immunité acquise surajoutée à leur immunité #aturelle, leur sérum reste toxique pendant un temps très long et elles ne produisent pas d’antitoxines. Ces faits nous permettent d'affirmer : 1° Que l’état d’immunité naturelle à l'égard des toxines n'implique nullement l’existence, dans le sang des animaux réfractaires, de substances antitoxiques spécifiques, et que ces substances, lorsqu'elles existent, ne sont jamais assez actives pour expliquer l'immunité relativement solide dont jouissent ces animaux ; 20 Que, seuls, les animaux à sang chaud naturellement réfractaires sont capables de former des antitoxines sous l’in- fluence d’injections répélées d’abrine, mais que les animaux à sang froid réfractaires n’en produisent pas dans les conditions normales de leur existence *. II IMMUNITÉ ARTIFICIELLE SPÉCIFIQUE Propriétés du sérum des animaux vaccinés contre le venin et contre l’abrine. A) SéRuu ANTIVENIMEUX. — L'’immunisation des animaux contre le venin des serpents s'effectue dans les meilleures conditions en suivant la technique décrite par l’un de nous dans un précé- dent mémoire. Nous avons vacciné depuis trois ans, par cette méthode, un grand nombre d'animaux, et nous possédons main- tenant à l'Institut Pasteur de Lille des chevaux qui, depuis dix- 1. M. Metchnikoff a observé le même phénomène avec la toxine tétanique chez la tortue. Lacan + TOXINES NON MICROBIENNES. 685 huit mois, fournissent un sérum extrèmement actif contre le venin. Ces chevaux reçoivent en une seule injection, sans en éprouver aucun effet, des doses de venin capables de donner la mort à 50 chevaux neufs. Leur sérum est actif au 1/200000 d’après la notation de Roux, c’est-à-dire qu’il suffit d'en injecter préventivement à un lapin une dose égale à un deux cent millième de son poids pour l'immuniser contre une dose de venin capable de tuer en 12 heures un lapin de même poids. La rapidité extrême avec laquelle agit ce sérum sur les ani- maux neufs permet d'étudier son mode d'action d’une manière beaucoup plus précise qu'on ne pourrait le faire avec les autres sérums antitoxiques. Si nous injectons, par exemple, dans la veine marginale de l'oreille d’un lapin, 2 c. c. de sérum antivenimeux, l'immunité est acquise instantanément. Nous pouvons, aussitôt après, ou bien 5 minutes, 10 mi- nutes, À heure, 10 heures après l'introduction du sérum, injecter dans la veine de l’autre oreille du même lapin une quantité de venin capable de tuer les témoins en 15 minutes par voie intra- veineuse. Thérapeutiquement, ce sérum agit avec une intensité aussi grande. Prenons 4 lapins de même poids, auxquels nous injec- tons simultanément, par voie sous-cutanée, une quantité de venin calculée pour tuer en 2 heures. A l’un de ces lapins nous n’injectons pas de sérum : il succombe en deux heures, dans le délai prévu. Aux 3 autres, nous injectons par voie intra-veineuse, { h. 45 minutes après le venin, une quantité de sérum égale à la 400e partie de leur poids (5 c. c. pour ua lapin de 2 kilogrammes). Tous les trois restent en parfaite santé. . En injectant une quantité de sérum un peu supérieure, nous pouvons même intervenir encore plus tardivement, tant que ne se sont pas encore manifestés les premiers symptômes d’asystolie et d’asphyxie respiratoire qui surviennent très brusquement, peu d'instants avant la mort, et indiquent que le bulbe est atteint. Voilà donc un sérum qui, d'emblée, sans réaction préalable de l'organisme, produit l’insensibilisation absolue des cellules à l'égard du venin. 686 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. C'est là un fait extrêmement important au point de vue de l'interprétation du mode d'action des sérums. Nous y reviendrons plus loin. - B)SéRuM ANTIABRIQUE. — Dès 1891, Ehrlich avait réussi à immu- niser des souris blanches contre l’abrine en leur faisant ingérer quolidienuement avec leur nourriture des doses croissantes de cette substance. Après quelques jours de ce régime, le sang des souris manifestait des propriétés nettement antitoxiques. Toute- fois, l’immunité ainsi produite restait faible, car l’absorption de l'abrine, comme celle des venins, ne s’opère par les muqueuses gastrique et intestinale qu’en très petite quantité et avec une exatrème lenteur, comme l'a montréle D'Répin' dans un mémoire récent. Nous avons réussi à vacciner des lapins et des cobayes contre cette toxine végétale par la voie hypodermique. Cette vaccination ne peut être réalisée qu'avec beaucoup de temps et de prudence. Il ne nous a pas fallu moins de 6 mois pour arriver, chez nos animaux, à une tolérance de 10 milligrammes, et, pour ne pas produire de cachexie, nous avons dù commencer par injecter tous les 4 jours, puis tous les 2 jours pendant 2 mois, des doses de Ow+,005, en suspendant les injections dès que les animaux commençaient à maigrir. < Nous conservons depuis près de deux ans des lapins et des cobayes qui supportent très facilement 100 milligrammes en une seule injection, ce qui correspond pour le lapin-à une dose 1,000 fois mortelle. Le sérum des lapins ainsi vaccinés est très anlitoxique et énergiquement préventif. Il suffit d'en injecter 0,1 c. c. à unlapin neuf pour l'immuniser contre une dose de 2 milligrammes d’abrine injectée sous la peau 24 heures après le sérum. En mélange in vitro, 0,01 c. ce. annihile les effets de 1 milligramme d’abrine. | IV ACTION LOCALE DU SÉRUM ANTIABRIQUE ET DU SÉRUM ANTIVENIMEUX Les sérums antiabrique et antivenimeux appliqués locale- ment sur les muqueuses exercent une action préventive extré- 1. Ces Annales, 1895, p. 517. PPS TOXINES NON MICROBIENNES. 687 mement marquée, que nous mettons en évidence par lexpé- rience suivante. Nous pratiquons, entre les paupières de l'œil d’un lapin, l'ins- tillation de quelques gouttes de sérum antiabrique en laissant la conjonctive s’imprégner pendant quelques instants, puis nous lavons l'œil à l’eau stérile. Un quart d'heure après, nous instillons dans le même œil deux goultes d'une solulion à 1 0/0 d’abrine. Un lapin fémoin reçoit dans l’un des yeux la même dose d'abrine. Après 24 heures, l'œil du lapin témoin est en pleine suppura- tion, les paupières sont agglutinées, etla conjonctive, fortement œdématiée, laisse exsuder de nombreux globules de pus. L’œil du lapin lavé préventivement avec le sérum est ahso- lument normal. Nous avons effectué plusieurs expériences, en collaboration avec M. de Lapersonne, professeur de clinique ophtalmologique à Lille, en vue d'étudier les effets du sérum fantiabrique sur l’ophtalmie jéquiritique expérimentale. On sait qu'à la suile des travaux de de Wecker en 1882, plusieurs ophtalmologistes essayèrent le traitement du trachome et de certaines ophtalmies par la macération de graines de jéquirity. On produisait de la sorte une inflammation intense de la conjonctive, et la maladie initiale guérissait en même temps que l’ophtalmie surajoutée, qu’on qualiliait alors de substitutive. Malheureusement, dans beaucoup de cas, il se produisait une suppuralion trop étendue, des ulcères de la cornée, et quelquefois même Ja fonte purulente de l'œil, de sorte que l'usage du Jéqui- rily fut bientôt abandonné !. Oa pourrait peut-être revenir à son emploi lorsqu'il est utile de provoquer une inflammation artificielle, c’est-à-dire, en lan- gage scientifique moderne, d’appeler vers la conjonctive une grande quantité de cellules migratrices capables de régénérer un tissu ou d’englober les microbes qui produisent uneirritation locale persistante. 1. On attribuait alors l’activité de la macération de jéquirity à la présence d'un bacille spécial que Sattler avait décrit comme spécifique. Mais les travaux de Kobert et de Hellin ont montré depuis que ce bacille ne joue aucun rôle, et que le principe actif de ces graines est une substance albuminoïde très toxique, allé- rable par la chaleur, et à laquelle ils ont donné le nom d'’abrine. 688 ANNAEES DE L’INSTITUT PASTEUR. On pourrait y revenir surtout légitimementsi, par l'usage judi- cieux du sérum d'animaux vaccinés contre l’abrine, il devenait possible de limiter l’inflammation au degré strictement utile. Nos expériences ont eu précisément pour objet d’élucider cette question. Nous avons instillé simultanément à 8 lapins, dans l'œil droit de chacun d’eux, deux gouttes d’une solution à 1 0/0 d’abrine. Deux de ces lapins n’ont subi aucun traitement. Ils ont eu une ophtalmie purulente, sans ulcères de la cornée, qui a guéri spontanément en 8 jours. Deux lapins ont été traités au bout de six heures par linstil- lation de dix gouttes de sérum. Nous avons pris soin de faire pénétrer le sérum dans les culs-de-sac de la conjonctive en atti- rant légèrement les paupières en avant de l'œil. Ces lapins n’ont éprouvé aucune inflammation. Deux lapins ont été traités au bout de 24 heures par la mème dose de sérum. Ils étaient en pleine ophtalmie, et il a fallu leur décoller les paupières avec de l’eau tiède. Le lendemain, ils avaient l’œil ouvert, la conjonctive légèrement rouge, mais sans suppuration. Deux jours après, ils étaient complètement guéris. Enfin, les deux derniers lapins ont été traités seulement au bout de 2 jours. 48 heures après l’instillation, ils avaient l'œil ouvert : l’ophtalmie à duré, chez eux, 3 jours de moins que chez les témoins. L'action locale du sérum antiabrique est donc très énergique, et l'emploi de ce sérum permettrait probablement de reprendre dans la thérapeutique ophtalmologique humaine l'usage de l’abrine, puisqu'il deviendrait possible de limiter, suivant les nécessités de chaque cas, l'intensité de l’inflammation artificielle provoquée sur la conjonctive. Les résultats de nos expériences sur les animaux justifie- raient, à cet égard, des essais sur l’homme. Le venin des serpents provoque sur la conjonctive des effets tout à fait semblables à ceux de l’abrine. Nous nous sommes assurés, par des expériences calquées sur les précédentes, que le sérum anlivenimeux produit la même immunité locale des muqueuses que le sérum antiabrique. Cette action locale des sérums antitoxiques sur les muqueuses TOXINES NON MICROBIENNES. 689 est intéressante non seulement à cause des applications pratiques auxquelles elle conduit, mais encore au point de vue doctrinal, pour l'interprétation des phénomènes de l’immunité artificielle passive. Nous reviendrons plus loin sur ce sujet. V ÉLIMINATION DES TOXINES INTRODUITES DANS L'ORGANISME CHEZ LES ANIMAUX NEUFS ET CHEZ LES ANIMAUX VACCINÉS Lorsqu'on injecte de l’abrine à un lapin par voie intravei- neuse à haute dose, 10 miliigrammes par exemple, l'animal succombe en 36 à 40 heures, presque dans le même délai que s'il avait reçu une dose dix fois moindre, mais les lésions qu'il présente sont beaucoup plus accentuées et localisées surtout à l'intestin grêle. . Le sang du cœur, inoculé à des souris à la dose de 1,2 c. ce. dans le péritoine, les tue en 48 heures : il est donc toxique. L'urine, injectée à la même dose, ne produit aucun effet : les souris résistent parfaitement. En raison de la nature des lésions, il paraissait probable que l'abrine s’élimine surtout par la voie intestinale. Nous avons recueilli tout le contenu de l'intestin grêle depuis l'estomac jusqu'au cœcum, et nous l’avons fait macérer pendant 24 heures à la glacière dans l’eau distillée stérile. Nous avons ensuite filtré notre liquide, d’abord au papier, puis à la bougie Cham- + berland, et nous l’avons évaporé dans le vide à basse tempé- ralure. Le résidu ainsi obtenu a été redissous dans une petite quan- tité d’eau, et nous l’avons utilisé pour les épreuves suivantes : 1° Deux souris blanches reçoivent chacune. sous la peau du ventre 1/2 c. c. de la solution d'extrait intestinal. Ces deux souris succombent en 48 heures ; 2° Deux souris reçoivent chacune la même quantité d'extrait mélangé à 1 c. c. de sérum de lapin vacciné contre l’abrine. Elles restent en bonne santé. y Chez le lapin intoxiqué par l’abrine, cette substance s’élimine donc en grande partie par l'intestin, et on peut la retrouver dans l'intestin grêle. Nous avons répété la même expérience avec un lapin vacciné 44 690 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. qui a été sacrifié 24 heures après l'injection de 50 miliigrammes d’abrine (ce lapin en supportait 100 milligrammes en une seule dose sans être malade). .” Le sang de ce lapin a été inoculé à la dose de 1 c. c. à deux souris qur sont restées très bien portantes. Le contenu de l'intestin grêle, traité exactement suivant la technique que nous avons suivie pour le lapin non vacciné, s’est montré également inoffensif pour deux autres souris et pour un cobaye auquel nous en avons injecté une grande quantité sous la peau. La substance toxique s'est donc transformée ou modifiée dans l’organisme du lapin vacciné au contact de ses cellules ou de ses humeurs, de telle sorte qu’il est impossible d’en retrouver des traces soit dans le sang, soit dans les urines, soit dans le contenu intestinal. VI DIAGNOSTIC DES TOXINES PAR LES SÉRUMS On sait que les recherches de Pfeiffer, Charrin et Roger, Léæffler et Abel, Gübler, Bordet, Widal etc., ont montré qu'il est possible d'effectuer le diagnostic précis des microbes pathogènes en utilisant les propriétés spécifiques, bactéricides ou agglu- tinantes que possèdent à l'égard de ces microbes le sérum des animaux vaccinés ou en état d'infection. Dans beaucoup de circonstances la valeur de cette méthode, dite de sérodiagnostre, est très précise; elle permet par exemple de différencier certains vibrions cholériques d'autres vibrions non pathogènes, le bacille d'Eberth du Bac. coli, etc. , On a vu au précédent chapitre que nous avons été amenés à appliquer le même principe à l’analyse des toxines. L'un de nous en collaboration avec Hankin, d'Agra ‘, avait déjà réalisé cette application à propos de venin. L'occasion s’est présentée de faire l'épreuve de cette intéressante méthode dans les deux circon- stances que voici : ' Les indigènes de certains districts de l'Inde empoisonnent fréquemment, dans un but de vengeance, les animaux domes- tiques qui appartiennent à leurs ennemis, et les poisons qu'ils 1. Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 1896 ne 4, p. 205. Le. TOXINES NON MICROBIENNES. 691 emploient le plus volontiers sont ceux qu'ils savent devoir échap- per à l’analyse des experts près les tribunaux. Deux Substances sont généralement préférées : le jéquirity et le venin des ser- pents. M. Hankin, directeur du laboratoire bactériologique d’Agra, eut à examiner des linges qui avaient été introduits dans le rec- tum de vaches mortes avec tous les symptômes d’un empoison- nement aigu. Se trouvant dans l'impossibilité de déterminer chimiquement la nature du poison employé, il fit un extrait concentré avec les linges et le divisa en deux portions égales, L’une fut inoculée sous la peau d’un lapin qui mourut en moins d’une heure avec tous les signes de l’intoxication par le venin des serpents; l’autre fut mélangée à une petite quantité de notre sérum anti- venimeux et injectée ensuite à un second lapin qui resta très bien portant. La nature exacte du poison des linges était ainsi manifeste ment révélée. Toujours dans le même but criminel, les Indiens se servent d'un morceau de bois court, taillé en forme de massue, dont la grosse extrémité porte, encastrés dans des trous, plusieurs petites baguettes pointues constituées par une substance dure, grisâtre, assez semblable par la forme, la couleur et les dimensions, à des crayons de nitrale d'argent. Armés de ce moreeau de bois qu'ils cachent aisément dans la main, ils frappent les animaux de manière à produire plusieurs plaies à peine visibles, dans lesquelles se brisent les pointes de l'instrument. Nous avons recu de M. Hankin quelques spécimens de ces pointes en vue de rechercher s’il n’entrait pas de jéquirity dans leur composition. La pâte dont elles sont formées se gonfle et se désagrège lentement dans l’eau. Nous en avons dissous 0 gr. 50 dans 6 c. c. d’eau. 1/2 e. c. de cette solution tue en 48 heures un lapin de 2 kilos, et on retrouve, à l'autopsie de l’animal, toutes les lésions caractéristiques de l’empoisonnement par l'abrine : œædème de la région inoculée, congestion du foie et des reins, piqueté hémorrhagique de la muqueuse intestinale et du mésen- tère. La même quantité de solution, mélangée à 2 e. ce. de sérum. 692 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. d’un de nos lapins vaccinés contre l’abrine, n’a produit aucun effet toxique. : Nous l’avons inoculée ensuite à la dose de 1 c. c. à 2 lapins et à 2 cobayes vaccinés qui n’en ont éprouvé aucun malaise. Par suite, il y a liet d'affirmer que le principe actif des pointes est bien identique, comme le supposait Hankin, à celui des graines de jéquirity. Ilne paraît pas douteux que, dans l’avenir, ce procédé d'ana- lyse physiologique des toxines animales, végétales ou micro- biennes par les sérums ne trouve un emploi fréquent, soit pour les recherches de Jaboratoire, soit dans les expertises de toxico- logie en médecine légale. L'organisme vivant étant un réactif autrement sensible et sûr que les réactifs chimiques les plus précis, on aura peut-être des occasions fréquentes de recourir à ce mode d’expérimentation lorsqu'il s’agira de déterminer la nature exacte de ces poisons dérivés de la cellule vivante, ani- male, végétale ou microbienne, dont l'importance pathologique commence à peine à se révéler à nous depuis quelques années. NII ACTION DE LA CHALEUR ET DE QUELQUES SUBSTANCES CHIMIQUES >» SUR LES SÉRUMS ANTiTOXIQUES. Depuis que Behring a découvert le principe du pouvoir antitoxique des sérums d'animaux vaccinés contre la diphtérie etle tétanos, beaucoup d’expérimentateurs, parmi iesquels il convient de citer, après Behring lui-même, Fraenkel, Wasser- mann, Brieger et Boer, etc., ont cherché à isoler de ces sérums la substance active. On a expérimenté à peu près tous les corps chimiques qui précipitent à froid les matières albuminoïdes (alcool, sulfate d'ammoniaque, sulfate de magnésie, nitrate de soude, phosphate de soude, chlorures de calcium et de sodium, acides minéraux et organiques en solutionsétendues, ete.). L'emploi deces réactifs aboutit invariablement à l'obtention d’un produit qui renferme diverses albuminoïdes du sérum, mais dont les propriétés antitoxiques sont très diminuées. Brieger et Boer, dans un travail récent’, pensent avoir 4. Zeitschrift für Hygiene, 189%, fascicule 2. . TOXINES NON MICROBIENNES. 695 obtenu un résultat meilleur en recourant à une méthode nouvelle. . Cette méthode consiste à combiner les antitoxines avec un sel métallique, tel que le sulfate de cuivre, le sublimé, le sulfate ou le chlorure de zinc, et à décomposer ensuite la combinaison formée au moyen d’une substance qui n’altérerait pas les antitoxines, le gaz acide carbonique par exemple. Le sulfate et le chlorure de zinc ont surtout été employés avec succès. A 10 c. c. de sérum antidiphtérique, Brieger et Boer ajoutent 20 c. c. d’une solution de sulfate de zinc à 1 0/0: le pré- cipité lavé est dissous dans de l’eau légèrement alcaline, et on précipite le zinc par un courant d’acide carbonique. Par ce pro- cédé, ils ont réussi à retirer de 10 c. c. de sérum 0 gr. 10 centi- grammes d’une poudre soluble dans l’eau et possédant, au dire des auteurs, toutes les propriétés des antitoxines. Nous avons cherché de notre côté à déterminer les caractères dela substance antitoxique des sérums, en étudiantles effets que produisent sur cette substance la chaleur etles réactifs chimiques qui modifient où détruisent plus ou moins rapidement les toxines. A l'égard de la chaleur. les divers sérums antitoxiques présentent une sensibilité très variable. Les uns, le sérum antidiphtérique et le sérum anti-abrique par exemple, perdent rapidement leurs propriétés préventives par le chauffage à partir de 58°. ; Le sérum antivenimeux, au contraire, est beaucoup plus stable. 11 n’est pas modifié par un chauffage d'une heure à 56° en tube clos. Il ne s’atténue rapidement qu’à partir de 68°, et, dès que l’albumine commence à se coaguler, son activité disparait lout à Coup. Il semble donc qu’une certaine corrélation existe entre la résistance des toxines à la chaleur et celle de leurs sérums antitoxiques. Voyons maintenant si les réactifs chimiques qui altèrent les toxines exercent la même action sur les antitoxines. Nous savons, par les travaux antérieurs de l’un de nous, que le venin, en solution même très concentrée, perd immédiate- 694 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ment sa toxicité si on le mélange avec des quantités très faibles d'hypochiorite de chaux. Il suffit, par exemple, de O0 gr. 005 d'hypochlorite pour détruire in vitro 10 milligrammes de venin de cobra. Le chlorure d’or possède les mêmes propriétés, quoique un peu moins énergiques. Ces deux substances détruisent avec la même puissance l’abrine et la plupart des toxines microbiennes, celles de Îa diphtérie et du tétanos par exemple. Si nous ajoutons à 5 ce. c. de sérum antivenimeux de cheval 1 c. c. d’une solution récente à 10 0/0 d’hypochlorite de chaux, telle que 1 c. c. peut dégager 10 c. ec. de chlore, il se produit immédiatement dans la masse du sérum un trouble albumineux indiquant que l’albumine subit un commencement de coagu- lation. e Injectons à un lapin ce mélange par voie intraveineuse, il n en éprouve aucun dommage Une demi-heure après, inoculons à ce même lapin par voie intraveineuse, une dose de venin mortelle en 15 minutes : il résiste parfaitement. Faisons la même expérience avec 5 c. c. de sérum de cheval normal additionné de 4 ec. ce. de la solution d'hypochlorite, afin de voir si la présence de cette petite quantité d'hypochlorite dans le sérum suffit à préserver. Le lapin auquel nous injectons ce mélange de sérum normal et d'hypochlorite reçoit, une demi-heure après, la même dose de venin que le précédent. Il succombe sans aucun retard. Si nous mélangeons la même quantité d'hypochlorite à une solution de 5 milligrammes de venin de cobra dans 5 c. c. d’eau, et que nous injections ce mélange à un lapin, celui-ci n’en éprouve aucun malaise. Si, d'autre part, nous mélangeons 5 milligrammes de venin de cobra avec 5 c. c. de sérum normal, et si nous faisons agir l’hypochlorite sur ce mélange à la dose de 1 c. c. d’une solution à 10 p. °/. nous constatons que, malgré la présence de l’albumine du sérum, le venin a été détruit et que l'injection de ce mélange sous la peau d’un lapin re produit aucun effet toxique. Donc l'hypochlorite de chaux, mélangé au sérum à des doses qui détruisent le venin immédiatement, ne modifie pas l'antitoæine, Re het nie Sie es re do à. TOXINES NON MICROBIENNES. 695 Pour supprimer le pouvoir préventif du sérum, il faut au moins 2 c. c. de la solution d'hypochlorite de chaux au 1/10, soit 20 c. c. de chlore. Mais l'injection de ce mélange très riche en chlore doit être faite sous la peau pour ne pas tuer les lapins. Le chlorure d’or, mélangé à la dose de 0 gr. O1 par 5 5c. c. de sérum, laisse également intacte l’antitoxine, alors qu’à une dose dix fois moindre il détruit l’activité de 5 milligrammes de venin. Il en est de même de l’iode, ainsi que le montrent les expériences suivantes : Un lapin pesant 1E,880 recoit dans la veine marginale de l'oreille un mélange de 5 c. c. de sérum antivenimeux de cheval avec 1 ce. c. d’une solu- tion à { p. 100 de chlorure d’or. Une demi-heure après, on injecte, dans la veine marginale de l’autre oreille, une dose de venin mortelle en 15 minutes. Le lapin ne présente aucun malaise. Un lapin pesant {k,670 reçoit, en même temps et dans les mêmes condi- tions, un mélange de 5 e. c. de sérum normal de cheval avec 4 c. c. de la solution de chlorure d'or, et, une demi-heure après, la même dose de venin que le précédent. Il suecombe en 12 minutes. Un lapin pesant 1k,590 reçoit sous la peau du flanc droit un mélange de 5 c. c. de sérum antivenimeux avec 1 c. c. de solution iodo-iodurée de Gram. 2 heures après, on lui injecte sous la peau du flanc gauche 2 milligrammes de venin, dose mortelle en 2 heures pour un témoin. Il n’est pas malade. Des expériences semblables, effectuées avec le sérum anti- abrique de nos lapins vaccinés avec l’iode et le chlorure d'or, nous ont donné les mêmes résultats. Ces faits montrent donc que les antitoxines du sérum des animaux vaccinés contre l’abrine et contre le venin ue sont pas modifiées par les réactifs chimiques qui, aux doses que nous avons employées, détruisent l’abrine et le venin avec une grande-énergie. VIII *MÉLANGES Q IN VITRO » DES TOXINES ET DES SÉRUMS ANTITOXIQUES L'un de nous à déjà montré, dans un précédent mémoire, que si l’on chauffe à 70° en tube scellé un mélange de venin et de sérum antivenimeux, le sérum perd rapidement, à cette tem- pérature, son pouvoir antitoxique, tandis que le venin reste intact. Alors que le mélange avant chauffage était inoffensif, il 4, Ces Annales, avril 1895, 696 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. devient aussi toxique, après chauffage, que si on inoculait le vacein seul. Plus récemment, M. Wassermann, dans un mémoire: suf l’immunité, a constaté, de son côté, que la toxine pyocyanique qui résiste à la température de l’ébuliition n’est également pas modifiée, si on la mélange avec du sérum d'animaux vaccinés contre cette toxine. En inoculant à des cobayes un mélange, préalablement chauffé, de toxine et de sérum pyocyariques, il a constaté que le mélange donnait la mort, commessi la toxine seule avait été injectée. Ces expériences ne peuvent être effectuées qu'avec les toxines résistantes à la chaleur, comme le venin des serpents etlatoxine pyocyanique, car l’abrine et la plupart des toxines microbiennes sont altérées ou détruites par le chauffage à 68. D'autre part, nous avons constaté les faits suivants : Mélangeons in vitro 5 ©. €. de sérum anti-venimeux avec kmilligr. de venin de cobra, et injectons ce mélange à un lapin par voie intraveineuse. L'animal reste parfaitement bien portant. Une heure après, inoculons de nouveau à ce lapin 1 milli- gramme de venin par voie intraveineuse. Il succombe 35 minutes après, avec un relard de 20 minutes sur le témoin, comme s'il avait reçu préventivement une dose de sérum insuffisante pour le protéger. | Ajoutons à 5 c. c. de sérum antivenimeux un mélange de k millig. de venin avec 1 c. c. d’une solution à 10 °/, d'hypo- chlorite de chaux ütrant 10,000 c. c. de chlore par litre. Il se forme dans le liquide un trouble immédiat. Nous pouvons, néan- moins, l’injecter impunément par voie intraveineuse à un lapin el, { heure après, ce lapin supporte sans malaise l’inoculation intra-veincuse de 1 milligramme de venin, comme s’il avait reçu préventivement le sérum seul. Le sérum a donc conservé ici son pouvoir antilosique, landis que le venin a été détruit par l’ hypochlorite. Des expériences que nous venons de citer et de celles de Wassermann on peut donc tirer les conclusions suivantes : Dans un mélange in vitro de toxine et de Sérum antitoxique, la toxine ne semble pas altérée ni modifiée par l’antitoxine. In mo par suile, admettre : l. Zeitschrift für Hygiene, 1896, p. 263. TOXINES NON MICROBIENNES: 697 Ou bien que ces deux substances restent intactes à côté l’une «de l'autre : Ou bien qu'elles contractent une combinaison très instable que la chaleur et diverses substances chimiques dissocient facilement en restituant à l'une ou à l'autre les propriétés qu'elle possédait avant le mélange. | IX MÉCANISME DE L'ACTION LOCALE DES SÉRUMS ANTITOXIQUES Reprenons maintenant l’une des expériences que nous avons citées tout à l'heure, relatives à l’action préventive locale du sérum anti-abrique. | Lorsque nous instillons quelques gouttes de ce sérum entre les paupières d'un lapin neuf, il ne se produit pas de diapédèse leucocytaire et on ne constate aucune modification apparente des tissus de la conjonctive. Cependant, si après avoir lavé l’œil de ce lapin avec de l’eau distillée stérile, nous laissons tomber à sa surface deux gouttes d’une solation d’abrine, nous n’observons ultérieurement aucune réaction inflammatoire, tandis que cette même solution d’'abrine provoque sur l'œil d’un lapin non traité, ou sur l’autre œil du même lapin, une violente ophtalmie. L'animal n'avait donc au- eune immunite active à l'égard de l’abrine, mais les cellules de sa conjonctive qui ont été imprégnées par le sérum sont deve- nues immédiatement insensibles à l’action irritante du poison. Voyons si une substance chimique très active sur l’abrine, l'hypochlorite de chaux par exemple, qui, en solution au cen- tième, ne provoque pas d'ophtalmies, peut produire les mêmes effets que le sérum autiabrique. : Instillons entre les paupières de l'œil droit d’un lapin quelques gouttes de solution à 4 0/0 d'hypochlorite de chaux. Laissons l'hypochlorite en con- tact avec la conjonctive pendant 2 minutes, puis irriguons largement Pœil avec de l’eau distillée. Aussitôt après, instillons dans l'œil gauche du même animal quelques gouttes de sérum antiabrique. Laissons en contact 2 minutes, et lavons comme tout à l’heure avec de l’eau distillée. Cinq minutes après, laissons tomber dans chacun des FRE yeux du lapin 2 gouttes d’une solution concentrée d’abrine (10 milligr. par €. e.). . 698 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Le lendemain, nous trouvons lœil gauche, traité par le sérum, com- plétement ouvertet normal. L'œil droit, traité par l’hypochlorite, est rouge, œdématié, et laisse exsu- der de nombreux leucocytes. Cette expérience montre que le sérum n'agit pas localement à la manière de l’hypochlorite de chaux. Il insensibilise en quel- que sorte les cellules de la conjonctive vis-à-vis de l’abrine, à la manière d’un anesthésique local, ou bien 1l les imprègne de facon à réaliser, dans l’intérieur de ces cellules, les conditions de nos expériences de mélange in vitro. L'hypochlorite de chaux, au contraire, ne produit pas cet effet, quoiqu'il détruise très bien l'abrine lorsqu'on le mélange à celle-ci. X ACTION DES TOXINES ET DES SÉRUMS ANTITOXIQUES SUR LES LEUCOCYTES ‘ Dans un travail effectué sous la direction de M. Metchnikoff, G. Chatenay a montré que, chez les animaux non vaccinés auxquels on injecte de l’abrine, du venin ou une toxine micro- bienne à dose mortelle, il se produit toujours une hypoleuco- cytose très marquée et progressive depuis le moment de l’injec- tion jusqu’à la mort. Au contraire, chez les animaux vaccinés, il a observé dans tous les cas une augmentation considérable du nombre des leucocytes pendant plusieurs heures après chaque injection de toxine. Nous avons essayé de nous rendre compte des effets immé- diats de l’abrine et du venin sur les leucocytes des animaux neufs et sur ceux des animaux vaccinés. Après nous être heurtés à l'impossibilité de trouver aucun réactif qui nous permit de précipiter et de déceler dans les organes ou les cellules la pré- sence de ces poisons solubles, nous nous sommes arrêtés à un dispositif inspiré par les expériences de Kobert, à Dorpat, sur l'absorption des sels de fer par l'organisme, et qui nous a par- faitement réussi avec l’abrine. Dans une petite allonge en verre, munie d’une bourre de coton lâche à son extrémité effilée, nous avons placé une couche un peu épaisse de noir animal porphyrisé, lavé, puis stérilisé à la chaleur sèche, TOXINES NON MICROBIENNES. 699 Sur ce noir, nous avons filtré une quantité connue d’abrine, Le liquide à sa sortie du noir a élé recueilli, et sa toxicité, éprou- vée sur le cobaye, a été trouvée réduite aux deux cinquièmes de ce qu'elle était avant filtration. Le noir avait donc retenu les trois cinquièmes de la quantité d’abrine qui l'avait traversé. Après un lavage rapide destiné à enlever l’abrine adhérente aux grains de noir et non absorbée par ceux-ci, nous avons étalé le noir sur du papier stérile et nous l'avons desséché à basse température dans le vide. Ce noir animal abriné, inoculé en émulsion très fine dansle péritoine de jeures cobayes, les tue en 48 heures. A deux cobayes neufs et à deux cobayes vaccinés, préalable- ment préparés au moyen d'une injection intra-péritonéale de bouillon, nous avons inoculé la mème quantité de noir imprégné d’abrine dans la cavité abdominaie. ; Deux heures après, l’exsudat prélevé avec une pipette a été examiné* en colorant les lamelles à l’éosine et au bleu de méthylène. Dans l’exsudat des cobayes vaccinés, on trouvait tous les grains de noir englobés dans des leucocytes éosinophiles et dans des grands leucocytes mononucléaires neutrophiles. Beaucoup de leucocytes polynucléaires étaient littéralement bondés de gra- nulations noires. Au contraire, dans l’exsudat des cobayes non vaccinés, quel- ques granulations seulement étaient absorbées par les globules. Le plus grand nombre restait libre. La différence d'aspect des préparations était très nette. Dans'une autre expérience, nous avons Re dans le péri- toine d'uncobaye vacciné une petite quantité d’exsudat chargé de noir, provenant du péritoine d’un cobaye non vacciné, et prélevé 2 heures après l’inoculation. Alors que les granulations de noir étaient pour la plupart libres dans l’exsudat avant l'injection, uous les avons retrouvées presque toutes englobées 2 heures après, dans le péritoine du cobaye vacciné. Nous avons fait la même expérience avec un cobaye neuf préparé par une injection intra-péritonéale de bouillon {10 c. c.) et qui, 24 heures avant l’émulsion de noir abriné, avait reçu sous-la peau 2 c.c. de sérum anti-abrique. L’exsudat, prélevé 2 heures après l'injection du noir, mon- 700 ANNALES DE IUT PASTEUR. trait de très nombreuses ue englobées ; quelques- unes seulement restaient libres. Ilest donc évident que, chez les animaux vaccinés ou trailés préventivement par le sérum anti-abrique, les grains de noir animal imprégnés d’abrine exercent une chimiotaxie positive et sont englobés par les leucocytes, tandis que, chez les cobayes neufs. ils ne subissent pas l'englobement, laissent diffuser peu à peu l'abrine qu'ils renfer- ment et donnent lu mort. Au cours de ces expériences, nous avons observé que l’exsudat péritonéal des cobayes vaccinés a un pouvoir préventif extrèmement énergique. Nous avons étudié à cet égard l’exsudat de cobayes préparés au moyen d'une injection intra-péritonéale de bouillon. On sait que c’est là un moyen excellent de provoquer l’afflux d’un très erand nombre de leucocytes dans la cavité abdominale, et si, 24 heures après l'injection de bouillon, on retire avec une pipette à boule le liquide contenu dans cette cavité, on obtient ainsi un exsudat très riche en globules blancs. Pour vérilier si le pouvoir préventif de l’exsudat est dû à la partie liquide ou aux leucocytes en suspension, nous avons fait l'expérience suivante en choisissant un cobaye hypervacciné contre l’abrine (ce cobaye supportait 100 milligrammes en une seule dose). Vingt-quatre heures après une injection de 20 c. c. de bouillon dans la cavité péritonéale, nous prélevons la plus grande quantité possible de lexsu- dat formé. Cet exsudat, additionné de 1 c. c. d’eau salée à 5 0/00, est mis dans un tube àessaiet centrifugé pendant 2 heures. Au bout de ce temps, le liquide elair qui surnage est décanté, et le dépôt de globules est encore mélangé avec 1 €. € de sérum artificiel stérile. On centrifuge de nouveau pendant deux heures, puis on décante l’eau et on recommence une deuxième fois le lavage. Le dépôt est alors recueilli dans un verre à expérience etinoculé à deux cobayes neufs, pesant 300 et 320 grammes, dans la cavité péritonéale. 24 heures après, les deux cobayes recoivent sous la peau 1 milligramme d’abrine. Ils restent en parfaite santé. Un cobaye neuf, pesant 410 grammes, reçoit dans le péritoine 20 c. c. de bouillon normal; 24 heures après, l’exsudat est prélevé et centrifugé à deux reprises avec de l’eau salée physiologique. Le dépôt de leucocytes recueilli est injecté à un cobaye témoin pesant 480 grammes, qui reçoit 2 heures après { milligramme d'abrine sous la peau. Ce dernier cobaye succombe en 48 heures. + TOXINES NON MICROBIENNES. 701 Un cobaye hypervacciné contre l'abrine (il supporte 100 milligrammes d'abrine en une seule injection), pesant 780 grammes, reçoit dans le péri- toine 20, c. c. de bouillon normal ; 24 heures après, l'exsudat péritonéal est prélevé, additionné de son volume de sérum artificiel et centrifugé pendant trois heures. La partie liquide et ie dépôt sont séparés avec soin et inoculés séparé- ment à 2 cobayes « et b. Le cobaye a, pesant 290 grammes, reçoit le dépôt de leacocytes émul- sionné dans 1 c. c. d'eau stérile, sous la peau, et,24 heures après, { milligram- me d’abrine. Le cobaye b, pesant 340 grammes, reçoit le liquide clair qui a été préa- lablement examiné au microscope et dans lequel on n'a pu trouver aucun leucocyte; 24 heures après, il reçoit 4 milligramme d’abrine. Les ? cobayes restent en bonne santé, mais, dix jours après l'expérience, le cobaye b avait maigri de 40 grammes : il ne pesait plus que 300 gram- mes ; tandis que le cobaye & pesait 310 grammes au lieu de 290 grarames. Nous avons essayé ensuite de rechercher si la substance antitoxique peut diffuser à travers les membranes et agir, par exemple, sur des toxines enfermées dans des sacs de collodion très minces, inclus dans le péritoine d'animaux vaccinés. Un Japin hypervacciné contre l’abrine (il reçoit 100 milligrammes d'abrine en une seule injection) et pesant 2k,300, est laparotomisé le 9 juillet 4896. On introduit dans sa cavité péritonéale un sac de collodion parfaitement elos et renfermant 20 milligrammes d'abrine dans 2 c. c. d’eau. Le sac est retenu par un fil à la suture de la paroi abdominale. Le 17 août, on retire le sac. Son contenu est inoculésà un cobaye à la dose de 1 c. c. (représentant 10 milligrammes de la solution d'abrine primitive), et à un lapin à la dose de 1/2 c. c. Le cobaye succombe après 3 jours, le lapin après 48 heures. L'abrine avait donc diffusé en partie hors du sac, mais ‘aucune substance antitoxique provenant des humeurs de l’ani- mal n'avait pu pénétrer à L'intérieur du sac en quantité suffi- sante pour neutraliser la toxicité du poison. Il suffisait cepen- dant de 4/2 c.c. du sérum de ce lapin pour détruire in vitro l’activité de 5 milligrammes d’abrine. Un lapin neuf, pesant 1k,620, est Japarotomisé le 10 juillet et reçoit dans le péritoine un sac de collodion renfermant 10 milligrammes d'abrine, La fermeture du sac, pratiquée à la cire, est parfaitement her- métique. {£e lapin succombe 48 heures après l'opération. Un lapin neuf, pesant 1k,800, reçoit, le 17 juillet, dans le péritoine, 2 sacs de collodion contenant l'un 10 milligramfnes d’abrine, l’autre 5 c. c. de sérum antiabrique très actif. Mort après 48 heures. 702 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Un lapin neuf, pesant 1k,670, reçoit, le 22 juillet, dans le péritoine, un sac de collodion contenant 5 €. c. de sérum anti-abrique. Le 7 août, ce lapin est éprouvé par l'injection de 14 milligramme À : d'abrine. Il meurt après 48 heures, Un lapin, pesant 1k,750, reçoit, le 6 août, dans le péritoine, un sac de collodion contenant 2 milligrammes de venin de cobra dissous dans 2e. ce. d'eau stérile. Meurt le 7 août, en 18 heures. Un lapin, vacciné contre le venin, est laparotomisé le 4 août. On intro- duit dans sa cavité péritonéale un sac de collodion hermétiquement clos et renfermant 10 milligrammes de venin de cobra dissous dans 2 c. €, d’ean. Le 18 août, on retire le sac. Son contenu est inoculé à la dose de 0,5 €, c. à 2 lapins qui succombent en 1 heure et 4 h, 1/4. Ces expériences montrent : 1° Que la substance préventive du sérum des animaux vaccinés contre l’abrine se trouve en plus grande quantité dans l’intérieur des leucocytes de ces animaux, puisque les leucocytes débarrassés autant que possible de toute trace de sérum par trois lavages successifs gardent le pouvoir de conférer limmunité quand on les introduit dans des organismes neufs ; 29 Que cette substance ne dialyse pas à travers les membranes de collodion extrêmement minces, tandis que les toxines, abrine et venin, dialysent, quoique avec lenteur, à travers ces membranes. XI IMMUNITE ARTIFICIELLE PASSIVE, NON SPÉCIFIQUE. Inoculons préventivement, à plusieurs séries de cobayes et de lapins, des sérums provenant d'animaux immunisés contre diverses Loxines, telles que le venin, la toxine cholérique, la toxine tétanique, —ou contre diverses infections, telles que le charbon bactéridien, le microbe de la peste humaine, le strep- tocoque, la rage. etc’. Vingt-quatre heures après, éprouvons la résistance de tous ces animaux à l'égard de l’abrine en leur injectant, en mème temps qu’à des témoins, une dose de cette substance sûrement mortelle en 48 heures, 1 milligramme. Nous constatons que, tandis que les témoins succombent invariablement en 48 heures, certains animaux résistent ou présentent une assez longue survie. ” Déjà, dans un prégcédent travail,» nous avions signalé des faits analogues à propos du venin des serpents : nous avions vu o TOXINES NON MICROBIENNES. 705 que le sérum des animaux hypervaccinés contre la rage se mon- trait actif in vitro et même préventif à l’égard du venin, — el que le sérum antitétanique présentait, mais à un degré beau; coup plus faible, les mêmes propriétés. Avant nous, Duntschmann, Issaef et Pfeiffer avaient égale- ment montré que certains sérums ou certains liquides, tels que le bouillon normal, possédaient parfois des propriétés immuni- santes très marquées contre diverses infections telles que la péritonite cholérique. . Les assertions de ces expérimentateurs et les nôtres, ont été contestées par quelques savants. Nous avons répété nos expériences et nous en avons effectué, avec l’abrine seule, quarante-trois nouvelles sur des cobayes et dix-sept sur des lapins. Ces animaux, divisés en plusieurs séries, ont reçu préventivement les substances suivantes : Eau salée physiologique, à à p. 1000: Bouillon normal fraichement préparé: Sérum humain normal ; — de bœuf normal: — de poule normale; — antivenimeux de cheval; — antilétanique i4.; — antidiphtérique id. ; — anticholérique id. ‘: — antistreptococcique id. ; — antipesteux i4.; — anticharbonneux de lapin; — antiabrique de lapin. Vingt-quatre heures après l'injection préventive, tous nos animaux recevaient 4 milligrammes d’abrine. , Voici, résumés dans le tableau ci-après, les résultats que nous avons obtenus : 4. Le sérum anticholérique que nous avons employé nous à été fourni par MM. Roux, Metchnikoff et Salimbeni. Nous en avons expérimenté deux échan- tillons provenant de deux chevaux différents. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 1 = PS Poids [unité | + Mort. ids [Auantilé| 4 Mort, SUBSTANCES INJECTÉES des Ë bst. ESS ù bst. cobayes . dose — Survie Nu Res injectée . te injectées | Survie. = 5 : : 0.530 Eau salée physiologique .. ; .290 / .590 Die 11 jours \ 2770 | 5ce 6 jours 64 ÿe 3 jours : .6ù E D ù hi Bouillon normal fraichement gen ÉOUÈRNE RECPareSe } 0.570 5e 10 jours 0.480 5 ce L4 jours .310 5 ce — Sjours ).380 Gé : .510 Sérum humain normal... 860 .480 .130 5e 5 jours TOÙ j ce 9 jours .500 = 0.600 5e 6 jours Sérum de bœuf normal . D.450 sé érum de poule normal.....;, :380 Sérum antivenimeux de che-( 0.470 ce 3 jours .950 j ve 3 jours .390 Dicr - 3 Jours Sérum antitétanique de che-1 0.470 > ve - jours 25 ÿec — jours Vale .480 ot 4 jours .570 jee 4 jours . 70 5 ee 4 jours .580 ) ce 5 jours -430 5 ce 450 jee 6 jours Sérum MU du che-\ 0.700 2 cc 5 jours .880 > ce +. LE val no .760 9 ce S jours 1.800 5 .110 2 cc ÿ Jours ’ Gé d .400 5 ce .680 °c 3 Jours érum anticholérique du che \ )500 9 € 770 2e 4 jours no ER - : Se ! VÉLO PE our l 450 d ce 3 jours 600 2 ce 4 jours Sérum er AReiane do .280 Marmoreck....... me 310 L 5 : 400 5 ce 3] 600 S { 0.400 É 3) >érum antipesteux de cheval. ; :580 : à 790 ( .350 © 4 .420 Sérum anticharbonneux de\ 0.390 3 ce .400 .400 .A70 3 ce 9 jours .460 Dre : 8: 2 ec 3 jours .560 2 ce jours Sérum antiabrique de lapin. ; LL Il est dong incontestable que certaines substances telles que le bouillon fraîchement préparé, certains sérums normaux tels que celui du bœuf, ou d'animaux vaccinés, par exemple le sérum antitétanique, le sérum antidiphtérique, le sérum anti- charbonneux,’et le sérum anticholérique surtout, possèdent des propriétés nettement préventives s à l'égard de l’abrine. TOXINES NON MICROBIENNES. 705 Ces propriétés préventives ne sont évidemment pas compa- rables, comme intensité d'action, à celles du sérum fourni par les lapins ou les cobayes immunisés contre l’abrine, mais elles sont assez manifestes pour donner aux animaux neufs un degré assez élevé de résistance et, dans quelques cas, l’immunité réelle contre une dose de poison sûrement mortelle pour les témoins. On voit donc que l'inmmunité artificielle passive contre certaine intoxications où infections‘ peut être conférée par des substances qui ne possèdent aucun pouvoir spécifique. Nous pensons que cette immunité doit être envisagée comme résultant d’un état de stimulation particulier des cellules, qui permet à celles-ci de résister de façon durable ou temporaire à certains poisons. Ces phénomènes nous expliquent les effets thérapeutiques favorables que beaucoup de médecins ‘attribuent, depuis quel- ques années, aux injections d’eau salée, ou de sérums artiñ- ciels ou normaux dans le traitement de quelques maladies infectieuses. . XII CONCLUSIONS Des recherches qui précèdent, nous croyons pouvoir tirer les conclusions suivantes : 1° Le sérum des animaux naturellement réfractaires aux toxines que nous avons étudiées ne possède que rarement des propriétés antitoxiques à l'égard de ces toxines. La poule par exemple, et la tortue résistent à des doses d’abrine très consi- dérables ; cependant leur sérum est totalement inactif à l'égard de l’abrine. Le même phénomène s’observe lorsqu'il s’agit de toxines microbiennes. C'est ainsi que M. Vaillard a constaté que la poule, réfractaire au tétanos, donne un sérum inactif sur la toxine tétanique. , Lorsque le sérum des animaux réfractaires est antitoxique, comme dans le cas du hérisson ou du mangouste pour le venin des serpents, le pouvoir antitoxique est toujours très peu déve- loppé et nullement en rapport avec le degré d’immunité. A. F. Mesniz a montré qu’on pouvait conférer aux jeunes cobayes une résis- tance assez grande à l’égard du vibrion de Massaouah en leur inoculant préala- blement du bouillon dans le péritoine (ces Annales, 1896, p. 378). 45 706 ANNALES DE L'INSTITUT. PASTEUR. Il n'y a donc aucune corrélation entre l'état naturellement réfractaire que possèdent certains animaux et le pouvoir antitoxique de leurs humeurs à l'égard des toxines auxquelles ils sont insensibles : 20 Les animaux réfractaires, à sang chaud, peuvent produire des antitoxines sous l'influence d’injections répétées de doses non mortelles de toxines. Les animaux réfractaires à sang froid ne produisent pas d’antitoxines dans les mêmes conditions ; 3° Lesanimaux réfractaires à sang froid, comme la grenouille, peuvent acquérir l’immunité contre des doses mortelles de toxine sans que leur sérum devienne antitoxique ; 4° Les sérums antitoxiques (antiabrique et antivenimeux) peuvent être utilisés pratiquement pour donner l’immunité pas- sive à l’homme et aux animaux contre l’abrine et les venins, et pour le diagnostic des toxines dans les expertises de toxico- logie. Le sérum antiabrique possède une action préventive très marquée lersqu’il est appliqué localement sur les muqueuses, et cette propriété peut permettre son emploi en thérapeutique ophtalmologique ; 5° La substance active des sérums antitoxiques n'est pas modifiée par certains réactifs chimiques qui détruisent ou altèrent profondément les toxines. Elle n’altère pas les toxines par le mélange in vitro. Elle parait exister normalement en grande abondance dans le protoplasma leucocytaire des animaux vaccinés, d’où elle diffuse dans le sérum sanguin et dans d’autres liquides orga- niques. Elle ne dialyse pas à travers les membranes. Elle agit énergiquement sur les leucocytes des animaux neufs, comme les sérums préventifs antimicrobiens; 6° Certaines substances dépourvues de toute action spécifique sur les toxines, telles que le bouillon de viande, le sérum normal de bœuf ou certains sérums d'animaux vaceinés contre diverses infections ou intoxications peuvent manifester chez des ani- maux neufs auxquels on les injecte des propriétés préventives manifestes à l'égard de diverses infections ou intoxications. En résumé, nous pensons que l’immunité des animaux natu- rellement réfractaires, de mème que l’immunité acquise, ne sd a tnste TOXINES NON MICROBIENNES 707 doit pas être attribuée à la présence, dans le sérum des animaux réfractaires ou vaccinés, d’une substance chimique ayant la propriété de détruire ou de modifier les toxines. Il reste encore à faire la démonstration de l'existence réelle de ce que nous avons appelé jusqu'ici la substance préventive du sérum des animaux vaccinés. - * Les expériences que nous avons relatées dans les cinq der- niers chapitres qui précèdent nous portent à nous demander si cette substance existe. réellement, et si le pouvoir préventif des cellules et des humeurs qui en dérivent n’est pas, en réalité, un phénomène physique comme la motilité, l’inhibition, la chimio- faxies etc. :". Les faits exposés dans ce travail nous conduisent donc à admettre : 1° Que la fonetion antitoxique estindépendante de l’immunité, puisque celle-ci peut exister alors que la fonction antitoxique ne se manifeste pas: 2° Que les deux sortes d’immunité, naturelle et acquise, sont la résultante d’une propriété spéciale des cellules ; Celles-ci, suivant les conditions de milieu où elles se trouvent placées, et suivant la composition de leurs éléments consti- tuants (protoplasma et substance nucléaire) subissent passive- ment l'influence des toxines comme un barreaude fer doux subit l'action d’un aimant. Que ces conditions viennent à changer sous les influences extérieures les plus diverses (l’accoutumance à certains poisons par exemple), et l’état fonctionnel des cellules se modifiera en même temps. Tel le barreau de fer doux transformé en acier par la trempe, qui devient susceptible de conserver l’aiman- tation et de la transmettre de façon temporaire à d’autres barreaux de fer doux, ou de façon durable à d’autres barreaux d’acier. Ainsi s’expliqueraient, suivant nous, les phénomènes de réceptivité et de résistance passagère ou définitive des orga- nismes aux infections et aux intoxications. 1. De Jacer et M. Arraus ont émis une idée analogue à propos des enzymes, que ces savants considèrent comme des forces ou des propriétés de substances, et non comme des substances. Voir de Jacer, Virchow’s Arch. 121, p. 182, et M. Anraus, Nature des Enzymes. Paris, 1896. RECHERCHES SUR LE PNEUMOPACILLE DE FRIEDLANDER Par M. L. GRIMBERT (Travail du laboratoire de M. Duclaux, à l'Institut Pasteur.) DEUXIÈME MÉMOIRE 1 Dans un premier mémoire publié dans ces Annales *, j'ai insisté sur l'importance que présente l'étude des propriétés fer- mentatives du pneumobacille de Friedländer en vue de sa difié- renciation avec les espèces voisines. J'ai fait voir qu'il ne suffisait pas de s’en tenir aux caractères extérieurs de ses cultures et à leur examen microscopique pour établir l'identité de cet organisme, mais qu'il fallait observers particulièrement son action sur les hydrates de carbone. C’est ainsi que j'ai pu établir une distinction très tranchée entre le pneumobacille de Friedländer décrit par Frankland et celui que j'aiétudié. Aujourd’hui, je viens compléter mes premières recherches par l’examen des propriétés d’un certain nombre de pneumoba- cilles isolés des eaux. A. Lustig, dans son Diagnostik der Bakterien des Wassers*, signale comme ayant été trouvé dans l’eau par R. Mori’, un microbe encapsulé qu'il a nommé bacillus capsulatus. Cet orga- nisme, dit-il, ressemble au bacilius pneumoniæ de Friedländer; il est de forme elliptique ou bacillaire, d’une longueur de 0,9 à 1,6 & et pourvu d’une capsule — souvent deux bacilles sont réunis dans la même capsule. — Il ne se colore pas par la mé- thode de Gram. Il est dénué de mouvements. Il se développe rapidement à la température de 360-370. 1. Annales de l’Institut Pasteur,t. IX, p. 840, 15955. 2. Iéna, Gustav Fischer, 1593. = 3. Zeitschr. f. Hygiene, Bd. IV, 4 eft 1, 1888. DÉS 0 tentes es: 2 à PNEUMOBACILLE. 109 Il donne sur les. plaques de gélatine des colonies non liqué- fiantes, d’un blanc de porcelaine, rondes et saillantes. En piqüre sur gélatine, cullure en forme de clou. Sur bouillon, trouble uniforme; au bout de 3 à 4 jours, :1l se forme sur les parois du verre une membrane blanchâire. Inoculé sous la peau des rats, il les tue en 2 ou 4 jours. Ce sont là des caractères qui peuvent s'appliquer au pneu- mobacille de Friedländer lui-même, et c’est sans doute l’origine hydrique du microbe qui a empèché R. Mori de l'identifier à ce dernier. Nous verrons tout à l'heure que ces scrupules doivent être levés, et que l’étude chimique de leurs fonctions permet de réunir en une seule espèce le 2. capsulatus et le B. pneumoniæ de Frivdländer. Le bacille de Friedländer se rencontre dans l’eau beaucoup plus fréquemment qu’on pourrait le croire. Il accompagne parfois le B. coli et a pu être confendu avec ce dernier par les auteurs qui se sont contentés d'un examen superficiel. Comme le coli-bacille, en effet, le pneumobacille ne prend pas le Gram, neliquéfie pas la gélatine et fait fermenter le lactose. Ilest vrai qu’il ne donne pas d’indol et qu'il est dénué de mouvement, mais les caractères que nous venons de citer suffisent large- ment pour en faire un pseudo-coli, dénomination dont on a lant abusé. Voilà pourquoi, sans doute, sa présence dans l’eau n'a pas été plus souvent signalée. é Les échantillons que j'ai examinés provenaient de diverses sources. S Le premier, que je désignerai par la lettre H, a été trouvé dans l’eau d’un village de Bretagne où sévissait la fièvre typhoïde, et dans laquelle je n’ai pu déceler non seulement un seul bacille d'Eberth, mais mème un seul coli-bacille, ce qui peut paraitre étonnant. Les autres (bacilles B, G, J) ont été retirés d'eaux minéra- les naturelles telles qu’on les trouve dans le commerce. En appliquant à l'étude de ces eaux Île procédé Péré!, j'ob- tenais sur gélatine, après un ou deux passages en bouillon phéniqué, des colonies rondes et saillantes d’un blanc mat qui LE 4. Peré, Etudes sur les eaux d’Algers Annales de l'Institut Pasteur, 1891, “ 710 ANNABES DE L'INSTITUT PASTEUR. se distingüaient ainsi des colonies du B. coli, toujours un peu irré- gulières et légèrement brunâtres par transparence, quand elles: n’affectaient pas la forme classique de l’île de glace. Les microbes provenant de ces colonies se présentaient au microscope sous forme de petits bacilles courts, entourés d’une auréole très nette surtout dans les cultures sur gélose, et ne se coloraient pas par la méthode de Gram. Sur gélatine, en piqûre, ils donnaient une culture en forme de clou, sur gélose une trace épaisse et glaireuse, et sur pommes de terre une. cul- ture abondante avec, parfois, un dégagement de bulles de gaz. Enfin, cultivés dans une solution de peptone, aucun d'eux ne donnait d'indol. Mon premier soin fut de constater leur action pathogène sur les souris, comparativement avec l'échantillon type qui servit à mes premières recherches et que je désignerai par la lettre F. Pour chacun d’eux, une culture sur bouillon âgée de 48 heures fut inoculée à des souris blanches, à la base de la queue. à Toutes les souris, à l'exception de celle qui avait reçu de la culture du bacille J, moururent dans l’ordre suivant. Bacille F } » nc » BB au bout de 48 heures. » _G au bout de 3 jours. DR) (pas d'action pathogène.) en moins de 24 heures. Il fut facile de retrouver dans le sang du cœur de la souris le microbe inoculé avec tous ses caractères et notamment avec son auréole. Une culture, faite avec une trace de ce sang prélevé aseptique- ment, servit pour plus de sûreté à faire une plaque de gélatine, où les colonies se montrèrent de nouveau avec leur forme de bouton saillant d’un blanc de porcelaine. C'est avec une de ces colonies que fut ensemencé un tube de bouillon qui servit à son tour de semence pour l'étude des actions chimiques du bacille. Action sur le lait. — Les auteurs' qui ont étudié cette action 4. Errexxe. Le pneumobacille de Friedländer, Revue générale in Archives @e Médecine expérimentale, 1895, p. 124. ne dt, Sn nn nt à en PNEUMOBACILLE. 114 ont obtenu des résultats inconstants avec des pneumobacilles de provenances variées. Nous retrouverons ici encore des différences très grandes entre les divers bacilles sur la façon dont ils se comportent envers le lait. Le lait stérilisé était contenu dans des tubes à essai maintenus à la température de 36°. Dans ces conditions, la coagulation a eu lieu dans l’ordre suivant : Bacille Gi) H en 24 heures, Fa le 4e jour. — F le 13e jour. La coagulation du lait s’est donc montrée plus rapide avec les pneumobacilles d’origine hydrique qu'avec le pneumobacille type (F). Action sur les sucres. — Chacun des bacilles en question fut ensemencé dans une série de tubes à essai renfermant une solu- tion des hydrates de carbone suivants additionnée de peptone et de carbonate de chaux : lactose, saccharose, glucose, glycérine, manuite, dulcite et dextrine. Ces tubes étaient placés à‘l'étuve "à 300. L'activité de la fermentation se traduisait par un dégagement gazeux plus ou moins abondant. Je désignerai par une double croix (+ +), les fermentations les plus actives. F (Frankland) LANGER AE NS Saccharose 22 Eu 0 se Traces Ainsi, tous les bacilles encapsulés isolés de l’eau faisaient fermenter la glycérine, ce qui les distingue immédiatement .du 112 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. pneumobacille de Friedländer décrit par Frankland. Deux d’entre eux se conduisaient comme le bacille type F en attaquant tous les sucres, ce sont les bacilles B et G. Les deux autres n avaient pas d'action sur la dulcite (bacilles H et J). I était surtout important de connaître la nature des produits formés et de comparer ces résultats avec ceux que nous avions obtenus précédemment. Ces nouveaux microbes allaient-ils distinguer, comme le bacille F, entre les glucoses et les saccha- roses; et donner avec les premiers de l’acide lactique et de l'acide succinique avec les seconds ? Mais auparavant, il importait de voir si le passage à travers l’organisme des souris avait pu avoir quelque influence sur leur pouvoir fermentaltif, et dans ce but j’ensemençai avec le bacille F, ayant subi un passage sur souris blanche, un ballon de lac- tose et un ballon de glycérine. Ces solutions, additionnées de craie, étaient préparées de la manière que nous avons indiquée dans notre premier mémoire', et examinées au bout de 30 jours. En comparant les résultats obtenus avec ceux que nous avait donnés antérieurement le même bacille avant son inoculation aux animaux, on voit que l'influence de cette inoculation peut être considérée comme nulle. LACTOSE F F = A B C (souris) Alcool réthylique rer ce 16,66 15,00 13,33 12,43 ACIDE AC TIQUE EN TUE 30,66 19,53 21,36 25,66 Acide succinique.. .:.7...2..# 26,75 30,73 2310 02:65 Acide lactique gauche ....... traces traces traces 0 GLYCÉRINE F F (souris) AlCOOlMERYNqUE PR PME 10 6,66 Acide acétique 20e 11,82 14,46 Acide SUCCINIQUE 2 EE 0 0 Acide lactique gauche........ 27,32 34,06 E2 Ce point éclairci, j'ensemençai de lasmême manière chaque 1. Annales de l'Institut Pasteur, t. IX, p. 840, 1895 PNEUMOBACILLE. 713 microbe encapsulé dans une solution de lactose et dans une solution de glycérine. Les ballons furent mis à l’étuve à 36° et examinés au bout d’un mois. Afin d'éviter les redites inutiles, je greuperai dans le tableau suivant les chiffres obtenus et qui se rapportent à 100 grammes de sucre mis en œuvre. LACTOSE Alcool éthylique Acide acétique Acide succinique Acide lactique gauche Alcool éthylique ... ....... | Acide acétique Acide succinique Acide lactique gauche ..... Acide formique Le premier fait qui se dégage de ces résultats, c’est que les pneumobacilles des eaux donnent comme le bacille F de l’acide lactique gauche avec la glycérine et de l'acide succinique avec le lactose. Si l’on compare ensuite pour une fermentation déterminée les chiffres fournis par chaque espèce de microbe, on voit qu'ils varient dans des limites assez étroites. Les écarts ne dépassent pas ceux que l’on observe entre 114 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. plusieurs fermentalions provoquées par le même organisme, notamment dans la fermentation du lactose par le bacille F. Ici, par exemple, dans la fermentation du lactose, l'alcool” varie entre 10 grammes et 125,43 ; l'acide acétique, entre 254,66 ct 328,96; l’acide succinique, entre 295,56 et 374,56 ; seul le bacille G a donné pour ces deux derniers acides des valeurs beaucoup plus faibles. Dans les fermentations de la glycérine, les différences sont plus accentuées et nous voyons le bacille J donner de l'acide formique. Malgré cette production d'acide formique par le bacille J, l'absence d’action sur la duleite de ce même bacille et du bacille H et les écarts obtenus entre les résultats des diverses fermen- tations, je crois que l’ensemble des autres caractères permet de réunir ces bactéries de l’eau au pneumobacille de Friedländer pour former une sorte de groupe naturel. Les différences observées dans la virulence et dans la coagu- lation du lait, ainsi que celles que je viens de signaler, doivent être attribuées, à mon avis, à la plus ou moins grande activité ou à l’éducation de la semence, et je ne pense pas qu'il soit nécessaire de créer de nouveaux noms pour désigner ces simples variétés d’un même microbe, surtout quand on sait combien sont variables et contingentes les manifestations vitales de ces infiniment petits. D'ailleurs, en instituant ces expériences, j'ai eu surtout pour but la détermination plutôt qualitative que quantitative des produits formés, et je n’ai pas la prétention de vouloir comparer entre eux :es chiffres fournis par des fermentalions parallèles pour en tirer des conclusions sur l'identité des ferments géné- rateurs. Agir ainsi serait s’exposer à de sérieux mécomptes. Le coli-bacille, par exemple, que certains auteurs rapprochent du pneumobacille de Friedländer, présente avec ce dernier, au point de vue de son action sur le lactose et sur le glucose, de grandes analogies. ” Comme lui, il donne de l'acide succinique avec le lactose et de l’acide lactique gauche avec le glucose, et les chiffres que l’on obtient sont voisins de ceux que donne le pneumobacille *. 1. Cf. Comptes rendus de la Société de Biologie, 1876, p. 192. baie à PNEUMOBACILLE. 715 Lactose, Glucose AICOO DÉCRIRE EEE CE 1 nL - 6:84 Traces AGITOPE CRIER Se eee oo satee » 25543 14 30 ATITEIS COQUE RARE eee 29 s 76 0 * Acide lactique gauche ........ ARR ITAICeS 42:73 Mais la différence entre les deux organismes éclate quand on compare l’action du B. coli et du pneumobacille sur un certain nombre de sucres, comme nous l'avons fait tout à l'heure avec les bacilles d'origine hydrique. EF B. coli. HAGIOSés CR er CAO RUES + — SACOCHE RDS NE re ec sie + O1 Glucose ee nt RCE 217 GIVCELIN ERP ER I ee + 0 Mannite ..... ER Lt LR — + DOTE: TERRA AR ae + (®) Dexinines ren RE LEE —- =F Il est donc nécessaire, toutes les fois qu'on le peut, de multi- plier, en les variant, les essais qualitatifs et de ne retenir que les réactions présentant un caractère suffisant de constance et de fixité. Dans l’exemple choisi, la distinction entre le coli-baciile et le pneumobacille sera facile si on se rappelle: 1° que le bacille de Friedländer ne donne jamais d'indol dans la solution de peptone, et qu'il fait fermenter la giycérine ; 2° que le B. coli donne de l'indol et n’attaque pas la glycérine. En résumé : 1° on rencontre fréquemment dans l’eau des bacilles que leurs caractères morphologiques et surtout leurs propriétés biologiques permettent d’assimiler au pneumobacille de Friedländer ; 2° Le bacillus capsulatus de Mori semble appartenir à cette catégorie ; | 3° Le pneumobacille de Friedländer s’isole facilement des eaux par l'emploi des milieux phéniqués et notamment par le procédé Péré. 1. La propriété de faire fermenter le saccharose est une exception chez le coli-bacille. Sur sept échantillons de provenance diverse que j'ai examinés à ce point de vue, un seul a attaqué le saccharose. Les autres sont restés sans effet. On s’exposerait donc à de graves erreurs de détermination si l’on employait, comme le conseillent certains auteurs, indifféremment le saccharose ou le lactose pour différencier le coli-bacille des espèces voisines, (Voir Comptes-rendus de la Société de Biologie, 1896, p. 684.) CONTRIBUTION A D'ÉTUDE DU TRYPANONOME DES MAMMIFÈRES Par J. ROUGET Médecin aide-major de 1re classe, chargé du laboratoire de bactériologie de l'hôpital militaire du Dey (Alger). Ï Les trypanosomes sont des hématozoaires qu’on range aujourd'hui dans le genre le plus simple des Flagellés. Leur étude n'intéresse qu'indirectement le médecin, puisque ces para- sites n'ont jamais été observés chez l’homme; elle présente au contraire une réelle importance pour le vétérinaire, car on les rencontre chez beaucoup d'animaux domestiques. Aux Indes, le trypanosome produit chez les chevaux, ies muletsetles chameaux une affection particulière (surra) qui revêt les caractères d’une fièvre intermittente. Il peut s’observer également en Algérie; nous l'avons rencontré dans le sang d’un étaion du dépôt de remonte de Constantine, et le docteur Legrain, de Bougie, aisolé, dans le cœur d’un bœuf, une variété différente de celle que nous avons étudiée. Enfin depuis les recherches de M. D. Bruce, la maladie de la mouche tsé-tsé, ou nagana, si fréquente au Zou- louland, parait occasionnée par la présence dans le sang de ce même protozoaire. Bien qu'il s'agisse de parasites beaucoup plus volumineux que ceux du paludisme et que les sporozoaires trouvés dans le sang de différents animaux, bien qu'il soit facile de les inoculer d’un animal à un autre animal de même espèce, l’histoire des trypanosomes présente encore bien des.obscurités. C’est pourquoi il nous a paru intéressant de consigner les résultats fournis par l'observation d’une variété de ces parasites, le trypanosome du cheval, que nous avons entretenu pendant 2 ans 1/2 par des inoculations en série, chez des animaux d’es- pèces différentes. * ©! 1. Une épidémie, occasionnée par des lapins neufs récemment achetés, a décimé les animaux du laboratoire; tous nos inoculés sont morts en une nuit. Les ino- . culations faites le lendemain sont restées négatives, le parasite était perdu. : 3 TRYPANOSOME DES MAMMIFÈRES TAT. Ce parasite a été isolé dans le sang d’un étalon malade, dont voici d’ailleurs Fobservation résumée : X..., cheval entier de race barbe, est acheté à un indigène en janvier 1894, par le dépôt de remonte de Constantine. L'animal est de constitution parfaite, il a de belles allures et on le désigne comme étalon pour la période des saillies prochaines. Le 15 mars, sans que l'animal ait servi à la monte (du moins pour le service du gouvernement), on constate à la visite de l’ædème “du fourreau et des bourses. En même temps on note, sur les flancs et sur la croupe, des plaques circonscrites, arrondies, saillantes, qui disparaissent les jours suivants pour réapparaître sur d'autres points. Si on provoque l'érection en amenant une jument, on voit que la muqueuse urétrale est tuméfiée, et que le champignon pénien est plus volumineux qu'à l’état normal. L'animal suspect de dourine estisolé. Dans les semaines suivantes, on note du jetage et de la gêne respiratoire, sans que l’auscultation révèle de lésions pulmonaires. L'animal maigrit, bien que l'appétit soit conservé et que la ration quotidienne (orge et fourrage) soit entièrement consommée. En mai, l'état s'aggrave, sans que le thermomètre décèle une élévation de tempéra- ture. La démarche est chancelante, il existe manifestement de la parésie du train postérieur; le cheval fléchit sur ses boulets et se refuse à trotter. Il reste couché la plupart du temps et ne se lève qu'avec peine. L’amaigrisse- ment devient extrême et l’animal succombe le 30 juin, après être resté sur la litière pendant trois jours. L'autopsiene révèle aucune lésion macroscopique appréciable. Le diagnostic de dourine est confirmé par le vétérinaire. Il ÉTUDE DU PARASITE Le trypanasome rencontré daas le sang du cheval précédent se présente sous l’aspect d’une petite anguillule très mobile, se déplaçant avec grande rapidité, au milieu des hématies qu'elle agite. Ces mouvements gênent l’observation. On constate que le corps est allongé, transparent, plus épais vers la partie moyenne, et terminé en arrière par une extrémité mince, effilée, qui égale le quart de sa longueur totale et ressemble à un flagellum. La partie antérieure tantôt s’allonge en pointe, tantôt*se renfle plus ou moins. Les mouvements de translation se font indifféremment par l’une ou l’autre des extrémités, ils sont spiraliformes et très rapi- des. La mobilité persiste pendant plusieurs heures : dans des pré- . 7118 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. parations de sang frais, lutées ou non, et conservées à la tempé- rature ordinaire, nous l’avons constatée après 18 heures, jamais après 24 heures. Dans les mêmes conditions MM. F. Jolyet et. B. de Nabias ont vu le parasite vivant encore au bout de 5 jours (Journal médical de Bordeaux, 1891). Lorsque la vitalité décroit, et que les mouvements devien- nent plus lents, les détails de morphologie.apparaissent. Le trypanosome est constitué par une masse de protoplasma * homogène, limitée par une membrane ondulante, formant des plis sur l’un des bords libres du corps (voir fig. 1). Fig. 5. Vers l'extrémité antérieure, toujours à peu près au même niveau, se voit une petite sphère brillante, qui résiste aux pro- cédés ordinaires de coloration. Les détails de structure sont encore plus nets après l’action des matières colorantes. Le violet de gentiane, la thionine tein- tent fortement le parasite, mais les plus jolies préparations sont obtenuesenfaisant agir, sur deslamelles de sang desséché, l’éosine et le bleu de méthylène, soit successivement comme le recom- mande M. Laveran pour les lamelles de sang paludéen, soit simul- tanément d’après le procédé de Czenzynke. (V. fig* 2 et 3). La fixation à l’aide de l’alcool absolu, ou du mélange à parties égales d'alcool absolu et d’éther, est préférable aux vapeurs d’acide osmi- que. Les plis de la membrane ondulante apparaissent nettement. L’hématozoaire fixé dans sa forme n’est jamais rectiligne; ilest ondulé, fusiforme, aplati, alors qu’à l’état vivant, la partie moyenne du corps parait cylindrique. Ses dimensions sont les suivantes : tits mt so. Ent TRYPANOSOME DES MAMMIFÈRES. 119 18 à 26 w de longueur, 2 y à 2 5 de largeur vers le milieu du Corps. Morphologiquement, ce parasite ressemble à celui décrit par Lewis et Chalachnikow, dans le sang des rats", et Griffith Evans dansle sang des chevaux, mulets, et chameaux de l'Inde; plusieurs caractères biologiques semblent l'en différencier. Chalachnikow aurait réussi à cultiver ces hématozoaires dans du sérum de sang de chien recueilli aseptiquement. Six jours après l’ensemencement, il observait, outre les formes ordinaires, de nouvelles formes à différents stades de développement. Nous avons répélé ces expériences, mais toujours sans succès. Le sérum des animaux les plus sensibles (lapins, chiens) a été ense- mencé à plusieurs reprises avec des quantités énormes de para- sites ; les tubes ont été placés dans des conditions de températures diverses, jamais nous n’avons observé de trypanosome vivant après 36 heures ?, et au bout de quelques jours, ils étaient désa- grégés, méconnaissables. Mèmes insuccès avecle sang, l'humeur aqueuse, l'urine de différents animaux, et les milieux de cultures ordinaires. III INOCULATION AUX ANIMAUX Les animaux à sang froid (couleuvres, lézards, grenouilles) ne sont pas réceptifs. Des grenouilles placées à l’étuve à 37°, ont été inoculées à plusieurs reprises dans le sac lymphatique dorsal, jamais le parasite ne s’est multiplié ; on n’en retrouvait plus trace après 36 heures. Les volatiles (poules, pigeons, moineaux, chauve-souris), sont | également réfractaires, quels que soient le mode d’inoculation et la quantité de sporozoaires introduits dans l'organisme. Des poules et des pigeons, refroidis par les procédés habituels, ont constamment montré une immunité absolue. On pouvait supposer que le trypanosome provenant d'un cheval trouverait chez tous les mammifères un terrain favo- x rable à son développement, Il n’en est rien ; à tout âge, et 4. Mus decumanus, rufescens, bricetus frumentarius. 2. Après 24 heures de séjour à l’étuve à 37°, quelques parasites étaient encore mobiles. 120 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. dans toutes les conditions, le cobaye s’est montré réfractaire. Par contre, les souris blanches et grises, le rat blanc, le lapin et le chien sont d’une grande sensibilité. Les différences obser- vées dans la durée de la maladie chez ces animaux dépendent de leur volume et de leur poids; chez eux. l'affection est toujours mortelle. Les rats d’égout présentent quelques particularités : les uns sont réceptifs, d’autres absolument réfractaires : chez d’autres enfin, l’hématozoaire se multiplie temporairement dans le sang, comme on peut s’en assurer par des examens répétés, puis il disparaît définitivement, laissant l’animal bien portant. Sur 30 rats pris au piège dans dans les égouts de l'hôpital militaire de Constantine, 7 ont succombé à la septicémie. 9 ont été complè- tement réfractaires ; 14 ont montré une réceptivité atténuée. Ces résultats diffèrent de ceux signalés par les auteurs. Ils nous permettent de penser que les trypanosomes rencontrés dans les diverses espèces animales (oiseaux, grenouilles, mammifères, etc.) ne sont pas des variétés d’un même parasite, mais con- stitüent au contraire des espèces distinctes ne pouvant pas se transformer l’une dans l’autre, ou se modifier sous l’action du milieu. Dans nos expériences, chaque fois que l’inoculation a été positive, le parasite s’est toujours montré avec les mêmes caractères. Le sang des rats capturés dans les égouts de Constantine a été examiné à plusieurs reprises avant l’inoculation; chez au- cun d’eux la présence d’hématozoaires n'a été constatée. Nous sommes loin des résultats de Lewis, qui a rencontré ces parasites chez 29 0/9 des rats de Calcutta; de Crookshanck, qui les _a retrouvés 25 fois sur 100 dans le sang des rats d'Europe; de R. Blanchard, qui a constaté que cette affection parasitaire n’était pas rare chez les rats de Paris. Chez les animaux sensibles, l'infection est facile : la moindre plaie offre une porte d'entrée au parasite. Nous avons infecté plusieurs chiens en leur faisant. à la face interne d’une cuisse, une scarification superficielle qu’on imbibait ensuite d'une goutte de sang recueilli sur un animal malade. Les inoculations sous- cutanées sont plus sûres ; les injections intra-veineuses ou intra- péritonéales hâtent la généralisation et par suite le dénoue- ment. La solution de continuité des téguments n’est même TRYPANOSOME DES MAMMIFÈRES. 124 pas indispensable, car le trypanosome traverse les muqueuses saines : une goutte de sang riche en parasites, déposée dans le cul-de-sac conjonctival inférieur d’un lapin, suffit à lui donner la maladie. Nous avons observé aussi un cas d’infec- on probable par la voie vaginale. Un lapin mâle, au début de l'affection, est placé intentionnellement dans une cage avec une femelle neuve; celle-ci a-été contaminée. Le trypanosome a élé rencontré dans Île sperme, comme nous le verrons tout à l'heure. Ce fait, qui est unique, ne permet pas une affirmation catégorique, mais il doit être pris en considération, puisque, pendant les deux années que nous avons entretenu le parasite, nous n'avons relevé aucun cas de contagion parmi nos ani- maux. L'absorption par les voies digestives de produits divers riches en parasites n’a jamais été suivie de succès. L'infection par ingestion paraît donc impossible, du moins pour les mammifères, puisque l’on semble admettre aujour- d'hui que les jeunes oiseaux, incapables de se nourrir seuls après l'éclosion, sont infectés par leurs parents. Le procédé d’inoculation qui nous a paru le plus commode, consiste à délayer dans du bouillon, du sérum arüficiel, ou sim- plement de l’eau, le sang recueilli sur un animal malade. On peut ainsi graduer à volonté, par des dilutions appropriées, les quan- tités de parasites qu'on veut injecter. Le trypanosome est d’au- tant plus abondant dans le sang que l'affection est plus an- cienne et le dénoûment plus proche. Dans le corps de lPanimal qui vient de mourir, le parasite perd rapidement sa mobilité et sa vitalité. Le délai ne peut être fixé d’une manière absolue ; il varie suivant les saisons, mais ne dépasse pas en moyenne 8 à 10 heures. Il est certain que le parasite succombe avant que la putréfaction envahisse le cadavre. À ce moment, le trypanosome est encore visible dans le sang, mais moins nettement, et les inoculations, même à doses massives, restent négatives. L'évolution et la symptomatologie diffèrent avec les espèces animales inoculées : il est donc nécessaire de les étudier séparé- ment chez les souris, les lapins et Les chiens. Souris.— La généralisation se fait d'autant plus rapidement que le nombre des parasites injectés est plus grand. En inocu- 722 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. lant dans la peau de faibles quantités de virus (1/10 de c. c. d'un mélange de bouillon et de sang infectieux en propor- tions telles qu’une goutte de la‘ dilution montre {1 à 2 parasites » par champ de microscope), on peut déjà au bout du troisième jour (trois fois 24 heures) constater la présence du trypanosome dans le sang recueilli à l’extrémité de la queue sectionnée. * L’injection dans le péritoine permet de faire la même con- statation après 36 ou 48 heures. L’injection de doses massives diminue encore la période d’incubation. Les parasites se mul- tiplient rapidement, et leur nombre va croissant jusqu’à la Fig. 2. Fig. 3. Sang de souris 4 jours après l’inoculation | 8 jours après l’inoculation, # a mort qui survient-du cinquième au onzième jour après l’inocu- lation, À ce moment les sporozoaires sont plus nombreux que les hématies: on les trouve par paquets pelotonnés, grouillants, et l'aspect de ces préparations est vraiment saisissant. (V. fig. 3.) La souris blanche offre donc un terrain très favorable à la culture dn trypanosome, et l’on peut, à.quelques heures près, déterminer l’apparition du parasite dans la circulation géné- rale. Malgré ces conditions éminemment propices, il nous a été impossible d’entrevoir le mode de reproduction de cet hémato- “zoaire. En vain nous avons cherché les formes correspondant aux divers stades de développement, signalées par Danilewsky chez les oiseaux, et Chalachnikow chez les rats; jamais nous n'avons vu, ni à l’état frais, ni après coloration, les divisions TRYPANOSOME DES MAMMIFÈRES. 123 longitudinales des jeunes trypanosomes, les corps amiboïdes (pseudo-leucocytes) en voie de scission, ou les sphères se divi- sant en corps fusiformes. MM. Jolyet et Nabias n'avaient pas été plus heureux que nous. Les souris ne paraissent malades que dans les heures qui précèdent la mort; elles sont alors immobiles, ramassées, les yeux clos, le poilsecet hérissé ; elles sont insensibles aux excita- tions extérieures. Les cornées deviennent alors blanches et opaques, soit partiellement, soit en totalité. A l’autopsie, on trouve parfois dans le péritoine un épanche- ment sanguinolent ; mais on note surtout de l’hyperémie des parois abdominales, de l’augmentation de volume du foie et principalement de la rate, dont le poids peut atteindre 2 grammes. La rate est lisse, distendue, de couleur rosée; le foie est mani- festement congestionné; la vessie est distendue par l'urine. Les autres organes ne présentent aucune lésion macroscopique ap- préciable ; les poumons paraissent toujours sains. Les ganglions lymphatiques correspondant au point d'inoculation sont hyper- trophiés. Le parasite existe dans le parenchyme de tous les viscères ; on le rencontre, en outre, dans les divers milieux oculaires, dans les testicules, mais pas dans l'urine ni le con- tenu du tube digestif. Si l’on tue les souris par des anesthésiques (éther, chloro- forme) ou par le gaz d'éclairage, le trypanosome conserve encore sa mobilité dans le sang et les organes. Chez la souris, comme chez le rat, le lapin et le chien, la généralisation du trypanosome a pour conséquence fatale l'avortement des femelles, infectées à différentes périodes de leur gestation. La présence du parasite n’a pas été constatée chez le fœtus. Elle semble aussi entraver la fécondation. Les souris grises et les rats blancs réagissent de la même manière ; la durée de l’affection est un peu plus longue (45 jours) chez ces derniers. Lapins. — On peut à tout moment déceler la présence du parasite chez la souris; il suffit d'examiner au microscope une gouttelette de son sang. Il n’en est pas de même pour les lapins, le chien et le cheval. Chez eux, le trypanosome ne se rencontre pas constamment dans le courant sanguin ; il y appa- raît d’une façon irrégulière, intermittente, comme la laverania 124 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. dans le paludisme, ou le spirille d’'Obermeier dans la fièvre récurrente ; mais nous n'avons pu établir aucune relation entre les accès fébriles observés et la présence du parasite dans le” sang. Pour rechercher en quels points de l'organisme le trypa- nosome peut ainsi se retrancher, nous avons sacrifié plusieurs lapins, présentant les signes d’une infection manifeste, mais dans ie sang desquels le microscope ne découvrait aucun sporo- zoaire. Nous en avons rencontré dans la rate, les milieux ocu- laires, à la surface des muqueuses, dans les plaques d’œdème localisée, mais jamais dans la moelle des os. Les souris malades ne présentent aucun symptôme spéei- fique ; les lapins et les chiens offrent, au contraire, une série de lésions, qui se succèdent ou alternent, accusant ainsi le progrès de la maladie. La fièvre est irrégulière; elle n'apparaît pas ordinairement dans les premiers jours qui suivent l’inoculation ; le thermo- mètre oscille entre 39°, 5 et 40°, sans rémissions matinales accen- tuées, puis, la température revient à la normale, et l’on note, de temps à autre, des ascensions brusques que n’explique pas l’exa- men de l’animal. Un des premiers symptômes est l’œdème des oreilles, partiel ou total; elles deviennent chaudes, tombantes, et conservent l'empreinte du doigt. Par transparence, on aperçoit les vaisseaux dilatés, gorgés de sang. La sérosité recueillie par des mouchetures renferme le parasite, parfois en abondance. Cet œdème persiste pendant une ou plusieurs semaines : alors les lésions s’accentuent ; les veines se thrombosent, la peau est sèche, couverte de squames, les poils tombent, et nous avons noté deux fois des eschares larges comme des pièces de un franc, dont l'élimination produisait une perforation du cartilage, La surface du corps ne présente pas de plaques œdémateuses, circonscrites, appréciables au toucher, il est vrai que les poils gênent l'exploration. À la dernière période, les membres s'infiltrent et s’ulcèrent : les ongles sont longs et cassants, la peau se recouvre de croûtes, les poils tombent; en même temps on note une parésie, de l’arrière-train, qui peut aller jusqu’à la paraplégie complète, et intéresser les sphincters. L'état général décline rapidement, quoique les animaux se nourrissent jusqu'aux derniers jours : 9 TRYPANOSOME DES MAMMIFÈRES. 725 à) l’amaigrissement est progressif, la cachexie fatale ; les animaux inoculés perdent plus du tiers de leur poids primitif. Du côté des yeux on note une conjonctivite muco-purulente avec présence du parasite dans l’exsudat. Les paupières sont gonflées ; le pus se dessèche sur les parties voisines qu'il irrite. Nous n'avons pas trouvé de lésions manifestes du globe oculaire, contrairement à ce qu’on observe chez la souris et chez le chien. Quelques animaux présentent du jetage; les narines se recouvrent de croûtes épaisses, adhérentes, au-dessous desquelles les tissus sont détruits et les os dénudés. Les organes génitaux externes sont toujours atteints. Chez les femelles, la vulve et l'anus sont tuméfiés ; la muqueuse con- gestionnée saigne facilement, et présente parfois une ou deux ulcérations longues à se cicatriser. Chez les mâles, on note de l’ædème du fourreau, du paraphimosis : l'extrémité de la verge, mise à nu, peut se nécroser. Enfin, nous avons relevé trois cas d’eschares siègeant sur les enveloppes des bourses, et ayant occasionné un fongus du testicule. Chez le lapin, la durée de la maladie varie de 1 à 3 ou 4 mois, suivant son âge et son poids. La mort est survenue chez tous nos inoculés (25). A l’autopsie, en plus des lésions précédemment décrites, on trouve: une hypertrophie des ganglions lymphatiques, de la sérosité dans la péritoine, de la congestion du foie et de la rate ; les autres organes paraissent sains. Le parasite se rencontre partout, dans les humeurs, les viscères, les glandes (testicules) et à la surface des muqueuses (urètre). Des lapins préalablement dératés ont été inoculés après gué- rison complète du traumatisme : l'affection a évolué régulière- ment comme chez les témoins. Ciexs. — Les lésions décrites chez les lapins s’observent aussi chez les chiens’; mais en“plus, chez ces derniers, 1l y a une prédilection spéciale du parasite pour les organes de la vision. Indépendamment de la conjonctivite purulente déjà mentionnée, nous avons noté, de l’exophtalmie, des kératites suivies de staphylomes, de l’hypopion. Les troubles moteurs sont égale- ment plus accentués, et l’ædème des organes génitaux externes est très manifeste. Enfin nous avons constaté deux fois, à 126 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. + l’autopsie, un épanchement citrin, abondant, dans le péricarde et le péritoine. L'étude anatomo-pathologique des principaux viscères a montré une dilatation énorme des vaisseaux et des capillaires sanguins, avec formation, à leur niveau, de tissu conjonctif jeune. Les lésions sont surtout prononcées dans le foie et la rate. Nous n'avons pas réussi à mettre en évidence les parasites dans les coupes. De même, sur des préparations de mésentère, colorées suivant divers procédés, on n'aperçoit pas les embolies que doit former le trypanosome dans les capillaires sanguins. Ces échecs sont vraisemblablement dus aux altérations subies par l’hématozoaire sous l’action des réactifs. IV Pour compléter cette étude, nous devions, avec l’assistance de M. le vétérinaire principal Poitte, inoculer des chevaux et des baudets, et suivre chez ces animaux l’évolution de la - maladie. Ces expériences présentaient, suivant nous, un grand intérêt. En effet, le cheval qui nous a fourni le parasite avait été reconnu atteint de dourine par le vétérinaire du dépôt de remonte de Constantine, qui opère en Algérie depuis plusieurs années. De plus, il est indéniable que les lapins et les chiens | infectés par le trypanosome présentent plusieurs symptômes | analogues à ceux de la maladie du coït. Enfin, en compulsant toutes les observations de dourine, recueillies par les vétérinaires de l’armée dans ces dernières années, nous avons pu constater que la plupart sont calquées sur celle de l’étalon X... dont elles ne sont qu’une répétition. Il importait donc de rechercher s'il n'existait pas entre le trypa-. nosome et la maladie du coït quelque relation de cause à effet. La perte malencontreuse du parasite que nous entretenions a rendu ces expériences impossibles. Quoi qu'ilen soit, en admettant même que Ÿ Lrypanosome n’ait aucun rapport avec la dourine, nous restons convaincu que * bon nombre de cheyaux, regardés comme atteints de cette maladie, succombent en réalité à l’infection par l’hématozoaire, ! a RÉ ht ms nel en de CPE TRYPANOSOME DES MAMMIFÈRES. 727 ESSAIS DE SÉROTHÉRAPIE Bien que nos expériences soient forcément incomplètes, nous avons cependant enregistré certains faits qui ont leur intérêt. Le sérum provenant d'animaux dont le sang fourmille de trypanosomes n’est pas parasiticide pour cet hématozoaire. Il y conserve sa vitalité aussi longtemps que dans le sérum d’ani- maux neufs, ou dans tout autre milieu liquide. Le sérum présente son maximum d'effet lorsqu'on le recueille chez un animal profondément atteint, commencant à se cachec- tiser. Le sérum que nous avons employé provenait de lapins et de chiens. Il a servi à traiter exclusivement des souris blanches. Nous avons opéré dans des conditions peu favorables, car les souris sont très sensibles et succombent en moyenne du 5° au 10° jour à l'infection. De plus, on ne peut leur injecter sans danger que des doses minimes, puisque 1 c. c. 1/2 de sérum de chien les tue sûrement. Quoi qu'il en soit, nous avons obtenu plusieurs résultats positifs ; peut-être auraïent-ils été plus nombreux si nous avions eu le temps d’opérer sur les lapins et sur les chiens Le sérum d'animaux naturellement réfractaires (pigeon, poule, cobaye) ne possède aucune action immunisante, même si on leur injecte au préalable de grandes quantités de sang infectieux. Inoculé préventivement, à la dose de un tiers de c. c., le sérum de lapin a empêché la pullu'ation du trypanosome chez six souris ; elles ont résisté, quoiqu'on ait constaté à plusieurs reprises la présence du parasite dans le sang de la queue (4 à 2 par champ de microscope.) Chez toutes les autres, nous avons eu une survie variant de 17 à 23 jours. Les résultats ont été les mêmes, que l’on ait injecté le mélange fait in vitro, ou séparément le parasite et le sérum. Le même sérum injecté à des souris, après constatation au microscope de la présence du parasite dans le sang recueilli à la _ queue, c’est-à-dire 2à 3 jours après l'inoculation, n’a donné que de faibles survies (3 à 7 jours), mais aucune guérison complète. L'effet thérapeutique du sérum a donc été insignifiant. Cet échec 728 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. reconnaît les mêmes causes que celui du sérum antitétanique ; l’on intervient trop tard, l'organisme est déjà trop profondément atteint. ERRATA Dans l’article de M. Hankin relatif aux eaux de la Jumna et du Gange (page 511), le mot eau de surface est pris non dans le sens d’eaux de ruissellement, mais dans le sens d’eau des couches superlicielles ou de nappe des puits (Ground water ou Grund- 1Dasser ). Dans l’article de M. Metchnikoff sur la sérothérapie de fièvre récurrente (page 657), la disparition d'un mot donne à la phrase de la ligne 14, un sens trop absolu; il faut lire : quand ils sont englobés dans les phagocytes, on ne les y rencontre parfois qu'isolés ou en petit nombre. REVUES ET ANALYSES SUR EACSTRUCTURE DES. BACTÉRIES REVUE CRITIQUE Les questions de structure des bactéries ont été fort agitées dans ces dernières années, et on trouvera à la fin de cet article une biblio- graphie complète du sujet, empruntée à un ouvrage récent de M. Butschli'. S'il y a tant de travaux consacrés à cette question, c’est qu'ils ne sont pas d'accord et ne voient pas de même. Cela a l'air surprenant. Rien ne semble plus facile, une bactérie étant mise sous le microscope, que de décrire ce qu’on a sous les yeux. Mais souvent il n’y a rien. Le protoplasma semble tout à fait homogène. Pour y voir quelque chose, il faut s’adresser à des bactéries vieillies et qui commencent à se disloquer, ou bien il faut faire agir sur elles des réactifs, des matières colorantes qui en changent l’aspect, mais qui en changent peut-être aussi la constitution, de sorte que les images qu’on voit sont, non des images réelles et préexistantes, mais celles qu’a faites le traitement. Comment distinguer ce qui est naturel de ce qui est artificiel, surtout lorsque les actions naturelles et les actions artificielles mettent en jeu les mêmes forces, et aboutissent aux mêmes résullats. Toutes les questions de structure intérieure des bacilles sont en effet dominées par ce fait, que le plasma est une substance muqueuse et coagulable. Muqueuse, cela n’est pas douteux, quand on réussit, comme M. Butschli, à écraser par pression sous la lamelle une grosse cellule de Chromatium Okenii. On voit s'épancher par une ouverture de l'enveloppe un liquide presque gélatineux, coagulable par la chaleur, par les réactifs. C’est ce que savent tots les micrographes. Ce qui reste obscur dans l’esprit de beaucoup d’entre eux, c'est le jeu des forces qui entrent en jeu pendant la coagulation. D'abord, cette coagulation peut se faire sous les plus minimes 1. Weitere Ausfurunyen uber den Bau der Cyanophyceen und Bacterien. Leipzig, Engelmann, 1896. 130 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. influences. Une très petite variation dans les circonstances extérieures, dans la température, dans la nature ou la proportion des sels présents peut la provoquer. Une substance coagulable est toujours en équi-" libre instable, semble guetter toutes les occasions de perdre son homogénéité, et de se dédoubler en une partie plus liquide et une partie plus*visqueuse. Dès que ce travail est eommencé, comme il amène de l’hétérogé- néité dans la masse, entrent aussitôt en jeu des forces nouvelles, masquées et inertes jusque-là. La partie liquide qui se sépare se munit sur toutes ses surfaces de cette action contractile nommée tension superficielle, qui agit à la façon d’üne très fine membrane de caoutchouc enveloppant toutes les gouttelettes, et qui les arrondit de façon à leur faire occuper sous le même volume leur surface mini- mum. Elles arriveraient toutes à la forme sphérique, si elles étaient dans un milieu non résistant; mais, dans la coagulation du liquide cellulaire, elles rencontrent comme résistance la viscosité croissante du protoplasma coagulé. Celui-ci ne se laisse pas façonner comme le voudrait le jeu libre des tensions superficielles. Ses divers éléments ont entre eux des liaisons difficiles à rompre. Ils ont en outre des liaisons avec les parois, avec l'enveloppe de la cellule. Ces liaisons intérieures leur donnent la résistance transverse qu'on trouve dans l’eau de savon, et qui lui permet de se gonfler en bulles: de sorte que l’on peut avoir une image grossière de ce que c’est qu un protoplasma qui se coagule en se représentant de la mousse de savon dans un vase. C'est une structure aréolée ou alvéolée, où les alvéoles ont leurs parois formées par le protoplasma, et sont remplies par le liquide exsudé pendant la coagulation. On peut connaître théoriquement les conditions d'équilibre d’une pareille masse dans un ballon sphérique ou dans un tube cylindrique. Sans qu'il soit besoin d’entrer dans le détail, voici ce qui nous inté- resse dans le phénomène, c’est que les parois de ces alvéoles qui sont en contact avecla paroi du vase tendent d’autant plus à lui être per- pendiculaires que la masse est plus régulière et plus libre de ses mou- vements, de sorte que les cloisons alvéolaires en contact avec le verre d’un ballon se dirigent toutes vers le centre. Dans un cylindre, pour d’autres raisons plus délicates, les cloisons séparatrices tendent à se mettre perpendiculairement à l’axe du cylindre, et si le cylindre est assez étroit, la coagulation de son contenu amène la formation de disques superposés, de couches successives de liquide et de coagulum, : Sans qu'il soit besoin d’insister, on retrouve dans ce que nous venons de dire les traits généraux de ce qu’a pu observer tout micro- À ” REVUES ET ANALYSES. 731 graphe, la formation des vacuoles, leur forme allongée quand elles sont dans ‘un filament bacillaire, leur segmentation transversale quand elles deviennent trop longues. On y trouve aussi, sans aller jusqu’à la vacuole, cette disposition transverse des masses inégale- ment réfringentes æt inégalement compactes qui se forment parfois chez certains bacilles qui vieillissent, et qui les font ressembler à des chapelets d’arlicles inégalement clairs et transparents. Ces aspects différenciés résultent tout aussi bien d'actions naturelles que d’ac- tions artificielles, et il n'est pas toujours facile de savoir s'ils précé- daient chez la bactérie la manipulation qu’on a faite pour les voir. Il n’y a qu’une manière de’sortir de cette difficulté, c’est de chêrcher si on observe, même grossièrement, sur le vivant, ce qu'on trouve dans sa préparation, mais cela n’est pas toujours facile. Quand on n’y arrive pas, on peut encore tirer un argument de l'identité des résultats obtenus par divers modes de préparation. Quand cet ordre de preuves manqué lui-même, il n’y a plus que des considérations un peu vagues d’analogie avec des faits mieux observés dans des espèces plus grosses ou mieux différenciées ; mais, là, il faut se rappeler que comparaison n'est pas toujours raison, et que bien des analogies sont trompeuses. Enfin, et pour donfer une idée encore plus nette des difficultés du sujet, l'observation sur le vivant doit elle-même ne pas être faite sans précautions. Voici une vacuole, nettement obseçvée chez un bacille en plein fonctionnement. Faut-il la noter comme un détail de structure ? Oui, si elle est naturelle, si elle est une de ces vacuoles digestives comme on en constate chez tant d’infusoires. Non, si elle est artificielle, si elle résulte d’un phénomène de plasmolyse, d’un commencement de coagulation produit par le transport dans un nouveau milieu de la , bactérie qui la contient. Tout cela exige de l’attention, du soin, de l'expérience, et, pour en revenir à notre point de départ, il n’est pas étonnant que des savants également compétents’et appliqués soïent arrivés à des résultats discordants, même en opérant sur la même bactérie. Il est probable &« priori qu'ils ont tous bien vu, et que c’étaient seulement les conditions de leur observation qui étaient différentes, alors qu'ils les croyaient identiques. *Est-il possible de faire un choix parmi ces affirmations contradic- toires et de se donner une idée de la structure générale des bactéries? Il faut pour cela faire un départ des travaux publiés, ranger les uns à sa droite, les autres à sa gauche. Quelque périlleuse que soit cette distinction, il entre pourtant dans le cadre et les habitudes de ce journal de la tenter, 132 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR: Il Voici, par exemple, Alf. Fischer (9), pour lequel une bactérie est composée d’une membrane cellulaire contenant une masse de proto- plasma, au milieu de laquelle existe un liquide central (centralflus- sigkeit) dans lequel on ne voit pas de noyau. C'est, dit-il, une structure analogue à celle des cellules végétales adultes. Les solutions salines (sel marin, salpêtre, etc.), la simple dessiccation déterminent une contraction du protoplasma, et la formation de vacuoles claires dans la masse du bacille. La distribution de ces inégalités est tantôt irrégu- lière, et tantôt régulière, et, dans ce cas, on a une série de granulations protoplasmiques. réfringentes, disposées en chapelets, qu’on a pu prendre pour des fausses spores. Mais le remplacement de la solution saline par de l’eau fait disparaître ces apparences, et il semble que A. Fischer, qui avait étudiéla plasmolyse dans un travail précédent (8), ait donné trop d'importance à ce phénomène dans ses études sur la struc- turedes bactéries. On ne voit pas trace, dans les dessins de M. Fischer, de ce liquide intra-cellulaire qu’il signale, et les figures les plus nettes sont celles où la plasmolyse a joué un rôle évident. On peut, je crois, dire à peu près la même chose d’un travail de Migula (20). Ce savant a étudié une bactérie plus grosse, le bacillus oæalaticus, qui mesure 3 4 de large et atteint quelquefois 30 à 40 u de longueur. Cette bactérie est formée d’un sac membraneux, peut-être muni d’une gaine gélatineuse, et contenant un protoplasma qui, homogène au début, ne tarde pas à présenter une vacuole centrale, moins réfringente que le reste. Cette vacuole grandit peu à peu en refoulant vers la périphérie le protoplasma, dans lequel on voit appa- raitre des granulations brillantes qui s’accumulent peu à peu à mi- longueur de la vacuole. En ce point se forme ensuite un anneau protoplasmique qui étrangle la vacuole et la partage en deux. Dans le diaphragme protoplasmique on voit apparaître une saillie de la membrane extérieure qui, en gagnant vers l’intérieur, finit par fermer la boutonnière à ped près comme chez les Spirogyres, Le travail de la division de la cellule primitive en deux est alors achevé. Il semble, à lire cette description, que Migula donne à la division de la vacuole le rôle primordial, et par cela essentiel, alors qu'il me semble impossible d'y voir autre chose que le phénomène de tension superficielle et de viscosité que nous avons vu présider, plus haut, au découpage en disques dela matière coagulable contenue dans un tube cylindrique. À mesure que le bacillus oxalaticus crojtet s’allonge, sa vacuole tend de plus en plus à se résoudre en vacuoles plus petites qui finiraient par donner un chapelet de sphères si elles étaient absolu- e REVUES ET ANALYSES. 733 x ment libres, et n’avaient pas à compter avec la viscosité du proto- plasma. Que la cloison transversale qui coupe la bactérie en deux se produise alors dans un de ces ponts protoplasmiques placés entre deux vacuoles, rien de moins surprenant quand on songe que c’est toujours le protoplasma qui édifie sa membrane. Si j'ajoute que Migula fait augmenter à volonté ou diminuer sa vacuole en changeant la nature du milieu ambiant, on sera conduit à conclure que si la vacuole fait partie intégrante du bacillus oxalaticus, elle a des origines trop physi- ques pour pouvoir être comptée comme uns détail de structure et jouer un rôle physiologique. | La conception qui résulte des travaux de Butschli est au contraire plus d'accord avec ce qu’on sait de la constitution anatomique des autres cellules; elle exige plus que celle de Migula l'intervention de l'opérateur. C’est en colorant faiblement les bactéries par l’héma- toxyline acide que Butschli établit ses distinctions anatomiques. Mais il commence prudemment par étudier l’action de ses réactifs sur des espèces plus grosses que les bactéries, bien qu'elles en soient très voisines, les Cyanophycées, dont quelques-unes sont assez volumineuses pour présenter, sur le vivant, une différenciation qu’on compare avec celle que donnent les réactifs. Voyons ce qu’on obtient en cherchant dans cette voie. Il ya chez les Cyanophycées une membrane extérieure, qu'on peut parfois vider de son contenu en la comprimant entre la lame et la lamelle, et qui apparaît alors sous la forme d’un sac incolore. Contre la paroi de cesac est une couche quiapparaîtau microscope légèrement colorée, de la teinte même que présente la plante. Au centre existe une zone incolore plus ou moins large et hyaline. Tout ce contenu prolo- plasmique est en outre alvéolé, et la disposition des alvéoles rappelle plus ou moins l’aspect que prendrait dans un vase une mousse demi- fluide. Les parois des alvéoles qui confinent à l'enveloppe luisont à peu près perpendiculaires ; ces alvéoles sont en outre souvent plus grandes dans la partie extérieure colorée que dans l’autre, mais elles existent partout. Voilà ce qu'on voit directement et sur la cellule vivante, non seule- ment chez quelques oscillaires appartenant au groupe des cyanophy- cées, mais aussi dans des bactéries authentiques, le Chromatium Okenii et l'Ophidomonas jenensis, qui sont assez volumineuses. On peut les tuer par des vapeurs d’acide osmique sans rien changer à leur aspect. Quand on emploie les réactifs colorants, l’hématoxyline par exem- ple, comme le fait Butschli, ou le violet de méthyle comme la fait Zacharias, ou le bleu de HRHOICR comme l'ont fait Palla et Lauter- born, ilse produit dans le corps de la cellule une différenciation assez nette. L'enveloppe reste incolore* La couche périphérique du proto- 134 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. plasma se colore faiblement, et au centre il y a une région plus forte- ment colorée, c’est le corps central (centralkürper) de Butschli, qui a donné lieu à tant de discussions. Butschli l'a assimilé à un noyau, d’abord probablement parce qu'il ne trouvait rien autre chose capable de remplir ce rôle. [Il existe bien, en effet, des granulations que l’hématoxyline, qui bleuit le noyau, laisse rouges, mais elles sont surtout dans la couche périphérique. Nadson a en outre découvert dans le corps central d’autres granulalions qu'il considère comme des matériaux de réserve, mais ces granulations sont trop petites et trop irrégulièrement réparties pour être des noyaux. Le corps central, au contraire, prend les mêmes couleurs que les noyaux cellulaires, et en outre deux fois, sur une Beggiatoa, Butschli a pu saisir sur lui des figures de karyokinèse. Il s'est donc cru autorisé, sinon à en faire un noyau, du moins à l’assimiler à un noyau. La chose eût peut-être passé sans difficulté avec les cyanophycées, car là le noyau, bien que volumineux, ne forme qu'une partie du con- tenu de la cellules Mais les proportions changent quänd on arrive aux bactéries. Dans le chromatium okenti, le noyau remplit plus des deux tiers de la cellule et, quand on arrive aux bactéries plus petites, le spi- rillum undula, par exemple, c’est la presque totalité du contenu de la cellule qui jouit des propriétés du _corps central des cyanophycées : structure alvéolaire, coloration par les réactifs du noyau. Les alvéoles ont parfois leurs cloisons séparatrices perpendiculaires à l’axe du filament, et de là vient la forme en chapelets d’articles que prennent parfois les bactéries en vieillissant. Quant au protoplasma incolore, l’équivalent de la couche extérieure des cyanophycées, il est refoulé contre la paroi avec ses corpuscules rouges, et on ne le voit parfois qu'aux extrémités de la, bactérie, sous la forme d’une couche semi-lunaire comprise entre le revêtement extérieur ef le contour “arrondi du noyau. Un noyau remplissant toute la cellule, toute la cellule réduite son noyau, sans ce protoplasma qui est considéré comme le siège de la nutri- tion, voilà une conséquence qui a effarouché de nombreux savants. Les uns ont contesté les fâits, les autres les déductions. ù C’est surtout aux premiers*que Butschli répond dans le travail visé au commencement de cet article. Si vous n’avez pas vu les mêmes faits que moi, leur dit-il en substance, c’est que vous êtes des maladroits, que vous colorez trop, ce qui fait disparaître toute trace de structure, ou que vous ne colorez pas assez, ce qui rend la différenciation plus difficile à saisir, surtoüt avec les bactéries. Il est cértain que la prati- que de ces colorations délicates exige beaucoup d’expérience,et que des défauts de technique peuvent expliquer beaucoup de contradictions. Mais peut-être n’expliquent-ils pas tout. Nous avons vu que dans le _ v REVUES ET ANALYSES. 735 baeillus oxalaticus Migula avait observé une vacuole centrale. Chodat avait fait la même observation pour le chroococcus twrgidus. Or, chez cette dernière espèce, Nadson, d’accord avec Palla, n’a pas vu de vacuole, mais seulement un corps central et un plasma aréolés. Ne se peut-il pas que ces différences chez une même espèce tiennent à des con- ditions de culture, qu'il y ait eu plasmolyse dans le cas de Chodat et pas dans les autres? On trouve parfois des vacuoles dans les noyaux les plus authentiques, et pas dans les noyaux voisins. Les deux phéno- mènes et les deux conceptions sont-elles donc si exclusives l’une de l'autre? y Quoi qu’il en soit, après s’être ainsi défendu du côté de la technique, Butschli aborde l’interprétation. Je n’ai pas prétendu, dit-il, que mon corps central était un noyau, j'ai dit qu’il était assimilable à un noyau. C’est un noyau en puissance, ont dit quelques-uns de ses disciples. Ici, je ne comprends plus. J'aime mieux faire remarquer, avec Metchnikoff, que cette disproportion entre lenoyauetla cellule, quisemblechoquante, se retrouve presque toujours dans les cellules embryonnaires, où le noyau remplit presque parfois à lui seul la cellule. Or, ces cellules embryonnaires, comme les bactéries, sont le siège d’un vif mouvement de prolifération, et par conséquent de nutrition. Chez les myéloplaxes, le protoplasme est aussi tellement réduit ‘qu’on les à pris longtemps pour des noyaux nus, sans cellules. Rien ne s’oppose danc à ce que nous fassions des bactéries des noyaux revêtus d’une très mince couche de protoplasma et d’une enveloppe. Cette interprétation s’accorde non seulement avec tout ce que nous savons des réactions colorantes des bactéries, mais aussi avec nos notions de physiologie générale. Le plasma cellulaire nous apparaît en effet de plus en plus comme la cuisine du noyau, le lieu où s’éla- bore la matière alimentaire, On conçoit que ce protoplasma soit volu- mineux dans les cellules où l'élaboration de l’aliment est complexe, où il doit, comme par exemple chezles végétaux, être formé de toutes pièces, Mais il peut être très réduit chez les bactéries qui exigent toutes un aliment déterminé, en général très spécifique et préparé à l’avance. Cet aliment semble être consommé tel quel, tout au plus après avoir subi l’action d’une diastase; lorsqu'il doit être mis en réserve, Sous forme d’amidon ou de matière amylacée par exemple, pour les he- soins de la spore, il y a dans le bacille une formation de tissus de réserve qu'il serait très intéressant d'étudier par les procédés de Butschli, Que donnerait, avec ces méthodes, un amylobacter au moment où il se colore partiellement ou totalement en bleu par l'iode, . 136 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. [IT La formation de la spore, à laquelle nous venons de faire allusion, ” se rattache tout naturellement aux notions ci-dessus développées sur la structure des bactéries. Quelle est la place de la spore dans l’en- semble que nous avons décrit? Les premières études sur ce point ont été faites par de Bary, qui opérait surtout sur des bacilles cultivés en gouttes pendantes, et sans le concours des méthodes de coloration. Ce qu’on peut observer dans ces conditions, soit avec le bacillus megaterium de Bary, soit avec la bactéridie charbonneuse, se réduit à ceci: quand les conditions sont favorables pour la formation de la spore, on voit le protoplasma de la cellule, homogène jusque-là, devenir finement granuleux. Puis ces granulations presque impérceptibles se condensent en granules plus gros, fortement réfringents, qui deviennent peu à peu la spore. Koch avait vu, sur le bacille charbonneux, qu'il y a parfois, dans une même cellule, plusieurs de ces granules réfringents, qui confluent dans la spore, et on trouve dans l'Atlas der Bacterienkunde de Fræn- kel et Pfeiffer des photogrammes à l’appui de cette observation. Le Bacillus megaterium se comporte de même, On voit seulement en plus, chez ce bacille, au moment de la sporulation, cette vacuoli- sation intérieure qui le rend si facile à reconnaître. Quand les méthodes de coloration ont commencé à se répandre, elles ont permis de différencier, mieux qu’on ne l’avait fait jusque-là, les granulations intracellulaires, et, dans cet ordre de faits, la pre- mière observation intéressante pour la question que nous étudions est due à M. Babes. En traitant la préparation, séchée à l'air, par une solution concentrée de bleu de méthylène ou de Lüffler, agissant pendant un quart d'heure, et en lavant ensuite à l’eau, on trouve, dans un grand nombre de bactéries, et surtout dans le bacille diphtérique, des corpuscules violets ou rougeâtres, tranchant nettement sur le reste du protoplasma qui est bleu, Comme ils sont plus abondants aux extré- mités du bâtonnet ou au milieu, là où g'opère la croissance et où se fait la division, Babes les a considérés commme jouant un rôle dans le procès de multiplication. Mais, par prudence, il leur a donné le nom, peu compromettant, de corpuscules métachromatiques, Depuis Babes, divers savants ont signalé dans les bactéries des granulations analogues ou différentes, Butschli en signale qui se colo- rent en rouge par sa méthode indiquée plus haut, et sont surtout fré- quentes dans la couche corticale de protoplasma qui environne le corps central. Dans ce corps céntral, son élève Nadson en a signalé d’autres qui se comportent comme des matériaux de réserve. La vie REVUES ET ANALYSES. 131 ” du protoplasme bactérien est en effet très complexe et doit se traduire par une variété très grande de productions. Ce sera l’affaire des histo- logistes de les débrouiller. Nous ne nous occuperons ici que de celles qui peuvent jouer un rôle lors de la formation de la spore. Ernst, a,le premier, signalé chez certains bacilles des granulations qui se colorent par le bleu de méthylène de Lôüffler, employé chaud, mais pas bouillant, et se différencient par le brun Bismarck. Elles apparaissent dans le bacille lorsque les conditions favorables à la production de la spore sont remplies, et quelques-unes d’entre elles viennent confluer sur un point du bacille où elles finissent par former, la spore. Aussi Ernst leur a-t-il donné le nom de grains sporogènes. Cette attribution semble un peu douteuse. On a observé surtout ces grains chez des bacilles qui ne donnent pas de spores, et on n'en trouve pas, d’après Bunge, chez des bacilles classiquement sporifères comme le B. megaterium de Bary et le bacille charbonneux. De plus, ces granulations ne résistent pas à la chaleur de l’eau bouillante, ce qui ne les rapproche pas des spores, tant s’en faut. Bunge se croit donc autorisé à leur refuser le rôle que leur attribue Ernst, et cela d'autant plus qu’il a trouvé dans les bacilles sporifères des granulations dont la relation avec la spore ne lui semble pas douteuse. Ces granulations sont beaucoup moins facilement colorables et décelables que celles d’Ernst. Il faut, pour qu’elles prennent la couleur, leur faire subir un traitement préalable, sur les préparations sèches, par un corps “oxydant, tel que l’eau oxygénée, le bioxyde de sodium ou l'acide chromique. On leur applique alors les méthodes de coloration des sporesAOn voit ainsi dans le bacille charbonneux, par exemple, des granulations arrondies, qui sont parfois au nombre de deux ou trois par cellule, et qui finissent par confluer en une masse ovale qui forme la spore. Dans le B. megaterium, au lieu de se former ça et là, au hasard en apparence, dans un protoplasme à peine diffé- rencié, on les rencontre de préférence dans les vacuoles qui sont un des traits caractéristiques du B. megaterium, et c'est aussi dans une sorte de vacuole que se forme la spore. Bunge fait, avec justice il semble, de ces granulations les précur- seurs des spores, et ce qui empêche de les confondre avec celles d’Ernst, c'est qu'elles supportent l’ébullition sans se détruire. D'un bout à l’autre de leur évolution, elles se comportent chimiquement comme des spores, et sont aussi difficilement colorables au commen- cement qu’à la fin, ce qui prouve que la résistance de la spore àda teinture m'est pas le fait d’une membrane qui l’entourerait lorsqu'elle est mûre : c’est son tissu qui ne se laisse pas mordre par la matière colorante. , t = Ci | 138 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Il resterait maintenant, pour terminer momentanément ce sujet, à mettre en rapport les conclusions de Butschli avec celles de Bunge. Quel est le rôle du Centralkürper du premier dans la production des. granulations du second. Il semble bien que celles-ci ne puissent sortir que du corps nucléaire. Mais le noyau persiste-t-il dans la région où la spore se forme ? Ou bien abandonne-t-il cette région, qui ne serait que le point de confluence des granulations qu’il a fabriquées? Voilà une question importante qui se pose, et qui ne semble pas trop difficile à résoudre pour les savants observateurs qui nous ont déjà donné les notions que je viens d’essaver de résumer. » E. DucLaux. REVUES ET ANALYSES. 139 BIBLIOGRAPHIE {. Bages. Uber isolirt farbbare Antheile der Bacterien. (Zeits. f. Hyg . 1889.) 2. Burscazr. Uber den Bau. der Bacterien und verwandter Organismen . Leipzig, 1890. 3: — Uniersuch. ub. mikroscopische Schaume und das Proto- plasma. Leipzig, 1892. 4. Buxce. Zur Kentniss d. geisseltragenden Bacterien. (Fortschr. d. Med., 1894.) >. — Uber Sporenbildung bei Bacterien. (/d., 1895.) 6. Con. Untersuch. ub. Bacterien. (Beiträge zur Biol. d. Pflangen, 1872 et 1875.) 7, DEeINEG4a. Der gegenw. Zustand uns. Kentn. ub. d. Zellinhalt d. Phycochromaceen. (Bull. soc. imp. nat., Moscou, 1891.) 8. Erxsr. Uber Kern. und Sporenbildung d. Bacterien. (Zeits. f. Hyg.. 1688.) 9. Fiscuer. Die Plasmolyse der Bacterien. (Ber. d. k. sachs. Gesell. d. 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(Scripta bolanica, Saint-Péters- bourg, 1890-91.) 31. WinoGrapsky. Uber Schwefelbacterien. (Bot. Zeitung. 1887. 32. — Beitr. zur Morphol. u. Physiol. d. Bacterien., Léipzig, 1888. 33. ZacHarras, Beitrage z. Kentn. d. Zellkernes u. d. Sexualzellen. (Bot. Zeilung., 1887.) 34. — Uber die Zellen d, Cyanophyceen. (Id., 4890.) BE — Referat uber Butschli « Uber den Bau., etc. » (Id., 4890.) 30. — Uber Deinega’s Schrift, « Der HAUTE Zustand, etc. » (Id.. 1891.) De = Uber die Zelien d. Cyanophyceen. (Id., 1892 et 4895.) 38. Zerrnow. Uber den Bau der Bacterien. (Cbl. f. Bact., 1891.) 39. Zuxar. Uber d. Zellinhalt. d. Schizophyten. (Siézungsber. d. k. Akad. d. Wissensch. Wien., 1892.) INSTITUT PASTEUR « PERSONNES MORTES DE LA RAGE APRÈS LE TRAITEMENT Cros (Léon), 26 mois, de Béziers. Mordu le 19 juillet ; traité à l'Institut Pasteur du 25 juillet au 11 août. Les premiers symptômes rabiques se sont manifestés le 25 août, l’enfant a succombé le 28. Les morsures au nombre de deux, très pénétrantes, siégeaient à la jambe gauche; elles avaient été faites au travers d'un. bas. Le chien bis autopsié par M. Gilis, vétérinaire à Béziers, avait été déclaré enragé. PERSONNES MORTES DE LA RAGE. TM Barimbordes (Victor), 2ans, de Navarreux, Basses-Pyrénées. Mordu le 5 avril; traité à l’Institut Pasteur du 9 avril au 26 avril. Les premiers symptômes rabiques se sont manifestés le 17 juin ; le malade est mort le 20. ; Les morsures, au nombre de deux, pénétrantes, siégeaient au pied droit ; elles avaient été faites au travers d’une chaussette et cautérisées au fer rouge après une demi-heure. Le chien mor- deur avait été déclaré suspect de rage à l’autopsie. Lambert Thomas, 19 ans, de Stockport (Angleterre). Mordu le 3 mars 1895, traité à l’Institul Pasteur du 8 au 26 mars ; mort le 21 avril. Les morsures, au nombre de quatre, siégeaient aux bras ; elles étaient profondes, avaient été fâites au travers des habits et lavées à l’acide phénique après une heure. Deux cobayes, inoculés le 2 mars avec le cerveau du chien mordeur, ont été pris de rage le 18 mars. Avegger (Joseph), 20 ans, de Willisau-Campagne, Suisse. Très profondément mordu au nez et à la lèvre supérieure le 20 octobre 1895; traité à l’Institut Pasteur du 28 octobre au 17 novembre ; mort de la rage le 19 décembre. M. Wandel, vétérinaire à Lucerne, avait examiné le chien mordeur et l'avait déclaré enragé. Avegger avait des habitudes alcooliques invétérées, il s’eni- vrait tous les jours pendant le traitement. Lasalle Louise, 28 mois, de Pomarez (Landes). Mordue le 46 octobre 1895; traitée à l’Institut Pasteur du 19 octobre au 5 novembre; morte le 4 avril 1896. Les morsures, au nombre de trois, siégeaient à la main droite et à l’avant-bras droit; elles avaient été lavées à l’eau phéniquée une heure après. Un cobaye, inoculé le 23 octobre avec le cerveau du chat mordeur, a été pris de la rage le 17 novembre. Openshaw (Thomas), de Bury, Angleterre. Mordu, le 20 novembre 1895, aux deux mains, profondément: traité à l’Institut Pasteur du 22 novembre au 9 décembre ;: mort le 16 janvier 1896. Le chien, mordeur examiné par un vétérinaire, avait été reconnu enragé. 142 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. INSTITUT PASTEUR STATISTIQUE DU TRAITEMENT PRÉVENTIF DE LA RAGE AVRIL, MAI ET JUIN 1896 | | Morsures à la tête ({ simples... . . | | »1 4 |» 1 RARE et à la figure multiples... .[ »| 1 PAPE »|2) Cautérisations efficaces . . . ... . . . . » |» | sl po»: fee | » — INETNLACOSS CRE RER CIE | lon | On APE Pas de Cautérisalion. "M. 1.1/0 1 à : » | » ne | » f à : simples. . #.: » ‘ » [58] » Morsures aux mains niet HT ae Nes 108 | |S en Cuutérisations efficaces . . . . . . 2e EM ST PRE A O7 el 6: — IRON ACACESRI AL EN PEUT. 2| » | » | 45] » » |28| » | PASGECAULEMISAONM ES AIO LEE 3|» | » | 531.» »y |29/ 0») » Dour aux mem- simples.....|»| 2) 4|» |30) 60 | ? 22167 res et au tronc multiples... .| »| 2 | » |80\ »|38 Cautérisahons efficutes Mer LRU: >|» | » |» | | » | »|» | » | — ineffiancese Tr ETES SNS MS RE Pas tdercaule ris ton ER EE NO ll 2| » |:5 | 341 » Jh 1981011 Habits déchirés* de EN EN 2] » | » | 44l » Oh ES BIS MOTSUTES ONU RE RAR ENNE LARRER 2} » » 16 » » 44! » » Morsures multiples en divers points du| | CORPS PT Le AN CAEN Re CA PC » » » NES) Cautérisations efficuces . . . . . .. . fol» |, |» |» » |») » | == inefficaces PAS SRE VE »| » » » » » DD » Pas-de Cautérisations 2". !,.- en Ash, sn) Aloe OO RES ARR QU AUTET 24182 » » » » 4A| > » MORSATESTUANARER ES ATX REP URRES OU IE ASS Français et Algériens. . 10 158) 125 RUES Etrangers .. . SU, MR 4 … TE 6 (151 A B C TOTAL GÉNÉRAL Les animaux mordeurs ont été : Porcs : 1 fois ; bœufs 2 fois; chats : 39 fois; chacal : 1 fois ; chiens : 273 fois. TABLE DES MATIÈRES Études sur l’immunité vaccinale et le pouvoir immunisant du sérum de génisse vaccinée, par MM. Bécrière, CHMMEON OU MENARD RM. 227 APN EURE UrA RE Traitement de la scarlatine par le sérum antistreptococ- cote, par le DE A Manmprer.: 5e QU CRAN RE Contribution à l'étude des levures de vin par M. E. Kayser. Sur les odeurs de putréfaction, Revue critique . . . . . . .. Sur l’hérédité de l’immunité acquise, par M. L. Vite Le choléra à Constantinople depuis 1893, par M. le DOME CORDES AURAIENT Er ALU LA PNR RUES TRI Note sur un vibrion bite anormal, par M. le D" Ta RENDU LR DUT eus nn te ACTU RS Les vaccinations à l’Institut Pasteur en 1895, par MR PORNENIN NE A DR Ne SRE MR N Inst ir Sur l'existence dans la nature d’un virus rabique renforcé, LORD ge ATEN Be Se BRUN DE M Re LR LUS Recherches sur la phagocytose, par M. le D' J. Bonper . Pouvoir ferment et activité d’une levure, Revue critique. . . . . . La thyréoantitoxine, par M. le Dr SIGMUND FR@NKEL . Etudes sur l’action solaire (1° mémoire), par M. Ducraux. Vaccine et rétrovaceine à Batavia, par M. le D' Ercerts Le MINS ARRET ER RE RS A LS Re As E: Les microbes des rivières de on par M. HaNEin. Pouvoir ferment et activité d’une levure, Revue critique. Rapport préliminaire sur le Nagana, ou maladie de la mouche tsétseRpar M: Davin BRUGE "AN RO Statistique de l'Institut Pasteur, octobre, novembre et dé- LDC HE PU CO RS ESRERE ARS ECTS AS AP ne Sur le mode d’action des sérums prévenufs, par M. le DRE DM CT des SA EE EE DA ER 144 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Sur un cas d’ostéo-myélite produite par le bacille d'Ebertb, par M le DE BRoNT NRA. | DR ere Contribution à l’étude biologique du bacillus viridis de Lesage. Bruni. Ostéomyélile produite par le bacille d'Eberth,........... X GAraspests Virus: renforcé-naturel 20e, CE X * CALMETTE. Sur le venin du NONTANIDUMANS AE ER ETES VI LL lé VUT Er CMOS RE EM nr TR VI — Contributon à l'étude du venin des serpents........ VIII _ Venins, toxines et sérums antitoxiques............. IX — et Decéarne. Toxines non microbiennes..... A: X — Voir YERSIN. CAPOBIANCO. Voir GERMANO. CATHELINEAU. Bacillus viridis de Lesage...................... X , CHaizLou et MARTIN. Étude de la diphtérie.................... VIII = — Voir Roux. CHAMBERLAND. Vaccinations contre le charbon et le rouget...... VIN — et FERNBAcH. Désinfection des locaux..,......... VII _CHAMBON. Voir BÉCLÈRE. 152 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Cuanremesse et WipaL. Études sur la fièvre typhoïde............ VA CHaviGny. Pulvérisations de sublimé...7......4#...:.%...:.... "X CarisrmAs (de). Sur quelques mélanges antiseptiques........... VI Valeur antiseptique de l’ozone............... VII CoLomBoT. Voir SABRAZËS. Cristian. Analyse bactériologique d'air pris en ballon......... VII CoxoN Un'cus depourritured hope Tes... LIL ER R X Cunrrs-Saccharomyense humamenterss... 21... COMENT X Dacxe et Mazvoz. Système nerveux dans l'infection............. VI DE BLasr et Russo-Travazr. Rage chez le chat............... VIH _ _ = Statistiques de Palerme..." X — en — Associations dansla diphtérie...... X Diarrorrorr. Bactéries charbonneuses dans un puits........... VII —- Vaccinations à la station d'Odessa............... VII Du Bois SAINT-SEVRIN. Panaris des pêcheurs.................. VIII DugourG. Voir GAYON. Du Cazar eWGABRIN. Confagion par le livres... .".. 21.00. IX Ducraux. Différenciation des matières albuminoïdes........... VI _ Actior antiseptique de l'acide formique..... Ron VI —#% Coagulation du sulfate de quinine........::........ VI —oWSurlésiphosphates du lait: PU PRE ER VIL — Roleprotectenr/desimicrobes FOR POP ER CPR RE VII 42 NelliSSeMAaNt des NINSAMINRE TVA ANR CRAN EEE VII — à Coasulation de albuminc,e TN ER EELE VII — Fermentations et combustions solaires.............. VII —MMUne-leitre’ausujet:de lnstitut Pasteur #2". VII —— Dosage fdes acides volatils-47 "72 MERE RS IX —- Dosage tes AICO6|S 2 REA ARE RER NE IX _ LOUIS PAST COTE PEER RE ER PAR IX — Sur la nutrition intracellulaire............"........ IX —— Évolution. des corpaschlest};"\ CREER RER IX * ftudes sur action solaires ce UN PRE UE re X — SuL ed ait'eon Tele RS PEN EE Re "2 x — Lettre 4 MA Gautier MUR SUP RSS pes RTE \ Duczoux. Voir Lorr. : DunscamaANN. Charbon symptomatique............... À ASE HAE VII Erronr. Études surgle levain lactique......................... X Ercerts DE HAAN. Vaccine et rétFovaccine...........:..:.:..... X Everarp, Massart et DEemoor. Leucocyles dans l'infection ...... VII Forxé. Essences de niaouli et de cajeput..... I ER VII Gagrircaewsky. Leucocytes dans la diphtérie.......... VAR RENTE — Sérothérapic de la fièvre récurrente... .....:.. X Gavwrier (A)Betire/à M. Duclauxe Ce OR Se X GESsARD,, Fonction fluorescigène des microbes................ GoLpsmirH. Épidémie derage à Madère...................... GRaMaTcnKorr. Action d'extraits de thymus et de testicules sur le Chan ANR ASONE SRE SENS GrimBerr. Étude du bacillus orthobutylicus. . 8 ............... nnRbicile: de Friediinders. 2:08. ec CPL ee — Bacille de” Friedländer........:1.1.0 ANT LR lAWEIN. Immunisation par les vaccins anticholériques vivants... Issagrr. Immunité contre le pneumocoque................... Iwanow. Acides volatils produits par la bactéridie........... Kayser. Étude sur les levures de vin................... pe — Études sur la fermentation lactique. .............:. — : Étude sur les levures de vin...............1....... = D Habticat ant denvins DOTE TM UE ME NET ue ee KaoupaBacaran. Acide formique dans les raisins et les vins... KzeckI (de). Péritonite d’origine intestinale................. — Nouveau microbe de l’intestin...................... LAURENT. Voir SCHLOESING. LecLaincHe et Monrané. Morve ‘pulmonaire.”................. _ — Maladie des palomhes.............. LeBEeLz et VEsEsco. Guérison d’un cas de rage............... Le Danrec (F). Symbiose des algues et des protozoaires....... Le Daxrec (D'). Poison des flèches des Nouvelles-Hébrides..... LEMONE. Angines non diphtériques....:.:..:.,....::..,.., —— Voir VAILLARD. LepiERRE. Fonction fluorescigène des microbes............... LESsAGE et Macaicne. Choléra en 1892............ NET OR HaweNseGMiérobe de-lozene Mer RU Re: orme Station antirabique à Tünis:529.9#. Mis EE ls 21 Loir et Duccoux. Diphtérie aviaire en Tunisie................. Lucer. Nouvelle maladie septique du lapin.................,. —--"Ostécarthritedes jeunes oies... .5,%, 40" 44e. Mazvoz. Voir Dacxe. : ; RTE ME TEE 194 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ManN--Antiseptiques'et. levure ete: L'OAICOCIR EREOA MeRCHOUX Sérum anticharLONNEUX UP TN EURE TERMES — Les:toxines et J'OlRCOCE PE... EE ERA AMEAAE ES Marmorex. Streptocoque et sérum antistgeptococcique.......... — Lraïtement de assCarlatine 1.1.0 Eee MarrTix. Examen de deux cents diphtériques.................. — Voir Roux et CHAILLoU. Massarr.Chimiotaxie des#leucocytes 21... 0. UNLRR EEE Menarn. Voir BÉCLÈRE. MeNEREUL Can prène SeDHMUE. 22 Es ce me elite ae be MEsng. Résistance des vertébrés inférieurs.............4:...... Mécanisme del immuniter ; 27472 HA LA ENCe) LE Mercanixorr. Atrophie des muscles pendant la transformation és DALTACIENS 745 AC CAN EN AP ARRET Re TeR — Note sur le mémoire de M. Soudakewitch........ — Immunité des lapins vaccinés contre le hog-choléra. _— Recherches sur le choléra, 1° mémoire......... # _ _ —,,,:98 mémoire 1.737148 _ — — ge. MÉMOIre:- TURN _ — —\." 24e :mémoire.. 1.320012 = État actuel de la question de l'immunité.......... —- Destruction extra-cellulaire des bactéries. ........ — Roux et SALIMBENI. Toxineet antitoxine cholériques. — Observations sur l’article de M. Gabritchewsky.... Momonr. Action de l'air et de la lumière sur la bactéridie...... Morax. Diplobacille d’une conjonctivite...................... Nasruxorr. Pouvoir réducteur des levures pures............... Nerter. Un cas de choléra dans la banlieue de Paris.......... Nicozce. Nouvelle méthode de coloration...................... — et Canracuzëne. L'oxychlorure de ruthénium.. #........ tr vebiMopax-tOoloration des icilse PAM AE RERR Pr > MBacile typhiquetet BCOl. 2 OP CU ENOUR — Méthode de Gram directe et modifiée. .......,..: PR — Le choléra à Constantinople depuis 1893............... — et Rerix. Pneumonie des chèvres d’Anatolie........... — Préparation de la toxine diphtérique.....:..........., — et Z1-Brv.-Bacille\pyocyanique. 2.7 CCR en Nocaro. Lymiphangite sigulant le farcin:.................,... Pawcowsky. Tuberculose des articulations.................... — et Maxsuror, Phagocytose dans l’actinomycose .... PéBé-ABacl.1coli et/bacille CypRhiques Ur nE ET —WACIdes dlactiques 1SOMErIQUES ME E RENE COR ATEN — Combustion des corps ternaires:%:...........0 62 PeTeRManN. Immunité contre le charbon...... re be SAR RTE VI VI VI VIL, VII 158 289 405 TABLE DES MATIÈRES. PraNA et GAzLt-VaLerio. Variété dé Bact. Chauvæi............. IX Porrevix. Slatistique de l’Institut Pasteur en 1891.............. VI —- STAUSUQUE der DODE 2100 TR DA M NET ER ANT VIT — Diatistiqueide 1898: 046: .: MOUSE A R EM AR fr VII — Pouvoir antiseptique de la formaldéhyde............. VHI — Slalistique de l’Institut Pasteur en 1894.............. IX — DHRÉIQUEDE RTE in ER ARENA RER DEANE X PReisz Pseudo-tuberculoses,.bacillaires. ...2..8 7... VIII BoSbeus Letter an Pasleur. "2.4, +5 MT see PAU AS VIT — et Vesesco. Vaccinations antirabiques................ IX Rapars. Voir SAUVAGEAU. Rivers types de Ch-pacilens) te MUR eee X RENON. Deux cas de tétanos traitée par le sérum............... VI Tr Dtudesunaquatre cas de choléra.:.1#. 0 M1 arr VI STE RMSA LION, Cat HP Ur ui ee neo dure VII — Absorption de l'abrine par les muqueuses.............. IX Rogser. Aldéhydes dans la fermentation alcoolique............ VIT RoGer. Atrophie musculaire progressive expérimentale........ VI RouGer. Voir VAILLARD. —# Trypanosôme des mammiféres........2............1 X Roux. (E.) et Varzzarp. Contribution à l'étude du tétanos....... VII — et MarriN. Sérothérapie de la diphtérie............... VII — Marrmix et Caaizzou. 300 cas de diphtérie traités par le SENS ARE SACS CRE RP US CAEN AS TRE VII — Voir MErTcaNixorr. Roux (G.) et Trizcar. Désinfection par la formaldéhyde........ X Russo-TravarTi. Voir DE BLasri. SaBourauD. Méthode de coloration de Lustgarlten............. VI — Tricophylies'a-dermijeproféndes 24}. re VII — Teisnéiondante de GLHDy- COR A Te A RU TEE VIT SakHaror. Simplification du diagnostic de la diphtérie......... mi ge LÉ COMPOSER MS 2 NPA A ALAN SE AE De AL VE - Hémalozoaires, des oiseaux 0 EN VII SALIMBENI. Voir METCHNIKOFF. | SANARELLI. Fièvre typhoïde expérimentale. :.................. VI — Moyens de défense. de l'organisme”. .5 3%... VII " — Biimlosie di-cHOISER AE EEE RE SR ANT AR: VII — Virus charbonneux sous la peau..........:........ VII _ Rièvre typhoïde expérimentale. .#.:...:...:.....4. VIII SA En Ne SENS CHRRCTRRER CCR AS EE RS à VIH — Yibrions'eb pathogénie Œucholéra®. 2. :4....,....2, IX SAUVAGEAU et Rapais. Sur le genre Oospora...........:....... VI ScHLoesiNG fils et LAURENT. Fixation de l’azotelibre par les plantes. VI ES er nMeREe sujet PR TR MUC TN LR A VI - Echanges gazeux entre l'air et les plantes....... VI 156 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. STAWCDO. Cellules é0sINOphlES ER 008 1,7 RARES SiLBerscHminr, Swine-plague, hog-choléra, et pneumo-entérite. . SOUDAKEWITCH. Fibres musculaires dans la trichinose.,........ — Parasitisme du cancer, 1er mémoire............ _ — _ JeMNÉMOIre,. FEU SPRONEK. Tumeurs malignes et maladies infectieuses. ......... DIÉPANOFFARICINE Et AN tITICINER AMEL... LH CS NOR TaLasescu. Voir BABES. TAmANCHErr. Vaccins phéniques de HAFFKINE,................ Tuoinor et E. CALMETTE. Typhus exanthématique.............. Trizzar. Voir Roux (G.). Tsxrinsxki (Mile). Virulence de labactéridie.:.42... 449,0. VAïciaARb-Immunitéscontre le tétanos 4, 0.0 MEN ES 7 UMÉMESSUI ORNE CLONE. LCR LES CRE — et RouGer. Contribution à l'étude du tétanos........ _ — M Étiologie duitétanos te eee et Bresson. Étuve ardesinfeclion. 2 RE —"ù Hérédité de l’immunité acquise «me ME AT — et Lemone. Désinfection par la formaldéhyde. VagpEVELDE. Itimunisation durlepin MP PATENT VAN ERMENGEN. Stérilisation des eaux par Lozone............. VaupiN. Acide citrique et phosphate de chaux du lait......... — Phosphate de chaux dissous dans le lait.............. VincenT. Association du streptocoque et du B. typhique....... —— Leéropiedide madura D)" PNR N AN ERP ee — Désinfection des matières fécales.. ......,........ — Pouneiture d'hôpital ASP AE RER AT Waraezer. Déjections dans la fièvre typhoïde.:......,...... Werico. Les globules blancs, protecteurs du sang............. == DM CDALDON EE IeN AIN RER TANS EETEER RE PS Wandiscasrn.Mictobes tacétifiants, {724 EC Ne WesBrook. Voir HANKIN. Wipaz. Voir CHANTEMESSE. — et Besancon. Myélites infectieuses expérimentales. ..... Wyssoxowicz. Vaccinations antirabiques à Charkow........... Yersin. La peste bubonique à Hong-Kong.................. — ‘CALMELLE et Borrer. Peste bubonique. .........,,..... Zri- Bey. )Vibrion cholérique añormale = see me ts — Examen d'anciennes déjections cholériques.......... 289 05 45 145 545 683 663 517 TABLE DES MATIÈRES. REVUES ET ANALYSES AgBorr. Inoculation diphtérique des vaches................... VII BAUMANN. Maturation du fromage. ..........2....4.....41. VI Browx. Diastase dissolvant la cellulose. .................. * VI Bien lrritabilité des pldntes/ »: 11.444. 0e eee VII nes Lhypéolotine nn NME MT SE X Frus. Infection tuberculeuse par le lait..4..,................ VII GERMANO et CALABRESE. Statistique de l'Institut de Naples... .... VIN JORGENSEN. Origine deS levures alcooliques................... IX BeewiEltiologierde:lardiphtérier. "24 A RARE VII RU MITA STONE UT UNS UE. Lune D ele en ee NUE Le VII —.. Action de la lumière sur les bactéries. .. 7. ....... VII MAR Suriune Sarcine mobiles: 222.002 CA CINE Je A UE VI Nexcki. Sur.les cultures mélangées. ......#.:................ VI — et SIE8ER (N.) Gaz des fentes d’albumine....... VI Okcannyok. Modifications du sang dans le choléra............. VII Pasror. Cultures du bacnletuberculeux etes 50 CURE VI Percy-FRANkLAND et Mac-GREGor. Acide sarcolactique.......... VII Prerrer. Election des aliments organiques....m............. IX Prererer- Étiologie de l’influenza. ..,/......8.....:...4... :, VII Purpie et Warer., Résolution de l'acide lactique.............. VI EME SOLE ne br ee IS A OUR n VI Rayman et KruIs. Etudes de chimie biologique................. VI SAWTCHENKO. Rôle des mouches dans le choléra............... VII SCHAFFER et DE FREUDENEICH. Bactéries dans les vins.......... VI SCHREIBER. Conditions de la formation des spores.............. X SL Avo, Procédé de coloration des cils....... PEN RE NME MNT VII — Conservation des virus dans la glycérine ............. VII SrRicxer. Etudes sur le choléra.. #...........:..:.......,:.. VII VerANUS et Azva-Moore. Maladies infectieuses du porc........ IX Werxicke. Bacille de Lœæffler et sérothérapie........ RER VII Wixocransky. Organismes de la nitrification................. VI Wyarr-Joaxson. Prise d'échantillons d’eau.................... VI 7158 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. REVUES CRITIQUES Nocarp: Diagnostic de la tuberculose". .... + 3 UNe."0.. VI Ducraux. Influence des mouvements du liquide sur la multipli- CATION ES MICTODÉS PRE PAR. CUIR SERRE TEe VI — Examen des eaux du Massachusets.........:........ VI — La désinfectionvde#imuratllés..t2..4.7 ME MRr Se VI — La différenciation des matières albuminoïdes...:..... VI — Nucléo-albumines, globulines et albumines.......... VI — SUP ICOABUlALIONER PRE EAP . le. Eure tU EE VI — Sur les fermentations de sucres divers.............. VI EB'MEYERSON, La synthéseAdesiSutres #07 0. ..0.R. nee VI DucrAwx. Sur les actionsicoagulantes "2 ..#..…e. 0" VI Mercanxorr. La théorie des alexocytes..................... VII Duczaux. Sur le mécanisme de la coagulation................. VII Mercaxorr. Les critiques de la théorie biologique de l’inflam- HATION RE EE PE TRE Te A it VE ie ee EAN IS VIL Ducraux. Sur les sucres à cinq atomes de carbone............. VIT _ Elude chimique des aliments : matières grasses. ..... VII — — — — cellmloses 0: tuae VII = Distribution de la matière organique et des microbes dans lé Sol MR ARR SRE ET ER ER Nr PRE US VIL Mercanixorr. Réponse à quelques critiques au sujet de la théorie dESiphArDCyLES RSA LAN ae ER AIR RUES LS OPA FAN PT PPS NS ALES VII Duczaux. Purification spontanée des eaux de fleuves. .... AE VIII — MÉmerSueL Es Vers ON pe UPS PEL CR AE ET VIII TRixzinskt (Mlle). Derniers travaux sur l’influenza............. VII Duczaux. Moyens d'examen des eaux potables................ VII Mercanixorr. L'état actuel de la question de l'immunité....... VII Roux. Sur lesisérums antioxiques APT CAE MEN PERE EEE VIN Ducraux. Sur la fixation de l’azote atmosphérique............. VII _ Sur l'alimentation des nouveau-nés................. VIN — De l’action de l'iode sur l'ämidon.!: : "270" : VI — SUP SACCRAPHICALION,. "ECM ET RCA NE IX — Les théories de la saccharification.................. IX — Amidons/dextrines ettmaltose: 53. PRE IX — Les laïts/stérihsés ps nas RAP DRE sut à IX =" 0Le digestibiitétdu Jaitistérilisé. . LL, P PETER" IX SILBERSCHMIDT. Sur les maladies infectieuses du porc........... IX Duczaux. Sur l'origine des levures alcooliques................ IX == Sur l'élection des aliments organiques............... IX ee Nutrition sans MIiCrGDCS SRE. EURE ERRE ET" IX — Sur les odeurs de putréfaction.................. à. > x = Pouvoir ferment et activité d’une levure............. x = Même sujet £ L2 L . TABLE DES MATIÈRES 759 Duccaux Falsification des substances alimentaires............ X 244 — Verdissement par les sels de cuivre................. X 309 — Pnomeshonide Lalrno et... 22.07 A Te ARE X 358 — ÉAreMIonsSANSAMICrOPES. :.. 1... ER X 411 — DROLE ESS DACLÉTIOS EL... à a à nutaate ot HOMME ONE X 728 TABLE ANALYTIQUE DES TOMES V À X ABRINE. Son absorption par les muqueuses, IX, 517. Am pris en ballon (analyse bactériologique), Vil, 665. — Échanges entre l'air et les plantes, VII, 28. AcipEs VOLATILS, dosage, IX, 265. — produits par la bactéridie, VI, 131. ACIDE FORMIQUE (Action antiseptique de l’), VI, 593. ACIDES LACTIQUES ISOMÉRIQUES, VI, 588 et 799: — VII, 737 et 798. ALcoozs. Dosage, IX, 575. — Purification, X, 558. ALDÉHYDES dans la fermentation alcoolique, VIT, 41. Azimenrs (Election des) organiques, IX, 854. — gras, VII, 676. — cellulo- siques, VII, 786. — Alimentation des nouveau-nés, VIII, 811. — sans microbes, IX, 896, et X, 411. — Falsification, X, 244. Ampox. Action de l’iode, VII, 863. — Saccharification, IX, 120, 214. ANTISEPTIQUE et levure, VIII, 785. — Pouvoir de la formaldéhyde, VIII, 796. AzoTe. Fixation par les plantes, VI, 65 et 824; VIIT, 728. ATROP&IE musculaire progressive expérimentale, VI, 436. BAGCILLE CHARBONNEUX dans un puits, VIII, 286. — albumoses et toxalbu- moses, VI, 633. — Acides volatils, VI, 131. — asporogène, VIII, 817. — Sa virulence, VI, 465. Bacizze p'ÉBertx produisant une ostéomyélite, X, 229. — et B, coli, VI, 512; VIII, 853. — de Friedländer, IX, 840. — pyocyanique, X, 669. BaciLzze d'une conjonctivite subaiguë, X, 337. BacizLus viripis de Lesage, X, 228. — orthobutylicus de Grimbert, VII, 353. — Coli, ses variétés, X, 242. BAcTERIUM cHAUv@æI (Variété de), IX, 258. Cancer, parasitisme, VI, 145 et 545. CELLULES ÉOSINOPHILES, IX, 289. CeLLuLose (Diastase dissolvant la), VI, 283. Caron. Bacilles charbonneux dans un puits, VII, 286. — Immunité contre le charbon, VI, 32. CHARBON SYMPTOMATIQUE, VIII, 403. CHoLéra. Propriétés cholérigènes des humeurs, IX, 507. — En 1592, VII, 47. — (Recherches sur le), VII, 403, 562 et 792; VIE, 257 et 529. — Un cas dans la banlieue de Paris, VIII, 790. — A Constantinople, X, 86. — (Quatre cas de), VI, 621. — Etiologie, VI, 693, et IX, 129. — (Modifications du sang dans le) VII, 590. — (Rôle des mouches dans le) VIT, 222. Cizs composés, VII, 550. CoLoRATION DES BAGTÉRIES, VI, 184 et 783; VII, 220, 331 et 554; IX, 666. Comsusrion des corps ternaires, X, 417. | 762 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ConraAGioN par le livre, IX, 865. CorPusCULEs du ver à soie, leur évolution, IX, 885. Cuurures mélangées, VI, 285. Désinrecrion des locaux, VII, 433. — Par le sublimé, X, 352. — Par le phénosalyl, VI, 374. — Par la formaldéhyde, X, 283 et 598. — Par l'ozone, VII, 776. — Par les essences de Niaouli et de cajeput, VII, 529. — des mu- railles, VI, 158. Diemrérie. Études, IX, 40; VIII, 449. — Associations microbiennes, X, 387. — Angines non diphtéritiques, IX. 877. — Examen de 200 cas, VI, 335. . — Simplification du diagnostic, VI, 451. — Etiologie, VIE, 349. — Sérothé- rapie, VII, 833. — Accidents post-sérothérapiques, X, 567. DipaTÉRIE AVIAIRE en Tunisie, VIIT,,599. DyseNTERIE des pays chauds, VIII, 495. Eau. Etude microbienne, VII, 689. — des rivières de l'Inde, X, 275 et 511. — Prise d'échantillons, VI, 719. — du Massachusets, VI, 58. — Purifi- cation des eaux de fleuve, VIII,117 et 178. — Eaux potables, VII, 514. ErvsipèLe. Immunisation, IX, 621. ExrrAITS ORGANIQUES. Action sur le charbon, VIII, 812. FERMENTATIONS d’albumine, VI, 63. FIÈVRE MÉDITERRANÉENNE, VII, 628. FièvRE RÉCURRENTE, Sérothérapie, X, 630. Fèvee Tyrnoipe. Etudes, VI, 721 et 755; VII, 225. — expérimentale, VIII, 193 eb 353. Fromaces. (Rôle protecteur des microbes dans les), VIF, 305. — Maturation, VII, 428. GANGRÈNE SEPTIQUE, IX, 529. HémarozoaiRes des oiseaux, VIF, 804. Immuniré.vaccinale, X, 1. — Par les vaccins anticholériques vivants, VI, 708. — Contre le pneumocoque, VII, 260. — (Mécanisme de) X, 369. — Des- truction extra-cellulaire des bactéries, IX, 433. — contre le charbon, VI, 32. — Etat actuel de la question, VIIE, 706. INFEcrION (Système nerveux dans |’), VI, 538. — Défense de la cavité buccale, X, 545. , INFLUENZA. Etiologie, VII, 681 et VIII, 187. INTESTIN. Pénétration des microbes, IX, 199. — Péritonite d'origine intestinale, IX, 710. — Nouveau microbe de l'intestin, IX, 735. IRRITABILITÉ des plantes, VIII, 350. Larr (Phosphates du), VII, 2. — Lait congelé, X, 393. — Colostral, IX, 506. — Stérilisé, IX, 281, 352. Levures de vin, VI, 569; X, 51; X, 598. — chinoise, VI, 604 — Leur |: | TABLE DES MATIÈRES. 763 origine, IX, 776. — Etudes biologiques, VI, 381. — Pouvoir feument et activité, X, 119 et 177. — (Pouvoir réducteur des), IX, 766. LEVURES et ANTISEPTIQUES, VIII, 785. LEVURE LAGTIQUE, VIII, 737 ; X, 524. LUMIÈRE SOLAIRE, VII, 751; X, 129. — Action sur la bactéridie, VI, 21 et VIE, #50. — Sur les plantes, VII, 350, . LyMPraANGrre simulant le farcin morveux, X, 609. » Marapi DES PALOMBES, VIIT, 490. — septique du lapin, VI, 558. MATIÈRES ALBUMINOIDES, différenciation, VI, 1993 274,369, 584 et 657; VIE, 57 et 641. | Microses (Influence des mouvements du liquide sur la multiplication des) VE, 55. — Leur distribution dans le sol, VII, 823. Microges, fonction fluorescigène, VI, 801; IX, 643. MICROSPORON FURFUR, VIH, 218. - Morve pulmonaire. VII, 481. 2 NirRiFicAtTION, organismes, VI, 459. Nurpariox intra-cellulaire, IX, 811. Oospora, VI, 242. OSTÉO-ARTHRITE des jeunes oies, VI, 841. OsTÉOMYÉLITE produite par le bacille d'Eberth, X, 229. OZÈNE (microbe de l’), VHFE, 292. . Paxarisides pècheurs, VIIE, 152. PaaGocyrose, VI, # et 289; VII, 342; VIII, 58, 465, 706 ; X, 104. — dans la diphtérie, VII, 675. — Chimiotaxie des leucocytes, VI, 321, — Résistance des vertébrés inférieurs, IX, 301. — dans l’actinomycose, VIS, 544. PNEUMONIE des chèvres d’Anatolie, X, 321. Poison des flèches des Nouvelles-Hébrides, VI, 851. Porc (maladies du), IX, 65 et 671. PourRiTure d'hôpital, X, 660. PurréFACTION (sur les odeurs de), X, 59. Race. Lésions histologiques, VI, 209 ; IX, 625. — Etudes, VII, 435. — Virus naturel renforcé, X, 97. — chez le chat, VIII, 338. — Epidémie à Madère, VIE, 54. = (Guérison d’uncas de), IX, 892. — Vaccinations, IX, 210. Race, Statistiques : Jassy, VITE, 446. — Odessa, VII, 78. — Naples, VIIE, 867. — Palerme, X, 238.— Tunis, VII, 346. — Turin, IX,.771.— Paris, VI, 453; VIE, 335; VIIL, 166; IXe 524; X, 94. s " RiGiNE et ANTIRICINE, X, 663. . SACCHAROMYCOSE humaine, X, 448. SARCINE mobile, VI, 286. SCARLATINE, traitement par le sérum Marmorek, X, 47. SÉROTHÉRAPIE. Leucocytes et sérum chez les vaccinés, IX, 462. — Mode : ? 164 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. d'action. des sérums préventifs, X, 193. — de la ou récurrente, X, 630 et 654. — Sérum anticharbonneux, IX, 785. — Sérum antistréptococcique, IX, 593 et X, 47: — Sérum antitétanique, VI, 23. — de la Rene VIN, 609 et 640. — Sérums antitoxiques, VIII, 722. SrorEs, conditions de formation, X, 672. __ Sucres (fermentation des divers), VI#651. — Synthèse, VI, 785. — Con- stitution, VII, 423. STÉRILISATION du catgüt, VIII, 170. SWINE*PLAGUE, hog-choléra et pneumo-entérite, IX, 65. « SymBiose des algues et des protozoaires, NII: 190. Teiexe tondante de Gruby, VIIT, 83. TérTanos, VII, 64. — Traitement par le sérum, VI, 23.” THYRÉOTOXINE, X, 127. ToxiE anticharbonneuse, IX, 533. — et dlectricité, X, 468. — et anti- toxine cholériques, X, 257. — ten nne) X, 333. de TRicHiNosE (fibres musculaires dans la), VI, 13, # TricoPayrie à dermite profonde, VII, 497. TuseRcULosE des articulations, VI. 416. — pulmonaire, VII, 593. — rénale, VIII, 65. — Pseudo-bacillaire, VII, 2351. — Infection par le lait, VI, 796. — Culture du bacille, VI, 287. — Diagnostic, VI, 44. Tumeurs malignes ét maladies infectieuses, VI, 683. + “ Typaus exanthématique, VI, 39. : Vaccin du charbon et du rouget, VIH, 160. — Phéniqués contre le cho- léra, VI, 743. +. Vacane et rétrovaccine, X, 169. . Veniss du naja tripudians, VI, 160. — des serpents, VIIT, 275. — Toxines et sérums anti-toxiques, IX, 225. * VERDISSEMENT par le cuivre, X, 309. VIBRION SEPTIQUE, IX, 479, s F : Vins (levures de), X, 598, — (Vieillissement des), VIH, 537. — Vins man- nités, VIII, 108, — d'orge, X, 346. — (Acide formique dans les), VI, 600, — (Bactéries dans les), VI, 462. ‘ Virus (Adaptation aux). VII, 328. — Leur conservation dans la giycérine, VII, 221. à * * re ue ii vas diotesens titirinriolele . 'isrépels HIER | | ARTE : sh! 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